Migration, émigration et immigration - Discussion générale

2 « J'aime »
1 « J'aime »

Le Québec accro au cheap labor

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

« Les travailleurs étrangers temporaires se sont longtemps retrouvés dans l’angle mort des débats sur l’immigration au Québec », constate notre chroniqueuse.


Isabelle Hachey
Isabelle Hachey La Presse

À ce qu’on dit, le reste du Canada vient enfin de se réveiller au sujet de l’immigration, alors que le Québec sonne l’alarme depuis des années, que dis-je, depuis des décennies.

Mis à jour hier à 6h00

Partager

Il faut pourtant admettre une chose : il y a longtemps que le Québec, comme d’autres provinces, laisse entrer des étudiants et des travailleurs étrangers temporaires à pleines portes, sans que personne n’y trouve rien à redire, parce que ça fait l’affaire de tout le monde, au fond.

Rappelez-vous le temps passé à débattre du seuil d’immigration idéal pour le Québec, lors de la dernière campagne électorale : était-ce 35 000, 60 000, ou alors 70 000 ? Les candidats s’entredéchiraient pour quelques dizaines de milliers d’immigrants permanents. Pendant ce temps-là, l’immigration temporaire, elle, augmentait de façon fulgurante, sans que cela fasse l’objet de réel débat. Désormais, le Québec compte plus de 500 000 résidents non permanents.

Et à voir l’ampleur de la couverture médiatique à ce propos, on dirait bien qu’il n’y a pas que le reste du Canada qui se réveille, ces jours-ci…

Lundi, le ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller, a annoncé l’établissement d’un plafond de deux ans pour les étudiants étrangers acceptés au pays, histoire de réduire la pression sur la demande de logements.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Étudiantes sur le campus de l’Université McGill

Il faut dire que depuis quelques années, le nombre d’étudiants étrangers a grimpé en flèche, franchissant le cap du million en 2023 (dont 117 000 au Québec).

Ah, c’est qu’ils sont bien pratiques, pour ne pas dire essentiels, ces étudiants venus d’ailleurs, pour faire fonctionner nos universités en état de sous-financement chronique. Et pour cause : ils paient des droits de scolarité cinq fois plus élevés, en moyenne, que leurs camarades de classe canadiens.

À l’échelle du pays, ça représente plusieurs milliards de dollars. L’Association des universités canadiennes a d’ailleurs prévenu la semaine dernière que l’imposition d’un plafond risquait de mener des établissements à la ruine.

Plus encore que les étudiants internationaux, les travailleurs étrangers temporaires se sont longtemps retrouvés dans l’angle mort des débats sur l’immigration au Québec. Alors que le gouvernement Legault fermait publiquement la porte à des seuils qu’il qualifiait de « suicidaires », il laissait entrer des centaines de milliers de travailleurs, discrètement, par la porte d’en arrière.

Parce que le Québec en a besoin, de ces travailleurs. Il en est carrément devenu dépendant.

C’était évident, lundi encore, dans un reportage du Journal de Montréal. « Aux quatre coins du Québec, nos entreprises à bout de souffle sont devenues accros aux travailleurs étrangers temporaires », aujourd’hui cinq fois plus nombreux qu’en 2021, pouvait-on y lire. D’un bout à l’autre de la province, les entrepreneurs interrogés étaient unanimes : ils n’ont pas le luxe de s’en passer.

Lisez l’article du Journal de Montréal

C’était encore plus évident, il y a quelques mois, dans Essentiels, un bouleversant documentaire offert sur le site de Télé-Québec. Une incursion dans la vie de ces milliers de travailleurs qui cueillent nos légumes, plument nos poulets, trient nos déchets, livrent nos marchandises, lavent nos parents…

Visionnez le documentaire Essentiels

Nos bras, comme on les appelait pendant la pandémie.

On ne s’en rend pas compte, ou enfin, pas assez, mais sans eux, c’est le cœur du Québec qui arrêterait de battre. Le secteur de l’agriculture serait entièrement paralysé. Des abattoirs, des entrepôts, des scieries, des résidences pour aînés fermeraient leurs portes…

Le documentaire de Sarah R. Champagne et Sonia Djelidi fait de durs constats : le Québec utilise ces travailleurs temporaires pour soulager une pénurie de main-d’œuvre endémique. Il les maintient dans la précarité en leur accordant des permis fermés, ce qui les rend terriblement vulnérables à l’exploitation. Il crée une sous-catégorie de travailleurs pour combler des emplois dont personne ne veut, au Québec. Tellement, que c’en est presque devenu un modèle d’affaires…

Le Conseil du patronat du Québec (CPQ) a raison de souligner que l’immigration n’est pas la seule cause de la crise du logement. Il y a d’autres facteurs, estime le CPQ, comme « le manque de productivité dans le secteur de la construction, les fluctuations économiques et les coûts de construction élevés ».

Lisez le constat du Conseil du patronat du Québec

Le CPQ fait valoir que la crise du logement frappe durement des régions éloignées comme la Gaspésie, où on ne retrouve pourtant pas la plus grande concentration d’immigrants au Québec. Pour régler la crise, il propose non pas de limiter l’immigration, essentielle à l’économie, mais de « concentrer les efforts sur la productivité de l’industrie de la construction ».

C’est sans doute une partie de la solution, mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Ces efforts ne doivent pas se limiter à l’industrie de la construction. Il faut se pencher sur la productivité de toutes les entreprises qui dépendent de plus en plus du labeur des étrangers.

Si ces entreprises avaient moins accès à cette économie parallèle, elles seraient bien forcées d’investir dans leur modernisation, en procédant par exemple à l’automatisation de leurs chaînes de production. Alors peut-être que le Québec deviendrait moins accro à ce qu’il faut bien appeler une sorte de cheap labor organisé.

Sans doute d’ici la fin de la journée, le Québec aura franchi les 9M d’habitants, selon l’horloge démographique de Stat Canada.

5 « J'aime »

Chronique de Rima Elkouri dans La Presse

En passant, je vous recommande fortement le livre Là où je me terre de Caroline Dawson pour voir l’immigration au Québec avec les yeux d’une enfant immigrante de 8 ans. Elle et moi sommes de la génération Passe-Partout; j’ai pu y faire des parallèles avec ma propre histoire d’immigration.

Là où je loge


PHOTO NINON PEDNAULT, ARCHIVES LA PRESSE
Le gouvernement Trudeau a reconnu, lundi, qu’un « tour de vis » s’impose pour freiner la hausse du nombre de demandeurs d’asile, notamment en provenance du Mexique.

RIMA ELKOURI
LA PRESSE

« [Je] me rangerai toujours du côté des humiliées. C’est là où je me terre », écrit Caroline Dawson en évoquant dans son roman l’image d’une mère réfugiée, contrainte à être femme de ménage pour gagner sa vie, à genoux en train de laver des toilettes sous les ordres polis d’un enfant dont les parents sont absents.

Publié à 1h47 Mis à jour à 5h00

Je repensais à la puissance de ce seul titre – Là où je me terre (Remue-ménage) et à la variante moins poétique que la polémique sur l’immigration et le logement m’inspire ces jours-ci alors que chacun est sommé d’expliquer où il loge dans ce débat.

Dans une cabane au Canada sans seuil ni plafond où on répond à des problèmes complexes par des solutions simplistes ?

Une forteresse où « l’importé voleur de job » d’hier est devenu l’« immigrant illégal voleur de logement » d’aujourd’hui ?

Une maison de verre dont les volets claquent sous un fort vent de populisme ?

Un château où on ouvre les portes du sous-sol à l’immigration temporaire, trop contents d’avoir de la main-d’œuvre à bas prix, sans avoir pris soin d’aménager suffisamment de chambres pour tous et de les traiter dignement ?

Une auberge espagnole à plafond bas pour étudiants étrangers ?

Personnellement, je me sens un peu sans-logis dans ce débat. Je loge à une autre époque où, pour nos dirigeants, le migrant n’était ni un épouvantail, ni une statistique, ni un problème, ni une solution, ni un levier électoral, ni une vache à lait, mais d’abord et avant tout un être humain ayant droit à la dignité.

Je sais, je sais, il faut se méfier des discours de type « c’était mieux avant… ». Le plus souvent, on embellit les souvenirs, on réécrit l’histoire, on se réfugie dans la nostalgie d’un temps qui n’a jamais vraiment existé. Mais en matière de vision de l’immigration, à certains égards du moins, ça me semble vrai.

Si on regarde par exemple la politique québécoise d’immigration de la fin des années 1970 et celle d’aujourd’hui, le contraste est frappant et quelque peu déprimant.

La chose m’a sauté aux yeux en réalisant le mois dernier un entretien avec un historien sur le legs de Jacques Couture, ministre de l’Immigration dans le gouvernement de René Lévesque, à qui on doit notamment le déploiement au Québec d’un formidable programme de parrainage collectif durant la crise des réfugiés de la mer en 1979, considéré comme l’évènement qui symbolise le mieux la Révolution tranquille[1].

Martin Pâquet, professeur au département des sciences historiques de l’Université Laval, me parlait de la conception très « kantienne » de l’immigration de Jacques Couture et de Gérald Godin, qui lui a succédé.

C’est-à-dire ? C’est-à-dire une conception des immigrants fondée sur le respect de la dignité humaine. Ils ne sont pas vus comme des objets, mais comme des sujets capables de décider par eux-mêmes, soulignait-il.

« Ce n’est pas seulement une politique comptable dans laquelle on s’intéresse à la capacité d’intégration, au fait de parler français ou pas, au fait d’avoir du capital d’investissement. Ça allait beaucoup plus loin que ça. »

Couture et Godin ne voyaient pas les immigrants uniquement comme des gens qui vont contribuer à l’essor économique ou comme des anges gardiens qui vont s’occuper de nos vieux dans les CHSLD. Au cœur de leurs politiques novatrices, les principes de solidarité humaine, de responsabilités internationales de l’État et de respect de la dignité étaient fondamentaux.

De nos jours, cette conception du rôle de l’État est éclipsée par une vision essentiellement comptable.

Vrai, le Québec, au prorata de sa population, fait plus que sa part au Canada dans l’accueil des demandeurs d’asile, et Ottawa doit rééquilibrer les choses.

Vrai, il y a une crise du logement. Vrai, les services publics sont à bout de souffle. Vrai, il est irresponsable d’ouvrir grand la porte si, passé le seuil, on réalise (oups !) que l’on a juste oublié de construire la maison et d’investir dans les services publics.

Si on ne peut nier ces enjeux bien réels, il convient aussi de ne pas tout confondre. La crise du logement n’est pas une crise des migrants. Pas plus que la crise des soins à domicile n’est une crise des personnes âgées.

Les gens ont besoin de se loger, c’est la vie. Les gens ont aussi besoin de migrer en quête d’un avenir meilleur, c’est la vie aussi. La population vieillit, ce n’est pas non plus une grande surprise…

On ne parle ici ni de péril migratoire ni de péril gris. On parle de défis tout à fait prévisibles et d’un manque de volonté politique pour y faire face.

Ce n’est pas sorcier de prévoir que si la population s’accroît, ça prend des infrastructures. Ce n’est pas plus sorcier de prévoir que si les gens vieillissent, ça prend un virage vers les soins à domicile.

Alors quoi ? Je ne prétends pas que les solutions soient simples. Des experts pourraient très certainement éclairer nos gouvernements sur la marche à suivre. Mais avant toute chose, il faudra se méfier des amalgames et veiller à ce que les fondations de la maison où on loge soient saines.


  1. Lisez la chronique « De Jacques Couture à Kim Thúy » ↩︎

1 « J'aime »

Je recommende aussi, c’est une excellente lecture ! Peut-être l’une des meilleures oeuvres de la littérature migrante.

1 « J'aime »

Démographie Le Québec franchit la barre des 9 millions d’habitants

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Le Québec franchit ce jeudi le cap symbolique des neuf millions d’habitants.

Le Québec franchit ce jeudi le cap symbolique des neuf millions d’habitants. La province enregistre actuellement une croissance démographique sans précédent, sa population augmentant de plus de 800 personnes par jour, principalement en raison de l’immigration. Coup d’œil sur l’évolution de la taille de la population québécoise.

Publié à 5h00

Partager


Henri Ouellette-Vézina
Henri Ouellette-Vézina La Presse

+ 800

La population du Québec augmente actuellement d’un peu plus de 800 personnes par jour, montrent les données de Statistique Canada, qui suit l’évolution démographique du pays en direct à l’aide d’un algorithme, via son horloge démographique. Les chiffres tiennent compte de l’ensemble des départs et des arrivées, ainsi que les naissances et les décès. Il s’agit du rythme de croissance le plus rapide jamais observé de l’histoire de la province, surpassant le précédent record établi durant le baby-boom. C’est aussi l’une des progressions les plus fortes à cet égard au Canada, toutes provinces confondues.

625

C’est grosso modo le nombre de résidents non permanents arrivant en moyenne quotidiennement au Québec. On compte aussi environ 181 immigrants qui s’établissent dans la province chaque jour. Bref, la croissance démographique québécoise est propulsée par l’immigration, surtout celle qui est temporaire ou professionnelle, voire étudiante.

Un accroissement naturel encore faible

Pendant ce temps, l’accroissement naturel, soit la différence entre le nombre de naissances et le nombre de décès au sein d’une même population, demeure encore très faible au Québec. On compte en moyenne 227 naissances contre 198 décès par jour, ce qui veut dire qu’à peine 29 personnes supplémentaires s’ajoutent au bilan quotidien de cette façon.

Et la migration interprovinciale ?

D’après Statistique Canada, environ 87 Canadiens s’installent au Québec chaque jour, tandis que 99 Québécois vont s’établir dans une autre province canadienne. Bref, le Québec perd approximativement 12 habitants par jour en raison de la migration canadienne intérieure, soit environ 4380 personnes par année. En gros, 13 Québécois par jour partent pour l’étranger.

Avec quatre ans d’avance

Le Québec a par ailleurs franchi le cap des 9 millions avec quatre ans d’avance. En effet, l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) avait révisé en 2022 ses projections démographiques et prévoyait alors que la province atteindrait ce seuil symbolique uniquement en 2028. C’est aux alentours de 2066 que le Québec devrait atteindre la barre des 10 millions d’habitants, selon les plus récents pronostics de l’ISQ. Ces prévisions pourraient toutefois être devancées si la croissance démographique actuelle se poursuit.

7 « J'aime »

Pour ce moment historique, qu’on aura dans les archives d’AgoraMtl.
image

15 « J'aime »

Réduire l’immigration pour contrer la crise du logement serait une erreur, selon un économiste


Photo: Spencer Colby, La Presse canadienne
Les débats sur les seuils d’immigration sont à l’avant-scène à travers le Canada, dans un contexte d’offre insuffisante de logements. En photo, un nouveau citoyen canadien tenant un livret «Bienvenue chez vous!» d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada.

Stéphane Rolland - La Presse canadienne
18 h 10
Économie

Réduire trop fortement l’immigration pour atténuer la crise du logement serait une erreur, prévient l’économiste en chef du Mouvement Desjardins, Jimmy Jean. Un tel remède pourrait tout simplement nuire au patient, selon lui.

« Si on se contente de réduire les niveaux, tout ce qui va arriver, c’est qu’il va y avoir moins de chialage, si on veut, mais on ne va pas régler le quart de l’enjeu », tranche-t-il lors d’une conférence sur les prévisions économiques 2024, jeudi, organisée par CFA Montréal.

Le problème n’est pas tant qu’il y a un afflux d’immigrants supérieur à la capacité d’accueil, mais qu’il n’y a pas suffisamment de nouveaux arrivants qui vont travailler dans le secteur de la construction, qui manque de bras, souligne-t-il. « Il y a un gros problème d’arrimage. »

Les débats sur les seuils d’immigration sont à l’avant-scène à travers le Canada, dans un contexte d’offre insuffisante de logements. « Je m’inquiète que le pendule aille trop de l’autre côté », confie M. Jean en entrevue en marge de son allocution.

« Je pense qu’on a au Canada et au Québec un consensus très fort historiquement sur les bienfaits de l’immigration et ça a été documenté par la recherche économique. Donc, il y a une raison pourquoi on a cette stratégie-là en place », ajoute-t-il.

Il évoque les plans d’investissements d’Hydro-Québec, qui aura besoin de 35 000 travailleurs de la construction, pour démontrer l’ampleur des besoins.

« Il faut aussi réfléchir à toutes nos ambitions parce que tôt ou tard, la question va, par défaut, se représenter. Faire moins, ce n’est pas nécessairement la solution, c’est vraiment de faire mieux. »

M. Jean note que le débat est plus équilibré au Canada. « On n’est pas dans le Donald Trump qui dit que l’immigration, ça empoisonne le sang de la nation », nuance-t-il.

Aux professionnels de la finance venus l’écouter, M. Jean a souligné que, malgré les défis d’arrimage et d’accès au logement, l’immigration avait eu une contribution positive sur l’économie en 2023. « Ce qui a empêché d’avoir une récession Canada, c’est l’immigration. »

Il juge aussi que l’automatisation n’est pas une solution miracle à la rareté de main-d’oeuvre. « Il y a un argument théorique de dire : “ça va forcer les entreprises à investir parce que tout d’un coup, il n’y aura plus de main-d’oeuvre”, mais c’est plus facile à dire qu’à faire. Ce n’est pas tous les secteurs qui sont propices à des investissements en automatisation. »

Prévisions économiques

M. Jean a fait son plaidoyer lors d’une présentation visant à discuter des prévisions économiques et boursières pour l’année 2024. Il était accompagné du directeur général du BlackRock Investment Institute, Jean Boivin.

M. Boivin croit que les marchés boursiers vont poursuivre leur élan au cours des premiers mois de l’année, tandis que les investisseurs sont enthousiastes à l’idée d’éventuelles baisses des taux.

Il croit cependant que l’inflation persistera plus qu’anticipé et que les investisseurs pourraient être surpris de ne pas avoir autant de baisses de taux qu’ils ne l’auraient souhaité. « Il faut aussi être prêt à changer de cap assez rapidement peut-être dans la deuxième moitié de l’année, alors que les pressions inflationnistes vont devenir plus claires à ce moment-là », suggère-t-il.

Pour sa part, M. Jean croit que la faiblesse de l’économie canadienne va forcer la main de la Banque du Canada, qui devra baisser les taux avant la Réserve fédérale (Fed) aux États-Unis.

Il prévoit que la première baisse de taux aura lieu au mois d’avril au Canada. La Fed suivrait quelque mois plus tard vers l’été. « On pense que les marchés sont un petit peu emballés avec l’histoire de mars. »

2 « J'aime »

Le Quebec c’est accru d’un millions d’habitant en seulement 8 ans dans les années 50 versus 13 ans pour passer de 8 a 9 millions. Alors on a déja vue cela des accroissement rapide de population. Et en taux de croissance a l’époque c’etait encore plus rapide qu’aujourd’hui.

La COVID a fait mal à l’intégration économique des immigrants permanents


Photo: Sean Kilpatrick, Archives La Presse canadienne
Selon Statistique Canada, la cohorte admise en 2020 a été la plus petite en 10 ans.

Lisa-Marie Gervais
26 janvier 2024
Société

La pandémie a fragilisé l’économie et compliqué l’accès au marché de l’emploi, y compris pour les immigrants, rappelle une étude de Statistique Canada. Et ceux devenus permanents en 2019 en ont fait les frais : un an plus tard, en 2020, leur salaire d’entrée médian a été moins élevé que celui de leurs homologues admis au cours des 10 dernières années, ainsi que celui des gens arrivés tout juste après eux, pendant la pandémie.

« [Les immigrants devenus permanents en 2019] ont connu une baisse de leur salaire d’entrée médian déclaré un an après leur admission, contrairement aux immigrants admis précédemment, dont le salaire médian a augmenté de manière constante au cours des 10 dernières années », fait valoir le document publié par l’agence fédérale.

Cela ne semble toutefois n’avoir été qu’un hiatus pandémique, puisque les immigrants qui sont devenus permanents en 2020 avaient un an plus tard, en 2021, un salaire plus élevé. Ces derniers avaient alors déclaré des revenus annuels de 37 700 $ — une hausse de 21,6 % par rapport au salaire d’entrée médian de la cohorte 2019 un an après son admission, soit 31 000 $.

« Il y a eu une baisse de l’activité économique pendant la pandémie, et ça peut expliquer pourquoi les immigrants ont été affectés. Mais c’était temporaire. Sur le long terme, c’est un petit épisode qui n’aura pas duré très longtemps », note Gilles Grenier, professeur émérite de science économique à l’Université d’Ottawa. Selon lui, il faut surtout tenir compte des « tendances à long terme », comme la pénurie de main-d’oeuvre. Ce sont ces tendances qui expliquent sans doute le redressement dans le salaire des immigrants devenus permanents en 2020. « La population vieillit, on s’y attendait. Plus de gens sont à la retraite et moins de gens entrent sur le marché du travail qu’il n’en sort. »

Brahim Boudarbat, professeur à l’École des relations industrielles de l’Université de Montréal et chercheur au CIRANO, abonde dans ce sens. Il rappelle que la période postpandémique, qui commence dès 2021, a été plus favorable. « Il y a une pénurie de main-d’oeuvre qui s’est fait sentir, et les employeurs ont commencé à payer plus [leurs employés] », constate-t-il.

Davantage d’expérience, une meilleure intégration

Selon l’étude, l’un des facteurs pouvant expliquer que le salaire est meilleur après un an pour les immigrants devenus permanents en 2020, comparativement à la cohorte précédente, c’est qu’il y avait justement très peu d’immigrants qui sont entrés au Canada lors de la période pandémique, l’immigration ayant été temporairement suspendue en raison de la COVID-19. D’après les déclarations de revenus, la cohorte admise en 2020 « a été la plus petite en 10 ans sous l’effet des restrictions frontalières liées à la pandémie », lit-on dans l’étude fédérale.

Mais ce salaire médian plus élevé serait également dû au fait que les quelques immigrants ayant été admis se trouvaient déjà de manière temporaire sur le territoire ; ils étaient donc déjà intégrés au marché du travail ou dans un programme d’étude. « Pour quelqu’un qui étudiait ou qui occupait un emploi au Canada comme résident temporaire, ses chances de succès et d’avoir un meilleur salaire comme immigrant permanent sont bien meilleures que pour un immigrant qui fait une demande de résidence permanente de l’étranger », observe le professeur Grenier. Statistique Canada a documenté ce phénomène dans une autre étude publiée en mars 2022.

Le professeur Boudarbat estime de son côté qu’il a pu s’opérer une forme de sélection des profils des immigrants ayant fait une demande d’Entrée express. « Probablement qu’on a choisi les meilleurs profils, ceux qui ont eu le plus grand nombre de points et c’est ça qui joue sur les salaires [plus élevés]. »

Il fait également ressortir un élément important de l’étude à ses yeux : les femmes immigrantes demeurent moins bien payées que les hommes. « Un écart de 44,6 % dans le salaire annuel médian, c’est problématique », conclut-il sur la base de son propre calcul. « [C’est] énorme, et [cela] reflète une sous-utilisation flagrante du potentiel des femmes immigrantes alors que le Canada et le Québec prônent l’égalité des chances et une plus grande autonomisation économique des femmes. »

Des comparaisons peu pertinentes

Selon lui, l’étude aurait d’ailleurs été beaucoup plus pertinente si elle avait comparé les cohortes d’immigrants et de non-immigrants. « La tendance a-t-elle été favorable pour tout le monde ou, au contraire, les immigrants en ont-ils moins bénéficié ? »

Comparer deux cohortes qui se suivent mais qui ont vécu deux contextes différents, soit 2019-2020 et 2020-2021, ne tient pas non plus la route. « Ça aurait été mieux de comparer des nouveaux arrivants immigrants au moment de leur arrivée [au Canada], et pas au moment de leur admission, avec d’autres nouveaux arrivants non immigrants. Ça aurait permis de voir comment les employeurs accueillent les uns par rapport aux autres. »

D’ailleurs, pour le professeur Boudarbat, comparer deux cohortes d’immigrants un an seulement après qu’ils furent devenus permanents n’est pas représentatif. « À partir du moment où tu deviens permanent, il y a un certain délai avant que l’intégration commence sur le marché de l’emploi. Souvent, on va prendre du temps pour bien installer les enfants à l’école, certains vont apprendre la langue ou retourner dans leur pays d’origine régler des affaires… C’est donc plus intéressant d’observer les données sur le long terme. »

1 « J'aime »

Si j’étais ministre de l’Immigration…

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

« Ce que je ferais si j’étais ministre de l’Immigration ? D’abord, je trouverais une façon de freiner l’immigration économique temporaire. Le moment est bien choisi, puisque la pénurie de main-d’œuvre s’est atténuée, avec le ralentissement économique », écrit Francis Vailles.


Francis Vailles
Francis Vailles La Presse

Ce que je ferais si j’étais ministre de l’Immigration ? Surtout pas dégonfler le seuil annuel d’immigration permanente à moins de 35 000, comme le propose le PQ. Et raisonner le fédéral. Voici pourquoi.

Publié à 1h16 Mis à jour à 6h30

Partager

D’abord, le constat. Actuellement, il n’y a pratiquement pas de limites au volume d’immigration temporaire que peut recevoir le Québec. Pour l’un des principaux programmes, les entreprises n’ont qu’à démontrer que leurs besoins ne sont pas comblés par le marché du travail local, essentiellement, et un permis de 2-3 ans est accordé à leurs candidats. Pas de plafond d’ensemble, donc.

L’an dernier, il s’est ainsi ajouté 167 000 résidents non permanents au Québec, trois fois plus qu’en 2022. Les deux tiers de ces non-permanents (112 000) sont des travailleurs temporaires avec leur famille et le reste, des demandeurs d’asile.

Ces travailleurs temporaires s’accumulent d’année en année, au rythme des besoins des entreprises. Fin 2023, il y en avait 367 000 au Québec, selon Statistique Canada.

Bien souvent, ces travailleurs se sont intégrés à leur milieu, ont commencé à apprendre le français et trouvé un logement. Ils deviennent indispensables à leurs entreprises, qui les ont formés. La plupart rêvent de vivre ici et d’obtenir la citoyenneté en devenant permanents.

Le hic, c’est que seule une poignée peuvent devenir permanents chaque année, en fonction des seuils établis par le gouvernement du Québec. Ce seuil annuel a été fixé à 50 000 pour chacune des années 2024 et 2025, mais en retranchant les réfugiés et les réunions familiales, entre autres, on tombe à 32 000.

Bref, il faudrait l’équivalent de 10 ans pour « permanentiser » les 367 000 temporaires. Et ce volume de travailleurs temporaires précaires s’agrandit sans cesse, comme un robinet qui coule à flots dans un évier dont le trou d’écoulement ne grossit pas.

Et le PQ se propose de rapetisser le trou de 40 % ! Imaginez les drames et les débordements à venir.

Actuellement, les services aux immigrants, tant gouvernementaux que communautaires, ne fournissent pas.

Il n’y a qu’à jeter un œil aux avis Google du site web du ministère de l’Immigration pour s’en convaincre.

La plupart des 191 utilisateurs qui ont coté le site, avec leur nom, se plaignent de la piètre qualité du service du Ministère, des très longs délais pour avoir des autorisations et de l’incapacité à trouver des cours de français, entre autres. La moyenne est de 2,1 étoiles sur 5, mais ce serait probablement pire, puisque plusieurs disent qu’ils auraient souhaité mettre 0, alors que le minimum est de 1 étoile.

Et en parallèle, le marché de la location de logements est en surchauffe, avec un taux d’inoccupation historiquement bas (1,5 % à Montréal et 0,9 % à Québec) et des loyers en forte hausse. Et je ne parle pas des services de garde, d’éducation et de santé.

Ce que je ferais si j’étais ministre de l’Immigration ? D’abord, je trouverais une façon de freiner l’immigration économique temporaire. Le moment est bien choisi, puisque la pénurie de main-d’œuvre s’est atténuée, avec le ralentissement économique.

Et le message, à terme, serait limpide : entrepreneurs, la main-d’œuvre non essentielle deviendra encore moins disponible, alors investissez dans des équipements pour vous en passer, de grâce, et augmentez votre productivité.

Ensuite, je raisonnerais le fédéral pour qu’il diminue le nombre de permis ouverts qu’il accorde en vertu du programme de mobilité internationale (PMI). La délivrance de ces permis n’exige pas que soit faite une évaluation d’impact sur le marché du travail, comme c’est le cas des permis délivrés par le Québec en vertu du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET).

Et il faut bien sûr régler le dossier des demandeurs d’asile, dont 46 % débarquent au Québec. Québec et Ottawa ont avancé des propositions pour résoudre le problème, cela dit.

Parallèlement à cette baisse des travailleurs temporaires, je doperais la cible d’immigrants permanents à 75 000 pendant 2-3 ans, par exemple, avant de retomber à 50 000.

Seule condition : que les nouveaux permanents soient puisés à même les temporaires, pour l’essentiel (ce qui est déjà le cas de toute façon). Ces deux actions videraient une bonne partie de l’évier, en réduisant le flot d’eau du robinet tout en élargissant le trou de sortie.

Bref, pendant quelque temps, il faut réduire l’immigration temporaire, mais augmenter les permanents, sans quoi il y aura, à terme, deux classes de citoyens au Québec.

Vous me direz que c’est plus facile à dire qu’à faire, et vous aurez raison. Surtout que ce frein aux travailleurs temporaires exigera un écrémage entre les indispensables et les autres.

Or, à ce sujet, la ministre de l’Immigration, Christine Fréchette, a entrepris une réforme intéressante, qui devrait justement permettre de mieux sélectionner les immigrants permanents. Le nouveau Programme de sélection des travailleurs qualifiés (PSTQ) entre en vigueur en novembre prochain.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

La ministre de l’Immigration du Québec, Christine Fréchette

La grille de sélection actuelle, qui avantage les universitaires sans égard aux besoins du marché, sera éliminée, ce qui devrait diminuer les risques de surqualification. Pensez au mathématicien qui est chauffeur de taxi.

On continuera de choisir les talents d’exception ou encore les immigrants hautement qualifiés ou spécialisés, mais le diplôme universitaire ne sera pas nécessairement requis (technicien en génie mécanique, par exemple).

Surtout, il y a un volet qui permettra aux employés manuels ou ayant des compétences intermédiaires d’être sélectionnés s’ils ont une expérience de travail au Québec, qu’on pense aux cuisiniers ou aux conducteurs, entre autres.

Avec le PSTQ, une préposée aux bénéficiaires avec de l’expérience au Québec aura donc plus de points pour devenir permanente qu’un doctorant en philosophie (en supposant que les deux parlent français).

Enfin, les immigrants de professions réglementées pourront accélérer le traitement de leur dossier s’ils ont obtenu une reconnaissance, partielle ou complète, de l’ordre professionnel de leur secteur au Québec (infirmières, ingénieurs, etc.).

L’immigration ne sera jamais un dossier facile, surtout qu’il est géré à deux têtes. On verra si la réforme Fréchette fonctionnera, mais chose certaine, l’immigration a besoin d’être mieux planifiée, et les services d’accueil, mieux organisés, en fonction d’un niveau soutenable.

2 « J'aime »

Les immigrants de plus en plus nombreux à rester au Québec

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Les immigrants récents restent de plus en plus au Québec après l’obtention de leur résidence permanente, constate Statistique Canada. La performance de la province s’explique en bonne partie par le taux élevé de rétention des travailleurs qualifiés.

Publié à 0h54 Mis à jour à 5h00


Lila Dussault
Lila Dussault La Presse

Arriver au Québec, c’est une chose. S’y installer, c’en est une autre. Statistique Canada a rendu publiques mercredi des données sur le taux de rétention des immigrants à travers le pays.

Au Québec, le taux d’immigrants qui se trouvaient toujours dans la province un an après l’obtention de leur résidence permanente est passé de 85,1 % en 2016 à 91,0 % en 2020. À titre comparatif, en Ontario, ce taux a légèrement diminué, passant de 94,9 % en 2016 à 92,8 % en 2020.

Les résultats du Québec se rapprochent désormais de ceux de la Colombie-Britannique, où 91,3 % des immigrants étaient toujours dans la province après un an en 2020.

Au contraire, dans les Prairies, le taux de rétention sur un an a chuté depuis 2016, tandis que la performance varie d’une province à l’autre du côté des Maritimes.

La bonne performance du Québec s’explique par son économie solide, son faible taux de chômage et certaines politiques d’immigration, analyse la spécialiste des politiques publiques d’immigration de l’Université de Montréal, Catherine Xhardez.

« Le processus pour venir au Québec en tant que résident permanent est très sélectif, explique-t-elle. Il y a des seuils stables, des exigences linguistiques, les délais de traitement sont beaucoup plus longs qu’ailleurs au Canada. Donc, ceux qui choisissent le Québec, c’est qu’ils veulent venir au Québec et rester au Québec. »

Champion de la rétention des travailleurs qualifiés

Toutes catégories confondues, ce sont généralement les immigrants qui sont parrainés par leur famille qui demeurent dans la même province le plus longtemps, rapporte Statistique Canada. Les aides-soignantes et aides familiales sont aussi en tête de liste.

Le Québec est cependant champion au pays pour retenir les travailleurs qualifiés ou exerçant des métiers spécialisés, du moins pour un an.

Entre 2016 et 2020, le taux de rétention chez cette catégorie d’immigrants au Québec est passé de 86,3 % à 91,4 %, un sommet toutes provinces confondues.

En Ontario, pendant la même période, le taux a au contraire baissé, passant de 87,3 % à 81,9 %. En Colombie-Britannique, ce taux a aussi diminué, de 72,3 % à 67,4 %.

La question linguistique pourrait faire en sorte que le Québec est moins exposé à la concurrence entre les provinces, analyse Mme Xhardez.

« Aujourd’hui, un francophone qui veut immigrer au Canada va aller ailleurs qu’au Québec, parce que c’est beaucoup plus long et difficile de venir au Québec, observe-t-elle. Donc, dans le reste du Canada, il y a peut-être plus de concurrence entre les provinces. »

En d’autres mots, un travailleur qualifié qui choisit de s’installer dans la Belle Province – surtout s’il est francophone – aura moins tendance à se laisser séduire par une offre plus prometteuse ailleurs au pays.

L’accueil de nouveaux résidents permanents se fait aussi davantage « par étapes », c’est-à-dire que les immigrants arrivent comme résidents temporaires (visas de travail, études, etc.) avant d’obtenir leur résidence permanente, ajoute la chercheuse. Ils ont donc déjà quelques racines au moment d’obtenir leur résidence permanente.

« Ce sont des gens qui s’établissent, s’intègrent, dont les enfants vont déjà à l’école », énumère-t-elle.

Données sur cinq ans

Quand Statistique Canada mesure le taux de rétention sur cinq ans, les résultats sont beaucoup plus stables au Québec.

Les dernières données disponibles concernent l’année 2016. L’agence fédérale a pu évaluer si les immigrants ayant obtenu leur résidence permanente cette année-là étaient toujours dans leur province initiale cinq ans plus tard.

De tous les immigrants arrivés en 2016 au Québec, 8 sur 10 étaient toujours dans la province en 2021, soit un taux stable par rapport aux cinq années précédentes. En Ontario, en comparaison, plus de 9 immigrants sur 10 étaient toujours installés dans la province après cinq ans. En Colombie-Britannique, le taux se maintient aussi autour de 87 %.

Remontée en Atlantique, déclin dans les Prairies

À l’échelle du Canada, le plus récent bilan de Statistique Canada montre aussi des fluctuations importantes entre les Prairies et les provinces de l’Atlantique.

Longtemps grandes perdantes du taux de rétention, les provinces atlantiques ont vu une remontée dans leur capacité à offrir une terre d’accueil à long terme. Dans ces régions, la mise sur pied du Programme pilote d’immigration au Canada atlantique en 2017 a fait une différence, note Statistique Canada.

« L’Atlantique, pendant longtemps, c’était la zone pauvre de l’immigration, mais elle est devenue plus dynamique et on voit des taux de rétention plus intéressants », constate Chedly Belkhodja, professeur à l’Université Concordia, dont les recherches portent sur la régionalisation de l’immigration.

Au contraire, dans les Prairies, le ralentissement économique se répercute dans les taux de rétention. En Alberta, alors que’en 2012, 91,5 % des immigrants étaient restés dans la province depuis cinq ans, ce taux est passé à 84,5 % en 2016. La chute a été encore plus brutale pour la Saskatchewan, où le taux est passé de 72,2 % à 57,9 % pendant la même période.

3 « J'aime »

Ultimement, tout est politique, bien sûr. L’immigration aussi. Je ne suis pas en train de dire qu’il ne faudrait jamais discuter d’enjeux migratoires à l’Assemblée nationale, réfléchir à comment on peut revoir ou améliorer nos politiques d’accueil, faire mieux en matière de francisation, talonner Ottawa pour les ratés, s’assurer qu’il y ait une répartition plus équitable des demandes d’asile au pays.

Mais tout est dans la manière. Et celle qu’a choisie le gouvernement caquiste est la plus inquiétante qui soit.

« Dire que ‟l’identité québécoise” est menacée par les personnes demandeuses d’asile s’apparente dangereusement à un appel à la haine, à la xénophobie », a écrit, sur le réseau social X, France-Isabelle Langlois, directrice générale de la section francophone canadienne d’Amnistie internationale.

« Que le Québec suive la tendance extrêmement inquiétante du populisme xénophobe observé partout, notamment en Europe, préoccupe au plus haut point @AmnistieCA ».

Et pour cause. C’est un jeu dangereux qui piétine la belle tradition d’accueil du Québec et constitue une réelle menace pour l’avenir de toute société juste et inclusive.

1. Consultez le communiqué de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes 2. Lisez le portrait de Ravy Por, fille de réfugiés cambodgiens 3. Lisez l’article de L’actualité « Quelle immigration pour le Québec ? »

1 « J'aime »

Au Québec, les baby-boomers demeurent la génération la plus importante. On en compte actuellement 2,1 millions, contre 1,8 million de milléniaux. Idem dans les provinces de l’Atlantique. C’est en Ontario et en Colombie-Britannique que les milléniaux ont surpassé les baby-boomers. En Alberta, c’était chose faite : les baby-boomers ont perdu leur titre de génération la plus nombreuse depuis 2014. Le Nunavut présente lui aussi ses particularités. Là-bas, la génération Z est la plus nombreuse depuis 2011, le taux de fécondité y étant plus élevé que dans le reste du Canada.

2 « J'aime »
2 « J'aime »

Un dossier du Devoir sur le concept de « capacité d’accueil » des personnes immigrantes :

Texte complet : La capacité d’accueil, un concept qui rebondit à travers l’histoire

La capacité d’accueil, un concept qui rebondit à travers l’histoire


Photo: Valérian Mazataud, archives Le Devoir
Ottawa a fixé son objectif à 500 000 nouveaux résidents permanents.

Sarah R. Champagne
2 mars 2024
Société

Il n’y a pas de consensus scientifique sur la capacité d’accueil, une expression qui résonne de plus en plus souvent à Québec. À travers l’histoire et les idéologies politiques, des concepts analogues ont souvent été utilisés pour poser des limites à l’immigration et exprimer des malaises, voire de l’hostilité, disent deux politologues et un historien.

« Le concept est remis au goût du jour, ça revient cycliquement dans les débats, mais c’est vrai que ce n’est pas nécessairement nouveau », dit d’emblée Mireille Paquet, politologue à l’Université Concordia.

La capacité d’accueil n’appartient pas qu’au domaine mathématique, elle oscille plutôt entre « des discours d’opinion et des dialogues qu’on voudrait baser sur les données », selon elle. Au-delà de l’obsession pour les chiffres ces dernières années, c’est aussi une manière de « projeter beaucoup d’insécurité par rapport à l’immigration, sans utiliser les mots ou les concepts moins acceptables dans le discours public ».

C’est avant tout une expression liée à l’émotion, selon l’historien Pierre Anctil. « Souvent, les perceptions, les notions abstraites sont cachées sous un vocable rationnel, mais au fond, il y a une émotion négative. » Avec les expressions autour de « l’accueil », « on cherche une manière de déclarer notre hostilité sans être hostile », souligne aussi ce professeur émérite de l’Université d’Ottawa. Il y a aujourd’hui un amalgame de cette capacité avec des mots lourdement chargés, comme « menace », mais cette fois, elle est tournée principalement vers la langue.

Historique

Durant la première décennie du XXe siècle, la plus importante vague migratoire se déploie au pays, et Montréal y participe vigoureusement. Il arrive alors plus de deux millions de personnes au Canada. Entre 1911 et 1931, la proportion d’immigrants dans la population est alors de 22 %, et il faudra près d’un siècle (en 2021) pour retrouver un pourcentage aussi élevé.

Les communautés non catholiques et non chrétiennes sont alors perçues comme « menaçantes », explique M. Anctil, et il n’est pas besoin d’aller très loin pour comprendre « cette hostilité générale à toute forme d’immigration ». Cette méfiance est particulièrement exprimée dans Le Devoir, et de façon parfois très virulente, comme sous la plume du directeur Georges Pelletier dès 1913. Les Juifs sont alors décrits comme « les déchets de l’Europe » qui « vont nous nuire et qu’on ne réussira jamais à assimiler », raconte l’historien. Même à l’aube de la Seconde Guerre mondiale et après, les élites et la population ne souhaitent pas recevoir les victimes du régime nazi.

Il n’y a alors aucun effort qui est fait pour la francisation ou pour intervenir auprès des populations immigrantes afin de les aider à trouver un emploi ou un logement, « parce qu’essentiellement, on jugeait que c’était impossible », note M. Anctil. Il faudra attendre la Révolution tranquille, la création d’un ministère provincial de l’Immigration et la loi 101 pour que le Québec tente de trouver des solutions. Une fois le « quotient religieux retiré », il devient possible de devenir Québécois sans devoir se convertir. La situation globale du français s’est aussi améliorée, soutient le professeur. On le voit lorsque l’on compare les statistiques d’aujourd’hui avec celles des années 1970 et 1980, dit-il.

De concept en concept : absorption, intégration, accueil

Mais pour arriver à l’expression « capacité d’accueil », il faut encore reculer dans le temps. Cette idée que la société, le territoire ou le gouvernement peut recevoir un volume donné de nouveaux arrivants a surgi dans les années 1930 sous l’expression « absorptive capacity ». Elle est principalement utilisée par Mackenzie King, premier ministre du Canada durant trois mandats entre 1921 et 1948, qui cherche à justifier des limites posées à l’immigration.

Mais le terme est alors « vague et indéfini » et prend en compte les naissances en plus de l’immigration, signale Catherine Xhardez, professeure de science politique à l’Université de Montréal. Il n’est alors pas question de tenter d’en faire la comptabilité.

À l’époque, l’expression est aussi tout près des discours sur la possibilité ou non « d’assimiler » culturellement de grandes populations (voir l’encadré). « Dans l’histoire, ce concept de capacité d’absorption se basait sur l’ethnicité, sur la capacité à absorber ces gens non anglo-saxons dans la culture, par exemple », expose quant à elle Mme Paquet, aussi directrice scientifique de l’Équipe de recherche sur l’immigration au Québec et ailleurs (ERIQA).

Ce n’est qu’en 1962 que le Canada élimine les critères raciaux explicites dans sa politique d’immigration. Celle-ci devient alors encore plus foncièrement économique, même si elle cherche déjà depuis la fin du XIXe siècle à pourvoir des emplois précis. Dans ces mêmes années apparaît aussi peu à peu le concept de « capacité d’intégration », surtout au travail, dans le discours. Le taux idéal dépend alors du pouvoir de l’économie à fournir des emplois aux immigrants aux salaires qui ont cours.

En 2010, c’est au tour du Vérificateur général du Québec de reprocher au ministère provincial de l’Immigration de ne pas utiliser « d’indicateurs socioéconomiques pour bien cerner la capacité réelle » d’accueil de la province. « Vous n’évaluez pas les programmes d’immigration et il n’y a pas de suivi », disait en gros le rapport, selon Catherine Xhardez.

« Évidemment, il y a tout un champ d’évaluation des politiques publiques », rappelle-t-elle à propos de sa discipline. Les immigrants ont-ils accès aux mêmes emplois que les natifs ? Ont-ils les mêmes perspectives ou la même qualité de vie ? « Il y a des programmes qui fonctionnent très bien et des résultats sur le terrain. […] Moi, je crois à l’évaluation », dit la professeure.

Mais le débat sur la capacité d’accueil « semble dire autre chose », à savoir qu’un calcul permettrait de faire une prédiction, et non pas d’évaluer des politiques passées. « Il y a des politiques qui fonctionnent bien, il faut le dire, il y a des résultats sur le terrain. Mais il faut aussi pouvoir évaluer des systèmes qui ne fonctionnent pas et dire : “Ici on a investi, mais ça ne donne pas de résultats” », expose-t-elle.

L’insistance sur la capacité d’accueil « vient surtout chercher notre rêve de se dire : l’immigration, c’est compliqué, mais peut-être que si on trouvait la bonne formule, la bonne équation, ce serait mieux », explique Mireille Paquet.

Dans la littérature scientifique, rien ne semble indiquer qu’un « seuil magique » existe ou non, notamment quant à la réaction de la population. « Les backlashs ou les retours de flamme, ce n’est pas un nombre absolu à partir duquel les gens sont fâchés », note Catherine Xhardez. C’est plutôt le rythme d’arrivée, les augmentations subites, et surtout leur médiatisation accrue.

Politisation plutôt que calcul

Les partis politiques jouent un grand rôle en influençant et en donnant les termes du débat, disent ces deux spécialistes. Ensemble, elles ont étudié les programmes des partis politiques entre 1991 et 2018. Elles ont conclu que la Coalition avenir Québec (CAQ) a été un « agent de politisation » de l’immigration dès 2012, lorsque le parti a introduit dans son programme l’idée de diminuer les niveaux d’immigration.

La réduction proposée est de 20 %, pour que ces seuils reflètent « notre capacité d’accueil et d’intégration », est-il inscrit dans son programme.

Dès 2018, la CAQ reproche aussi au gouvernement libéral d’avoir « ouvert la porte à une forte remontée des immigrants temporaires, sans planifier d’aucune façon leur accueil et les impacts sur la langue, le logement ou les infrastructures ». Ce sont d’ailleurs les mêmes critiques qui sont maintenant adressées au gouvernement, alors que les résidents non permanents ont atteint des records.

Ces mêmes critiques leur sont maintenant adressées puisque le sujet de l’immigration temporaire rattrape le gouvernement depuis au moins un an, le nombre de résidents non permanents ayant atteint des records.

Y a-t-il une manière de sortir de la politisation ? La plupart des experts consultés sont incertains quant à la possibilité de calculer la capacité d’accueil. Doit-on la calculer sur une année ? Sur 10 ans ? Jusqu’à quel point les indicateurs peuvent-ils devenir objectifs ? L’appel récent aux projets de recherche diffusé par le ministère de l’Immigration répondra peut-être à certaines de ces questions, mais pour l’instant, ni Mme Xhardez ni Mme Paquet ne connaissent de chercheurs qui se sont lancés.

UN PAYS PLEIN ?

L’idée qu’un territoire puisse être « plein » ou « saturé » est utilisée par des forces politiques partout en Occident.

En Suisse, l’Union démocratique du centre (UDC) national conservateur, le parti le plus à droite sur l’échiquier politique helvétique, a lancé une campagne l’automne dernier « contre une Suisse à 10 millions d’habitants ». « Tous les problèmes dont souffre la Suisse sont liés à l’immigration de masse incontrôlée », avait ainsi assuré le député populiste zurichois Thomas Matter à des médias européens.

Au sud de notre frontière, le sénateur républicain Lindsey Graham, de la Caroline du Sud, a aussi dit que les États-Unis étaient « pleins » en décembre dernier. Il faisait ainsi écho à de nombreuses déclarations de l’ancien président Donald Trump.

Ici, « on parle plus de services disponibles » que de territoire « complet », dit Catherine Xhardez. Le débat sur la démographie est cependant bel et bien de retour, mais cette fois, il vise l’immigration, dorénavant son moteur presque exclusif. « On n’est plus dans un dilemme pour limiter le nombre de naissances, ce qui a pu être le débat à un certain moment. C’est la démographie utilisée pour se fermer ou s’ouvrir sur l’extérieur », conclut Mme Xhardez.

Texte complet : Québec travaille en privé sur sa capacité d’accueil en immigration

Québec travaille en privé sur sa capacité d’accueil en immigration


Photo: Olivier Zuida, Le Devoir
Rien n’indique dans les documents consultés par «Le Devoir» que la capacité d’accueil serait atteinte, comme le répète le gouvernement Legault ces dernières semaines.

Sarah R. Champagne
2 mars 2024
Société

Le gouvernement travaille dans l’ombre pour tenter de mieux cerner et chiffrer sa capacité d’accueil. Le milieu économique n’est pas arrivé à s’entendre sur les facteurs à considérer, selon deux représentants des employeurs, mais un prototype de tableau de bord circule déjà depuis deux ans.

Des documents obtenus par Le Devoir grâce à la Loi sur l’accès à l’information montrent le développement d’un outil appelé « Tableau de bord gouvernemental en immigration ». Les deux premières éditions ont été produites en 2022 et en 2023, et il « était prévu d’en faire une mise à jour annuelle », nous confirme le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI). Ces pages détaillent 30 indicateurs mesurés entre 2019 et 2022 par plusieurs entités administratives.

Rien n’indique dans les documents consultés que la capacité d’accueil serait atteinte, comme le répète le gouvernement Legault ces dernières semaines. Plusieurs indicateurs montrent plutôt « une amélioration des résultats », est-il écrit, mais cette vision « reste parcellaire ».

« Ces informations ne peuvent être utilisées pour dégager des conclusions sur la capacité d’accueil du Québec », nous écrit aussi le MIFI.

Ce sont pourtant plusieurs des mêmes éléments que le gouvernement demande maintenant à la communauté scientifique de documenter dans un appel à projets de recherche sur la capacité d’accueil.

Indicateurs « trop vagues »

Le tableau de bord devait à l’origine permettre à la Commission des partenaires du marché du travail (CPMT) de poursuivre ses discussions sur ce concept disputé. « Il y a eu deux ans de débats pour s’apercevoir que c’était stérile », dit Denis Hamel, vice-président aux politiques de développement de la main-d’oeuvre au Conseil du patronat du Québec (CPQ).

La CPMT a en effet tenu plusieurs discussions sur le sujet, tentant d’en venir à un accord sur les différents facteurs à prendre en compte. « On avait du mal à s’entendre sur quels indicateurs utiliser et sur comment avoir des indicateurs à jour », dit M. Hamel.

« Certaines données étaient pointues et difficiles à aller chercher pour que ce soit pertinent », souligne Véronique Proulx, présidente-directrice générale de Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ). Ce n’est pas par « manque de collaboration », fait-elle remarquer, mais bien parce que certains indicateurs restaient trop vagues. « Oui, on peut utiliser le taux d’inoccupation [des logements], mais est-ce que c’est détaillé pour le type de logements qu’on cherche ? »

C’est aussi l’incertitude quant à l’utilisation d’un tel tableau de bord qui inquiétait certaines parties conviées à la table. La CPMT est un organe qui comprend des membres tant de syndicats que d’entreprises et d’organismes communautaires du domaine de l’employabilité.

« Quand on parle de capacité d’accueil, c’est vrai pour les personnes immigrantes, mais aussi pour les gens qui voudraient changer de région. Si on dit demain matin que la Gaspésie n’a pas de capacité d’accueil, est-ce qu’on dit aux Québécois “ne déménagez pas là-bas” ? » illustre M. Hamel.

« La capacité d’accueil, c’est un faux débat, c’est quelque chose qu’on se donne et non pas quelque chose de statique », ajoute le représentant du CPQ.

Des clés

Plusieurs éléments ont été caviardés dans les documents acheminés au Devoir, que le MIFI redirige vers les autres ministères participants. Ni le ministère du Travail ni la CPMT ne nous ont cependant fourni de documents, malgré nos demandes d’accès à l’information, invoquant des exceptions à la Loi.

Il en ressort tout de même que plus de 30 % des résidents permanents ne sont plus au Québec 10 ans après leur admission pour deux périodes de référence. On voit aussi parmi les tableaux produits que les réfugiés (catégorie qui comprend des demandeurs d’asile acceptés) sont parmi ceux qui s’établissent le plus en dehors de la région de la métropole. La régionalisation de l’immigration est l’une des priorités gouvernementales.

Québec a demandé à Ottawa à plusieurs reprises ces dernières années de respecter sa capacité d’accueil. Mais jusqu’à maintenant, ni le ministère ni le personnel politique n’ont pu fournir d’études ou de rapports documentant celle-ci.

Texte complet : La recette secrète de la capacité d’accueil beauceronne

La recette secrète de la capacité d’accueil beauceronne


Photo: Jean-Louis Bordeleau, Le Devoir
Saint-Éphrem-de-Beauce, une localité d’environ 2400 habitants, prévoyait d’accueillir 15 travailleurs temporaires l’an dernier. Pas moins de 57 y ont finalement débarqué.

Jean-Louis Bordeleau
à Saint-Martin
Initiative de journalisme local
2 mars 2024
Économie

Près d’un millier de travailleurs temporaires ont déménagé en Beauce dans la dernière année. Et quelque 1000 autres sont attendus dans les 18 prochains mois. Pour faire entrer tous ces gens au paradis québécois des PME, les Beaucerons ont concocté une recette bien à eux.

À Saint-Martin, 2600 habitants, 5 gestionnaires en ressources humaines prennent place autour d’une table. Chacune des entreprises représentées emploie entre 5 et 40 travailleurs étrangers temporaires. Cette réunion est cruciale, car « sans eux, une ligne [de production] sur trois ne fonctionne pas », mesure l’une des mandataires.

« J’ai un logement à combler situé en face [du restaurant]. Je cherche quelqu’un pour louer vite. Très vite. J’en aurais besoin pour… hier. » On hoche de la tête. On prend des notes. Le message est passé : un nouveau locataire ne devrait pas tarder.

Les cinq spécialistes énumèrent leurs problèmes. Comment réduire les longs délais pour inscrire un travailleur à un cours de français ? Quid des permis pour « travailleurs vulnérables » ? Quoi de neuf avec la reconversion du presbytère en logements ? Et puis voici un petit guide pour entrer dans le système de santé…

Pas le choix de se faire part des bons coups ; le gouvernement peine à répondre à toutes les demandes, se désole Fanny Lessard, du Carrefour jeunesse-emploi de Beauce-Sud, qui dirige cette conversation entre entreprises. « À Service Canada, pour trois appels, tu as trois personnes et trois réponses différentes. C’est classique. »

Une heure plus tard, le tour est joué. Le conciliabule de Saint-Martin se donne rendez-vous dans trois mois.

Le scénario se répète de village en village depuis 2021. Huit municipalités beauceronnes participent à cette initiative particulière à la MRC de Beauce-Sartigan, les Structures d’accueil et d’intégration municipales (SAIM). « Ça sert à ça : parler des enjeux, trouver des solutions. “C’est défaillant. On fait quoi avec ça ?” » résume l’agente de développement rural pour la MRC, Johanne Journeau.

Des régions avoisinantes commencent à regarder par-delà les vallons pour s’inspirer de cette méthode. C’est à se demander comment les PME des autres villages font pour suivre le rythme. « Ça change tellement vite que si l’on manque une seule réunion, on perd le fil », note l’une des représentantes en ressources humaines. « Le gouvernement ne nous envoie pas de feuilles pour nous signifier ses changements. »

Saint-Éphrem et le nouveau villageois

Saint-Éphrem-de-Beauce, une localité d’environ 2400 habitants, prévoyait d’accueillir 15 travailleurs temporaires l’an dernier. Pas moins de 57 y ont finalement débarqué. Le rythme est si soutenu que les résidences disponibles ne fournissent pas. L’une des rues du village n’est « pas encore construite que les terrains ont déjà trouvé preneur » pour du « multilogement », explique le directeur général de la municipalité, Bastien Thibaudeau.

Bien entendu, ces dizaines de nouveaux arrivants subissent quelques remarques désobligeantes de la part d’Éphremois d’origine. Cela tient de la fausse note, aux dires de Danielle Breton, qui orchestre l’intégration dans la municipalité. La preuve : un cours d’espagnol s’ouvre ces jours-ci dans l’école du coin afin de satisfaire la curiosité des habitants.

C’est plutôt le rythme effréné du travail en usine qui devient le problème des villages de la Beauce. Danielle Breton enjoint aux entreprises de refuser les offres de travail supplémentaire des immigrants afin de faciliter leur intégration. « Le succès, ça part des entreprises, des municipalités, des personnes impliquées. [Nos messages] passent mieux quand les entreprises communiquent l’information. »

L’afflux de nouveaux arrivants en Beauce ne risque pas de s’estomper de sitôt, tant la demande de manoeuvres est forte. Sur les 1695 travailleurs étrangers temporaires présentement en Beauce, plus de la moitié (54 %) sont arrivés dans les 12 deniers mois. Et dans les 18 prochains mois, ce sont 1105 nouveaux immigrants qui arriveront en Beauce, ce qui comprend 170 étudiants internationaux, mais pas les réunifications familiales, selon les données du Conseil économique de Beauce.

Ce reportage bénéficie du soutien de l’Initiative de journalisme local, financée par le gouvernement du Canada.

1 « J'aime »

En lisant ces trois articles on voit bien à quel point les questions d’immigration sont complexes et demandent une certaine concertation du milieu pour aplanir les difficultés d’insertion. C’est sûr que c’est encore plus difficile dans les plus grandes villes, puisque les consensus ne sont pas faciles à atteindre et les gens plus dispersés sur un territoire plus anonyme.

Tandis qu’au Québec la question de la langue et de la culture s’ajoute au défi d’intégration qui demande des budgets importants pour franciser tout ce beau monde. Un effort que les autres provinces n’ont pas à faire, les nouveaux arrivants étant déjà acquis à la langue dominante (anglais) langue commune du continent.

Finalement le problème d’intégration et de capacité d’accueil se pose tout autant en France et dans d’autres pays d’Europe. D’abord pour une question politique, parce que les populations se sentent bousculées par le nombre d’arrivants étrangers et les difficultés de tout genre qui en découlent, dont notamment la pauvreté croissante, la criminalité, la sécurité publique etc.

Ce n’est donc pas demain que l’on trouvera l’équilibre, car d’un côté les guerres, les inégalités sociales, les changements climatiques, les régimes autoritaires de plus en plus nombreux et les crises économiques comme sociales sont devenus légions. Or toutes ces causes pèsent lourdement sur les sociétés d’accueil qui peinent à s’ajuster aux nombreux mouvements migratoires qui croissent plus vite que la volonté et la capacité des gouvernements à les accueillir favorablement.