Migration, émigration et immigration - Discussion générale

Pour moi, c'est l'évidence même [...]. C'est une question de justice sociale.
Une citation de Marc Miller, ministre fédéral de l'Immigration

Devant le “refus” du Québec “de réunir les familles plus rapidement”, M. Miller estime qu’il avait “le devoir moral de trouver une solution”, peut-on lire dans une lettre qu’il a envoyée dimanche à son homologue québécoise et dont Radio-Canada a obtenu copie.

Résumé

Ottawa menace de dépasser le seuil d’immigration du Québec en regroupement familial

Le ministre Marc Miller en conférence de presse.

Le ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller, est prêt à agir à l’encontre de la volonté du gouvernement Legault en matière de regroupements familiaux. (Photo d’archives)

Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick

Publié à 4 h 00 HNE

Fini les avertissements : Ottawa passe à l’action dans le dossier des regroupements familiaux, quitte à froisser le gouvernement Legault. Radio-Canada a appris que le ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller, vient d’autoriser ses fonctionnaires à dépasser les seuils d’immigration fixés par Québec, qui créent « un drame humanitaire », selon lui.

Ça fait plusieurs mois, depuis que je parle à Mme Fréchette [la ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration du Québec], que je la supplie d’augmenter les niveaux pour la catégorie de la réunification familiale, explique M. Miller en entrevue.

On parle de gens qui sont soit des époux, des épouses, des parents, des grands-parents, qui attendent sans gain de cause au Québec pour venir rejoindre leur famille. Il y a un volet humanitaire dans cette décision!

Pour moi, c’est l’évidence même […]. C’est une question de justice sociale.

Une citation de Marc Miller, ministre fédéral de l’Immigration

Devant le refus du Québec de réunir les familles plus rapidement, M. Miller estime qu’il avait le devoir moral de trouver une solution, peut-on lire dans une lettre qu’il a envoyée dimanche à son homologue québécoise et dont Radio-Canada a obtenu copie.

Il opte donc pour la méthode dure et agit contre la volonté de la province.

J’ai décidé de donner l’instruction à mon ministère de traiter les demandes de résidence permanente des demandeurs du regroupement familial ayant reçu un CSQ (Certificat de sélection du Québec) émis par votre ministère, soit l’équivalent d’environ 20 500 demandes en date du 31 janvier 2024, écrit M. Miller dans sa missive.

Ces personnes recevront ainsi la résidence permanente de manière prioritaire puisqu’elles attendent déjà depuis longtemps l’enclenchement de leur processus de regroupement familial au Québec.

Et si le Québec continue d’accorder des CSQ dans la catégorie du regroupement familial, ce qui perpétuerait le problème des dossiers en attente, Ottawa promet de traiter ces dossiers et d’accorder la résidence permanente aux demandeurs dans les délais usuels, quitte à surpasser les paliers qui sont établis par le gouvernement Legault, menace le ministre Miller.

Un seuil artificiellement bas

Cette décision soulagera certainement les nombreuses familles qui souffrent actuellement d’être séparées au Québec.

Elle risque cependant de provoquer la colère du gouvernement Legault, qui fait déjà l’objet d’une poursuite en Cour supérieure, car les délais pour le regroupement familial au Québec sont perçus comme déraisonnables et même discriminatoires.

Les Québécois qui souhaitent faire immigrer un époux ou une épouse d’origine étrangère doivent en effet attendre 34 mois, comparativement à 12 mois pour les autres Canadiens.

Pour faire venir un parent ou un grand-parent d’origine étrangère, les Québécois doivent patienter en moyenne 50 mois, tandis que le délai n’est que de 24 mois pour les autres Canadiens.

Cette différence trouve son origine dans le fait que le Québec a fixé un seuil d’environ 10 000 admissions par année dans la catégorie du regroupement familial, un seuil qui est loin de répondre à la demande.

Sans dire quel serait le nombre d’admissions idéal, le ministre Miller réitère que le seuil actuel du Québec est artificiellement bas et qu’il doit impérativement être revu à la hausse. Selon lui, le Québec aurait tout à y gagner.

Je continue d’estimer que c’est un gain humanitaire, mais un gain politique pour le Québec d’avoir ces personnes qui vont rejoindre leur famille, s’épanouir au Québec.

Une citation de Marc Miller, ministre fédéral de l’Immigration

On a beaucoup de gens qui menacent de quitter le Québec pour que leurs époux, épouses, parents, grands-parents puissent les rejoindre ailleurs, rappelle M. Miller.

Le gouvernement Legault reconnaît que ses délais en matière de regroupement familial sont importants, mais il estime que son approche en matière d’immigration est équilibrée.

Les seuils actuels ont fait l’objet d’une consultation à l’Assemblée nationale en septembre dernier.

À lire aussi :

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Regroupement familial : six ans à attendre ses parents

Ottawa veut accélérer les dossiers de réunification familiale, quitte à dépasser les seuils d’immigration fixés par Québec.

De l’ingérence, selon la CAQ, mais un soulagement pour ceux qui veulent que leurs proches puissent les rejoindre au Canada.

Le reportage de Jacaudrey Charbonneau

Débat sur l’immigration Justin Trudeau et François Legault se rencontreront le 15 mars

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, ARCHIVES COLLABORATION SPECIALE

Justin Trudeau et François Legault

(Québec) Les premiers ministres François Legault et Justin Trudeau se rencontreront le 15 mars, vraisemblablement pour discuter d’immigration.

Publié à 10h49 Mis à jour à 12h02

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Patrice Bergeron La Presse Canadienne

C’est le cabinet du premier ministre à Québec qui a confirmé la rencontre mardi, ainsi qu’une autre source proche du dossier.

Le torchon brûle entre Québec et Ottawa concernant notamment l’immigration temporaire et la réunification familiale.

Le gouvernement Legault affirme que la capacité d’accueil du Québec est dépassée et qu’on n’arrive plus à fournir les services publics aux nouveaux arrivants, que ce soit en matière de francisation ou de scolarisation.

Lundi, le ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller, a fait savoir qu’il a donné instruction à ses fonctionnaires de traiter sur trois ans 20 500 dossiers en attente en matière de réunification familiale, alors que le Québec plafonne ce type d’immigration à 10 000 admissions par an.

Selon le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon, Ottawa bafoue ainsi le Québec et met en tutelle le ministère québécois de l’Immigration.

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Devant le rapport de forces défavorable du Québec, le chef péquiste demande à M. Legault d’aller au bout de l’idée qu’il avait lancée en campagne électorale en 2022, soit d’organiser un référendum sectoriel, où il serait demandé aux citoyens s’ils sont favorables au rapatriement par le Québec de tous les pouvoirs en matière d’immigration.

M. St-Pierre Plamondon a même esquissé la question qui devrait être posée aux citoyens : croyez-vous que le Québec devrait décider lui-même en ce qui a trait à la planification de l’immigration au Québec ?

La CAQ martèle que la nouvelle directive du ministre Miller est un « affront direct aux champs de compétence du Québec ». Or, de nombreux experts en droit de l’immigration ne sont pas de cet avis.

Résumé

Un affront au Québec ? Attendez un peu…

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Christine Fréchette, ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration.


Stéphanie Grammond
Stéphanie Grammond La Presse

Et vlan dans les dents ! Les négociations sur l’immigration entre Québec et Ottawa prennent des allures de combat de boxe où les deux joueurs ont oublié les règles du jeu.

Publié à 2h02 Mis à jour à 5h00

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Coincées au milieu du ring, des dizaines de milliers de familles qui ont un pied au Québec et l’autre à l’étranger vivent une attente lancinante. Des conjoints sont séparés de leur amoureux. Des parents ne peuvent pas tenir leur enfant dans leurs bras. Pendant un an, deux ans, trois ans, voire davantage… Ce n’est pas humain1.

Dimanche dernier, le ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller, a assené un crochet à son homologue québécoise, Christine Fréchette. Sans crier gare, il a annoncé qu’Ottawa était prêt à outrepasser la cible fixée par Québec pour les dossiers de réunification familiale.

Cette cible de 10 400 personnes par année ne suffit pas à la demande, ce qui a créé un goulot d’étranglement. Avec 20 500 dossiers qui refoulent, les Québécois doivent patienter 34 mois pour faire venir un conjoint de l’étranger, contre 12 mois pour les résidents des autres provinces. Cette situation est aussi déchirante qu’inéquitable.

En voulant accélérer la cadence – ce qu’il a déjà fait dans le passé, soit dit en passant –, Ottawa se donne donc le beau rôle… tout en envoyant dans les câbles le gouvernement du Québec, qu’il accuse de négocier sur la place publique.

À la fin de février, quatre ministres de la Coalition avenir Québec (CAQ) avaient fait une sortie commune pour dénoncer l’inaction du fédéral dans le dossier des demandeurs d’asile.

Les récriminations de Québec sont légitimes.

La CAQ veut qu’Ottawa répartisse mieux les demandeurs d’asile qui affluent au Québec. Malgré la fermeture du chemin Roxham, la province reçoit toujours 55 % des demandeurs, un poids démesuré pour le Québec, qui ne forme que 22 % de la population canadienne. On veut bien faire notre part. Mais pas le double.

Québec veut aussi être compensé pour l’accueil de ces demandeurs d’asile, comme c’était le cas jusqu’en 2020. Mais pour les trois dernières années, Québec calcule que les sommes fournies par le fédéral (216 millions) ne couvrent même pas le quart de ses dépenses (1,05 milliard). On est loin du compte, même si on peut s’obstiner sur les détails de la facture.

C’est dans ce contexte à haute tension que se rencontreront les premiers ministres François Legault et Justin Trudeau, pour discuter d’immigration, le 15 mars prochain.

La CAQ martèle que la nouvelle directive du ministre Miller est un « affront direct aux champs de compétence du Québec ». Or, de nombreux experts en droit de l’immigration ne sont pas de cet avis.

Si on lit bien l’Accord Canada-Québec, signé en 1991, c’est le Canada qui établit les niveaux d’immigration pour l’ensemble du pays, comme l’explique un mémoire de l’Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration (AQAADI)2. De son côté, le Québec s’engage à accueillir un nombre d’immigrants correspondant à son poids démographique, avec la possibilité de dépasser ce niveau de 5 %.

Depuis 30 ans, le Québec a été largement en dessous de la cible, laissant fondre son poids au sein du Canada, sans qu’Ottawa s’en formalise. Mais aujourd’hui, ça accroche.

En février, l’avocat Maxime Lapointe a lancé une poursuite contre la ministre Fréchette, qu’il accuse de créer des goulots d’étranglement en fixant des cibles trop basses en réunification familiale.

D’ailleurs, ce goulot d’étranglement existe aussi pour les réfugiés : quelque 36 000 dossiers, pourtant acceptés par Québec, sont artificiellement coincés dans la machine administrative, pour respecter les cibles trop faibles de Québec (7200 par an).

Bref, on leur ouvre la porte, mais on ne les laisse pas entrer. C’est une manière bien hypocrite de gérer l’immigration.

Comment sortir de l’impasse et venir à bout de ces goulots d’étranglement ?

Rapatrier tous les pouvoirs en matière d’immigration ? N’y comptez pas… à moins de faire la souveraineté. Aucun pays ne cédera les pouvoirs qui touchent des enjeux nationaux (p. ex. : sécurité, frontières, traités internationaux) qui ne peuvent être délégués à une province.

Renégocier l’Accord Canada-Québec ? Bonne chance ! Cette entente financièrement très généreuse pour le Québec fait des jaloux ailleurs au pays.

Et si Québec comme Ottawa faisaient un examen de conscience ?

La politique débridée d’augmentation de l’immigration d’Ottawa – sans planification des logements et des services nécessaires – est en train de nous mener dans une « trappe de croissance », préviennent les économistes.

Et les fameux seuils d’immigration permanente qui monopolisent l’attention ne sont qu’une partie de l’équation. Ils n’incluent pas les immigrants temporaires – souvent des travailleurs moins qualifiés – qui viennent chez nous sans garantie de pouvoir y rester.

Si Québec est sérieux quand il dit qu’il veut des « jobs payantes », il pourrait inciter les entreprises à innover et à investir dans leur productivité plutôt que de se fier à la main-d’œuvre temporaire bon marché.

Ce serait un gage de prospérité pour le Québec, qui aurait ensuite la marge de manœuvre pour réunifier les familles, sans avoir à sortir les gants de boxe avec le fédéral.

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Ne vous demandez pas pourquoi il y a des flammèches entre Ottawa et Québec à propos de l’immigration. Les objectifs poursuivis par Justin Trudeau et François Legault, qui se rencontrent ce vendredi, vont en sens contraire de ce qui avait été conclu il y a plus de 30 ans.

Résumé

Reprendre le contrôle de l’immigration débridée

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Au Canada, ce sont presque 700 000 non permanents qui se sont ajoutés l’an dernier… 20 fois plus que le flot annuel auquel on était habitué avant 2016.


Stéphanie Grammond
Stéphanie Grammond La Presse

Ne vous demandez pas pourquoi il y a des flammèches entre Ottawa et Québec à propos de l’immigration. Les objectifs poursuivis par Justin Trudeau et François Legault, qui se rencontrent ce vendredi, vont en sens contraire de ce qui avait été conclu il y a plus de 30 ans.

Publié à 0h50 Mis à jour à 5h00

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C’était en 1991. L’Accord du lac Meech pour réintégrer le Québec dans la famille canadienne venait de s’écrouler. Mais de ses ruines est né l’Accord Canada-Québec qui reprenait les grandes lignes du chapitre de Meech sur l’immigration.

Au cœur de l’entente : la fixation des cibles d’immigration. L’objectif : garantir au Québec, aux prises avec une forte dénatalité, le maintien de son poids démographique de 25 % au sein du Canada, comme le réclamait Robert Bourassa.

Cela posait un problème pratiquement insoluble. Soit Ottawa établissait sa cible nationale, forçant le Québec à prendre 25 % de ce nombre. Soit le Québec fixait sa cible provinciale, obligeant Ottawa à multiplier par quatre pour arriver à la cible canadienne.

Pour qu’aucun gouvernement ne soit à la remorque de l’autre, on s’est entendu sur l’approche des « meilleurs efforts ». Québec ferait de son mieux pour atteindre 25 % et Ottawa lui donnerait les moyens d’y arriver en fixant une cible nationale raisonnable et en accordant un généreux financement pour la francisation.

Or, Québec ne s’est jamais approché de 25 %. En ce moment, on est à seulement 14%.

Dans la province, l’immigration permanente est restée plutôt stable, passant d’environ 50 000 en 1991 à 65 000 en 2022. Pendant ce temps, elle a presque doublé au Canada, pour atteindre 470 000 personnes, avec les visées migratoires de Justin Trudeau qui placent le Québec sur la défensive.

C’est ainsi que le poids du Québec qui avait déjà baissé de 29 % à 25 % entre 1951 et 1991 a glissé à 22 % aujourd’hui, sans que personne semble trop s’en soucier.

S’il y avait un dialogue sérieux sur cet enjeu fondamental, et pas seulement sur les multiples querelles qui en découlent, on réussirait à se rejoindre à mi-chemin, avec des cibles viables et raisonnables.

Mais à quoi bon planifier l’immigration permanente si on accueille sans compter davantage d’immigrants non permanents ?

On parle d’étudiants étrangers qui gonflent les coffres des cégeps et des universités, ce qui fait l’affaire du gouvernement par la bande. On parle aussi de travailleurs temporaires, souvent peu qualifiés, qui aident les entreprises à faire face à la pénurie de main-d’œuvre. Mais au lieu de s’appuyer sur la béquille de la main-d’œuvre bon marché, les employeurs devraient investir pour rehausser leur productivité qui laisse à désirer.

Il n’est pas normal que ce soient les écoles et les employeurs qui déterminent le nombre d’immigrants, sans vue d’ensemble sur le niveau souhaitable pour la société. C’est à l’État de s’assurer que l’immigration n’est pas hors de contrôle, comme en ce moment.

En 2022-2023, le Québec a vu entrer presque 150 000 résidents non permanents… plus du double du nombre de résidents permanents.

Au Canada, ce sont presque 700 000 non permanents qui se sont ajoutés l’an dernier… 20 fois plus que le flot annuel auquel on était habitué avant 2016.

En ajoutant les résidents permanents, la population canadienne s’est accrue de 1,2 million, l’an dernier, soit 3,2 % de sa population (+2,5 % au Québec). Ce niveau est cinq fois plus élevé que la moyenne des pays de l’OCDE (+0,6 %).

Cet accroissement majeur et non planifié pèse sur la crise du logement et sur les services sociaux. Même le marché du travail ne fournit plus : le taux de chômage remonte parce que la création d’emplois n’est pas assez vigoureuse pour combler l’accroissement démographique.

De plus en plus d’économistes sonnent l’alarme. Le Canada est coincé dans un « piège démographique », prévient Stéfane Marion, à la Banque Nationale1.

La preuve ? Même si l’immigration stimule la croissance économique, le produit intérieur brut (PIB) réel (après inflation) par habitant est en baisse. Autrement dit, la tarte grossit, mais il y en a moins à manger pour chacun.

Pour assurer notre bien-être collectif, une meilleure planification de l’immigration s’impose. Autant permanente que temporaire. Autant au Québec qu’au Canada. Nous avons besoin d’une réflexion commune qui repose sur autre chose que des slogans politiques et des guerres de clocher.

François Legault rêve en couleurs quand il demande le rapatriement de tous les pouvoirs en immigration. Sachant que la réponse sera non, il affirme d’avance qu’il y a « d’autres options qui se présentent ». En voici une…

Pour reprendre le contrôle de l’immigration temporaire, il serait possible de mieux utiliser l’Accord Canada-Québec, dont l’article 22 prévoit que « le consentement du Québec est requis » avant l’admission de tout étudiant ou travailleur temporaire étranger (sauf exception).

Voilà des pouvoirs que la province pourrait utiliser, sans avoir à renégocier l’accord au complet. Pour établir ce veto, le gouvernement Legault pourrait faire appel au comité mixte, un autre outil prévu dans l’accord afin d’établir des mécanismes de collaboration.

Mais pour que ça marche, encore faut-il que chacun y mette ses « meilleurs efforts ».

1. Consultez l’étude « Le Canada est pris dans un piège démographique »

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Justement sur le plan démographique il y a cette nouvelle ce matin: Autant de morts que de naissances en 2023 au Québec

Au moment où tous les yeux sont rivés sur la hausse de l’immigration, la croissance naturelle de la population stagne. Pour la première fois de son histoire, le Québec a compté en 2023 à peu de choses près autant de naissances que de décès.

Publié le 18 mars 2023 à 1h09 Mis à jour à 5h00

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Démographie Autant de morts que de naissances en 2023 au Québec

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Avec un accroissement naturel pratiquement au neutre, c’est essentiellement par l’immigration que la population du Québec va continuer d’augmenter.

Au moment où tous les yeux sont rivés sur la hausse de l’immigration, la croissance naturelle de la population stagne. Pour la première fois de son histoire, le Québec a compté en 2023 à peu de choses près autant de naissances que de décès.

Publié à 1h09 Mis à jour à 5h00

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Nicolas Bérubé
Nicolas Bérubé La Presse

400 naissances

Le Québec a enregistré 77 950 naissances en 2023, le plus petit nombre de naissances en près de 20 ans, selon les plus récentes données de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ). Parallèlement, 77 550 décès sont survenus dans la province en 2023. C’est donc dire que l’accroissement naturel de la population a tenu à 400 naissances l’an dernier, ou tout juste plus d’un nouveau-né par jour. « On savait que l’accroissement naturel de la population était faible, mais c’est toujours un choc de voir ces données », explique Sophie Mathieu, spécialiste principale des programmes à l’Institut Vanier de la famille et autrice du nouveau livre Égalité, fécondité et maternité : le soutien aux familles au Québec.

Contexte social

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Les papas québécois sont plus impliqués dans leur rôle parental que ceux d’ailleurs au Canada, souligne Sophie Mathieu.

Si la décision d’avoir un enfant est personnelle, elle n’en est pas moins très influencée par le contexte social dans lequel évoluent les parents, note Sophie Mathieu. Elle remarque que le taux de natalité de 1,49 enregistré au Québec en 2022 est plus élevé que celui du reste Canada, qui est de 1,33. « Le Québec s’en tire mieux, car nous avons plus de congés parentaux, parce que les papas sont plus impliqués, il y a une plus grande sensibilité à la conciliation travail-famille. Avoir des enfants affecte moins le parcours de vie des femmes qu’ailleurs au Canada. Malgré tout, il faut avoir un taux de natalité de 2,1 enfants par couple pour maintenir la population, et on n’y est pas », dit-elle.

Pas une priorité

Le Québec et le Canada vivent la même tendance que les autres pays occidentaux, note Solène Lardoux, professeure agrégée au département de démographie de l’Université de Montréal. « En ce sens, ce n’est pas surprenant, même si la fin de l’accroissement naturel de la population arrive un peu plus rapidement que prévu », dit-elle. Dorénavant, c’est essentiellement par l’immigration que la population du Québec va continuer d’augmenter. Et les nouveaux arrivants ne font pas nécessairement beaucoup d’enfants non plus, note Mme Lardoux. « Leur comportement de fécondité au fil du temps ressemble à celui de la population dans son ensemble, car les nouveaux arrivants sont pris avec l’ensemble des contraintes du pays d’accueil. Les gouvernements, ça ne fait pas partie de leur priorité d’encourager l’arrivée d’un enfant, de donner de la valeur à ce projet. Ils pourraient faire des campagnes, rendre des logements plus abordables, favoriser la conciliation travail-famille, et études-familles pour les immigrants. Tout ça peut être fait. »

Perturbation de la pandémie

Sophie Mathieu remarque que la pandémie a eu un effet sur les choix de vie des gens, y compris le choix du moment pour avoir un enfant. « On a noté par exemple que les divorces ont chuté en 2020 et 2021. Ce n’est pas parce que les couples se sont mis à s’aimer plus, c’est qu’ils ne pouvaient pas divorcer. » Elle s’attend à ce que le nombre de naissances augmente légèrement en 2024 et 2025. « Avec l’inflation, l’incertitude économique, bien des gens ont peut-être juste reporté le projet d’avoir un enfant », dit-elle.

Surmortalité en 2023

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Les virus respiratoires ont alimenté la hausse des décès en 2023, alors que les aînés représentaient la majeure partie de la surmortalité observée, selon l’ISQ.

Parallèlement à la baisse des naissances, c’est une hausse de la mortalité qui précipite la fin de la croissance naturelle de la population du Québec. Le nombre de décès enregistrés en 2023 au Québec était supérieur d’environ 4000 aux prévisions de l’ISQ. Les virus respiratoires ont alimenté cette hausse des décès en 2023, alors que les aînés représentaient la majeure partie de la surmortalité observée, selon l’ISQ. Une part des décès pourrait également être liée à la crise des opioïdes qui touche principalement les personnes âgées de moins de 50 ans.

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« Dès cet automne, pour la première fois, nous élargirons le Plan des niveaux d’immigration, pour inclure à la fois les résidents temporaires et les résidents permanents », a annoncé le ministre fédéral de l’Immigration Marc Miller à Ottawa jeudi.

Selon Me Lapointe, il y a [donc] plus de 300 000 personnes aujourd’hui qui aimeraient immigrer au Québec de manière permanente, mais le seuil du Québec devrait plutôt tourner autour de 60 000 pour l’année en cours.

Ce déséquilibre entre l’offre et la demande n’a plus de sens, selon Me Lapointe, surtout dans la mesure où le gouvernement du Québec continue d’effectuer des missions de recrutement à l’étranger.

Le gouvernement devrait peut-être cesser de faire des missions de recrutement à l’étranger pendant les prochaines années […]. On recrute des travailleurs étrangers et, de l’autre côté, on se dit que la capacité d’accueil est atteinte […]. Il y a un manque de cohérence, dit-il.

Résumé

Près de 155 000 travailleurs qualifiés veulent immigrer au Québec

Une illustration montre le contour géographique du Québec et plusieurs immigrants.

De récentes données brossent un portrait très détaillé des travailleurs qualifiés qui souhaitent s’établir au Québec.

Photo : Radio-Canada

Publié à 4 h 00 HAE

Annoncée l’an dernier, la réforme des programmes d’immigration du gouvernement Legault ne semble pas freiner le désir de nombreux travailleurs qualifiés de s’établir au Québec. Près de 155 000 demandeurs sont en attente dans le portail Arrima du gouvernement, a appris Radio-Canada, et de récentes données offrent un portrait très détaillé de leur profil sociodémographique.

Plus précisément, en date du 31 janvier dernier, ce sont 154 700 travailleurs qualifiés qui avaient une déclaration d’intérêt active dans le portail Arrima, c’est-à-dire qu’ils avaient déjà formulé une demande en bonne et due forme, toujours valide, dans le but d’immigrer au Québec de manière permanente.

En ordre décroissant, les Algériens semblent les plus intéressés par le Québec (20 465 demandes d’intérêt), suivis des Camerounais (17 249), des Marocains (14 073), des Sénégalais (13 088), des Égyptiens (10 969) et des Syriens (10 395).

Suivent les Tunisiens (8284), les Ivoiriens (6148), les Français (6091), les Indiens (6038), les Togolais (2705) et les Haïtiens (2579). Viennent ensuite une longue série de pays d’origine qui ont tous généré moins de 2000 déclarations d’intérêt.

Ces données, qui proviennent d’une demande d’accès à l’information disponible sur le site web du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI), démontrent que le Québec continue d’être attrayant, selon Me Maxime Lapointe, avocat en droit de l’immigration.

Malgré la rigidité des politiques d’immigration du Québec, la demande demeure très forte.

Une citation de Me Maxime Lapointe, avocat en droit de l’immigration

Maître Maxime Lapointe au micro.

Me Maxime Lapointe, avocat en droit de l’immigration

Photo : Radio-Canada / Xavier Gagnon

L’an dernier, le gouvernement Legault avait annoncé une série de changements à venir dans ses programmes d’immigration économique.

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À compter de novembre 2024, par exemple, les travailleurs qualifiés qui déposeront une déclaration d’intérêt dans le portail Arrima devront démontrer une connaissance du français à l’oral de niveau 7 (intermédiaire) préalable à leur arrivée en sol québécois.

Des talents éventuellement écartés?

Cela étant, les données démontrent qu’à l’heure actuelle, à peine 30 000 déclarations d’intérêt actives, soit moins de 20 % du total, proviennent de travailleurs qualifiés ayant fait la démonstration de ce niveau de français.

Cette donnée a de quoi surprendre puisque la liste des pays d’origine démontre que la majorité des déclarations d’intérêt sont issues de pays francophones ou francophiles.

L’ex-directrice de la planification au MIFI, Anne Michèle Meggs, qui est d’ailleurs à l’origine de la demande d’accès à l’information qui a généré ces données, soupçonne que plusieurs demandeurs qui maîtrisent le français n’ont tout simplement pas passé le test de connaissance, peut-être en raison des coûts.

Or, lorsque le critère de connaissance préalable du français entrera en vigueur, en novembre, ces travailleurs seront-ils rejetés à tort par le système? Mme Meggs s’en inquiète, car cela priverait le Québec de talents qui répondent pourtant aux exigences linguistiques.

Il y a sûrement de très bonnes candidatures dans le bassin de personnes qui ont déclaré un intérêt qui, peut-être, seraient manquées […] si elles n’ont pas inclus le fait qu’elles ont des preuves de test.

Une citation de Anne Michèle Meggs, ancienne directrice de la planification au MIFI

Anne-Michèle Meggs dans un bureau.

Anne Michèle Meggs, ex-directrice de la planification et de la reddition de comptes au MIFI

Photo : Radio-Canada / Zoom / Capture d’écran

Au moment d’écrire ces lignes, le MIFI n’avait pas encore répondu aux questions de Radio-Canada à ce sujet.

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Des travailleurs jeunes et éduqués

Les données démontrent par ailleurs que près des deux tiers (62,8 %) des déclarations d’intérêt sont faites par de jeunes adultes âgés de 18 à 35 ans. Plus de 7 demandeurs sur 10 (71,9 %) sont des hommes.

Presque la moitié ont un diplôme universitaire, qu’il soit de premier cycle (29,5 %) ou de cycle supérieur (19 %).

Environ 1 demandeur sur 10 (9,6 %) occupe une fonction de cadre supérieur ou intermédiaire, tandis que 31,2 % ont une profession exigeant un diplôme universitaire.

Selon Mme Meggs, le Québec aurait tout intérêt à prioriser ces travailleurs dans la planification de l’immigration.

Arrima est nettement préférable pour tout le monde, pour le gouvernement, pour la société, pour les personnes immigrantes, plutôt que de passer par toutes les étapes et des années de statut temporaire, dit-elle.

Non seulement les personnes qui arrivent ont tous les droits et services dont elles ont besoin, une stabilité, et elles peuvent travailler pour qui elles veulent […], mais on peut les planifier plus facilement.

Une citation de Anne Michèle Meggs, ancienne directrice de la planification au MIFI

Me Lapointe ne partage toutefois pas son avis. Il donne en exemple les immigrants temporaires, comme les étudiants et les travailleurs étrangers, qui sont déjà au Québec, qui s’intègrent déjà et qui pourront éventuellement essayer d’immigrer en passant par le Programme de l’expérience québécoise (PEQ).

Je prioriserais quand même les gens au Québec versus des gens dans leur pays d’origine. Il y a déjà des gens au Québec qui sont sur les lignes de côté, illustre-t-il.

L’offre ne suffit pas

Par ailleurs, Me Lapointe maintient que les seuils d’immigration du Québec sont trop bas. En plus des 154 700 demandes d’intérêt actives dans Arrima, il rappelle que plus de 122 000 personnes étaient récemment en attente de leur résidence permanente dans la province.

C’est sans compter les autres immigrants temporaires actuellement au Québec, qui pourraient bientôt déposer une demande de sélection permanente.

Selon Me Lapointe, il y a [donc] plus de 300 000 personnes aujourd’hui qui aimeraient immigrer au Québec de manière permanente, mais le seuil du Québec devrait plutôt tourner autour de 60 000 pour l’année en cours.

Ce déséquilibre entre l’offre et la demande n’a plus de sens, selon Me Lapointe, surtout dans la mesure où le gouvernement du Québec continue d’effectuer des missions de recrutement à l’étranger.

Le gouvernement devrait peut-être cesser de faire des missions de recrutement à l’étranger pendant les prochaines années […]. On recrute des travailleurs étrangers et, de l’autre côté, on se dit que la capacité d’accueil est atteinte […]. Il y a un manque de cohérence, dit-il.

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une autre patente causée par l’immigration selon Drainville… :woman_facepalming:t2:

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L’immigration est le prochain Mr. Olympia

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Avec de tels délais pour l’inscription aux cours de francisation, pas certaine que les personnes immigrantes vont maîtriser le fançais 6 mois après leur arrivée au Québec…

Tout près d’un an après son lancement, Francisation Québec bat de l’aile. Au milieu du mois d’avril, la moitié des personnes s’y étant inscrites étaient toujours en attente du traitement de leur dossier.

L’organisme, lancé par le gouvernement caquiste en juin 2023, avait reçu près de 99 000 demandes d’ouverture de dossiers le 15 avril dernier, rapporte le commissaire à la langue française, Benoît Dubreuil, dans son rapport annuel déposé mercredi au Salon bleu. Au total, 48 500 (49,1 %) de ces demandeurs attendaient toujours de suivre leur premier cours.

Je trouve que c’est une très bonne nouvelle que tant de gens souhaitent apprendre le Français et s’inscrivent à des cours. Par contre, il est désolant de ne pas pouvoir subvenir à cette demande croissante. Il ne faudrait pas manquer cette occasion et échapper ces gens, ca serait dommage.

Une idée comme cela, ne serait-il pas possible de réorienter une partie du budget de l’OQLF à l’apprentissage du Français ? Disons moins d’inspecteurs et plus de professeurs.

Fuir la Côte d’Ivoire pour La Malbaie, quitter Djibouti pour Baie-Saint-Paul… Un projet-pilote aide depuis quelques mois des demandeurs d’asile à trouver un emploi dans l’industrie touristique. Plusieurs d’entre eux ont choisi de quitter Montréal pour aller travailler en région. La Presse en a rencontré deux, qui ont refait leur vie dans Charlevoix. Et qui espèrent y rester.

Résumé

Demandeurs d’asile en région Renaître dans Charlevoix

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Abdek Ismaël, directeur de nuit au Germain Charlevoix, à Baie-Saint-Paul

Fuir la Côte d’Ivoire pour La Malbaie, quitter Djibouti pour Baie-Saint-Paul… Un projet-pilote aide depuis quelques mois des demandeurs d’asile à trouver un emploi dans l’industrie touristique. Plusieurs d’entre eux ont choisi de quitter Montréal pour aller travailler en région. La Presse en a rencontré deux, qui ont refait leur vie dans Charlevoix. Et qui espèrent y rester.

Publié à 1h50 Mis à jour à 5h00

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Gabriel Béland
Gabriel Béland La Presse

(La Malbaie) « Si je n’avais pas adhéré à ce projet, est-ce que je serais en train de joncher les rues de Montréal ? »

La femme de 41 ans prend une pause. Assise dans le Manoir Richelieu, Laeticia Gnanki raconte comment elle a quitté la Côte d’Ivoire pour atterrir à La Malbaie, une ville dont elle n’avait jamais entendu parler il y a encore quelques mois.

La municipalité de Charlevoix représente maintenant tout son univers, ses collègues, « sa famille », et son emploi, l’occasion de changer sa vie.

Mme Gnanki fait partie des quelque 90 000 demandeurs d’asile au Québec. La hausse importante de leur nombre dans les dernières années met à mal la capacité de l’État québécois à livrer des services, martèle le gouvernement Legault. Beaucoup d’entre eux ont recours à l’aide sociale.

Lisez l’article « Le point sur le nombre de demandeurs d’asile au Québec »

C’est dans ce contexte que Québec finance un projet-pilote du Conseil québécois des ressources humaines en tourisme (CQRHT). Le but ? Recruter des demandeurs d’asile pour pourvoir des postes vacants dans l’industrie touristique partout au Québec.

« C’est du gagnant-gagnant. On répond à des postes en entreprise pour des gestionnaires qui cherchent de la main-d’œuvre. Et de l’autre côté, on répond à un besoin financier urgent, ces gens-là arrivent avec une envie de travailler. Ils nous disent : “Je veux un emploi et je suis motivé” », explique Marion Guignet, directrice du projet d’intégration des demandeurs d’asile en tourisme au CQRHT.

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Laeticia Gnanki

Laeticia Gnanki est arrivée au Canada en octobre dernier. « J’étais mariée depuis six ans, dans une relation avec beaucoup de violence. J’ai encore les séquelles. Je vivais l’enfer. Ma famille est modeste et la personne avec qui j’étais venait d’une famille avec un peu de pouvoir. Ma famille avait les mains liées », raconte-t-elle dans un filet de voix.

La mort de son père, dit-elle, a envenimé les choses. « Après sa mort, la violence est devenue mon quotidien. »

Elle a donc décidé de fuir son pays. Elle a atterri à Montréal. Elle tournait en rond, sans repères, jusqu’à ce qu’une personne lui parle du projet-pilote.

Je ne connais personne à Montréal, je suis venue seule. Le chagrin peut-être m’aurait emportée. Je suis un peu chrétienne, excusez… mais le Seigneur a guidé mes pas jusqu’ici. Ce projet a sauvé une vie.

Laeticia Gnanki

Le projet-pilote a permis de lui trouver un emploi au Manoir Richelieu. Elle est arrivée en autocar à La Malbaie en janvier dernier. La demandeuse d’asile occupe depuis un emploi de préposée à l’entretien ménager. Il s’agit de l’emploi pour lequel on trouve le plus de postes vacants dans l’industrie touristique.

Des chiffres encore modestes

Lancé officiellement en septembre dernier, le projet d’une durée de trois ans est financé à hauteur de 10,5 millions par Québec. Son objectif est ambitieux : aider 1000 demandeurs d’asile à trouver un emploi dans l’industrie touristique chaque année.

Le CQRHT a été inondé de candidatures : plus de 3000. Mais pour l’instant, une cinquantaine de candidats ont été placés, et quelque 250 autres sont en processus de maillage. L’organisme note toutefois que le projet gagne en « vélocité ».

Pour la cible au début, on avait une pensée magique, on se disait : on va en intégrer 1000, mais ce n’est pas si simple.

Xavier Gret, directeur général du CQRHT

Il cite notamment la pénurie de logements en région, qui peut freiner des candidats, ou le manque d’expérience de travail en tourisme de beaucoup d’entre eux. Les deux demandeurs d’asile rencontrés par La Presse dans le cadre de cet article ont bénéficié de l’aide de leur employeur pour se loger, une pratique courante dans l’industrie hôtelière. Laeticia Gnanki a récemment réussi à dénicher son propre appartement.

« Mais on pense que c’est un projet qu’il faut continuer, qu’il ne faut pas lâcher. D’autant que le gouvernement canadien vient de demander une baisse des travailleurs temporaires étrangers dans les entreprises, et de privilégier les demandeurs d’asile. On est en plein dedans. »

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Abdek Ismaël, directeur de nuit au Germain Charlevoix, Marion Guignet, directrice du projet d’intégration des demandeurs d’asile en tourisme au CQRHT, et Benoit Sirard, directeur général du Germain Charlevoix

Le papa dans la caméra

Si faire venir des travailleurs étrangers temporaires peut coûter des milliers de dollars aux employeurs, embaucher un demandeur d’asile qui détient un permis de travail est beaucoup plus simple.

« C’est venu du ciel, ce programme. C’est une occasion de plus qu’on n’avait pas avant », lance Benoit Sirard, directeur général du Germain Charlevoix, à Baie-Saint-Paul.

Le Germain, anciennement La Ferme, emploie depuis des années des travailleurs étrangers temporaires. L’hôtel a engagé un premier demandeur d’asile en septembre dernier, et l’employé a déjà obtenu une promotion depuis.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Abdek Ismaël, directeur de nuit au Germain Charlevoix

C’est à Montréal que j’ai entendu parler du programme et je leur ai dit : « Sauvez-moi de Montréal ! » Je veux aller dans une région tranquille, une région francophone surtout. Je voulais sortir de la grande ville.

Abdek Ismaël, directeur de nuit au Germain Charlevoix

Contrairement à de nombreux postulants du projet-pilote, M. Ismaël avait de l’expérience en tourisme. « À Djibouti, on avait un hôtel avec un associé. C’est l’objet de ma demande ici. C’est un hôtel qu’on a perdu au profit du gouvernement. Ça s’est très mal passé. C’est l’hôtel qui m’a valu le déplacement ici », explique l’homme de 35 ans.

Embauché comme auditeur de nuit, Abdek Ismaël a récemment été promu directeur de nuit. L’horaire nocturne fait son affaire : il lui permet d’être éveillé au meilleur moment pour appeler sa femme et ses fils de 4 et 2 ans.

« À minuit, c’est 8 h du matin pour eux. J’en profite pour leur parler, pour que les enfants voient leur père, qu’ils puissent un peu comprendre les choses, surtout le dernier. J’ai quitté le pays alors qu’il n’avait que 1 an. Il me connaît à travers la caméra, c’est tout. Pour le petit, je suis le papa dans la caméra. »

Abdek, tout comme Laeticia, en a encore pour des mois avant de savoir si sa demande d’asile sera acceptée. Le processus peut prendre des années, en tenant compte d’un éventuel appel. « Ça peut être très long, donc il faut qu’ils travaillent », note Xavier Gruet, directeur du CQRHT.

Les deux demandeurs d’asile envisagent de s’installer dans Charlevoix pour de bon. Abdek Ismaël aimerait que sa famille vienne le rejoindre à Baie-Saint-Paul. Il espère une décision favorable d’Ottawa cet été. « Je croise les doigts. »

Laeticia Gnanki, elle, dit adorer La Malbaie. Son appartement est à cinq minutes à pied de l’hôtel. « Je suis contente d’être ici, le cadre est paisible, apaisant, moi, ça me permet d’oublier beaucoup de choses. Je suis dans mon élément ici », dit-elle.

« Pour moi, c’est une nouvelle chance, une nouvelle espérance. »

En renfort dans le système de santé

Les demandeurs d’asile sont aussi mis à contribution dans le réseau de la santé. Annoncé en décembre dernier, ce projet-pilote connaît un départ plus rapide que celui dans l’industrie touristique. En date du 30 mai, 381 demandeurs d’asile avaient trouvé un emploi, soit 297 à Montréal et 84 dans la Capitale-Nationale. « Notre objectif est d’intégrer sur le marché du travail 1500 demandeurs d’asile, d’ici trois ans, dans le secteur de la santé et des services sociaux », précise le cabinet de la ministre de l’Emploi, Kateri Champagne Jourdain. « Nous sommes heureux de voir la participation suscitée par le projet jusqu’à maintenant et [nous avons bon espoir] de continuer à voir des résultats sur le terrain dans les prochains mois. » Les emplois ciblés par cette initiative sont notamment ceux de préposés aux bénéficiaires, de préposés aux services alimentaires, de préposés à l’entretien ménager, d’agents administratifs, d’auxiliaires aux services de santé et sociaux et d’aides de service.

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On les désignait autrefois comme « voleurs de jobs ». Les voilà officiellement promus au rang de « voleurs de logements ».

Résumé

100 % irresponsable

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

François Legault, au sortir de sa rencontre avec Justin Trudeau, lundi


Rima Elkouri
Rima Elkouri La Presse

On les désignait autrefois comme « voleurs de jobs ». Les voilà officiellement promus au rang de « voleurs de logements ».

Publié à 19h00

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Selon François Legault, « 100 % » du problème de logements au Québec s’explique par la hausse de l’immigration temporaire1. Une déclaration 100 % irresponsable qui fait l’économie d’une véritable réflexion sur les causes de la crise du logement et les mauvaises politiques publiques qui y ont contribué.

Devant la crise du logement, le gouvernement Legault avait d’abord adopté la stratégie du déni. Une crise ? Quelle crise ? Où ça ? semblait dire le premier ministre en 2021, talonné par la députée solidaire Manon Massé à ce sujet.

Après le déni vint la diversion. C’est vrai, il y a une crise, a-t-on fini par reconnaître. Un pas dans la bonne direction. Jusqu’à ce qu’on choisisse de désigner un coupable plutôt que de trouver des solutions. On a trouvé le bouc émissaire idéal : l’immigrant temporaire, qu’il soit étudiant, travailleur étranger ou demandeur d’asile.

Hier encore, en pleine pandémie, on l’appelait « ange gardien » et on le remerciait pour son travail essentiel. Aujourd’hui, on le démonise et on le rend responsable de tous nos maux de société.

Au gré des crises qui secouent notre société, ceux qui ont pris soin des aînés dans nos hôpitaux et nos CHSLD sont tristement passés dans le discours public du statut de héros à zéro, soulignent Me Laurence Trempe et Me Gabrielle Thiboutot dans une lettre publiée mercredi dans Dialogue, dans laquelle elles rappellent avec justesse que les mots ont un poids et viennent avec une responsabilité collective.

C’est très commode de jeter le blâme sur des « coupables » muets venus de loin. Car qu’importe les énormités que l’on dira à leur sujet, ils ne sont pas en état de répliquer. Ils ne sont pas citoyens. Ils n’ont pas le droit de vote. Ils ont un statut précaire. Ils travaillent en silence, occupant très souvent des emplois essentiels que personne d’autre ne veut faire. Ils n’ont pas droit de cité même s’ils contribuent à la société et paient des impôts. Ils sont souvent en mode survie.

Ce qui est très commode aussi lorsqu’on désigne de tels boucs émissaires, c’est que cela dispense le gouvernement de prendre ses responsabilités : se concentrer sur des solutions porteuses pour régler la crise du logement et remettre en question ses propres politiques.

Si c’est 100 % la faute des immigrants temporaires, dont les demandeurs d’asile à qui Ottawa aurait ouvert trop grand la porte, c’est donc 0 % la responsabilité de Québec. Affaire classée ! Inutile, dans un tel contexte, de mettre les bouchées doubles en matière d’offre de logements sociaux, de chercher à mieux planifier l’immigration temporaire, de voir s’il ne serait pas opportun d’interdire les locations de type Airbnb qui retirent des milliers de logements du parc locatif le temps que la crise du logement se résorbe, de veiller à ce que le logement soit d’abord et avant tout conçu par l’État comme un droit et non comme une simple marchandise.

Ce serait évidemment un leurre de prétendre qu’il n’y a aucun lien à faire entre l’immigration et la crise du logement. Les immigrants temporaires, comme toute personne, ont besoin d’un toit. Si leur nombre augmente, bien sûr que ça crée une pression additionnelle en temps de crise, surtout si les gouvernements successifs, tant à Ottawa qu’à Québec, n’ont pas investi suffisamment dans le logement social.

La stratégie de diversion du gouvernement Legault est pour le moins cynique quand on sait qu’il a lui-même ouvert grand la porte aux travailleurs étrangers temporaires afin de combler ses besoins de main-d’œuvre sans avoir à augmenter ses cibles d’immigration permanente. On parle sans cesse d’« explosion » des travailleurs temporaires, comme si c’était un phénomène inattendu, exclusivement imposé par le gouvernement Trudeau. En présentant les choses ainsi, on omet de préciser que le gouvernement Legault a lui-même choisi de favoriser l’arrivée de travailleurs temporaires au détriment d’autres catégories d’immigrants, notamment les candidats en attente de regroupement familial, qui ont pourtant déjà un logement qui les attend2.

En ce qui concerne les demandeurs d’asile, s’il est souhaitable qu’ils soient répartis équitablement entre les différentes provinces afin de s’assurer qu’ils aient, avec un soutien financier adéquat d’Ottawa, un toit et les services d’accueil dont ils ont besoin, rappelons que l’on parle ici, en dépit de la hausse des demandes, de moins de 2 % de la population québécoise.

On parle d’abord et avant tout d’êtres humains en quête de refuge, fuyant des conflits et la persécution, envers qui nous avons des obligations en vertu de la Convention de Genève. Leur faire porter le poids de crises sociales qui existaient bien avant leur arrivée au Québec est pour le moins injuste. Leur reprocher de ne pas pouvoir répondre immédiatement aux besoins du marché du travail alors qu’ils posent leurs valises ici parce que leur vie est menacée, c’est adopter une vision déshumanisante et utilitariste de l’immigration humanitaire qui en trahit la raison d’être et ne rend pas justice à la longue tradition d’accueil qui a fait la fierté du Québec depuis la Révolution tranquille.

Ce qui serait 100 % responsable à l’heure où les discours anti-immigration sont banalisés, ce serait de s’en souvenir et de ne pas jeter ce bel héritage à la poubelle.

1. Lisez « Demandeurs d’asile : Ottawa offre 750 millions à Québec »

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Sur le même sujet dans la chrconique de Michel C. Auger

Selon le premier ministre, les demandeurs d’asile et/ou les immigrants temporaires causent 50% des pénuries dans les services de garde et 33% des pénuries/problèmes dans les services de santél :roll_eyes:

Selon le premier ministre François Legault, 100 % des problèmes actuels de logement au Québec viennent des immigrants temporaires, pour la plupart des demandeurs du statut de réfugié.

Et il en rajoute : 50 % des problèmes de prestation de services en éducation viennent aussi des demandeurs du statut de réfugié et le tiers des difficultés dans le réseau de la santé viendraient de la présence de 560 000 résidents non permanents actuellement au Québec.

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Analyse de Gérald Fillion

La question de l’immigration est centrale dans le débat politique sur tous les continents. Il y a une décennie, rappelons-nous, l’Allemagne accueillait un million de migrants sur son territoire, ce qui avait provoqué un vif débat social et politique ainsi que la création d’un nouveau parti d’extrême droite, l’AfD, qui vient d’obtenir un résultat historique aux élections européennes.

Chez nous, le gouvernement Trudeau est critiqué de toutes parts pour des politiques qui ont mené à une hausse que plusieurs jugent trop rapide de l’immigration au Canada au cours des dernières années.

Il s’est ajouté 1 271 872 personnes dans la population canadienne en 2023, du jamais-vu depuis 1957. La hausse est très rapide et la capacité d’accueil — en matière de logements et de services publics — semble dépassée.

Les économistes de la Banque Nationale sonnent d’ailleurs l’alarme depuis des mois. Je vous en parlais il y a exactement un an. La croissance démographique est forte et alimente une crise du logement déjà amorcée depuis quelques années.

L’économiste en chef Stéfane Marion soulignait alors que la hausse de la population au premier trimestre de 2023 avait dépassé la croissance pour l’ensemble de l’année 2022 au Royaume-Uni, une situation intenable, selon lui.