Forum des affaires | Les immeubles de bureaux : une situation préoccupante pour Montréal
PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE
Selon les données récemment publiées, le taux de disponibilité au centre-ville de Montréal a poursuivi sa tendance à la hausse observée depuis la pandémie.
Au début de 2022, au moment où la Ville de Montréal a soumis pour consultation son projet Stratégie centre-ville 2022-20301, l’ampleur de la crise à venir pour les immeubles de bureaux n’était pas nécessairement un enjeu majeur.
Publié à 1h01 Mis à jour à 16h00
ARNOLD BEAUDIN
L’AUTEUR EST ÉCONOMISTE
Des taux de disponibilité en forte croissance
Selon les données récemment publiées, le taux de disponibilité au centre-ville de Montréal a poursuivi sa tendance à la hausse observée depuis la pandémie. Ainsi, ce taux a atteint 18,7 % pour le deuxième trimestre 2023, dépassant même le taux pour le Grand Montréal (18,2 %). Notons que l’on retrouve la même situation à Vancouver, à Calgary et à Toronto où le taux pour le centre-ville est supérieur à celui de la région.
Pour Montréal, « sans surprise, le taux de disponibilité s’approche graduellement du pic de 20 %, ce qui ne s’est jamais vu », selon la firme Avison Young.
Sans surprise puisque lors d’un forum stratégique organisé par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain en juin dernier, M. Jean Laurin, de chez Avison Young, a mentionné que ce taux pourrait atteindre près de 24 % en 2025. Si ce pronostic s’avère, nous constaterons souvent des pics « jamais vus ».
Des impacts majeurs
Cette situation est préoccupante puisqu’au-delà des impacts immédiats pour les propriétaires de ces immeubles, elle entraîne aussi des conséquences sur le dynamisme du centre-ville et, par ricochet, d’importantes répercussions sur les finances de la Ville.
Dans sa récente étude2 portant sur des villes dites « superstars », la firme McKinsey signale que la demande d’espaces de bureau, qui est en baisse depuis le début de la pandémie, ne fera que s’aggraver d’ici 2030 dans la plupart des villes étudiées. Cela prendrait des décennies avant de revenir au niveau de la demande prépandémique.
La baisse de la demande aura comme effet d’entraîner une chute de la valeur des immeubles. Les répercussions seraient plus prononcées pour les centres-villes ou les centres d’affaires et varieraient en fonction de la structure économique et du mixte urbain présents3.
Cela risque de mettre sérieusement en péril la santé financière des villes. Pour l’agglomération de Montréal, cela pourrait se traduire ceteris paribus par un impact fiscal négatif de centaines de millions de dollars.
Favoriser la conversion
Dans un tel contexte, le coût d’opportunité pour les propriétaires d’immeubles pour une transformation adaptée, dont pour du résidentiel, pourrait en inciter plusieurs à regarder plus attentivement cette option, notamment pour les immeubles dits de catégories B et C.
Plusieurs villes se sont dotées de mécanismes pour favoriser de telles conversions, dont New York, Washington (DC), Philadelphie, Cleveland, Los Angeles, San Francisco, Denver, Calgary…
Cette solution constitue un outil supplémentaire pouvant contribuer à renforcer le dynamisme du centre-ville et à accroître l’offre de logements, mais il faut être conscient que cela ne saurait être une panacée, tant pour la crise du logement que pour celle affectant les édifices de bureaux.
Diverses actions et mesures devront être déployées, et l’ensemble des acteurs devra être mobilisé.
Montréal a un grand avantage puisque son centre-ville est déjà un pôle dynamique et diversifié, dont il faut prendre grand soin, renforcer son attractivité et ne rien tenir pour acquis.
Voilà des défis et des occasions supplémentaires auxquels la stratégie à venir de la Ville de Montréal pour le centre-ville pourra s’attaquer.