Résumé
Aisle 24: dépanneurs sans commis pour emplettes même la nuit
Par Pascale Lévesque, Le Soleil
4 janvier 2025 à 04h00|
Mis à jour le4 janvier 2025 à 07h42
2
Benoît Marois est fier de montrer les produits locaux qu’il a su faire approuver par le bureau chef ontarien pour vendre dans son Marché Aisle 24 du boulevard Laurier à Québec. (Pascale Lévesque/Le Soleil)
Faire ses emplettes 24 heures sur 24 dans une épicerie sans employés? Les résidents de la Vieille-Capitale auront bientôt deux lieux pour le faire au Marché Aisle 24, alors qu’Ottawa, Toronto, Montréal et même le Labrador en profitent déjà.
Situé sur la rue Saint-Jean, au coin de la rue Salabery dans le Faubourg Saint-Jean-Baptiste, le nouveau Marché Aisle 24 verra le jour d’ici mars. Un concept de commerce sans contact que même ni Doc Emmett Brown ni Marty McFly n’ont imaginé dans l’avenir utopique de Retour vers le futur.
Déjà installé à Québec depuis le printemps 2023, dans le complexe résidentiel MU, boulevard Laurier, cet hybride entre dépanneur et épicerie fonctionne sans personnel sur place. Vous n’y verrez personne, sauf peut-être le franchisé Benoît Marois, qui s’y rend deux à trois fois par semaine pour remplir les tablettes.
Le gars de Granby amoureux de Québec a été le premier à signer avec la jeune bannière dans la région de la Capitale-Nationale. «J’aimais le type de business où je n’ai pas besoin de gérer de monde, explique-t-il lorsque Le Soleil le rencontre au milieu de ses allées soigneusement rangées. Puis c’est 24 heures sur 24. Pas besoin de trouver d’employés pour la nuit… J’ai vraiment aimé le concept, ça fait que je l’ai acheté!»
«Toujours ouvert» promet le slogan du marché inauguré à Québec au printemps 2023. Sans caissier, sans commis, et sans gardien de nuit, le Marché Aisle 24 a plu à ses franchisés qui ne souhaitaient pas se casser la tête à trouver des employés de nuit. (Pascale Lévesque/Le Soleil)
Contrôle d’accès futuriste
Même pour l’entrée, pas besoin de commis: un code QR sur la porte permet de télécharger une application avec reconnaissance faciale, à laquelle il faut s’inscrire pour déverrouiller l’accès.
À l’intérieur, les étagères et réfrigérateurs regorgent de produits locaux — comme les noix Prana, les mocktails Cherry River, ou les pizzas Le Gaulois — ainsi que de marques populaires comme Coke, Pepsi, Frito-Lay. On y trouve de tout pour se dépanner.
Il suffit de remplir son panier, de scanner soi-même ses articles à la caisse autonome et de partir.
Le concept est simple: un code QR affiché sur la devanture envoie au téléchargement de l’application. Une fois son profil enregistré, le client peut déverrouiller la porte et commencer ses emplettes. (Pascale Lévesque/Le Soleil)
Une septième boutique au Québec
«Le nouveau magasin sur Saint-Jean sera la septième franchise au Québec, et ça fonctionne plutôt bien. Évidemment, la population est encore peu familière avec l’existence et le fonctionnement du concept. Mais ceux qui l’adoptent l’adorent!» souligne Jessika Venne, qui elle-même s’est lancée dans l’aventure avec son conjoint Daniel Lambert en 2021 en ouvrant un de ces marchés dans le quartier Griffintown à Montréal.
Le couple de pilotes d’avion cloué au sol par la pandémie se cherchait un revenu d’appoint à la mesure de leurs disponibilités quand il est tombé sur le concept imaginé en 2016 par les Torontois John Douang et Marie Young.
«Au début, c’était vraiment comme une grosse machine distributrice, raconte Jessika Venne. Mais ça s’est raffiné, et c’est devenu un hybride entre un dépanneur et une épicerie, avec de plus en plus de produits frais. Ils rêvaient d’expansion et compte tenu de la barrière de la langue et des particularités québécoises en matière de franchise, ils nous ont confié le rôle de maîtres-franchiseurs pour le Québec.»
Pour Jessika Venne, maître-franchiseure de la chaine Aisle 24 au Québec, l’inventaire des marchés doit permettre de concocter un souper «qui a de l’allure» pour des beaux-parents qui s’invitent à la dernière minute, à n’importe quelle heure. (Pascale Lévesque/Le Soleil)
Amazon et Couche-Tard explorent aussi le créneau
Le concept Aisle 24 s’est développé en parallèle de celui d’Amazon GO qui a, lui aussi, germé en 2016. Déployées aux États-Unis et au Royaume-Uni au nombre de 17 et 20 respectivement, ces adresses actuelles utilisent une technologie différente et plus poussée — le client n’a pas à passer à une caisse, même libre-service ― mais a connu des ratés, ce qui a forcé le géant américain à réviser sa façon de faire. Des magasins ont aussi fermé depuis leur ouverture.
Chez nous, en 2021, le fleuron Couche-Tard, en partenariat avec l’Université McGill et l’École Bensadoun de commerce au détail a aussi commencé à tester un magasin autonome sur ses clients montréalais.
Bref, d’où l’importance pour Jessika Venne de déployer avec prudence ces épiceries du futur, en s’appuyant sur beaucoup de données.
«À Québec, après s’être entendu avec notre nouveau franchisé Christopher [Mahlberg], il nous a fallu un an de travail avec notre agent immobilier commercial pour dénicher le bon lieu, explique-t-elle. Tout dépend de l’étude de marché et de deux variables en particulier; la densité de population et la moyenne d’âge. Nous visons principalement une clientèle plus jeune, généralement plus à l’aise avec les nouvelles technologies et ouverte aux changements.»
L’ouverture du deuxième magasin du Marché Aisle 24 de la région de Québec est prévu au mois de mars dans le quartier Saint-Jean-Baptiste. Il sera le 7e dans la province. (Pascale Lévesque/Le Soleil)
L’ultime commerce de proximité
Même si le concept du Marché Aisle 24 est facilement adopté par une jeune clientèle, surtout le soir après 22 heures, Benoît Marois se réjouit de voir, lui, des clients de tous les âges à son magasin du boulevard Laurier.
«Beaucoup de clients sont des résidents du MU, dit-il. Je n’ai pas fait beaucoup de publicité, parce que je voulais d’abord être fier de mon inventaire, avoir des produits d’ici. Parce que la clé, c’est aussi les produits qu’on vend.»
Si Sobeys est le grossiste-logisticien de Aisle 24, les franchisés comme Benoît sont encouragés par le bureau chef à leur soumettre des produits locaux pour les ajouter à leur offre.
«En fait, il faut que le gars qui apprend à la dernière minute que ses beaux-parents viennent souper, puisse trouver chez nous le nécessaire pour faire un repas qui a de l’allure», illustre Jessika Venne.
La technologie du détaillant permet de monitorer et suivre à la trace les achats des clients, mais pour comprendre ses besoins, rien ne vaut une discussion entre deux rangées.
«Je trouvais que la nourriture César pour chien ne sortait pas beaucoup, mais aussitôt que je l’ai retiré des tablettes, un monsieur de l’édifice m’a apostrophé», relate Benoît Marois qui a même griffonné son courriel, à la main, sur un carton affiché entre les deux caisses autonomes, pour encourager les clients à le contacter en cas de besoin ou de pépin!
Chaque franchisé peut faire des demandes afin que soient listés des produits qui pourraient plaire spécifiquement à sa clientèle. Benoit Marois peut donc vendre les noix de la compagnie québécoise Prana. (Pascale Lévesque/Le Soleil)
Loin d’un bar ouvert pour les voleurs
Gare aux coquins qui pourraient se dire qu’un dépanneur sans commis est une invitation au vol. «Les voleurs vont toujours exister, mais le modèle de Aisle 24 leur fait la vie dure, assure Jessika Venne. D’abord, il n’y pas de caisse avec de l’argent liquide qui invite au vol. Ensuite, si quelqu’un tente de partir sans payer, même la nuit, il sera retracé parce que pour entrer il doit s’identifier et les items seront facturés à sa carte de crédit validée lors de son inscription en vertu des termes de l’abonnement.»
Tout ça en plus des nombreuses caméras installées partout en boutique.
Jessica Venne s’avance à dire qu’à son marché de Griffintown, elle récupère environ 90 % de ce qui est volé grâce à cet arsenal technologique. À Québec, Benoît Marois aime s’en servir pour contacter directement les clients «distraits» et privilégier la discussion.
Une fois les emplettes terminées, comme le démontre ici le franchisé Benoît Marois, il faut passer à la caisse libre-service qui est surplombée d’une caméra de surveillance. (Pascale Lévesque/Le Soleil)
Objectif 2025: doubler le nombre de marchés
«Aisle 24 compte actuellement 36 magasins à travers le pays dont les deux tiers se trouvent au Ontario, fait savoir Kyle Lin, le directeur du marketing de la chaîne. Le Québec est notre deuxième plus grand marché.»
Le groupe envisage de doubler sa présence au pays en ajoutant vingt à trente nouvelles adresses en 2025: la Colombie-Britannique et les Maritimes sont dans la mire, alors qu’un magasin à Gatineau verra le jour dans les prochaines semaines, confirme Jessica Venne qui sonde le potentiel de toutes les régions du Québec.
Une solution aux déserts alimentaires?
D’ailleurs, à travers ce déploiement, Aisle 24 pourrait s’avérer une solution aux défis entourant l’offre alimentaire en région éloignée. L’ouverture d’un nouveau magasin de 6000 pieds carrés à Labrador City, il y a trois semaines, et le succès immédiat qu’a connu sa formule hybride — avec de la viande et des aliments frais qui s’ajoutent aux produits de commodité ― pourrait changer la donne.
«Compte tenu de cet engouement au Labrador, nous envisageons d’ouvrir d’autres magasins hybrides de plus grand format dans des marchés éloignés, soulève le directeur du marketing. Nous testerons également des innovations passionnantes en magasin cette année.»
Si en région éloignée ce sont les produits frais qui complètent l’offre, à Québec, Benoît Marois est bien content que la compagnie envisage d’installer des distributrices d’alcool et même de produits de vapotage prochainement.