Journal Métro nous présente ce rapport dans cet article:
Ce rapport discute des points suivants: En quoi consiste le concept de dépendance à l’automobile ? 2. Quelle place occupe l’automobile dans les habitudes de mobilité des Québécois ? 3. Quelles sont les conséquences d’un système de mobilité centré sur l’automobile ?
C’est intéressant de voir un angle sociologique et psychologique à la dépendance à la voiture.
« Les Québécois ont un engouement pour les véhicules depuis longtemps », note Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal.
(Québec) La pandémie, le télétravail et l’incertitude économique n’ont pas réduit l’appétit des Québécois pour les véhicules utilitaires sport et les camionnettes. Leur nombre a même fait un bond record sur les routes de la province en 2020.
Publié le 26 janvier 2021 à 5h00
Gabriel Béland
La Presse
Le Québec comptait en effet 140 000 nouveaux « camions légers » immatriculés au 31 décembre dernier par rapport à la même date l’année précédente. Ce bond est le plus important constaté dans cette catégorie depuis au moins 10 ans, révèlent des données toutes fraîches obtenues auprès de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ).
La catégorie des camions légers comprend des véhicules souvent plus gros, énergivores et coûteux, soit les véhicules utilitaires sport (VUS), les minifourgonnettes et les camionnettes.
« Les Québécois ont un engouement pour les véhicules depuis longtemps », note Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal.
On a des records de véhicules sur les routes année après année. La pandémie n’a certainement pas arrêté ce phénomène, ni la préférence des Québécois pour les VUS par rapport aux voitures plus petites.
Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal
Le parc automobile de promenade, soit les camions légers et les automobiles, s’est quant à lui accru de 100 000 véhicules en 2020, pour atteindre 4 906 302 bolides. Il faut remonter à 2010, au sortir de la crise financière, pour trouver une augmentation annuelle plus forte.
Les petits véhicules et les berlines n’ont plus la cote. Le nombre d’automobiles immatriculées a chuté de 40 000 sur l’année, une baisse cependant largement compensée par la hausse des camions légers.
Les experts en transports et en environnement se demandent depuis des mois comment la pandémie influera sur les habitudes de déplacement de la population. Les sociétés de transports en commun ont constaté des baisses importantes de l’achalandage et sont aux prises avec des manques à gagner.
Tendance lourde
Les chiffres de la SAAQ sur les immatriculations montrent quant à eux que les véhicules personnels ont été très populaires en 2020. Et les camions légers continuent leur inexorable progression.
« C’est une tendance lourde qui s’accélère », constate Fanny Tremblay-Racicot, professeure à l’École nationale d’administration publique (ENAP).
Mme Tremblay-Racicot s’inquiète de l’impact de ces choix sur les émissions de gaz à effet de serre (GES). Les véhicules personnels sont responsables d’environ 22 % des émissions de GES au Québec.
« Le message, c’est qu’on s’en va dans le mur avec des choix de consommation comme ça », lance-t-elle.
La Corporation des concessionnaires automobiles du Québec constate aussi cet engouement. « Est-ce que les gens veulent des véhicules avec un peu plus d’espace ? La réponse, c’est oui. Est-ce que les gens veulent des véhicules un peu plus élevés avec quatre roues motrices ? La réponse, c’est oui », constate son président-directeur général, Robert Poëti. « Il faut savoir qu’on vend ce que les consommateurs demandent. »
Mais M. Poëti se dit las d’entendre des « commentaires virulents » sur les VUS. Selon lui, les constructeurs font des efforts pour réduire leur consommation d’essence ou proposer des modèles hybrides ou électriques. Certains modèles qui entrent dans cette catégorie sont aussi à peine plus gros que des autos, ajoute-t-il.
Les chiffres de la SAAQ le laissent par ailleurs songeur. C’est que les quelque 900 concessionnaires membres de la Corporation ont déclaré en 2020 une baisse de 20 % de leurs ventes.
On a été fermés environ deux mois. Comment on arrive à 100 000 véhicules immatriculés de plus, je ne m’explique pas ça.
Robert Poëti, président-directeur général de la Corporation des concessionnaires automobiles du Québec
L’une des explications possibles, c’est que des automobilistes auraient choisi de garder leur véhicule un peu plus longtemps alors que d’autres qui n’en avaient pas ont choisi d’en acheter un.
Les experts s’entendent pour dire que les statistiques de l’année 2021 seront tout aussi importantes pour arriver à saisir l’impact de la pandémie sur les habitudes de déplacement des Québécois.
Va-t-on constater un retour vers les transports en commun ou une progression toujours plus importante de la voiture ?
L’impact n’est pas uniquement environnemental, précise Pierre-Olivier Pineau. « Ce qui me préoccupe beaucoup, c’est l’argent dépensé », dit-il. Selon des données de Statistique Canada, un camion léger coûte en moyenne 10 000 $ de plus qu’une auto.
« En 20 ans, au Québec, le nombre de véhicules de promenade est passé de 3,6 à 5,2 millions, écrit notre éditorialiste. On ne peut plus continuer à ce rythme-là. »
Le ministre Pierre Fitzgibbon a causé toute une commotion cette semaine en déclarant qu’il faudra réduire le nombre de voitures sur nos routes pour atteindre nos cibles d’émission de gaz à effet de serre (GES), en 2050.
Publié à 1h03 Mis à jour à 5h00
En disant cela, il s’est attaqué à tout un symbole : le sacro-saint char, qui fait partie de notre identité nord-américaine. Le seul fait d’évoquer une simple réduction du nombre de véhicules sur nos routes déchaîne les passions.
C’est d’autant plus vrai quand les gens font semblant de ne pas bien comprendre les propos du ministre.
Non, le ministre de l’Énergie n’a pas déclenché une « guerre à l’auto », comme l’a prétendu le chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime.
Et bien sûr, il n’a pas suggéré aux résidants de Matane ou de La Tuque de conduire leur enfant à la garderie à pied ou en autobus en plein hiver.
Pierre Fitzgibbon n’a fait que constater un fait que tous ceux et toutes celles qui s’intéressent à la question connaissent depuis longtemps : il y a beaucoup trop d’autos au Québec.
À Montréal, leur nombre croît plus vite que la population. En 20 ans, au Québec, le nombre de véhicules de promenade (autos et VUS) est passé de 3,6 à 5,2 millions. On ne peut plus continuer à ce rythme-là, il faut renverser la vapeur. Et il faut commencer maintenant, pas dans 20 ans.
Comme l’a souvent dit Catherine Morency, titulaire de la Chaire Mobilité et professeure à Polytechnique Montréal, l’idée n’est pas d’éliminer l’auto. Bien sûr qu’on a besoin d’une auto dans certaines situations. L’idée est surtout de remettre en question la possession d’un véhicule. Quand on sait qu’en général, une voiture reste stationnée 90 % du temps, il serait intelligent d’imaginer des solutions pour que plusieurs personnes partagent un même véhicule. L’autopartage est une de ces solutions. Il peut y en avoir d’autres.
Pour que les gens délaissent l’auto, il faut également leur offrir des solutions de rechange intéressantes en investissant massivement dans les transports publics dans les régions déjà densifiées, en commençant par les principales villes du Québec. Montréal, bien sûr, mais aussi Laval, Longueuil, Sherbrooke, Gatineau et Québec.
Les résidants de ces villes devraient avoir l’embarras du choix pour se déplacer sans auto. Or, c’est encore la croix et la bannière dans plusieurs quartiers. Nos villes sont conçues en fonction de l’auto. Il faut les repenser en fonction des transports publics et actifs.
Il faut regarder du côté des villes qui ont réussi à diminuer le nombre d’autos sur leur territoire pour s’en inspirer : à Londres et à Stockholm, par exemple, on a instauré un péage pour accéder au centre-ville. À Oslo, le péage pour entrer en ville est modulé selon l’heure de la journée et dégressif selon le type de véhicule (les autos plus polluantes paient plus cher). On peut également s’inspirer de Portland, Copenhague et Munich et limiter davantage le nombre d’espaces de stationnement (tout en ajoutant des places de stationnement pour personnes à mobilité réduite) afin de décourager les gens de se rendre au centre-ville en auto. On peut aussi faire comme Barcelone et multiplier les quartiers 100 % piétons, ce que Montréal a commencé à faire avec la piétonnisation estivale de plusieurs artères.
On peut également multiplier les pistes cyclables, ce que fait déjà Montréal.
Toutes ces mesures porteront leurs fruits pourvu que les transports en commun soient accessibles, efficaces et fiables. Or, depuis la pandémie, c’est le contraire : la fréquence et le sentiment de sécurité ont diminué dans le métro de Montréal (et ailleurs au pays).
Les transports en commun souffrent d’un sous-financement chronique et il faudra beaucoup de courage politique pour mettre en place des modes de financement prévisibles et récurrents. Le premier ministre François Legault a voulu tempérer les propos de son ministre de l’Énergie cette semaine en répétant que la transition allait se faire sans contrainte. C’est impossible.
Pour développer le transport collectif en continu, il n’y aura pas 36 solutions : le gouvernement doit oser imposer une taxe kilométrique plutôt qu’une taxe sur l’immatriculation, ce en faveur de quoi nous avons déjà plaidé ici.
Notre collègue Tommy Chouinard nous apprenait cette semaine que le gouvernement Legault s’apprête à créer une nouvelle agence qui sera responsable des grands projets de transport collectif. C’est une bonne nouvelle. C’est un geste qui traduit l’importance que le gouvernement veut accorder à ce type de projets. Mais à quoi bon créer une nouvelle structure si on ne lui donne pas les moyens de ses ambitions ? Et si on hésite à poser le vrai diagnostic, ce qu’a fait Pierre Fitzgibbon cette semaine en déclarant qu’il y avait trop d’autos au Québec ?
Les stationnements sont un lieu important de collisions avec les piétons, estime la directrice générale de Piétons Québec.
Une femme de 80 ans et une autre de 60 ans ont été grièvement blessées par le conducteur d’une automobile alors qu’elles se trouvaient dans le stationnement d’un commerce de Montréal-Nord mercredi. Des collisions qui risquent de se reproduire de plus en plus souvent dans les années à venir, déplore en entrevue Sandrine Cabana-Degani, directrice générale de l’organisme Piétons Québec.
Est-ce que le bilan des collisions entre les conducteurs de véhicules automobiles et des piétons dans les stationnements s’aggrave au Québec ?
On ne sait pas si c’est pire, mais on sait que les stationnements sont un lieu important de collisions avec les piétons. Au cours des 10 dernières années, 6 % des morts et 13 % des blessés ont été happés dans un stationnement.
Sandrine Cabana-Degani, directrice générale de l’organisme Piétons Québec
C’est un phénomène qu’on observe en ville, mais qui est encore plus important en banlieue, comme à Laval ou en Montérégie, des endroits où il y a tout simplement davantage de stationnements, et des stationnements plus grands, notamment devant les commerces.
En fait-on assez au Québec pour prévenir les collisions dans les stationnements ?
Non. C’est un lieu où on n’intervient pas beaucoup en sécurité routière. Les municipalités n’ont pas beaucoup de pouvoirs, le ministère des Transports non plus. En fait, les municipalités peuvent mettre un cadre plus rigide dans le cas des nouveaux permis demandés pour un stationnement et avoir des exigences plus élevées. Mais pour les stationnements déjà existants, il n’y a pas d’exigences pour la sécurité des piétons.
Souvent, on est dans une mer de cases de stationnement, les piétons sont carrément oubliés. Il n’y a souvent pas d’infrastructure pour se rendre de l’auto au commerce. La circulation des piétons dans un stationnement est peu encadrée.
À Montréal, le Marché Central est un exemple à suivre. Les déplacements piétons ont été analysés, et des infrastructures ont été ajoutées. Même si finalement on se trouve quand même dans un stationnement géant, il y a des gestes qui ont été posés pour rehausser la sécurité.
On voit peu de dos d’âne dans les stationnements. Ce serait souhaitable d’en rajouter ?
Il faut qu’il y ait un cadre pour sécuriser les déplacements, car quand on y pense, chaque client du magasin est un piéton, ne serait-ce qu’entre sa voiture et le magasin. Parfois, on voit des dos d’âne directement devant le magasin, mais pas ailleurs dans le stationnement. Il n’y a pas de cadre, ça reste à la discrétion du propriétaire.
On parle aussi malheureusement rarement des enjeux liés aux stationnements dans les médias. Il faut en parler pour que les propriétaires soient conscients qu’ils ont un rôle à jouer pour la sécurité de leurs clients en ajoutant des trottoirs, des aménagements.
D’autant que c’est un risque qui va s’accroître avec le vieillissement de la population. On peut s’attendre à voir de plus en plus de cas de collisions avec des conséquences graves pour la vie des gens.
Je ne pense pas qu’on voit cette mesure bientôt à Montréal, la mairesse était en entrevue cette semaine et elle est opposée à de telles mesures. Elle dit vouloir augmenter la mobilité et non la réduire…
Surtout que les villes qui appliquent de telles mesures ont des alternatives à offrir ! Faut que Fitzgibbon, s’il est sérieux, offre un service digne de ce nom aux banlieues avant de penser mettre des péages sur tous les ponts !
Pour les ponts de la Rive-Sud , il y a les pont Samuel-de-champlain et Jacques-Cartier, qui sont respectivement desservi par le REM et la ligne jaune. Je crois qu’on pourrait se permettre d’y intégrer un payage.
Il y avait du péage sur les pont Jacques-Cartier et Champlain jusque vers la fin des années 1980, début 1990
J’ai encore une pièce pour payer le péage. Je crois que ça valait 25¢
On n’a pas besoin non plus que le péage soit aussi cher que l’A25 ou l’A30. Je vais aux banlieues de Boston assez fréquemment pour voir la famille de ma blonde, et le péage est $1 (2x par direction) . Honnêtement c’est difficile d’être trop fâché contre un péage de $1, et on pourrais aussi l’ajuster en fonction de l’heure. Le péage sur les ponts pourrait (peut-être) encourager les gens à vivre sur l’île au lieu de déménager aux banlieues. Par contre, il faudrait construire plus en conséquence.
En plus, J’ai un EZPass de Massacheusetts (gratuit et ils livrent au Canada FYI) et je peux passer dans quasiment tous les états dans l’est sans payer des frais de rechargement des fonds automatique. C’est une système assez élégant pour moi et si au Québec on décide d’implanter plus de postes de péage, ça serait important pour l’acceptabilité que ça soit facile à gérer. On ne peut pas avoir un transpondeur pour chaque pont et je crois que EZ-Pass marche déjà assez bien et il y a plein de gens aux ÉU qui l’utilisent déjà qui rendrait l’adoption encore plus facile.
En tous cas, comme les autres ont déjà mentionné, il faut améliorer l’offre TeC en premier, si non, ça serait vu comme un autre taxe sans vraiement voir les avantages. Perso, je crois qu’on peux construire ce qu’il faut, pis ensuite utiliser les revenus du péage pour aider à rembourser les coûts.
Personnellement je penses que l’offre de transport en centre ville est accès adéquate pour instaurer une taxe centre ville. Ayant passe plusieurs semaine a Rome ou le Trafic conrtrol est instaurée la couverture du TTC a Rome n’est pas supérieure a Montréal. Par contre au niveau des terminus a la limite de la zone centre ville, il ont installer des énormes stationnent souterrains.
La ou je juges qu’on a du travail a faire c’est au niveau des train de banlieue…
Ici c’est l’histoire de la poule et l’œuf. Avec la culture de l’automobile dans les banlieues, si on décourage pas un peu l’utilisation de l’auto pour venir au centre ville, on va jamais encourager l’utilisation des train de banlieue. Sans demande on va pas avoir un incitatif a augmenter l’offre, et on reste avec l’offre actuelle.
A mon avis ces deux étapes qui doivent se faire en parallèle. Concurrencer utilisation de la voiture dans les zone très bien couverte par le transport en commun, exemple 12$ pour l’accès au centre ville (Atwater- papineau et notre dame - Sherbrooke en ajoutant le vieux Montréal aussi ) en semaines (9-5). Avec une possibilité d’abonnement annuelle a rabais pour les corps de métier (plombier, électricien, etc).
En France par exemple , plusieurs petite ville commence a instaurer des zone a trafic limitée(ZTL):
Ouais je focusais plus sur les traverses du fleuve/rivières. Je suis d’accord qu’au CV, on pourrait justement commencer a planifier pour ce taxe.
Mais je crois aussi que nous n’avons pas nécessairement utiliser que des taxes pour décourager l’utilisation d’auto. Chaque voie réservé pour autobus qui enlève des voies d’auto, chaque feux de circulation qui donne priorité au TeC, chaque rue qu’on construit qui n’est pas assez large pour permettre du stationnement sur rue, sont tous aussi des manières de rendre l’auto moins pratique et d’encourager le TeC en aussi améliorer le qualité de vie de ces endroits. Pour chaque nouveau quartier bâti, on devrait prioriser le TeC et la mobilité actif et ça va décourager l’utilisation de l’auto. Là où c’est possible, on devrait retrofitter l’infrastructure pour atteindre les mêmes buts. Si au finale on n’est toujours pas capable de réduire le nombre de chars sur la route, là les taxes/péages sont la solution, mais ça reste quelque chose qui sera difficile à vendre aux banlieusards qui sont assez puissants à l’Assemblé Nationale. Même si je suis pour le taxe au CV, je crois qu’il y a d’autres options qui restent.
Par contre, sur les autoroutes qui ont l’objectif de transporter le monde le plus vite possible dans une manière sécuritaire où ces mesures ne seront peut-être pas pratique, les péages sont assez logiques.
Petit rectification: Mon but de taxer c’est pas pour Décourager/punir l’utilisation de l’auto, c’est de rendre le transport en commun plus compétitif en cout avec la voiture. C’est vrai que la congestion et gain importante est un incitatif mais pour la plupart des utilisateur la différence de cout reste le facteur le plus important.
Example: Ce soir je planifie aller au dix-30 pour un magasin d’enfant:
Cout en TEC pour deux personnes : 18$ ((2*4.5 )*2) .
Cout en Auto: ~4$
Une taxe sur le pont peut équilibrer un peu la donne et pourquoi pas financer une réduction des couts sur le TTC.
Beaucoup de gens sont tombés en bas de leur chaise quand le ministre de l’Économie du Québec, Pierre Fitzgibbon, a évoqué une réduction possible de 30 à 50 % du nombre de véhicules sur nos routes d’ici 25 ans. Pourtant, son estimation est relativement conservatrice.
Pierre, il a lu beaucoup de rapports sur les environnementalistes cet été, a dit François Legault, la semaine dernière, en réaction à la déclaration de son ministre. Mais il est bien probable que Pierre Fitzgibbon ait lu aussi un rapport d’un organisme qui n’a absolument rien à voir avec Greenpeace ou David Suzuki : le Forum économique mondial.
Oui, oui, vous avez bien lu : il s’agit de l’organisme qui tient chaque année son assemblée annuelle à Davos, réunissant dans les Alpes suisses les leaders les plus puissants de la planète. La Mecque du capitalisme et de l’ordre libéral économique.
Ainsi, dans une note publiée en mai dernier par le Forum, ce n’est pas 30, 40 ou 50 % de réduction du parc automobile qui est envisageable ou qui doit l’être d’ici 25 ans, comme l’affirme le ministre Fitzgibbon. C’est plutôt 75 % de réduction. Rien de moins! D’ici un quart de siècle, le monde doit envisager la disparition de trois véhicules sur quatre sur nos routes.
L’électrification des véhicules privés n’est pas suffisante pour atteindre les cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre prévues dans l’Accord de Paris, écrivent les chercheurs Jeff Merritt et Douglas Sabo dans leur rapport. Il faut donc investir massivement dans le transport en commun et dans les infrastructures, disent-ils, et mettre en place des politiques favorisant le vélo et la marche dans toutes les solutions de mobilité.
Avec une telle stratégie, on pourrait passer, d’ici 2050, à un parc automobile de 2,1 milliards de véhicules à… 500 millions, écrivent-ils. Cela permettrait, selon leurs estimations, de réduire la pollution dans les villes et de faire baisser de façon marquée la congestion, ce qui viendrait libérer de l’espace pour la mobilité durable.
Une telle politique, très ambitieuse, permettrait une réduction des dépenses pour entretenir et étendre le réseau routier. Le rapport du Forum économique mondial évoque une économie planétaire de 5000 milliards de dollars américains par année, dès 2050.
Pour y arriver, il faut un transport collectif accessible, abordable, dominant et étendu, qui permet d’éviter de devoir utiliser un véhicule privé. Selon les projections évoquées dans le rapport, en 2050, près de 70 % de la population vivra dans des régions urbaines. Les villes gagneront 2,5 milliards de citoyens. Il est donc impensable d’imaginer que cette croissance démographique dans les villes se traduirait par une croissance du nombre de véhicules. Déjà, la congestion est partout et les déplacements sont rendus particulièrement pénibles.
Que cette prévision vienne des gens du Forum de Davos est particulièrement ironique, écrivait le Wall Street Journal le 14 juin dernier. Les puissants du Forum économique mondial ont des chauffeurs et font des dizaines de voyages en avion, partout dans le monde, chaque année. Les plus riches sont les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre. Avant de parler de réduire le nombre d’automobiles sur les routes, devraient-ils d’abord revoir leur propre empreinte carbone et ranger leurs avions privés au garage?
De plus, il n’est pas du tout évident que ce scénario allant jusqu’à 75 % de réduction du nombre de véhicules sur nos routes puisse se produire. Les pouvoirs publics doivent avoir de l’ambition, être proactifs et en avant de leur temps. Ils doivent convaincre la population des changements nécessaires à apporter. Cependant, on ne peut pas sous-estimer l’ambition de certains politiciens qui voudront s’emparer de l’opposition populaire à cette transformation et qui viendront ainsi ralentir la transition.
Prendre de l’avance sur ce qui s’en vient
Il est important de comprendre que Pierre Fitzgibbon est un homme d’affaires, passionné de l’économie et de l’investissement, qui cherche à comprendre les enjeux et à connaître les tendances. Les investisseurs comme lui consultent les rapports géostratégiques des institutions financières, lisent The Economist et d’autres publications spécialisées, à la recherche de contenus fouillés et d’analyses en profondeur qui vont les aider à mieux comprendre l’état du monde et à prendre de l’avance sur ce qui s’en vient.
Il n’y a pas que les gens d’affaires qui aiment avoir une longueur d’avance. De nombreuses personnes consultent plusieurs sources d’information pour approfondir leur compréhension des enjeux. Mais dans le cas d’un investisseur comme Pierre Fitzgibbon, une meilleure compréhension du monde peut l’aider à mieux placer son argent. Et dans le cas du ministre qu’il est, de surcroît, une riche information peut l’aider à mieux orienter les choix d’investissement de son ministère.
Alors, quand Pierre Fitzgibbon affirme qu’il y aura 50 % moins d’automobiles sur nos routes, il n’exprime ni un souhait ni un désir, encore moins une politique de son gouvernement, d’autant que le premier ministre Legault n’a pas perdu de temps à prendre ses distances de la déclaration de son ministre. Dans les faits, Pierre Fitzgibbon s’intéresse simplement à ce qui semble probable. Ce qui est le plus probable dans les prochaines décennies.
C’est pragmatique. La réduction du nombre d’automobiles dans le contexte de la transition énergétique et des objectifs climatiques à atteindre est ce qui est le plus probable. Face à cela, les investisseurs et les décideurs doivent se préparer à prendre les bonnes décisions.
Si vous croyez que dans 25 ans, pour arriver à un résultat de zéro émission nette de GES, on aura toujours le même nombre de véhicules sur nos routes, il est bien possible que vous soyez déçu. Ce serait une analyse franchement mauvaise de penser que les choses ne changeront pas, que le nombre de véhicules ne baissera pas, que le transport en commun n’aura pas été privilégié par-dessus tout.
Au Québec, cela dit, tout est à faire. Et c’est la partie manquante à l’analyse du ministre Fitzgibbon et de son gouvernement. Bien que le projet de troisième lien Québec-Lévis a été abandonné, les décisions prises par le gouvernement québécois tendent toujours à favoriser l’expansion du réseau routier et l’ajout de véhicules sur nos routes.
Dans le Plan québécois des infrastructures 2023-2033, déposé en mars dernier, le maintien et la bonification des sommes prévues pour le réseau routier totalisent 31,5 milliards de dollars, alors que l’argent prévu pour le transport collectif est de 13,8 milliards. C’est près de 70 % de ces sommes qui vont au réseau routier.
En ajoutant les projets hors PQI, notamment ceux sous la responsabilité de CDPQ Infra, comme le REM, les investissements prévus pour le transport collectif rejoignent pratiquement les sommes injectées dans le réseau routier.
Mais il faudra en faire plus dans les prochaines années. Le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, et le ministre des Infrastructures, Jonatan Julien, gagneraient à demander à leur collègue Pierre Fitzgibbon de leur faire suivre son dossier de lecture.