Montréal - Politique municipale

Le retour d’une mairesse ou d’un maire d’arrondissement et l’abolition des conseillères et conseillers désignés pour Ville-Marie ?

Montréal lance une consultation sur la gouvernance de Ville-Marie


Jacques Nadeau, Archives Le Devoir
Depuis 2009, le poste de maire de Ville-Marie est de facto occupé par la personne élue à la mairie de Montréal, qui désigne aussi deux conseillers pour siéger au conseil d’arrondissement. Cette formule a été dénoncée à de nombreuses reprises au fil des ans par des citoyens qui y voient un déficit démocratique.

Jeanne Corriveau
22 h 29
Politique

Montréal souhaite entendre la population sur la gouvernance de l’arrondissement Ville-Marie d’ici la fin du mois de mars. Un des scénarios qui sera soumis à la consultation propose l’élection au suffrage universel du maire de l’arrondissement, en plus de l’abolition des postes de conseillers désignés au profit de conseillers élus par les citoyens du centre-ville.

Depuis 2009, le poste de maire de l’arrondissement de Ville-Marie est de facto occupé par la personne élue à la mairie de Montréal, qui désigne aussi deux conseillers pour siéger au conseil d’arrondissement. Cette formule a été dénoncée à de nombreuses reprises au fil des ans par des citoyens de l’arrondissement qui jugeaient inacceptable le déficit démocratique dont ils étaient victimes.

Ce modèle avait été adopté en 2008, après que l’ex-maire Gérald Tremblay eut demandé à Québec des modifications législatives afin d’assurer au maire de Montréal le contrôle sur cet arrondissement stratégique. Alors maire de Ville-Marie, Benoit Labonté venait de claquer la porte d’Union Montréal, tout comme le conseiller Karim Boulos, faisant ainsi perdre au maire Tremblay sa majorité dans Ville-Marie. Québec avait exaucé le voeu du maire. À compter de 2009, à la suite de sa réélection à la mairie de Montréal, Gérald Tremblay dirigeait désormais la mairie de Ville-Marie, comme l’ont fait par la suite Denis Coderre et Valérie Plante.

Dès 2017, Projet Montréal promettait dans son programme électoral d’exiger du gouvernement du Québec qu’il corrige « l’iniquité que subissent les citoyens de l’arrondissement de Ville-Marie ». En novembre 2021, l’administration Plante a donc confié à un comité d’experts, parmi lesquels l’ancienne ministre péquiste Louise Harel, la professeure de l’Université de Montréal, Laurence Bherer, et le directeur général de la Société de développement commercial du centre-ville, Glenn Castanheira, la mission de se pencher sur le dossier et de proposer des solutions.

Les scénarios

Le comité d’experts a élaboré trois scénarios qui ont pour point commun de remplacer les deux postes de conseillers de ville désignés par le maire de Montréal par trois postes de conseillers d’arrondissement élus et qui ne siégeraient pas au conseil municipal de Montréal. Ainsi, chaque district de l’arrondissement compterait deux conseillers élus localement au lieu d’un.

  • Scénario 1 : La double fonction de maire de Montréal et maire de Ville-Marie serait conservée. Cette formule permettrait de maintenir une « efficacité administrative » et une « harmonie » entre la Ville et cet arrondissement stratégique. Cette proposition n’augmenterait cependant pas la légitimité du poste de maire d’arrondissement et ne satisferait pas les critiques nombreuses, précisent les documents de la Ville.

  • Scénario 2 : La double fonction de maire de Montréal et maire de Ville-Marie serait maintenue, mais un maire d’arrondissement serait désigné parmi les conseillers élus pour s’occuper de la gestion quotidienne de l’arrondissement. Cette formule aurait pour avantage de maintenir une « relative harmonie » entre la Ville et l’arrondissement, mais risquerait d’alourdir la structure administrative et la prise de décisions, souligne-t-on.

  • Scénario 3 : Le maire de l’arrondissement serait élu au suffrage universel par les électeurs de Ville-Marie, ce qui répondrait au souhait d’une plus grande légitimité de ce poste et assurerait un meilleur accès au maire de l’arrondissement demandé par les citoyens. Ce scénario risquerait cependant de faire revivre la situation acrimonieuse d’avant 2009, de nuire au développement du centre-ville et de miner l’efficacité actuelle de la gouvernance, fait-on valoir.

Consultation

Les trois scénarios seront soumis à la consultation par l’Institut du Nouveau Monde (INM) au cours du mois de mars avec des ateliers de discussion, l’un avec les citoyens le 18 mars et l’autre avec les groupes socio-économiques et associations le 23 mars. Les citoyens pourront aussi se prononcer en répondant à un questionnaire en ligne sur la plateforme Réalisons Montréal.

« On souhaite entendre la population. L’objectif, c’est d’y aller à l’inverse de ce qui s’est fait à une certaine époque », a expliqué au Devoir le conseiller du district de Saint-Jacques et responsable du dossier de la démocratie au comité exécutif, Robert Beaudry . « On veut que ce soit une démarche indépendante, non partisane, qui mette au jeu les trois scénarios. »

La consultation ne se limitera pas uniquement aux trois scénarios, puisque les citoyens seront invités à soumettre leurs propres propositions et que celles-ci seront prises en considération, assure M. Beaudry.

L’INM déposera un rapport à la suite des consultations. L’administration Plante retiendra un scénario qui sera soumis au gouvernement du Québec, puisqu’un changement à la gouvernance de Ville-Marie nécessitera un amendement à la Charte de la Ville de Montréal. Robert Beaudry souligne que si le gouvernement acquiesce à la demande de la Ville, les changements pourraient entrer en vigueur lors des élections municipales de 2025. L’élu s’est toutefois gardé de privilégier une option parmi celles proposées.

La formule du colistier

Professeur invité à l’École nationale d’administration publique et ancien ministre provincial, Rémy Trudel croit que le statu quo n’est pas possible. Selon lui, le fait qu’une même personne occupe à la fois le poste de maire de la ville et de maire de l’arrondissement de Ville-Marie peut créer certains conflits. Mais plus encore, le cumul de tâches peut être problématique puisque le maire de Montréal est déjà président du conseil d’agglomération, président de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), en plus de siéger au conseil d’administration de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM). « On ne peut pas se diviser en 24. Ça fait en sorte que les intérêts de la partie commerciale et citoyenne de Ville-Marie sont à risque de négligence », avance-t-il.

Selon lui, il ne faut pas rejeter l’option d’un maire d’arrondissement désigné. Il suggère qu’une formule s’apparentant à celle d’un colistier soit appliquée. Ainsi, lors des élections municipales, les électeurs sauraient qui pourrait occuper la fonction de maire d’arrondissement de Ville-Marie. « Les citoyens de l’ensemble de la ville pourraient se prononcer aussi. Je trouve que ça donnerait une légitimité supérieure au premier magistrat de l’arrondissement. »

La Table de quartier Peter-McGill se réjouit de la tenue des consultations, bien qu’elles aient été longues à venir. Chargée de projet en urbanisme participatif, Maryse Chapdelaine juge toutefois que tenir une seule séance de consultation pour les citoyens est bien insuffisant. « C’est dommage. On aurait dû avoir une consultation par district », dit-elle. « C’est ironique parce qu’on parle de consultation citoyenne et de démocratie. »

« Il était temps que cette initiative voie le jour », estime pour sa part le chef de l’opposition à l’hôtel de ville, Aref Salem au sujet de la consultation. « Il a fallu tout un mandat à l’administration Plante pour respecter sa promesse et entamer les démarches de consultations. Nous invitons les citoyens de l’arrondissement Ville-Marie à se prononcer en grand nombre, eux qui sont les premiers concernés par la décision qui sera prise. »

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