Marché des logements locatifs - Actualités

Données de la SCHL Montréal contribue à un bond de 18 % du rythme des mises en chantier en décembre

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

(Ottawa) La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) affirme que le rythme annuel des mises en chantier en décembre a augmenté de 18 % par rapport à novembre, aidé par une hausse des mises en chantier de logements collectifs urbains à Vancouver et à Montréal.

Publié le 16 janvier

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La Presse Canadienne

L’agence nationale du logement indique que le nombre mensuel désaisonnalisé et annualisé de mises en chantier d’habitations pour décembre était de 249 255 unités, contre 210 918 en novembre.

Cette statistique a diminué de 35 % à Toronto, en raison d’une forte baisse des mises en chantier de logements collectifs.

Montréal et Vancouver ont toutes deux enregistré des gains, de 66 % et de 92 % respectivement, grâce à une hausse importante des mises en chantier de logements collectifs (jumelés, maisons en rangée et appartements).

Au pays, dans les centres urbains de 10 000 habitants et plus, le nombre mensuel désaisonnalisé et annualisé de mises en chantier d’habitations a augmenté de 20 %, pour se chiffrer à 234 705. Il s’est accru de 26 % dans le segment des logements collectifs et a diminué de 2 % dans celui des maisons individuelles, pour s’établir respectivement à 191 463 et à 43 242.

Le rythme annuel des mises en chantier en milieu rural a été estimé à 14 550 pour décembre.

La moyenne mobile sur six mois des taux mensuels désaisonnalisés et annualisés des mises en chantier en décembre était de 249 898, en baisse de 2,1 % par rapport aux 255 198 de novembre.

Pour l’ensemble de l’année, la SCHL indique que le nombre réel de mises en chantier d’habitations à l’échelle nationale a diminué de 7 % dans les centres de 10 000 habitants et plus, pour s’établir à 223 513, comparativement à 240 590 en 2022. Cette baisse s’explique principalement par un recul de 25 % des mises en chantier de maisons individuelles.

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On attend les félicitations élogieuses de Pierre Poilievre. Histoire d’être conséquent.

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Logement : manifestation contre le projet de loi 31 à Montréal

Des centaines de manifestants marchent à Montréal.
Les manifestants ont entre autres demandé la démission de la ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau.
PHOTO : RADIO-CANADA / ALEXIS GACON

Philippe Robitaille-Grou
Publié hier à 15 h 15 HNEMis à jour hier à 16 h 56 HNE

La grogne envers le projet de loi 31 s’est fait sentir samedi dans les rues du quartier La Petite-Patrie à Montréal. Quelques centaines de manifestants ont uni leurs voix pour dénoncer ce texte piloté par la ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau.

Un des principaux motifs de cette colère : les mesures prévues par ce projet de loi, qui mettraient fin aux cessions de bail, du moins sous leur forme actuelle. Cette pratique est vue par de nombreux locataires comme leur principal outil pour limiter la hausse des loyers.

Le rassemblement, qui a débuté vers 11 h 30, était organisé par le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ).

Les locataires au Québec étouffent. Et puis on demandait vraiment à ce qu’il y ait un gouvernement et une ministre de l’Habitation qui répondent à la détresse croissante des ménages locataires, a affirmé Cédric Dussault, porte-parole du Regroupement.

On se retrouve avec exactement l’inverse, soit un projet de loi qui retire des droits aux locataires, a-t-il renchéri. Donc je pense que c’est quelque chose qui est venu cristalliser l’insatisfaction, la colère et l’indignation de la population locataire au Québec autour de la situation du logement.

Le taux d’itinérance a augmenté et le gouvernement ne fait rien, a déploré un autre manifestant au micro de Radio-Canada.

Le RCLALQ réclame notamment la démission de la ministre Duranceau, qu’il a qualifiée d’incompétente dans un communiqué publié samedi.

Des chandails vendus aux manifestants caricaturaient d’ailleurs la ministre en la comparant à Marie-Antoinette.

Un chandail porte une image de la ministre Duranceau affublée en Marie-Antoinette ainsi que la phrase « Qu'ils investissent dans l'immobilier! ».
Des chandails vendus aux manifestants caricaturaient la ministre Duranceau en la comparant à Marie-Antoinette.
PHOTO : RADIO-CANADA / ALEXIS GACON

Parmi les demandes des manifestants :

  • le retrait du projet de loi 31;
  • le gel des loyers;
  • un registre provincial des loyers;
  • la démission de la ministre France-Élaine Duranceau.

Québec veut un meilleur équilibre entre locataires et propriétaires

Le projet de loi 31 a été déposé en juin dernier par France-Élaine Duranceau, qui disait alors vouloir colmater « les failles » dans le marché locatif résidentiel, les règles n’ayant pas été revues depuis plus d’une trentaine d’années.

Présentement à l’étude à l’Assemblée nationale, le texte prévoit notamment que le locateur qui est avisé de l’intention du locataire de céder le bail peut refuser d’y consentir pour un motif autre qu’un motif sérieux, auquel cas le bail est résilié à la date de cession indiquée dans l’avis transmis par le locataire.

Dans un message transmis à Radio-Canada samedi, le Cabinet de la ministre indique que l’objectif du projet de loi consiste à rétablir l’équilibre entre les locataires et les propriétaires.

Le Cabinet souligne que des mesures sont aussi prévues pour la protection des locataires. En cas d’éviction, par exemple, le fardeau de la preuve reposerait sur le propriétaire plutôt que sur le locataire.

Des articles visent également à imposer des dommages et intérêts punitifs aux propriétaires qui ne remplissent pas la clause G du bail sur le loyer précédent.

France-Élaine Duranceau au micro du 15-18.
France-Élaine Duranceau a fait valoir des mesures du projet de loi destinées à mieux protéger les locataires. (Photo d’archives)
PHOTO : RADIO-CANADA / MAYA ARSENEAU

Le RCLALQ reproche toutefois à la ministre Duranceau d’avoir de nouveau manqué une occasion de mieux défendre les locataires mardi en refusant d’élargir la loi adoptée en 2016, surnommée loi Françoise David, qui protège les personnes aînées des évictions.

Selon la ministre, son projet de loi protège déjà des expulsions les personnes de tout âge.

Les immigrants, des boucs émissaires, selon le RCLALQ

Le RCLALQ a profité de l’occasion pour dénoncer les récentes déclarations de nombreux politiciens qui liaient la crise du logement à l’immigration.

Faire porter le blâme d’une crise du logement qui s’enracine partout au Québec depuis plusieurs années sur les demandeurs d’asile, c’est plus que malhonnête et irresponsable : c’est minable. Toutes les données montrent que la pénurie est encore plus [grave] et que les loyers flambent encore plus rapidement dans des régions qui reçoivent très peu d’immigration, a soutenu le porte-parole Cédric Dussault par voix de communiqué.

Blâmer l’immigration est non seulement malhonnête, ça détourne aussi l’attention de la vraie cause de cette crise, soit la marchandisation effrénée du logement facilitée par les gouvernements, a-t-il ajouté.

Selon un rapport sur le marché locatif publié cette semaine par la Société canadienne d’hypothèques et de logement, le taux d’inoccupation des logements locatifs à l’échelle de la province est passé de 1,7 % en 2022 à 1,3 % en 2023, son niveau le plus bas en 20 ans. La construction de logements locatifs a quant à elle connu un recul de 13 % en 2022 et de 28 % en 2023.

QS relance son Pacte solidaire

En marge de la manifestation de samedi contre le projet de loi 31, Québec solidaire a relancé, par voie de communiqué, un des pans de son Pacte solidaire, soit la divulgation obligatoire des promesses d’achat simultanées pour une même propriété.

Selon QS, le recul du nombre de ventes de résidences au Québec en 2023 est de l’ordre de 13 % comparativement à l’année précédente. Le responsable solidaire en matière d’habitation, Andrés Fontecilla, explique cette situation par le manque de transparence qui ouvre la porte à de la surenchère excessive.

Ce qu’on vit, c’est une bulle spéculative qui impacte tous les secteurs, a déclaré M. Fontecilla en entrevue à La Presse canadienne. Ce qu’on propose aujourd’hui, c’est d’abolir la pratique des offres d’achat à l’aveugle. Ça alimente la bulle spéculative.

Il a renchéri en précisant que les ménages qui parviennent à réunir les fonds pour acheter un premier logement s’endettent terriblement, parfois sans avoir la capacité de soutenir cet endettement sur le long terme.

M. Fontecilla a choisi de remettre au centre des débats la transparence sur les promesses d’achat pour profiter à la fois du mouvement populaire contre le projet de loi 31 et de la pression du public sur le gouvernement. Il faut tordre les bras à la CAQ et l’obliger à prendre des mesures, a expliqué le député solidaire.

Avec les informations d’Alexis Gacon, de Gabrielle Proulx et de La Presse canadienne

Une autre RPA de 100 unités fermera à Montréal malgré les 200 M$ de Québec

Le Manoir King David, à Côte-Saint-Luc, pourrait être transformé en immeuble à logements.

Un immeuble de 100 unités qui héberge des aînés.

La fermeture du Manoir King David s’ajoute aux 500 fermetures de RPA depuis cinq ans.

Photo : Ivanoh Demers

Publié à 4 h 00 HNE

Le mouvement de fermeture de résidences privées pour aînés (RPA) se poursuit.

Selon les informations obtenues par Radio-Canada, les employés et les résidents du Manoir King David ont été informés de la décision des propriétaires après les Fêtes.

Après un examen attentif et une évaluation approfondie de la viabilité financière du Manoir, nous avons le regret d’annoncer la fermeture imminente des opérations du Manoir dans les mois à venir, peut-on lire dans une communication transmise au personnel.

Construit dans les années 1970, cet immeuble de huit étages était une des quelques RPA de la municipalité défusionnée de Côte-Saint-Luc, dans l’ouest de Montréal.

Ses propriétaires, Thomas Marcantonio et Alfonso Graceffa, sont bien connus des milieux financiers.

La façade d'un immeuble.

Les propriétaires du Manoir King David avaient acheté cet immeuble pour 2,6 millions de dollars à la Fiducie Desjardins en 1997.

Photo : Ivanoh Demers

Près de 80 aînés à déménager

Au CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal, le porte-parole Carl Thériault explique que les 77 résidents de cette RPA ont maintenant un dossier au CLSC […] et chaque usager est évalué par un professionnel de l’équipe de soutien à l’autonomie des personnes âgées.

Des résidents seront relogés dans une autre RPA à proximité, détenue par le groupe Cogir.

Au registre provincial des RPA, le Manoir King David est enregistré comme une résidence de catégorie 3 pour des résidents semi-autonomes. On y trouve en principe des services d’assistance personnelle, de soins infirmiers, d’aide domestique, de repas et de loisirs.

La plupart des résidents ont plus de 85 ans.

Une personne dans un bureau.

Daniel Lévesque, conseiller au Syndicat québécois des employées et employés de service (SQEES-FTQ).

Photo : Radio-Canada

Au Syndicat québécois des employées et employés de service (SQEES-FTQ), on se préoccupe du sort des résidents. C’est quand même des personnes âgées en perte d’autonomie qui vont devoir être relogées […], ce sont des gens de 80-90 ans, souligne le conseiller syndical Daniel Lévesque.

J’ai comme l’impression que les propriétaires considèrent ça comme de l’immobilier, dit-il.

M. Lévesque souligne également certains problèmes en ce qui concerne la quarantaine d’employés, dont plusieurs n’auraient reçu aucun versement de la prime de 4 $ l’heure depuis plusieurs mois. La relocalisation du personnel unilingue anglophone serait également discutée.

Ce syndicat représente 25 000 membres partout au Québec, majoritairement dans le secteur de la santé et des services sociaux, et se présente comme le plus grand syndicat dans les résidences privées pour personnes âgées.

L’avocat qui représente les propriétaires a poliment refusé notre offre de commenter. Si la situation devait évoluer autrement, je vous ferai signe, a précisé Me Stéphane Gaudet.

Des déménageurs au travail.

2500 aînés ont dû se reloger en 2023 en raison de fermetures de RPA.

Photo : Ivanoh Demers

Onde de choc

Dans l’est de Montréal, l’annonce récente de la fermeture de la Résidence Jardin botanique avait créé une onde de choc auprès des résidents et de certains politiciens.

Je pense qu’il faut faire tout ce qu’on peut pour essayer de protéger nos personnes aînées, avait déclaré la mairesse Valérie Plante en encourageant les arrondissements et les administrations municipales à interdire la conversion de résidences privées pour aînés en logements.

À Côte-Saint-Luc, aucun règlement n’interdit de telles conversions.

Ce bâtiment est situé dans une zone où un immeuble d’appartements pourrait être ouvert sans modification du zonage, explique le directeur des affaires publiques et des communications, Darryl Levine. Aucune demande de permis n’a cependant été déposée à ce jour, précise-t-il.

La ministre responsable des Aînés, Sonia Bélanger, a dévoilé ces derniers jours un programme d’allocations de 200 millions de dollars sur cinq ans destiné à freiner la vague de fermetures de petites RPA.

Au CIUSSS, on reconnaît que ce programme ne pourra pas sauver la RPA. Étant donné la fermeture, l’achat de places en RPA ne s’applique pas au Manoir King David, répond le porte-parole Carl Thériault.

Un ex-PDG d’une filiale de la Caisse de dépôt

Un des propriétaires du Manoir King David, Alfonso Graceffa, a fait les manchettes ces dernières années alors qu’il était chef de la direction d’Otéra Capital, une des filiales immobilières de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ).

M. Graceffa avait déploré avec véhémence son congédiement abusif et injustifié par la CDPQ.

La CDPQ avait déclenché une vaste enquête interne à la suite de reportages du Journal de Montréal.

Hausses de loyer à géométrie variable d’un océan à l’autre


Photo: Todd Korol, La Presse canadienne
Les loyers des 4½ à Calgary ont ainsi augmenté, en moyenne, de 14,3% en 2023, la hausse la plus élevée parmi les grandes villes canadiennes.

Sébastien Tanguay
à Québec
5 février 2024
Transports / Urbanisme

Au moment où, parmi 1,5 million de ménages locataires québécois, la majorité reçoivent ou s’apprêtent à recevoir l’avis de renouvellement de leur bail, Le Devoir propose un tour d’horizon des différentes manières de limiter — ou non — les hausses de loyer au Canada.

Sans limite, ou presque

Sur les réseaux sociaux, plusieurs locataires québécois s’étonnent, ces jours-ci, des hausses demandées par leur propriétaire : 63 % par-ci, 200 $ par-là… Si les propriétaires, au Québec, ont le droit d’exiger de tels montants, les locataires ont aussi celui de les refuser — contrairement à la norme qui prévaut dans la moitié du Canada, où les propriétaires peuvent exiger la hausse de leur choix, sans que les locataires aient le loisir de la contester.

En Alberta, en Saskatchewan, à Terre-Neuve-et-Labrador, au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest, il n’existe aucune règle pour limiter les hausses de loyer. Au renouvellement d’un bail, le propriétaire soumet l’augmentation de son choix. Les locataires ont deux options : accepter et rester ou refuser et déménager.

Les loyers des 4 ½ à Calgary ont ainsi augmenté, en moyenne, de 14,3 % en 2023 selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL). Il s’agissait de la hausse la plus élevée parmi les grandes villes canadiennes en 2023.

« C’est en Alberta que les loyers s’envolent le plus rapidement au Canada, précise Dale Whitmore, directeur des politiques et de la réforme de la loi au Centre canadien pour le droit au logement (CCHR). Nous voyons d’ailleurs une augmentation importante de l’itinérance là-bas. »

Au Nouveau-Brunswick, c’est le prix du marché qui détermine la limite de la hausse demandée. Si l’augmentation dépasse l’inflation, le Bureau des relations entre les locataires et les propriétaires peut étaler la hausse voulue sur plusieurs années. Plutôt que de demander 15 % en un an, par exemple, le propriétaire pourra demander 7,5 % pendant deux ans, ou 5 % pendant trois ans.

Fait intéressant : la loi néo-brunswickoise accorde le droit aux locataires de demander une baisse de loyer si les dépenses fixes du propriétaire diminuent ou si celui-ci n’a pas tenu un engagement négocié lors du précédent renouvellement de bail.

À noter que la loi terre-neuvienne est celle qui offre le moins de protection aux locataires. Depuis que le Yukon a réformé la sienne en 2023, Terre-Neuve-et-Labrador est le seul endroit au Canada qui autorise un propriétaire à évincer un locataire sans devoir fournir de motif.

Hausses plafonnées

D’autres provinces imposent plutôt un plafond aux hausses de loyer que les propriétaires peuvent demander. Au Manitoba, les hausses permises fluctuent en grande partie en fonction de l’inflation et se chiffrent à 3 % cette année. Cependant, dès que le coût d’un logement excède 1615 $ par mois, il échappe à la règle et son propriétaire peut augmenter son loyer à sa guise.

En Ontario, le plafond est à 2,5 % depuis deux ans. En Colombie-Britannique, il se chiffrait à 2 % en 2022 et à 3,5 % cette année — bien en deçà de l’inflation annuelle, estimée à 5,6 %.

Dans ces provinces, les propriétaires peuvent tout de même exiger une hausse qui excède la limite s’ils ont investi des sommes majeures à leur immeuble, par exemple pour rénover la toiture ou remettre à neuf le système de chauffage. Ils doivent cependant, avant même de soumettre l’avis d’augmentation aux locataires concernés, obtenir l’autorisation des autorités semblables au Tribunal administratif du logement québécois.

Au Québec, le processus marche dans le sens contraire : le propriétaire peut soumettre l’augmentation de son choix sans que l’aval du TAL soit nécessaire. Si le locataire se sent lésé et que les deux parties ne parviennent pas à un compromis, le propriétaire doit cependant saisir le Tribunal pour justifier sa hausse, qui tranche les litiges en fonction d’une grille de calcul mise à jour à chaque début d’année.

À noter qu’au Québec, un logement construit depuis cinq ans ou moins échappe à toute forme de contrôle de loyer. Le propriétaire d’un tel logement peut ainsi demander la hausse de son choix sans que le locataire ait le droit de la contester.

Hausse entre deux baux

Québec est un des seuls endroits au Canada où la loi limite le loyer qu’un propriétaire peut fixer entre deux baux. La clause G permet à un nouvel occupant de contester le coût imposé par le propriétaire à son arrivée s’il le juge abusif par rapport au plus bas loyer demandé au cours des 12 derniers mois.

Ailleurs au Canada, les propriétaires peuvent augmenter les loyers comme bon leur semble au départ d’un locataire. « Ça encourage les propriétaires à évincer leur locataire pour de fausses raisons afin de contourner le plafond imposé par leur gouvernement », déplore Dale Whitmore.

La Nouvelle-Écosse et le Yukon, par exemple, ont commencé à encadrer les hausses pendant la pandémie pour protéger les locataires en temps de COVID-19. Les loyers, dans certains cas, ont malgré tout flambé.

« En Nouvelle-Écosse et au Yukon, les locateurs ont l’option de soumettre des baux à durée limitée qui ne se renouvellent pas automatiquement arrivés à expiration, explique M. Whitmore. Nous voyons de plus en plus de propriétaires l’utiliser pour pouvoir remettre leur logement sur le marché au prix qu’ils souhaitent quand le bail arrive à échéance. Ça rend la réglementation inefficace. »

Malgré le plafond de 2 % imposé depuis 2020 en Nouvelle-Écosse, par exemple, Halifax a connu un des taux d’augmentation les plus élevés du Canada l’année dernière, avec une moyenne de 11 % en 2023 pour un 4 1/2, selon les données de la SCHL.

Idem dans la grande région de Toronto, où le loyer de deux chambres a grimpé en moyenne de 8,7 %, et ce, malgré le plafond de 2,5 % fixé par l’Ontario.

REGARD SUR LE SYSTÈME QUÉBÉCOIS

Le Devoir a demandé à François Des Rosiers, professeur titulaire à la Faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval, d’étudier le système québécois au regard des autres réglementations en vigueur au Canada.

« Certains systèmes favorisent clairement les propriétaires, d’autres penchent davantage du côté des locataires. Au Québec, nous avons un système qui a un certain équilibre entre les demandeurs et les offreurs de logement », analyse le professeur.

« Au Québec, le système est conçu pour favoriser la négociation entre les deux parties. Le propriétaire a la responsabilité de devoir défendre son dossier au TAL pour montrer que le loyer qu’il demande est raisonnable. Cela incite à garder les loyers relativement bas, mais ce que nous avons aussi observé, c’est que ça accélère la détérioration du parc immobilier. À l’heure actuelle, les conditions exigées aux propriétaires pour fixer les loyers découragent l’investissement puisque le rendement est faible. Ça prend à peu près 40 ans à un propriétaire pour récupérer la mise de fonds qu’il a faite dans son investissement. »

Sébastien Tanguay

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Crise du logement La mairesse Fournier voit haut, Québec dit oui

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Catherine Fournier, mairesse de Longueuil

En retour d’un zonage plus flexible, Longueuil exigerait des promoteurs une contribution au logement à but non lucratif

Publié à 0h50 Mis à jour à 5h00

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Charles Lecavalier
Charles Lecavalier La Presse

(Québec) Le gouvernement Legault veut permettre aux maires de vendre aux promoteurs le droit de bâtir plus haut que le zonage permis en échange d’une compensation destinée au logement à but non lucratif, une idée proposée par la mairesse de Longueuil, Catherine Fournier.

Ce qu’il faut savoir

  • La mairesse Catherine Fournier veut avoir le droit de « vendre » aux promoteurs le droit de bâtir plus haut que ce que le zonage permet.
  • Cette contribution serait dédiée à l’achat de logements privés au profit d’OBNL qui offrent des logements abordables.
  • L’élue croit que cette mesure pourrait relancer la construction de logements privés à Longueuil, puisque les bâtiments qui ont plus d’étages sont plus rentables.

« J’accueille favorablement la proposition de la mairesse de Longueuil d’accorder une option supplémentaire de compensation en échange de l’utilisation du zonage incitatif », a affirmé la ministre des Affaires municipales Andrée Laforest dans un échange avec La Presse.

Cette idée inédite lui a été proposée par Mme Fournier, qui cherche un moyen de financer sa stratégie d’habitation.

« On veut pouvoir permettre que le promoteur puisse verser une contribution financière à la Ville en échange d’un bonus de zonage, et que cette contribution financière soit spécifiquement dédiée à un fonds pour le logement à but non lucratif », explique la mairesse de Longueuil, Catherine Fournier.

Elle souhaite « partager les profits » que les promoteurs pourraient engendrer en bâtissant plus haut, ce qui entraîne des économies d’échelle et davantage de profitabilité.

Crise du logement

Longueuil, comme bien des villes de la région métropolitaine de Montréal, fait face à la crise du logement. Et uniquement construire plus de logements sociaux n’est pas la solution, indique la mairesse Fournier, qui cite le chercheur Steve Pomeroy de l’Université Carleton.

Pendant qu’on construit une unité de logement social ou abordable, on va en perdre 17 sur le marché privé dans la région métropolitaine de Montréal.

Catherine Fournier, mairesse de Longueuil

La mairesse a présenté sa solution en décembre : épauler des OBNL pour acheter des logements privés « à risque » de spéculation. Elle veut éviter ce qui arrive en ce moment : dans les quartiers pauvres de sa ville, des immeubles d’habitation « très abordables avec des locataires sur l’aide sociale » se font rénover, et les loyers peuvent augmenter à 1600 $ par mois, donne-t-elle en exemple.

La Ville veut donc utiliser son droit de préemption pour mettre la main sur ces édifices, pour ensuite les revendre aux OBNL au prix coûtant. Ceux-ci pourraient les rénover tout en conservant un loyer à moindre coût.

Pas d’argent

Le problème : ces organismes ne réussissent pas à boucler leur montage financier et auraient besoin d’aide financière. Ils se tournent donc vers la Ville. « Mais on n’en a pas, d’argent ! », s’exclame Mme Fournier. Et contrairement à ce qu’ont fait d’autres municipalités, elle ne « veut pas imposer de redevances aux promoteurs, parce qu’on ne veut pas nuire au marché de la construction ».

Son administration vise la construction d’un minimum de 30 000 unités d’habitation de tous types d’ici 2041 « afin de répondre aux besoins démographiques en croissance, tout en visant le retour à un seuil d’inoccupation à l’équilibre ». Elle veut donc encourager l’érection de logements privés.

Et c’est ici que Mme Fournier croit faire d’une pierre deux coups. Elle affirme que les promoteurs qu’elle a rencontrés sont intéressés par son idée, tout comme les groupes communautaires. La Ville pourrait à la fois épauler le logement à but non lucratif, permettre la construction de logements privés et encourager la densification.

Mesure incitative à la construction

« Ça devient un incitatif à la construction. Les promoteurs calculent leur profit par porte. Avec tous les coûts fixes, dès que tu ajoutes des étages, c’est du profit beaucoup plus important. Ta rentabilité par porte est plus grande. Même si tu dois partager une portion du profit supplémentaire avec la Ville, ça demeure intéressant », dit-elle.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Le secteur du métro Longueuil a un zonage qui permet la construction d’immeubles de 24 étages.

La mairesse n’aurait aucun « malaise » à autoriser, par exemple, une tour de 35 étages dans le secteur du métro Longueuil, qui a un zonage de 24 étages. Et à plus petite échelle, elle ne voit pas de problèmes à autoriser des bâtiments de cinq ou six étages à des endroits où on n’autorise que des trois ou quatre étages.

Pour l’instant, les villes peuvent autoriser des étages supplémentaires grâce à un « zonage incitatif », mais il est circonscrit, notamment lorsqu’on inclut du logement social dans l’immeuble.

Elle souhaite le rendre plus souple en l’autorisant lorsqu’une « contribution financière destinée à un fonds pour le logement à but non lucratif » est versée par le promoteur.

Catherine Fournier espère que Québec pourra rapidement accéder à sa demande novatrice dans un projet de loi municipal. Elle a rencontré la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, à ce sujet il y a moins d’un mois.

Et la ministre lui ouvre la porte toute grande. « Je suis heureuse de l’intérêt généré par ce nouveau pouvoir auprès des municipalités. D’ailleurs, on invite l’ensemble des villes à se doter de cette règlementation », explique Mme Laforest.

Mme Fournier mise gros sur ce pouvoir. Elle veut 20 % de logements locatifs à but non lucratif sur son territoire. Actuellement, il y a 4666 logements hors marché à Longueuil, soit 4,2 % du parc immobilier. Pour atteindre la cible de 20 %, il faudrait ajouter près de 17 500 logements.

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Le projet de loi Duranceau réveille le spectre de la Commission Charbonneau

Isabelle Porter](https://www.ledevoir.com/auteur/isabelle-porter)*à Québec
8 février 2024
Québec

En permettant aux villes de faire fi de leur règlement d’urbanisme pour stimuler la construction, le projet de loi 31 en habitation risque d’ouvrir la porte à du « favoritisme » et à de la « corruption », comme celle qui a mené à la commission Charbonneau, jugent des experts.

« C’est sûr que ça ouvre la porte à la collusion et à la corruption », avance la professeure de droit de l’Université de Montréal (UdeM) Martine Valois, qui a siégé au comité public de suivi des recommandations de la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction (CEIC).

En mettant les règles de côté, on donne trop de « pouvoir discrétionnaire » aux élus, résume-t-elle.

Le professeur en science politique de l’UdeM Denis Saint-Martin, qui a lui aussi siégé au comité de suivi, est du même avis. « J’ai comme un feu jaune qui clignote dans ma tête », a-t-il dit.

« Lorsqu’on enseigne ce qu’est la corruption, on propose toujours la même équation : “monopole + discrétion-imputabilité = corruption” », dit-il en soulignant que les conditions du calcul risquent d’être réunies dans certaines villes.

En novembre dernier, la ministre de l’Habitation du Québec, France-Élaine Duranceau, a déposé un amendement au projet de loi 31 (l’amendement 37.2) qui permet aux villes de faire fi de leur règlement d’urbanisme pour accélérer l’autorisation de projets de construction.

« Sky is the limit »

Cette permission spéciale d’une durée de cinq ans serait offerte à toutes les municipalités de plus de 10 000 habitants dont le taux d’inoccupation est sous la barre des 3 %. Elle s’appliquerait aux immeubles de trois logements ou plus.

Cet amendement de dernière minute n’avait rien à voir avec le sujet principal du projet — les relations entre locataires et propriétaires — et n’avait pas pu faire l’objet d’une consultation des groupes concernés parce qu’il avait été déposé trop tard dans le processus. À l’époque, le monde municipal avait applaudi à ce changement.

Or, cette semaine, l’Ordre des urbanistes (OUQ) et l’Ordre des architectes du Québec (OAQ) ont avisé le gouvernement qu’il posait des problèmes éthiques sérieux.

« Nous sommes particulièrement préoccupés par des risques de favoritisme et la possibilité d’une trop grande politisation des approbations », ont-ils écrit dans une lettre transmise lundi à la ministre Duranceau, à la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, et aux élus membres de la commission parlementaire qui a étudié le projet de loi.

Joint par téléphone, le président de l’Ordre des urbanistes, Sylvain Gariépy, parle d’un éventuel « Far West » dans l’approbation des projets de construction.

En mettant de côté la réglementation, les élus auraient, selon lui, le loisir de favoriser certains constructeurs au détriment d’autres sans justification claire. « C’est le retour en arrière à la commission Charbonneau. Mais, à cette époque-là, on avait quand même de la réglementation municipale qui était applicable. Il y avait des documents qui étaient signés, des exigences qui étaient là, et certaines personnes pouvaient quand même trouver le moyen de contourner les règles. Mais maintenant, on les enlève toutes, les règles. « Sky is the limit ! » quelque part. »

Un mandat pour l’Autorité des marchés publics

L’étude du projet de loi 31 en commission parlementaire s’est terminée cette semaine. Il pourrait être adopté dès la semaine prochaine.

Dans le contexte de la crise du logement, de nombreuses voix s’élèvent dans l’espace public pour dénoncer la lourdeur des réglementations municipales et ses effets sur le démarrage de projets de construction.

« On vient donner de la souplesse. Tout ça est pris dans de la mélasse, c’est trop lent, trop contraignant. Il y a une crise, il faut agir », avait déclaré Mme Duranceau en novembre. « Cette mesure-là va attirer l’attention, donc les municipalités qui vont s’en prévaloir vont être sous les projecteurs et vont agir dans les règles de l’art », avait-elle aussi fait valoir.

Une affirmation qui laisse Denis Saint-Martin dubitatif. « On sait que, dans bien des municipalités, l’attention publique ne risque pas d’être là-dessus. Je ne partage pas sa foi sur le fait que ça va attirer attention et que, s’il y a un problème, quelqu’un va lancer l’alerte. »

Si on enlève des garde-fous dans les villes, il faut compenser par davantage de transparence, dit-il. L’Autorité des marchés publics (AMP), qui a été créée dans la foulée de la commission Charbonneau, pourrait, par exemple, être mandatée pour tenir « un registre » de toutes les municipalités qui se prévalent de ce pouvoir durant les cinq années.

Une suggestion que Martine Valois trouve intéressante. « On donne des pouvoirs, il faut qu’ils soient le moins discrétionnaires possible et il faut qu’il y ait un organisme de contrôle à l’extérieur de l’organisme en question. »

Le gouvernement pourrait aussi déposer une loi sur l’allègement réglementaire en matière de construction, suggère-t-elle. « Si on doit faire avancer ces projets-là de construction, il faut adopter une loi qui fait en sorte que ce n’est pas le conseil municipal qui va décider, ça prend une structure qui va prévoir des contre-pouvoirs. »

Questionnée sur une autre initiative de déréglementation proposée cette semaine par la mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, Mme Valois se montre plus nuancée.

Comme le révélait La Presse mercredi, Mme Fournier souhaite exiger des promoteurs des contributions financières spéciales en échange d’assouplissements en matière de zonage pour financer ses projets de logement à but non lucratif. Une proposition que la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, s’est dite ouverte à concrétiser.

« Il faut voir comment la réglementation sera rédigée », dit Mme Valois, qui note qu’au moins, dans ce cas, la mesure cible des organismes à but non lucratif.

EN CONTRADICTION AVEC SA COLLÈGUE ANDRÉE LAFOREST

L’amendement 37.2 est en complète contradiction avec la Politique nationale de l’architecture et de l’aménagement du territoire (PNAAT) de la ministre Laforest, déplorent par ailleurs l’OUQ et l’OAQ. Dévoilée en juin 2022, cette politique vise à planifier le développement urbain de façon plus cohérente en limitant notamment l’étalement urbain. Elle est l’aboutissement de nombreuses années de travail au ministère et d’une vaste consultation nationale. « On se dote d’une politique et la première chose que l’on fait, on permet de contourner tous les outils d’urbanisme et d’aménagement du territoire », s’étonne M. Gariépy. Pour accélérer le rythme de construction des logements, les urbanistes et les architectes font certaines propositions, dont l’élaboration d’une stratégie globale sur le logement et un signal clair du gouvernement en matière de « densification douce ». Ils saluent en outre l’ouverture faite dans le projet de loi 31 aux « unités d’habitation accessoires » (UHA) et préconisent aussi des modifications au Code de construction.

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AnalyseConstruire, construire, construire

Un chantier de construction, avec un soudeur et une pelle mécanique.

Selon le gouverneur de la Banque du Canada, la moitié de l’inflation viendra du secteur du logement au cours des deux prochaines années.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Publié à 6 h 38 HNE

Il faut construire plus de logements et il faut le faire beaucoup plus rapidement. On pourrait même aller jusqu’à dire que le Canada, dans les faits, est convié à un grand chantier pour redonner accès au logement et soulager les ménages qui doivent composer avec des coûts qui ne cessent de s’alourdir. Il n’est plus possible pour les décideurs publics de regarder passer le défilé et d’attendre que le marché se corrige de lui-même.

Selon la CIBC, ce n’est pas 3,5 millions d’unités supplémentaires qu’il faut construire au pays d’ici 2030, comme l’affirmait récemment la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL). C’est 5 millions de logements qu’il faut ajouter pour répondre à la demande et retrouver un marché abordable, de l’avis de l’institution. C’est colossal.

Selon une note publiée mardi par l’économiste Benjamin Tal, la population canadienne s’accroîtra de 6 millions de personnes d’ici sept ans. Malgré une réduction du nombre d’étudiants étrangers, la croissance du nombre d’immigrants temporaires dépassera en moyenne 2 % par année d’ici la fin de la décennie. C’est donc dire que la prévision de la SCHL, à 3,5 millions de logements de plus d’ici 2030, est beaucoup trop faible.

De plus, la CIBC est d’avis que le nombre d’immigrants temporaires est sous-estimé au Canada. Selon Benjamin Tal, il n’y a pas de prévisions, d’objectifs ou de plans d’accueil crédibles au sein des gouvernements pour les résidents non permanents. Ce segment migratoire est, dans les faits, incontrôlé.

Ajoutons que le gouvernement fédéral a indiqué avant les Fêtes que de 300 000 à 600 000 personnes vivent de façon irrégulière au pays et que ces gens pourraient être régularisés pour les sortir de l’anonymat, une proposition que porte depuis longtemps l’ex-juge à la Cour suprême Louise Arbour. Ces personnes, absentes des données, font nécessairement pression également sur le logement.

Réduire l’immigration, stimuler la construction?

L’économie est capable d’absorber la hausse marquée de la demande en ce moment, affirmait récemment le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, devant le Comité permanent des finances. La forte poussée de la population n’est pas inflationniste, disait-il, puisqu’avec la demande qui augmente, l’offre augmente aussi.

Mais il faut exclure le secteur du logement de cette équation, a-t-il précisé. C’est 50 % de l’inflation qui viendra de ce secteur au cours des deux prochaines années.

Il est donc urgent de revoir les niveaux d’accueil des immigrants à court terme. Le gouvernement fédéral n’a pas d’autre choix que de calmer la demande. Il va le faire en réduisant l’accueil d’étudiants étrangers, mais ne faudrait-il pas revoir, ne serait-ce que temporairement, les cibles d’immigration permanente? Et ne faudrait-il pas également encadrer l’accueil de travailleurs étrangers?

Il est tout aussi urgent de travailler à améliorer l’offre de logements afin de réduire la précarisation d’un nombre grandissant de ménages. À Ottawa comme à Québec, il faut plus d’ambition pour amener les constructeurs à lancer et à relancer des projets résidentiels, surtout des projets de bâtiments multifamiliaux.

Certes, la baisse prochaine des taux d’intérêt pourrait stimuler la construction. Mais des règles plus souples, des délais d’approbation plus courts, des programmes plus ciblés, surtout pour du logement abordable et du logement social, sont nécessaires pour aider à la construction.

Pourquoi le gouvernement du Québec ne suspend-il pas la TVQ sur les nouveaux projets de construction de logements locatifs? Pourquoi Québec ne suit-il pas Ottawa, qui a décidé de suspendre la TPS sur ces projets?

Les dernières données de Statistique Canada sont inquiétantes, voire catastrophiques. La valeur des permis de bâtir a chuté de 14,5 % en décembre 2023 par rapport à décembre 2022 au Canada, et de 15,8 % au Québec.

Dans le secteur résidentiel, la chute est de 15,6 % dans l’ensemble du pays, avec une glissade de 28 % pour le logement multifamilial. Récemment, on apprenait que les mises en chantier ont chuté de 32 % au Québec en 2023, avec des reculs de 37 % à Montréal et de 40 % à Québec.

Baisser les taux et construire, construire, construire!

Le gouverneur de la Banque du Canada, de passage à Montréal mardi, a dit que la politique monétaire ne pouvait pas en faire beaucoup pour atténuer la crise du logement. Pourtant, il est clair qu’une baisse de taux pourrait soulager bien des propriétaires et des entreprises de construction.

Le taux d’inflation au Canada est de 3,4 %, mais en excluant le logement, il est de 2,4 %, ce qui pourrait donner une marge de manoeuvre à la Banque du Canada pour agir rapidement. La hausse des taux d’intérêt, d’ailleurs, est inflationniste actuellement.

Est-ce qu’une baisse de taux est possible dès le mois de mars? À Zone économie mardi, l’économiste Clément Gignac disait croire que c’est toujours possible. Mais les économistes du secteur privé semblent pencher davantage pour avril ou juin.

Quoi qu’il en soit, c’est aux différents ordres de gouvernement de prendre en compte la question du logement dans l’élaboration de leurs politiques, a dit Tiff Macklem.

Dans une autre note économique publiée mardi, Desjardins affirme que le ralentissement dans la construction résidentielle va se poursuivre cette année. Les taux d’intérêt et les coûts de construction toujours élevés, la très faible confiance des constructeurs et la pénurie de main-d’œuvre sont autant de facteurs laissant entrevoir une baisse marquée des activités de construction.

Selon Desjardins, il n’y a pas d’effet notable sur l’abordabilité des mesures gouvernementales visant à accroître l’offre de logements. Bien sûr, nous saluons la volonté des décideurs de réduire les barrières à la construction de logements neufs, mais il faudra du temps pour que ceux-ci arrivent sur le marché.

Une proposition qui revient souvent dans l’espace public, c’est la tenue d’un sommet du gouvernement fédéral avec les provinces et les territoires pour mieux orienter les transferts et débloquer les délais administratifs qui empêchent l’accélération des projets de construction. Il est urgent que les décideurs politiques se parlent franchement.

Les solutions sont multiples :

  • fournir des avantages fiscaux au secteur privé;
  • resserrer les règles sur la location de courte durée;
  • repenser les zonages qui viennent exclure la construction résidentielle;
  • repenser les réglementations qui limitent, par exemple, la hauteur des bâtiments;
  • convertir des locaux sous‑utilisés, comme des centres commerciaux ou des églises;
  • favoriser d’autres modèles de construction qui permettraient de bâtir davantage de logements locatifs protégés de la spéculation immobilière.

Donc, il faut très certainement calmer la demande à court terme. Mais il faut surtout stimuler l’offre à court, à moyen et à long terme.

Chronique dans le Devoir sur l’adoption du projet de loi 31

Logement, bricolage et mauvaise foi

Aurélie Lanctôt
Chroniqueuse spécialisée dans les enjeux de justice environnementale, l’autrice est doctorante en droit à l’Université McGill.
9 février 2024
Chroniques

C’est maintenant chose faite : l’étude en commission parlementaire du controversé projet de loi 31, qui revoit entre autres les relations entre locataires et propriétaires, est terminée. La trajectoire de ce texte législatif, présenté comme un remède à la crise du logement, a jusqu’ici été une saga tant sur la forme que sur le fond. À la veille de son adoption, retour sur un parcours cahoteux dont le résultat aura des conséquences graves dans la vie de nombreux ménages.

Après des semaines de rumeurs au sujet de la fin annoncée de la cession de bail, ce projet de loi, présenté comme un plan structurant visant à stabiliser un marché du logement en contexte de crise sans précédent, a été déposé par la ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, en juin 2023, au tout dernier jour de la session parlementaire. Le texte donnait effectivement raison aux ouï-dire en attribuant un droit de veto aux propriétaires.

La levée de boucliers a été immédiate, alimentée par les déclarations récentes de la ministre au sujet des droits des locataires.

Questionnée au sujet des cessions de bail, Mme Duranceau avait expliqué en entrevue à Noovo que « [tu] ne peux pas utiliser un droit qui n’est pas le tien, de céder un bail à quelqu’un d’autre, à des termes que tu décides, quand ce n’est pas ton immeuble », concluant sur son désormais proverbial conseil adressé aux locataires d’investir en immobilier s’ils veulent prendre ce genre de décision.

Son ton et sa condescendance avaient de quoi faire frémir tout conseiller en communication. Sur le fond, les déclarations de la ministre trahissaient aussi une mécompréhension de la structure, de la mécanique fine et des matériaux législatifs en cause.

Ces déclarations laissent croire que la ministre ne comprenait pas que le droit à la cession découle bel et bien des droits d’un contrat (ici, un bail) — dont celui, puisque le Code civil le permettait jusqu’ici, de transférer ses obligations sans modifier les termes de l’entente. Elle se contentait de répéter qu’un propriétaire peut disposer de son bien comme il l’entend, ce qui n’est pas faux dans l’absolu, mais faisait comme si les obligations contractuelles qui tempèrent l’exercice de ce droit n’étaient qu’une faveur, une vue de l’esprit.

Qu’à cela ne tienne, c’est la ligne qui s’est imposée et qui demeure : abaisser la barre des contraintes à respecter pour les propriétaires lorsqu’ils choisissent de vivre de la rente sur un bien — même lorsque celui-ci répond à un besoin fondamental — tout en prétendant corriger un déséquilibre.

Dans les derniers mois, la ministre Duranceau n’a eu de cesse de répéter que la restriction de la cession de bail n’était qu’un détail insignifiant au regard des vastes protections que met en place le projet de loi pour contrer les évictions. Or, ces protections ne tiennent qu’à une seule chose : le renversement du fardeau de la preuve pour les évictions. Le projet ne met en place aucune protection substantielle supplémentaire pour les locataires. Cela veut dire qu’il n’offre rien aux personnes qui connaissent mal leurs droits ou qui ne se sentent pas la force de mener une guerre d’usure contre un propriétaire qui tente de les évincer.

On dit : si un propriétaire veut se débarrasser d’un locataire, qu’il obtienne l’autorisation du tribunal. Fort bien. Mais vous vous imaginez comment on se sent à habiter quelque part lorsqu’on sait que le propriétaire tente de nous en évincer ? Ce n’est pas exactement propice à l’épanouissement. Pour des jeunes ayant les reins solides qui connaissent leurs droits, cet inconfort peut encore aller. Mais pour une famille qui veut se projeter dans l’avenir ? Pour une personne aînée anxieuse qui connaît mal ses droits ?

À ce sujet, dans la foulée des fermetures de résidences privées pour personnes âgées des dernières semaines, Françoise David, à qui l’on doit le projet de loi de 2016 qui limite les évictions des aînés, a bien expliqué en entrevue à RDI que c’est aussi dans les rapports informels qu’elles se concrétisent. Elle expliquait qu’une personne âgée isolée, précaire, peu au fait des développements législatifs aurait pour réflexe de vouloir parler à son propriétaire en recevant un avis d’éviction. Pour tenter d’arranger les choses, de comprendre, de trouver un compromis… Pour finir, trop souvent, par renoncer à ses droits.

Cela illustre la limite des protections d’ordre procédural, comparativement à des protections énoncées clairement par la loi. Les oppositions ont tenté de faire adopter des amendements en ce sens, notamment sur les évictions de locataires aînés. Ils n’ont pas été pris en compte.

En revanche, la ministre Duranceau a ajouté à la dernière minute un amendement permettant aux municipalités de déroger à leur règlement d’urbanisme pour favoriser la construction d’immeubles. Un greffon hors sujet dans ce projet de loi adopté à la hâte, qui, selon certains observateurs, ouvre une brèche pour la corruption.

À la veille de l’adoption de la loi, on reste avec la désagréable impression que celle-ci a été pensée comme une enfilade de propositions soufflées à l’oreille de la ministre par des promoteurs immobiliers et des regroupements de propriétaires. Au gouvernement, on semble faire le pari que le développement immobilier résoudra tous les problèmes qui malmènent le droit au logement des citoyens.

L’alibi est parfait pour présenter un tel bricolage en lieu et place d’une politique publique cohérente et structurée. Le manque de sérieux, en revanche, est éclatant.

Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

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4 articles sur le sujet

Reportage à CityNews

Montrealers deal with renovictions amid lowest vacancy rate on record

“Uprooting from my home, uprooted from my neighbourhood," says Patricia Higgins, a Montreal resident being evicted after living in her apartment for 47 years, amid soaring rent prices and low vacancy rates. Alyssia Rubertucci reports.

Un propriétaire condamné à verser 14 000$ pour une éviction illégale


Photo: Valérian Mazataud, archives Le Devoir
Après avoir signé un bail pour un 3½ rue Saint-Denis, dans le quartier La Petite-Patrie à Montréal, une locataire avait compris que le loyer était passé de 650 $ à 1120 $.

Sarah R. Champagne
14 février 2024
Justice

« Preuve fabriquée », gestes posés « de manière précipitée et intempestive », « arrogance » : un propriétaire « a abusé de ses droits » et a voulu « se débarrasser d’une locataire qui cherche à faire valoir ses droits dès le départ ». La juge Manon Talbot du Tribunal administratif du logement (TAL) ne mâche pas ses mots envers le propriétaire de plusieurs immeubles Tristan Desautels. Le jeune homme est tenu responsable d’une éviction illégale d’une locataire avant même qu’elle n’emménage dans son logement et est condamné à lui verser plus de 14 000 $.

Paramita Nachampassak avait décrit en détail sa situation en nos pages en avril 2021. Après avoir signé un bail pour un 3½ rue Saint-Denis, dans le quartier La Petite-Patrie à Montréal, elle avait compris que le loyer était passé de 650 $ à 1120 $. Surprise par cette augmentation de plus de 70 % et insatisfaite de la réponse du propriétaire, elle s’était adressée au TAL dans l’espoir de pouvoir faire « fixer » le loyer.

Le père du locateur, Daniel Desautels, accuse réception de sa demande au Tribunal le 20 avril 2021. Trois jours plus tard, son fils Tristan, premier actionnaire de la compagnie Zebra Immobilier, se présente sans prévenir au domicile des parents de la locataire (là où Mme Nachampassak réside) et lui rapporte des biens, comme un escabeau et du matériel de peinture.

Entre le jour où elle signe son bail et son emménagement, elle avait en effet eu accès au logement pour peindre et amener certains effets personnels. La jeune femme demande à Tristan Desautels d’aller récupérer le reste de ses biens, dont un canapé qu’elle a acheté de l’ancien locataire. « Perds pas ton temps avec ça, les serrures sont déjà changées », lui rétorque-t-il alors. Il lui souhaite aussi bonne chance pour se trouver un logement, maintenant qu’elle a un dossier au TAL et la remercie pour la peinture effectuée dans le logement.

Affirmant qu’un bail aurait déjà été signé avec une autre personne, celui-ci a invoqué une « erreur commise de bonne foi » devant le tribunal, comme il l’avait fait en nos pages.

La juge Talbot a cependant conclu que ce bail signé avec un dénommé Thomas Legault « est une preuve fabriquée pour éluder une manoeuvre frauduleuse du locateur ». Il a voulu « se débarrasser d’une locataire qui cherche à faire valoir ses droits dès le départ », dit-elle sans détour, précisant qu’il n’y a pas d’autre conclusion possible.

Ni Thomas Legault ni la conjointe de M. Desautels, Sandrine Campeau, n’ont été cités à témoigner au Tribunal même si la version du propriétaire reposait sur ce bail.

Autres manquements

Paramita Nachampassak se dit quant à elle « franchement soulagée » par ce jugement qui lui donne raison « sur toute la ligne » : « Je m’y attendais quand même étant donné qu’il y avait beaucoup de trous dans leur histoire. Ils ont présenté une seule preuve sans solliciter d’autres témoignages », dit-elle en entrevue. Le jugement est limpide et « explicite », trouve-t-elle, félicitant la juge « qui n’a pas mangé tout cuit les excuses qu’ils ont présentées ».

Il aura tout de même fallu plus de deux ans et demi entre sa demande d’indemnisation et la décision du TAL. « C’est un processus qui a été extrêmement long », souligne-t-elle. La locataire expulsée avant même d’emménager a dû envoyer une mise en demeure pour pouvoir récupérer ses effets personnels.

Deuxième bail ou non, Tristan Desautels ne pouvait pas « se faire justice lui-même », énonce aussi le jugement. Il aurait dû s’adresser au TAL pour demander la résiliation du bail et ne « surtout pas agir de manière précipitée et intempestive comme il l’a fait », écrit Mme Talbot.

Quant aux témoignages de Tristan Desautels et de son père, la juge y a relevé plusieurs contradictions. C’est le père qui aurait signé le premier bail avec Thomas, la même journée qu’une visite virtuelle de l’appartement. Or, il n’aurait avisé son fils et sa conjointe (alors employée de l’entreprise) qu’une semaine plus tard, note-t-elle notamment.

Des semaines après cette éviction, après vérification du Devoir, aucun autre locataire n’occupait le logement. Lors de son témoignage le 7 décembre 2021, soit plus de 7 mois plus tard, un occupant du même immeuble a également déclaré que le logement était toujours inhabité.

La juge Talbot a aussi insisté sur le fait que Tristan Desautels s’était introduit dans la demeure de façon illicite en pénétrant dans le logement sans autorisation pour sortir les biens de Mme Nachampassak, même si elle ne vivait pas encore dans les lieux. Il a maintenu durant l’audience qu’il avait pris une bonne décision en remplaçant les serrures sans avis, et que cela faisait partie de leur « procédure habituelle ».

« Aux yeux du Tribunal, le locateur semble mal saisir ses obligations légales et contractuelles comme locateur et comment se comporter envers les locataires », écrit-elle aussi. Durant l’audience, Tristan Desautels a précisé avoir plus d’une centaine de locataires.

À la suite de la publication de notre reportage en 2021, d’autres locataires, cette fois à Sherbrooke, s’étaient dits sous la pression d’éviction par M. Desautels, qui se présente comme gestionnaire de l’immeuble.

Le critique littéraire à la retraite Jean-Roch Boivin est décédé à 79 ans en 2023, quelques semaines après avoir subi « une rénoviction des plus féroces », selon ce qu’indiquait son avis de décès. Son immeuble avait été racheté l’année précédente par Modela, dont le promoteur était alors Tristan Desautels.

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C’est peu comme peine, le locataire a certainement gagner plus que ça via sa stratégie frauduleuse. Ça ne décourage pas les autres propriétaires qui seraient tentés de faire pareil.

Des locataires rongés par l’inquiétude

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Henry Zavriyev a acquis en décembre les deux immeubles voisins du 1180 et du 1190, du Fort, au centre-ville de Montréal.

« Surtout, ne signez rien ! »

Publié à 5h00

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Katia Gagnon
Katia Gagnon La Presse


Hugo Joncas
Hugo Joncas Équipe d’enquête, La Presse

C’est le principal conseil de l’avocat Manuel Johnson, qui s’adresse à la trentaine de locataires réunis dans une salle du centre-ville, à un jet de pierre des deux immeubles de la rue du Fort, où ils vivent. Des immeubles où vivent 140 locataires, qu’Henry Zavriyev a achetés en décembre dernier, et qui constituent l’une des plus coûteuses acquisitions de son portefeuille : 26,5 millions de dollars.

Moins de deux mois après l’achat, les efforts pour tenter de convaincre les locataires de résilier leur bail sont bien entamés. Dans la salle, il y a des jeunes, des vieux, des immigrants, des Québécois de souche. Tous sont rongés par l’inquiétude à l’idée de perdre leur logement. « Vous êtes ici parce que vous êtes inquiets suite à l’achat. Et vous avez raison, lance Me Johnson, qui représente de nombreux locataires évincés par M. Zavriyev. Parce que vous ne le savez peut-être pas, mais vous êtes assis sur une mine d’or ! »

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Une trentaine de locataires, sur les 140 que comptent les deux immeubles de la rue du Fort, ont participé jeudi dernier à la réunion organisée par le comité logement de Ville-Marie. L’avocat Manuel Johnson s’est adressé aux locataires.

Pour chaque 100 $ d’augmentation de loyer, le nouveau propriétaire ajoute de 10 000 à 15 000 $ de valeur à son immeuble, affirme Me Johnson. Selon l’avocat, c’est cette mécanique qui a fait le succès financier d’Henry Zavriyev. En partant de l’achat d’une maison de chambres en 2017, qu’il a payée comptant, rénovée, puis relouée, le spéculateur a effectivement bâti un petit empire immobilier (voir autre texte).

Selon les calculs de La Presse, M. Zavriyev a acheté en sept ans pour 197 millions en immeubles locatifs un peu partout au Québec, un chiffre qu’il nous a lui-même confirmé. Il refuse cependant de dévoiler combien de locataires ont accepté de signer des résiliations de bail à la suite de ces achats.

« Un des créneaux de notre entreprise consiste à acquérir des immeubles ayant grandement besoin de rénovations et à enclencher le processus en vue de les réaliser. Le cas échéant, des ententes de gré à gré sont systématiquement proposées à nos locataires, lesquels ont le libre choix de les accepter ou non », nous a-t-il répondu par courriel.

Le promoteur de 30 ans a revendu une partie de ces immeubles acquis au fil des ans, mais il détient toujours près d’une trentaine de propriétés, payées au total 146 millions entre 2019 et le mois dernier. À Montréal, Québec et Saint-Jean-sur-Richelieu, ces propriétés représentent au moins 610 logements.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

L’avocat Manuel Johnson

La « technique Zavriyev », qui repose sur une entente entre le propriétaire et ses locataires, est légale, précisait l’avocat Manuel Johnson dans une entrevue avec La Presse en décembre. « Il y a de gros profits à faire rapidement ; la loi et la réglementation le permettent. Et tant que la loi le permet, il va continuer. »

Rentabiliser les « portes »

Devant les locataires de la rue du Fort, la députée solidaire Manon Massé les exhorte à résister à leur éviction. Henry Zavriyev, tonne-t-elle, « c’est le roi de la spéculation, le spéculateur en chef du Québec. Il n’a aucune considération pour ce qui se passe derrière les portes. Tout ce qui l’intéresse, c’est d’acheter des portes ».

Et pour rentabiliser ces « portes », il faut à tout prix évincer les anciens locataires qui paient un loyer peu élevé, dénonce-t-elle. Des locataires comme Muguette Payette, qui vit au 1180 de la rue du Fort depuis 29 ans. « C’est un bon quartier. Je connais tout le monde et on s’entraide. »

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Muguette Payette dans son logement du 1180, rue du Fort

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Muguette Payette a signé l’entente de résiliation de bail, mais conteste cette signature, car elle estime ne pas avoir été adéquatement informée. « J’avais l’impression que je n’avais pas le choix. »

Mme Payette a 72 ans, marche péniblement à l’aide de deux cannes, et a de très faibles revenus, qui s’élèvent à 25 000 $ par an. En théorie, elle correspond à tous les critères de la loi qu’a fait adopter l’ancienne porte-parole de Québec solidaire Françoise David pour prévenir l’éviction d’aînés. Il était donc, en théorie, impossible de l’évincer.

Mais après les Fêtes, quand les employés de M. Zavriyev sont venus frapper à sa porte, ils ont prétendu que l’immeuble serait condamné, dit-elle. Que tout le monde devait partir. « D’après eux, tout le monde avait signé. J’avais l’impression que je n’avais pas le choix. Je leur ai dit : “Vous direz à votre patron qu’il n’a pas de cœur”. » Se sentant acculée au pied du mur, Mme Payette a signé.

Elle paie actuellement 574 $ par mois pour un studio.

Je ne sais pas comment je vais faire si je dois partir.

Muguette Payette, locataire du 1180, rue du Fort

Avec l’aide du comité logement de Ville-Marie et de Me Johnson, elle désire contester sa signature, puisqu’elle estime ne pas avoir été adéquatement informée.

« Nos locataires ont accès, comme l’ensemble des citoyens, à toute l’information nécessaire avant de prendre leur décision, réplique Henry Zavriyev, qui a répondu à nos questions par courriel. Plusieurs locataires de nos immeubles ont refusé de conclure des ententes et demeurent occupants de leur logement. Il s’agit d’un droit fondamental que nous continuerons de respecter. »

D’autres locataires, eux, refusent effectivement de signer l’avis de résiliation de bail. Ivan, dont nous avons changé le prénom à sa demande puisqu’il craint les représailles du propriétaire, dit qu’il va se battre jusqu’à la fin. En janvier, « sans aucun avertissement », l’eau a été coupée dans son logement pendant 11 jours, raconte-t-il. « Et comme l’immeuble est chauffé à l’eau chaude, il faisait très froid », ajoute l’un de ses voisins, un homme âgé à la chevelure blanche. « Plusieurs locataires ont signé après cet épisode. »

« Des informations ont été transmises régulièrement aux locataires et des démarches quotidiennes ont été entreprises afin de trouver un plombier disponible pour réaliser les travaux le plus rapidement possible », indique M. Zavriyev.

Awatif, une étudiante et mère seule de deux enfants, s’est fait offrir 6600 $ pour partir. « Ils nous ont dit qu’on devait quitter avant le 1er juillet, c’est une obligation. Il n’y avait pas d’option. » Malgré tout, elle n’a pas signé. « On a senti que les gens avaient peur dans l’immeuble. Moi, j’agis, mais j’ai peur. »

Des immeubles dans plusieurs villes

Les locataires de la rue du Fort ne sont que les derniers d’une longue liste de locataires qui risquent d’être évincés des propriétés de M. Zavriyev, de Villeray à Hochelaga-Maisonneuve, en passant par Montréal-Nord, Québec, Longueuil et Saint-Jean-sur-Richelieu.

PHOTO TIRÉE DE SON COMPTE LINKEDIN

Henry Zavriyev

En décembre dernier, nous relations l’histoire du 4790, rue Sainte-Catherine Est, un immeuble acheté par Henry Zavriyev, puis ravagé par un incendie – causé par des outils utilisés dans la rénovation – et enfin par une inondation majeure. Évacués à deux reprises, presque tous les locataires ont fini par partir. Il en reste seulement deux : Michel Séguin et Daniel Bernier.

Or, la semaine dernière, une énième inondation a causé une nouvelle évacuation de l’immeuble. Sur place, les pompiers ont constaté des travaux « totalement inadéquats ».

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Le 4790, rue Sainte-Catherine Est, immeuble acheté par Henry Zavriyev

« L’arrondissement a déposé des plaintes auprès de la CNESST (sécurité des ouvriers et du site), de la CCQ (conditions du chantier et qualification des ouvriers) et de la RBQ (licence et comportement de l’entrepreneur, ainsi que pour les travaux réalisés à l’intérieur que nous jugeons totalement inadéquats) », précise Julie Bellemare, porte-parole de l’arrondissement. Après avoir vécu six mois de calvaire, les locataires seront finalement relocalisés de façon permanente par l’arrondissement.

Lisez notre dossier sur le 4790, rue Sainte-Catherine Est, « Le calvaire des locataires »

Henry Zavriyev a fait les manchettes pour la première fois au début de 2022, quelques mois après l’achat de la résidence du Mont-Carmel, qui a fait grand bruit, puisqu’une partie des locataires a choisi de se battre contre le promoteur. Le dossier est toujours devant les tribunaux. Mais ce dossier médiatisé a éclipsé bien des endroits, y compris d’autres résidences pour aînés, où le spéculateur a procédé exactement de la même façon.

Comme au Château Beaurivage, une grande résidence pour aînés de Montréal-Nord qui compte trois tours et près de 500 logements. La mère de Nicole Blanchard y habitait. La femme de 92 ans a dû subir deux déménagements en quelques mois, gracieuseté de Leyad, l’une des entreprises d’Henry Zavriyev. Le promoteur a acheté le complexe à peu près au même moment que la résidence du Mont-Carmel.

Le propriétaire a d’abord rassemblé les gens âgés dans l’un des immeubles, forçant un premier déplacement, puis les a évincés définitivement quelques mois plus tard, en 2023. « Ça a été fait de façon très cavalière. Ils se sont dit : c’est juste des vieilles personnes, ils s’en souviendront plus ! Mais l’état de ma mère s’est vraiment dégradé tellement elle était stressée, relate Mme Blanchard. Sa mémoire a chuté dramatiquement. »

Encore ce Henry Zavriyev…

Entrevue avec l’avocat qui défend les locataires

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Une enquête de Statistiques Canada conclut que les locataires sont moins satisfait(-e)s que les propriétaires

à CTV News

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En d’autres mots, le ciel est bleu!

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