Bataille pour la non-divulgation de documents La Fonderie Horne abdique
PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE
La fonderie Horne, de la société Glencore, à Rouyn-Noranda
La Fonderie Horne de Rouyn-Noranda rend les armes dans son combat visant à empêcher la divulgation de documents montrant la teneur en contaminants des matières qu’elle reçoit de ses clients fournisseurs.
Publié à 0h49 Mis à jour à 5h00
Jean-Thomas Léveillé La Presse
L’entreprise appartenant à la multinationale anglo-suisse Glencore ne portera pas en appel le jugement de la Cour du Québec, qui a confirmé en décembre la décision de la Commission d’accès à l’information (CAI) du Québec l’obligeant à rendre ces documents publics, a appris La Presse.
L’affaire émane de la demande d’un citoyen, Marc Nantel, membre du Regroupement Vigilance Mines de l’Abitibi-Témiscamingue (REVIMAT), qui cherchait à connaître les quantités de concentrés de cuivre livrées à la Fonderie Horne, ainsi que leur concentration en arsenic, en bismuth, en antimoine, en plomb, en cadmium et en mercure.
Ces informations lui avaient été transmises jusqu’en 2018 par le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP), mais la Fonderie Horne s’était opposée à leur divulgation en 2019 – le Ministère avait ensuite transmis les données de 2020.
Les données de l’année 2019, ainsi que celles de 2021, ont été transmises à M. Nantel par le MELCCFP le 19 janvier, après l’abdication de Glencore.
L’arsenic attribuable à une minorité de fournisseurs
L’essentiel de l’arsenic qui entre à la Fonderie Horne, et dont une partie est rejetée dans l’air de la ville durant le traitement des concentrés, provient comme par le passé d’une minorité de fournisseurs, qui ne sont pas identifiés, montrent les données que La Presse a pu consulter.
En 2021, un seul fournisseur a été responsable de 19 % de tout l’arsenic envoyé à la fonderie durant l’année, alors que ses matières ne représentaient que 0,2 % du total des intrants.
Pour l’année 2019, 69 % de l’arsenic qui est entré à la fonderie provenait de trois fournisseurs, dont les matières ne représentaient que 2,6 % du total des intrants.
Mais l’intérêt pour ces données va bien au-delà de ce simple constat ; elles permettent d’évaluer concrètement l’efficacité des procédés mis en place par la fonderie pour réduire ses rejets de contaminants dans l’air, explique Marc Nantel.
L’idée est de suivre l’évolution de l’entreprise et la rendre redevable si elle ne respecte pas ses engagements [de réduire ses émissions].
Marc Nantel, membre du Regroupement Vigilance Mines de l’Abitibi-Témiscamingue (REVIMAT)
C’est d’ailleurs dans l’intérêt de l’entreprise de divulguer ces informations pour faire la démonstration que les mesures qu’elle met en place fonctionnent, estime M. Nantel.
« Mais c’est sûr que si ce n’est pas le cas, je comprends qu’ils ne veulent pas [le faire] », lance-t-il, assurant qu’il a l’intention de réclamer ces données chaque année, maintenant que le tribunal a statué qu’elles doivent être rendues publiques.
La Fonderie sermonnée par le juge
Marc Nantel se réjouit d’avoir obtenu gain de cause, mais déplore qu’il ait fallu « trois ans pour avoir des documents qui sont clairement du domaine public ».
Le juge Serge Champoux sermonne d’ailleurs la Fonderie Horne dans sa décision rendue en décembre, écrivant que des renseignements qui ne sont transmis qu’au terme « d’interminables procédures » perdent en pertinence, estimant que « le seul écoulement du temps équivaut à un déni d’accès ».
La multinationale Glencore a dépensé « plusieurs centaines de milliers de dollars » en frais judiciaires pour éviter la publication de ces données, qui tiennent sur deux pages, ajoute Marc Nantel, qui a bénéficié de son côté du soutien de la coalition Pour que le Québec ait meilleure mine et du Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE).
S’il avait fallu que je paie les avocats pour me défendre, je n’aurais jamais été capable, ça, c’est évident.
Marc Nantel, membre du Regroupement Vigilance Mines de l’Abitibi-Témiscamingue (REVIMAT)
L’affaire aura des répercussions positives pour l’accès à l’information, croit l’avocat Marc Bishai, du CQDE, qui représentait Marc Nantel devant la Cour du Québec.
« C’est une décision qui pourrait certainement être invoquée dans des dossiers futurs », a-t-il déclaré, soulignant qu’elle mentionne l’importance d’obtenir les renseignements demandés rapidement et que les exceptions au droit d’accès à l’information ont « des limites assez importantes ».
« C’est une belle victoire citoyenne pour l’accès à l’information environnementale », a ajouté Me Marc Bishai.
La Fonderie Horne a confirmé à La Presse qu’elle n’interjettera pas appel du jugement rendu en décembre.
« Nous nous conformerons à la décision de la Cour », a indiqué la porte-parole de l’entreprise, Cindy Caouette, réitérant les motifs de l’objection initiale.
« Les informations relatives à nos intrants sont très sensibles, a-t-elle affirmé. Nous avons donc le devoir de protéger notre propriété intellectuelle industrielle afin d’éviter de mettre en péril notre compétitivité. »
L’histoire jusqu’ici
Juin 2020
Marc Nantel demande au ministère de l’Environnement du Québec les données sur les intrants livrés à la Fonderie Horne et leur concentration en contaminants pour l’année 2019.
Août 2022
La Commission d’accès à l’information entend la contestation par Marc Nantel de l’objection de la Fonderie Horne à la divulgation des données.
Décembre 2023
La Cour du Québec confirme la décision de la Commission d’accès à l’information qui obligeait la fonderie à rendre ses données publiques.
Janvier 2024
Marc Nantel reçoit les données après la décision de la Fonderie Horne de ne pas porter en appel le jugement de la Cour du Québec.
En savoir plus
- 681 535
Quantité de concentrés, en tonnes, reçue par la Fonderie Horne en 2019
source : Fonderie Horne
659 129
Quantité de concentrés, en tonnes, reçue par la Fonderie Horne en 2021
source : Fonderie Horne
Un nouveau centre d’expertise et de formation sur la biomasse à Saint-Marc-des-Carrières
La mise sur pied du Centre provincial d’expertise en énergie biomasse a nécessité un financement de 2 millions de dollars. Desjardins, la MRC de Portneuf et Transition énergétique Québec ont contribué à son financement.
Photo : Radio-Canada / Flavie Sauvageau
Publié à 5 h 37 HNE
Un nouveau complexe est sorti de terre sur la rue Saint-Joseph à Saint-Marc-des-Carrières, dans la région de Portneuf. Il accueillera d’ici quelques mois le Centre provincial d’expertise en énergie biomasse, destiné aux entreprises et aux municipalités.
L’objectif du centre, c’est de valoriser en énergie thermique toute la biomasse résiduelle qui présentement n’est pas valorisée au Québec, qui très souvent est enfouie et qui est disponible dans des circuits courts, explique M. Naud, qui est aussi président-directeur général de la Chambre de commerce du secteur ouest de Portneuf.
Jean-Pierre Naud estime que la biomasse est une source d’énergie idéale pour une municipalité qui possède sur son territoire des exploitations forestières ou des industries rejetant des résidus, comme une usine de meubles, par exemple.
Photo : Radio-Canada / Flavie Sauvageau
Ça s’adresse à toutes les organisations, les entreprises, les municipalités qui ont de l’intérêt à aller vers l’autoproduction d’énergie, déclare-t-il.
La chaudière principale, qui servira de démonstrateur et d’outil de formation, doit arriver d’Europe au cours des prochaines semaines. L’ouverture du centre est prévue en mai.
Le rôle aussi du centre d’expertise, c’est vraiment de développer ou de partager de la connaissance et du savoir-faire pour développer la souveraineté énergétique en région, s’enthousiasme Jean-Pierre Naud.
Vers un pôle d’expertise
Plusieurs municipalités et entreprises du Québec utilisent déjà la biomasse pour chauffer des bâtiments ou pour fournir de l’énergie à certains processus de production. Le regroupement Vision Biomasse Québec en recense une soixantaine sur son site web.
Avec l’ouverture du centre de Saint-Marc-des-Carrières, Jean-Pierre Naud et ses collaborateurs souhaitent créer un pôle d’expertise, afin de mieux épauler les organisations qui souhaitent convertir leurs installations.
Voici à quoi ressemblera l’équipement avec lequel les observateurs pourront venir apprivoiser l’énergie biomasse.
Photo : Photo fournie par le Centre provincial d’expertise en énergie biomasse
Il y a plusieurs formations qui vont être offertes ici, détaille M. Naud. Une formation pour apprendre à opérer et à calibrer une chaudière à biomasse. Il y a une formation pour apprendre à produire le combustible. Il y a une formation pour apprendre à opérer l’équipement , poursuit-il.
Jusqu’à maintenant, 84 organisations et municipalités ont participé à un premier atelier offert par le centre.
Notre rôle, c’est l’accompagnement de façon neutre, explique le directeur. C’est un OBNL ici, donc de façon neutre et objective.
Une source d’énergie méconnue
La biomasse est une source d’énergie qui demeure encore méconnue, mais que Jean-Pierre Naud souhaite démystifier. En chauffage, on va appeler biomasse tout ce qui peut servir pour produire de l’énergie thermique, pour chauffer des bâtiments , explique-t-il.
Les résidus forestiers, les bois de déconstruction, les déjections animales et les déchets agricoles peuvent tous être considérés comme de la biomasse.
Les résidus de bois issus de la déconstruction dont l’une des matières qui seront valorisées au Centre d’expertise et de formation de Saint-Marc-des-Carrières.
Photo : Radio-Canada / Eric Careau
À Saint-Marc-des-Carrières, ces résidus de bois sont conditionnés puis asséchés. Brûlés dans une chaudière spéciale, ces résidus permettent ensuite de produire de l’eau chaude. Acheminée dans des tuyaux, cette eau peut ensuite chauffer des bâtiments ou même des trottoirs.
Selon le système utilisé et lorsque la biomasse sert à remplacer un système qui utilisait auparavant les hydrocarbures, elle peut permettre de diminuer les émissions de gaz à effet de serre lors de la combustion. Elle permet également d’éviter la pollution reliée à l’enfouissement de la biomasse.
En 2021, la firme WSP a réalisé un inventaire de la biomasse disponible au Québec pour la production de bioénergie. Elle estimait à l’époque que seulement pour la biomasse forestière résiduelle, le potentiel théorique dans la province était de 6,8 millions de tonnes métriques anhydre ou sèche par année.
L’exemple de Saint-Gilbert
La municipalité de Saint-Gilbert, voisine de Saint-Marc-des-Carrières, s’est dotée d’un système à la biomasse en 2014 pour chauffer son église, son ancien presbytère, l’hôtel de ville et le centre municipal.
On ne se mentira pas, c’est bon pour l’environnement, mais en plus, on sauve de l’argent, c’est l’idéal, s’exclame Daniel Perron, le maire de la municipalité de 291 habitants.
Daniel Perron a pu constater l’engouement que le projet de sa municipalité a suscité depuis sa mise sur pied, de la part de chercheurs et de dirigeant d’autres villes. Saint-Gilbert a été une pionnière dans l’utilisation de la biomasse pour chauffer des bâtiments.
Photo : Radio-Canada / Flavie Sauvageau
Les bâtiments publics étaient auparavant chauffés au mazout. Ça dépend toujours des années-là le prix de l’électricité normalement versus le prix de l’huile, qui a changé au fil des années, mais normalement je dirais une moyenne de 40 à 50 % [d’économies] , explique le maire.
La biomasse brûlée à Saint-Gilbert provient d’une entreprise de la région. Pour Jean-Pierre Naud, qui est aussi chargé d’opérer la chaudière de la petite municipalité, ce modèle correspond exactement à celui qu’il souhaite promouvoir au centre d’expertise.
Notre rôle c’est de multiplier les petites chaufferies pour libérer, réduire la dépendance du pétrole et du propane dans le milieu rural , croit-il.
C’est cette chaudière alimentée en biomasse qui permet de chauffer les bâtiments municipaux, l’église et l’ancien presbytère de Saint-Gilbert.
Photo : Radio-Canada / Eric Careau
Un rôle dans la transition
Le professeur Kokou Adjallé est coresponsable scientifique du Laboratoire de biotechnologies environnementales à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) et se spécialise notamment dans la valorisation de la biomasse.
Il explique que puisque la biomasse est abondante et renouvelable , et qu’elle est disponible partout, elle jouera un grand rôle dans la transition vers la carboneutralité . D’après lui, l’idéal, c’est quand la biomasse est utilisée plus ou moins sur place et n’est pas transportée sur de longue distance avant d’être revalorisée.
Kokou Adjallé est coresponsable scientifique du Laboratoire de biotechnologies environnementales.
Photo : Radio-Canada
Tout est au cas par cas, donc, compte tenu de la biomasse disponible et sa composition et du produit à valeur ajoutée qu’on veut avoir, il faut choisir la méthode appropriée pour répondre vraiment aux enjeux écologiques, économiques et de développement durable , croit le chercheur.
Kokou Adjallé croit que les procédés les plus efficaces sont ceux qui utilisent le bioraffinage, qui consiste à tirer de la biomasse un maximum de valeur ajoutée . La valorisation de la cellulose contenue dans le bois est un exemple de ce processus.
À lire aussi:
Quand une municipalité veut diminuer les GES sur son territoire…
Projet de règlement | Les villes ne pourront plus interdire le gaz naturel sans l’accord de Québec
PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE
Le ministre de l’Environnement Benoît Charette
(Québec ) Québec déposera un projet de règlement qui empêchera les villes de faire cavalier seul pour interdire les branchements au gaz naturel, car elles n’ont pas « l’expertise pour déterminer l’impact de leur décision sur la sécurité énergétique » du Québec. Un expert dénonce cette façon de faire qui va nuire selon lui à l’atteinte des cibles climatiques.
Publié à 16h46 Mis à jour à 18h24
CHARLES LECAVALIER
LA PRESSE
« On a besoin de planifier nos besoins énergétiques. Si chaque municipalité y va d’une initiative qui n’est pas prise en compte de façon globale, c’est là où ça peut poser un problème », a affirmé le ministre de l’Environnement Benoît Charette lors d’une mêlée de presse mercredi.
Le projet qu’il pense déposer prochainement, en collaboration avec la Fédération québécoise des municipalités, l’Union des municipalités du Québec, Hydro-Québec et les autres « distributeurs d’énergie » s’inscrit dans un contexte ou des villes veulent tourner le dos aux hydrocarbures. Il désire « baliser » cette approche, mais en pratique, son règlement aura préséance sur celui des villes et les empêchera d’aller plus vite que ce qu’il souhaite.
À Saint-Bruno, la ville souhaite faire pousser un écoquartier alimenté à 100 % en énergie renouvelable. « On parle d’un écoquartier, on ne peut pas le brancher avec du gaz fossile pour une centaine d’années. Ça n’a juste pas de bon sens », affirmait à Radio-Canada Vincent Fortier, conseiller à Saint-Bruno-de-Montarville. Mais Hydro-Québec critiquait cette initiative – la municipalité interdit les branchements au gaz dans les nouveaux bâtiments – en raison de ses faibles surplus énergétiques.
Et elle est loin d’être la seule. Montréal a adopté un règlement qui interdit les appareils de chauffage qui émettent des GES tels que ceux fonctionnant avec un combustible comme le mazout ou le gaz dans les nouvelles constructions des secteurs résidentiels, commerciaux et institutionnels. Il doit entrer en vigueur en octobre 2024.
Poursuite
La ville de Prévost dans les Laurentides s’était fait poursuivre par Énergir après avoir voulu interdire le gaz naturel dans les constructions neuves.
M. Charette croit toutefois que ces initiatives doivent être encadrées. « On voit que les municipalités veulent aller plus loin, c’est qui est une bonne nouvelle en soi, mais en même temps elles n’ont pas forcément l’expertise pour déterminer l’impact de leur décision sur la sécurité énergétique », a-t-il affirmé.
Ce règlement sera déposé dans les « prochaines semaines ou prochains mois ». « C’est très bien accueilli dans le milieu municipal, et ça va éviter les poursuites comme ça s’est vécu sur le côté de Prévost », a-t-il affirmé.
Nivellement
Pour l’organisme environnemental Greenpeace, il s’agit toutefois d’une réglementation qui va « niveler vers le bas ». « Ça n’a ni queue ni tête. Le gouvernement choisit d’exporter de l’électricité en grande quantité. Il choisit d’octroyer de l’énergie à de nouvelles entreprises, mais il dit aux villes qu’elles ne peuvent pas interdire l’ajout de gaz dans le bâtiment sous prétexte qu’on manque d’électricité », a déploré son porte-parole, Patrick Bonin.
« Il a de l’électricité pour Northvolt, mais pas pour un écoquartier à Saint-Bruno ? La priorité du gouvernement devrait être la décarbonation du bâtiment », a-t-il ajouté.
La députée de Québec solidaire, Alejandra Zaga Mendes, estime de son côté qu’il s’agit d’un « recul » de la CAQ, puisqu’à l’automne, « l’Assemblée nationale avait salué de façon unanime les efforts des villes de Montréal, Prévost, Saint-Hilaire et Candiac d’interdire les nouveaux systèmes au gaz ». « Que vaut la parole de Benoît Charette en matière d’environnement ? », a-t-elle déploré. Elle croit que la Coalition avenir Québec veut freiner les efforts des municipalités pour « sauver les intérêts de l’entreprise Énergir ».
Renversé
« Le minimum qu’on doive faire est d’arrêter d’augmenter le rôle du gaz naturel pour plafonner les émissions. Ici, on empêche les villes de faire ça. Or, on pourrait plutôt imposer des solutions carboneutres (géothermie, biomasse) pour réduire l’impact sur la pointe de demande électrique », déplore de son côté Normand Mousseau, directeur scientifique de l’Institut de l’énergie Trottier à Polytechnique Montréal.
« J’ai été renversé par votre article. Le ministre Charette a l’obligation légale de défendre l’objectif de réduction des émissions de GES de 37,5 % d’ici 2030. Cette réglementation va clairement à l’encontre de cet objectif, puisqu’il empêche les municipalités d’arrêter l’augmentation du rôle du gaz naturel dans le bâtiment », a-t-il ajouté.
Enerkem ferme son usine en Alberta
PHOTO FOURNIE PAR ENERKEM
Dans un communiqué, Enerkem explique « avoir atteint ses objectifs ». L’usine, qui a coûté beaucoup plus cher que prévu et qui a subi de nombreux retards, était présentée comme « la première installation commerciale au monde de transformation des déchets en biocarburants ».
L’entreprise québécoise Enerkem ferme sa seule usine en activité, celle d’Edmonton, en Alberta, qui devait être la première application commerciale de sa technologie de transformation des déchets non recyclables en éthanol.
Mis à jour hier à 17h44
« Après avoir atteint ses objectifs, Enerkem Alberta Biofuels entame les procédures de fermeture à compter d’aujourd’hui », a fait savoir l’entreprise dans un communiqué. Pourquoi fermer une usine dont les objectifs sont atteints ?
Ce n’est pas une contradiction, assure son premier vice-président, technologie et commercialisation, Michel Chornet. « Notre objectif était de démontrer notre technologie à l’échelle commerciale, ce que nous avons fait. »
Selon lui, l’expérience acquise à Edmonton a permis à deux autres projets qui utiliseront cette technologie de voir le jour – un à Varennes, Recyclage Carbone Varennes, et l’autre à Tarragone, en Espagne. Les deux projets sont en développement.
L’usine d’Edmonton, qui a coûté beaucoup plus cher que prévu et qui a subi de nombreux retards, était présentée comme « la première installation commerciale au monde de transformation des déchets en biocarburants ». Elle employait 56 personnes.
Enerkem Alberta Biofuels (EAB), un projet dans lequel la Ville d’Edmonton avait investi des sommes importantes, devait produire 38 millions de litres d’éthanol, un biocarburant dont la demande est en hausse. Elle s’est réorientée vers la production de méthanol pour le marché maritime et a été en activité pendant 15 000 heures au total depuis 2015, a fait savoir M. Chornet.
La fermeture de l’usine albertaine est aussi le résultat « des conditions actuelles du marché et de la réglementation canadienne », selon l’entreprise fondée par le père de M. Chornet.
Depuis plus de 20 ans
Enerkem poursuit l’ambition de transformer des déchets en carburants depuis plus de 20 ans. À Varennes, la future usine, qui utilisera de l’hydrogène vert comme source d’énergie, cible aussi le marché maritime. Avec la technologie d’Enerkem, l’usine produira des biocarburants à partir de déchets non recyclables et de biomasse résiduelle.
La construction de l’usine de Varennes est commencée et la production devrait débuter à la fin de 2025, selon les prévisions de l’entreprise. Recyclage Carbone Varennes devrait traiter 200 000 tonnes de matières résiduelles annuellement pour en faire 125 millions de litres de biocarburants par année.
Initialement, le projet de Varennes prévoyait la construction par Hydro-Québec d’un électrolyseur pour alimenter l’usine en hydrogène vert. La société d’État s’est retirée de ce projet annoncé en grande pompe. Shell, Suncor et Proman sont partenaires du projet dont le coût est estimé à 1,2 milliard. Le gouvernement fédéral a déjà annoncé une contribution financière de 285 millions par l’entremise de la Banque de l’infrastructure du Canada, et le gouvernement du Québec investit 365 millions dans le projet sous différentes formes.
Nouveaux coups de chaleur dans le Saint-Laurent
L’année 2023 a été marquée par des vagues de chaleur dans les eaux de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent. Des écarts de température rarement atteints en automne, une eau qui peine à se refroidir et un englacement faible.
La température de l’eau grimpe constamment dans l’estuaire du Saint-Laurent.
Photo : Radio-Canada
Publié à 4 h 00 HNE
Nous sommes à la fin d’octobre, à Mont-Joli, au bord du fleuve Saint-Laurent. Le temps est gris et frais. Le vent est léger. Il fait 3 °C. Un temps normal pour la saison.
Dans l’eau, c’est tout le contraire. La température y est presque quatre fois supérieure. Elle atteint 11 °C, ce qu’on n’avait pas vu depuis des années, à la veille de novembre.
Ce sont des températures qu’on devrait retrouver au pic de l’été. C’est 5 °C au-dessus de ce que ça devrait être. Au lieu d’être à 6 ° (fin octobre), on se retrouve à 11 °C. Ce sont des gros chiffres, souligne Peter Galbraith, chercheur en océanographie physique à l’Institut Maurice-Lamontagne, à Mont-Joli.
Peter Galbraith et ses collègues du Québec et des provinces de l’Atlantique recueillent et colligent depuis presque 30 ans des données sur le cycle de températures des eaux du golfe et de l’estuaire du Saint-Laurent.
Des données précieuses qui prennent ensuite la route de l’Institut Maurice-Lamontagne, à Mont-Joli, pour y être rassemblées et analysées.
Peter Galbraith est chercheur en océanographie physique à l’Institut Maurice-Lamontage.
Photo : Radio-Canada
Il y a quelques jours, Peter Galbraith a présenté le bilan des observations de l’année 2023. Ce qui frappe, ce sont les vagues de chaleur successives dans les eaux du golfe et de l’estuaire.
En juin, de ce côté-ci de l’Atlantique, les eaux étaient froides, alors qu’elles étaient anormalement chaudes en Europe.
Mais tout a basculé en juillet. L’air chaud et caniculaire, dans l’est du Canada, a réchauffé les eaux de surface à la vitesse de l’éclair. Les anomalies de température chaude (en rouge) couvraient tout le golfe et l’estuaire – l’anomalie de température décrit l’écart de température par rapport à celles des 30 dernières années.
-
Anomalies de température chaude (en rouge) dans le golfe et l’estuaire du Saint-Laurent durant la semaine du 25 juin au 1er juillet 2023
-
Anomalies de température chaude (en rouge) dans le golfe et l’estuaire du Saint-Laurent durant la semaine du 23 au 29 juillet 2023
-
Anomalies de température chaude (en rouge) dans le golfe et l’estuaire du Saint-Laurent durant la semaine du 20 au 26 août 2023
-
Anomalies de température chaude (en rouge) dans le golfe et l’estuaire du Saint-Laurent durant la semaine du 22 au 28 septembre 2023
1/4
Anomalies de température chaude (en rouge) dans le golfe et l’estuaire du Saint-Laurent durant la semaine du 25 juin au 1er juillet 2023
Anomalies de température chaude (en rouge) dans le golfe et l’estuaire du Saint-Laurent durant la semaine du 25 juin au 1er juillet 2023
.
Photo : Pêches et Océans Canada / Institut Maurice-Lamontagne
Après une légère dissipation de la chaleur en août, le golfe et l’estuaire du Saint-Laurent se sont réchauffés comme jamais en septembre. Une nouvelle vague de chaleur marine inattendue a frappé la côte et ses eaux.
Tout le mois de septembre, dans l’estuaire et le nord-ouest du golfe, on a eu les températures les plus chaudes de toutes les données satellites depuis 42 ans, donc en moyenne 5 °C plus chaudes, rappelle Peter Galbraith.
Une anomalie de 5 °C correspond à une valeur si élevée que l’échelle manquait de couleurs pour traduire l’intensité du réchauffement.
Notre palette de couleurs devient rouge foncé à partir de 2,5 °C plus chaud que la climatologie. On était bien au-dessus à différents endroits. Il aurait fallu doubler notre palette de couleurs pour être capables de commencer à distinguer à quel point c’était chaud.
Une citation de Peter Galbraith, chercheur en océanographie physique à l’Institut Maurice-Lamontagne
À l’échelle du globe, la température des eaux de surface dans les océans, comme la température de l’air, a atteint des records en 2023.
Le graphique suivant montre à quel point la température à la surface de l’eau (hormis les régions polaires) s’est maintenue à des niveaux hors de ce qui avait été enregistré dans les années passées. Le phénomène climatique El Niño pourrait avoir joué un rôle, mais la tendance générale au réchauffement est bien établie.
Température à la surface de l’eau à l’échelle planétaire
Les températures quotidiennes à la surface de l’eau pour l’année 2023 dans le monde (en orange) comparées aux années 1981 à 2023.
Photo : Université du Maine / Change Institute / ClimateReanalyzer.com
Dans les eaux profondes du golfe, à environ 300 mètres sous la surface, la température s’est maintenue à 6,9 °C. C’est deux fois plus qu’il y a une centaine d’années, où la température s’établissait autour de 3,5 °C.
Des courants changeants
Le phénomène est attribuable à des changements dans le trajet des courants océaniques. Le Saint-Laurent reçoit une plus grande part des eaux chaudes du Gulf Stream qu’auparavant.
En fait, les couches d’eau qui s’y superposent se réchauffent toutes avec le temps.
La superposition des couches d’eau dans le Saint-Laurent.
Photo : Radio-Canada / Louis-Philippe Boudreau
En 2023, la couche intermédiaire froide, qui se crée à partir de la glace de l’hiver précédent, était parmi les quatre plus chaudes observées depuis une douzaine d’années.
D’ailleurs, les températures relativement douces de l’hiver actuel ont permis aux eaux de surface du golfe et de l’estuaire de conserver une partie de leur chaleur et de se maintenir au-dessus du point de congélation de l’eau salée – autour de -1,8 °C. Si bien que la glace était presque absente du Saint-Laurent, encore jeudi, journée des données les plus récentes.
Ça change vite, prévient Peter Galbraith. On a déjà observé des changements importants quant à la présence de la glace, en quelques années d’échantillonnage.
Ce n’est pas un changement climatique à venir pour le golfe du Saint-Laurent, c’est un changement climatique que l’on ressent maintenant.
Une citation de Peter Galbraith, chercheur en océanographie physique à l’Institut Maurice-Lamontagne
À partir de la grève, on perçoit difficilement ces changements de température dans les eaux du Saint-Laurent.
Pourtant, ils sont en voie de perturber une grande partie de l’écosystème du golfe et de l’estuaire parce que les espèces qui y vivent sont souvent beaucoup plus sensibles que nous au moindre écart de température de l’eau.
Un reportage d’André Bernard et de Yanick Rose sur la hausse des températures dans l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent sera présenté à l’émission Découverte diffusée dimanche à 18 h 30 sur ICI TÉLÉ et à 22 h sur ICI Explora, et samedi à 19 h 30 sur ICI RDI.
À lire aussi :
Plan de décontamination d’Elkem « Acceptable » pour Québec, insuffisant pour le BAPE
PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE
L’ancienne usine d’Elkem est désaffectée depuis 1991.
Près de trois décennies après l’avoir exigée, Québec vient d’autoriser la restauration de la rive du fleuve Saint-Laurent aux abords de l’ancienne usine d’Elkem Métal Canada à Beauharnois, lourdement contaminée aux métaux lourds, un projet qui avait pourtant été jugé nettement insuffisant par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), en 2010.
Publié à 5h00
Jean-Thomas Léveillé La Presse
Le gouvernement Legault a adopté en novembre le décret approuvant le plan de restauration de l’entreprise, qui prévoit laisser sur place la majeure partie des sols contaminés, sur le site où elle a produit jusqu’en 1991 du ferromanganèse, un alliage de fer et de manganèse utilisé dans la production d’acier.
Cette restauration avait été exigée… en 1995, par le gouvernement de Jacques Parizeau, quand Elkem Métal Canada, filiale de la multinationale Elkem, s’était départie de sa propriété.
Pendant des années, les propriétaires de l’usine avaient utilisé des résidus de fusion massifs (scories) pour niveler et solidifier le fond du terrain, y compris des segments de la rive en bordure du lac Saint-Louis, qui constitue l’élargissement du fleuve à cet endroit, explique le rapport d’analyse environnementale du projet de restauration, produit par le gouvernement.
Ces résidus de fusion massifs sont contaminés principalement par le manganèse, un contaminant neurotoxique aux effets semblables à ceux du plomb, ainsi que par d’autres métaux lourds et des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP).
Contaminants enfouis sur place
Le plan de restauration d’Elkem, que le décret du gouvernement Legault qualifie d’« acceptable sur le plan environnemental, à certaines conditions », prévoit retirer quelque 7300 mètres cubes (m3) de remblais contaminés et « confiner » le reste sur place en le recouvrant de « sol propre ».
Le BAPE, qui s’était penché sur le projet en 2010, avait rejeté cette option et conclu « à la nécessité d’enlever tous les remblais et blocs de scories de la berge », qu’il évaluait à environ 21 400 m3.
Désolé, votre navigateur ne supporte pas les videos
« Le gouvernement du Québec fait fi du rapport du BAPE », s’offusque Daniel Green, spécialiste de la toxicologie de l’environnement et coprésident de la Société pour vaincre la pollution, qui déplore « une décontamination au rabais ».
Certaines conclusions de l’évaluation gouvernementale du projet sont « clairement dirigées par l’entreprise », affirme-t-il, déplorant que « Québec se fie à ce que l’entreprise lui dit, [tandis que] le BAPE était allé chercher d’autres études ».
Québec affirme par exemple que le risque que des contaminants ruissellent à l’extérieur du site et dans le fleuve est faible, sur la base de tests de lixiviation faits en laboratoire, mais le BAPE soulignait qu’il demeurait des « ambiguïtés et incertitudes » à ce sujet.
On voit que ce gouvernement préfère prendre le côté du pollueur [plutôt que] des pollués et c’est dommage.
Daniel Green, spécialiste de la toxicologie de l’environnement et coprésident de la Société pour vaincre la pollution
Le BAPE prônait en outre que la décontamination de la berge s’accompagne de celle du reste du terrain, pour éviter la recontamination de l’une par l’autre, indique Daniel Green, rappelant que la Ville de Beauharnois et des citoyens avaient exprimé la même volonté lors des audiences du BAPE.
Le plan de restauration d’Elkem concerne uniquement la rive, sur une largeur d’environ 10 mètres et une longueur de 815 mètres ; la décontamination du reste du terrain, qui contient environ 115 000 m3 de remblais contaminés, doit être effectuée par son propriétaire actuel, l’entreprise Excavation René St -Pierre.
« La seule personne qui n’écoute pas les gens et qui écoute Elkem, c’est le ministre de l’Environnement », lance M. Green.
La Ville de Beauharnois se dit aussi déçue du plan de restauration proposé par Elkem et accepté par Québec.
« J’aurais préféré qu’ils suivent les recommandations du BAPE, mais ce n’est pas ça qui est arrivé », a confié à La Presse le maire Alain Dubuc.
Son administration ignore en outre quand et comment le Groupe St-Pierre restaurera le reste du terrain.
Le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs a refusé d’accorder une entrevue à La Presse.
Un projet amélioré, dit Elkem
Le projet de restauration autorisé par Québec est « complètement différent » de celui rejeté par le BAPE, a affirmé à La Presse le président d’Elkem Métal Canada, Jean Villeneuve.
« On enlève les scories. On en enlève beaucoup [et] on fait ça selon les normes du Ministère », a assuré M. Villeneuve, sans pouvoir expliquer davantage ce qui distingue les deux projets.
Le décret du gouvernement Legault autorisant le projet exige que les travaux soient exécutés avant la fin de l’année 2033.
« J’espère que ça ne nous prendra pas 10 ans, ça fait assez longtemps que ça traîne, s’exclame Jean Villeneuve. Maintenant qu’on a l’approbation, on va aller de l’avant. »
La firme AtkinsRéalis (ex-SNC-Lavalin), qui a été mandatée par Elkem, s’affaire déjà à préparer les travaux, qui devraient commencer en 2025, a indiqué M. Villeneuve, qui évalue leur coût à « plusieurs millions » de dollars.
Nouvelle défaite au tribunal pour Elkem
PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE
Terrains contaminés de l’ancienne usine Elkem à Beauharnois – ce terrain jouxte celui boisé de la famille Bellemare.
Elkem Métal Canada a essuyé un nouveau revers judiciaire en perdant son appel du jugement de la Cour supérieure du Québec qui l’avait condamnée en 20221 à réhabiliter les sols de la propriété voisine de son ancienne usine de Beauharnois et à verser près de 200 000 $ en dommages-intérêts à ses propriétaires.
Cette propriété, appelée la Pointe Saint-Louis, est un vaste domaine de 18 hectares acquis en 1866 par le sénateur Charles-Séraphin Rodier et qui appartient encore aujourd’hui à ses descendants, la famille Hone-Bellemare.
Elkem dispose de 60 jours pour demander à la Cour suprême la permission d’en appeler du nouveau jugement rendu le 12 janvier par la Cour d’appel du Québec, mais elle ne le fera pas, a affirmé à La Presse son président, Jean Villeneuve.
« On va se conformer au jugement », a-t-il assuré, ajoutant que la préparation des travaux de restauration de la propriété commencerait dès cette année.
Satisfaite de ce dénouement, la famille espère maintenant « la pleine coopération et assistance du ministère de l’Environnement », rappelant que ce dernier avait exigé dans les années 1990 qu’Elkem décontamine sa propriété, a expliqué à La Presse Dominique Bellemare.
Son frère François Bellemare déplore que le gouvernement québécois n’ait pas forcé l’entreprise à se conformer à ses exigences : « Comment ça se fait que c’est le simple citoyen qui doit faire ces démarches pendant 12, 13 ans, et engager de grosses sommes dans les six chiffres ? »
Bifacial solar panels have many advantages over single faced solar panels. Because of our winters, solar panels are less than ideal as snow can accumulate on them and diminish their efficiency, but since bifacial solar panels are installed vertically, they are less likely to suffer from this issue. Another major advantage of bifacial solar panel is that their peak production better matches electrical demand during the day.
Reportage au Téléjournal sur le sujet
Énergie solaire : le potentiel du Canada sous-estimé
Est-ce qu’on sous-estime le potentiel de l’énergie solaire au pays? C’est ce que laisse entendre une nouvelle étude du centre de recherche CanmetÉNERGIE, à Varennes.
Selon les chercheuses, cette forme d’énergie pourrait, à elle seule, fournir en électricité 12 millions de ménages canadiens.
Le reportage de Mathieu Papillon
Logement, énergie : « la crise des pièces vides » pèse sur le Québec
Les ménages sont toujours plus petits et vivent dans des logements toujours plus grands, constate un rapport.
Une grande pièce inoccupée, chauffée à 22 degrés.
PHOTO : GETTY IMAGES / EONEREN
Thomas Gerbet
Publié à 4 h 00 HNE
Il n’y a jamais eu autant d’espaces vides dans les habitations du Québec. Un paradoxe, en pleine crise du logement. C’est aussi un enjeu de surconsommation d’électricité, à une époque où elle se fait plus rare, constate l’édition 2024 de l’État de l’énergie au Québec, publié jeudi.
Il y a de plus en plus de gens qui ont des résidences secondaires, qui ont de plus grands logements. Tout ça fait des mètres carrés en plus à construire, à chauffer, à climatiser…, déplore le titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie, à HEC Montréal, Pierre-Olivier Pineau, coauteur du rapport (Nouvelle fenêtre), avec sa collègue Johanne Whitmore.
Entre 1990 et 2021, au Québec, la surface moyenne des logements (superficie de plancher) a augmenté de 23 %. Sur la même période, le nombre de logements pour 1000 habitants a connu une hausse de 18 %.
Graphique publié dans L’État de l’énergie au Québec, édition 2024, à partir de données de l’Office de l’efficacité énergétique.
PHOTO : OEÉ
Les familles québécoises sont plus petites qu’avant et on vit de plus en plus seuls.
Dans tout le débat sur la crise du logement, personne ne semble parler de la crise des pièces vides, remarque M. Pineau.
Nous sommes devenus une société qui cultive les espaces vides et ne songe qu’à construire plus encore, plutôt qu’à mieux répartir ce qui existe.
— Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la chaire de gestion du secteur de l’énergie, à HEC Montréal
Pendant que la superficie par ménage augmente, le nombre d’occupants par habitation diminue, montre le graphique suivant.
Graphique réalisé par Pierre-Olivier Pineau avec les données de l’Office de l’efficacité énergétique et de Statistique Canada.
PHOTO : OEÉ/STATCAN
La superficie de plancher à chauffer a continué d’augmenter plus vite que la population, note le rapport. C’est un enjeu énergétique, dit M. Pineau. On chauffe tous ces espaces-là.
Le nombre total de logements au Québec a connu une hausse de 45 %, alors que la population n’augmentait que de 23 %. Cela s’explique par une diminution du nombre de personnes par ménage, expliquent les auteurs du rapport.
Pierre-Olivier Pineau, professeur à HEC Montréal et titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie
PHOTO : RADIO-CANADA
La surface moyenne de plancher augmente non seulement parce que les logements habités sont plus grands, mais aussi parce que le parc de maisons unifamiliales et attenantes croît plus rapidement que celui des appartements (incluant les condos).
En plus d’être de plus petite taille, les appartements requièrent 28 % moins d’énergie par mètre carré, par année, qu’une maison unifamiliale.
Cela explique qu’un ménage vivant en appartement consomme près de 44 % moins d’énergie qu’un ménage occupant une maison unifamiliale.
Tableau publié dans L’État de l’énergie au Québec, édition 2024.
PHOTO : OEÉ, 2023
Pierre-Olivier Pineau constate que la gestion automatisée du chauffage dans les habitations, pour baisser la température dans les pièces inutilisées, est encore peu répandue. Il y a Hilo, mais il a de la difficulté à pénétrer le marché, dit-il. Ultimement, il faudra des bâtiments performants pour avoir une bonne efficacité énergétique.
Le gouvernement du Québec a déposé un projet de loi pour améliorer la performance énergétique des bâtiments, mais ça ne concerne pas les plex ni les maisons, comme en France.
Hydro-Québec entrevoit la fin de ses surplus d’électricité pour 2026-2027 et doit lancer un grand chantier pour accroître la production afin de répondre à la demande (Nouvelle fenêtre).
Les Canadiens et les Québécois sont parmi les champions du monde de la consommation d’énergie par habitant.
Tableau tiré de l’État de l’énergie au Québec, édition 2024.
PHOTO : EÉQ2024
Les auteurs calculent que 61 % de l’énergie utilisée par les résidences du Québec sert au chauffage, 18 % au fonctionnement des appareils électriques et 14 % au chauffage de l’eau. L’éclairage ne compte que pour 4 % de la consommation totale et la climatisation pour 3 %.
Pas de pitié pour les riches
Le rapport démontre que plus les Québécois sont riches et plus ils consomment de l’électricité.
Tableau publié dans L’état de l’énergie au Québec, édition 2024.
PHOTO : STATISTIQUE CANADA
C’est problématique, selon Pierre-Olivier Pineau, car on ne devrait pas subventionner des ménages à revenu élevé qui ont de plus en plus de mètres carré.
Au Québec, les clients résidentiels paient un tarif équivalent à 85 % de ce qui l’en coûte à Hydro-Québec pour les alimenter. Ce sont les industriels et surtout les clients commerciaux, comme les petites moyennes entreprises (PME), qui comblent la différence.
Selon lui, une possibilité serait de faire payer l’électricité selon son revenu.
Je n’ai pas de pitié, parce que ce ne sont pas les gens pauvres qui ont des espaces vides, ce sont les gens riches.
— Pierre-Olivier Pineau, coauteur de l’édition 2024 de l’État de l’énergie au Québec
Je préfèrerais que tout le monde paie un prix plus élevé, mais qu’on fasse des programmes ciblés pour des gens à faible revenu, explique-t-il. C’est ce qu’on a fait avec la TPS-TVQ, tous la paient, mais en dessous d’un certain revenu, vous avez un retour d’impôts du gouvernement.
19 % des Québécois vivent seuls dans leur logement.
PHOTO : GETTY IMAGES / BORIS_ZEC
M. Pineau évoque même une écofiscalité pénalisant les mètres-carré au-delà de 50 m2 par personne, ce qui créerait un incitatif à la location/colocation, en plus de générer des fonds pour du logement social.
Les Québécois, champions de la vie en solo
Au Canada, en 2021, 4,4 millions de personnes vivaient seules, comparativement à 1,7 million, en 1981. Et, le Québec est la province qui affiche la proportion la plus élevée : 19 %.
Selon une étude de Statistique Canada publiée en 2022, cette hausse du nombre de ménages d’une seule personne (qui se poursuit malgré le ralentissement économique et les problèmes d’abordabilité du logement dans certaines régions) s’explique presque entièrement par le vieillissement de la population.
Le Québec est un surconsommateur d’énergie qui refuse de se sevrer
Photo: Alexandre Shields, Archives Le Devoir
Le parc de véhicules personnels a augmenté de 57% au Québec depuis 1990, soit une hausse deux fois plus importante que la croissance démographique.
Alexandre Shields
Pôle environnement
7 février 2024
Environnement
La croissance de la production d’électricité souhaitée par le gouvernement Legault est loin d’être une panacée, selon ce qui se dégage de la 10e édition de l’État de l’énergie au Québec. Au contraire, cette ruée vers de nouveaux projets risque de stimuler notre surconsommation énergétique, alors que nous devrions réduire la demande en transformant nos modes de transport centrés sur l’auto solo, mais aussi en révisant les tarifs résidentiels.
« En 10 ans de travail sur le portrait énergétique du Québec, je constate que la situation ne change pas du tout à la hauteur de nos ambitions. Le problème est l’agrandissement du parc de véhicules et de bâtiments. Au lieu d’être dans une logique de réduction de la consommation, on est dans une logique d’électrification », résume Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal et coauteur de ce rapport annuel devenu un outil de référence.
Par habitant, le Québec est un très gros consommateur d’énergie, pas loin derrière les États-Unis, mais à un niveau qui représente près de quatre fois la moyenne mondiale. Et la moitié de l’énergie que nous consommons provient toujours des sources fossiles qui alimentent la crise climatique, selon ce qu’on peut lire dans le rapport dont l’édition 2024 est publiée jeudi.
« Cette grande consommation s’explique en partie par la consommation industrielle liée à l’hydroélectricité, qui a attiré ici des secteurs industriels énergivores, mais aussi par une consommation énergétique, dans les transports et les bâtiments (résidentiels et commerciaux), supérieure à celle de pays européens dont le niveau de vie est comparable ou supérieur », précise le document.
Ce rapport met aussi en lumière la hausse continue de notre appétit en raison notamment de l’augmentation du parc automobile et de la superficie de l’espace à chauffer dans les secteurs résidentiel, commercial et institutionnel. Sans oublier le manque de progrès en matière de « performance énergétique » des industries, où pas moins de 60 % de l’énergie consommée est perdue.
Véhicules plus gros
Les transports, qui dépendent à plus de 97 % des produits pétroliers, sont particulièrement révélateurs de cette voracité. Depuis 1990, la consommation totale d’énergie du secteur a augmenté de 41 %, dans un contexte où le parc de véhicules personnels a augmenté de 57 %, « soit une hausse plus de deux fois celle de la croissance démographique de la province », précise l’État de l’énergie au Québec.
Au cours de cette période, « la diminution de la consommation énergétique des voitures (–41 %) a été plus que compensée par une augmentation importante de la consommation de camions légers (véhicules utilitaires sports, pickup et camionnettes ; +174 %) en raison de la progression des ventes de ces modèles ». Globalement, le nombre de « camions légers pour passagers » a bondi de 332 %, et cette catégorie domine les ventes depuis 2015 au Québec.
En 10 ans de travail sur le portrait énergétique du Québec, je constate que la situation ne change pas du tout à la hauteur de nos ambitions.
— Pierre-Olivier Pineau
Cette tendance lourde est d’ailleurs de mauvais augure, même dans une optique d’électrification des véhicules, affirme Pierre-Olivier Pineau. Non seulement les véhicules plus imposants consomment plus d’énergie que les voitures, mais, surtout, ils nécessitent plus de ressources pour leur construction, en plus d’influencer l’occupation du territoire.
« Avec des camions légers électriques, l’attachement des individus au véhicule croît. Ce n’est pas un simple moyen de transport, mais un style de vie et une image de soi-même. On ancre encore plus le paradigme de l’auto dans nos styles de vie et on s’éloigne d’un chemin possible vers la carboneutralité », fait valoir Pierre-Olivier Pineau. Il souligne du même souffle que le Québec n’est pas le « leader » climatique dépeint par le gouvernement, lorsqu’on le compare à d’autres États plus ambitieux en Amérique du Nord et en Europe.
« Si nous restons dans un paradigme du véhicule individuel, même électrique, nous n’allons pas inverser la tendance à l’étalement humain qui morcelle le territoire, appauvrit les écosystèmes et demande énormément de ressources (béton, acier et autres matériaux) pour être développé », ajoute l’expert.
Tarifs d’électricité
Selon lui, la baisse de la demande énergétique dans le secteur des transports devrait d’ailleurs être une priorité. Pour y parvenir, la recette est bien connue : « mettre en place des incitatifs au télétravail, au transport actif, au transport en commun, au covoiturage et à l’autopartage ». Bref, mettre en oeuvre la politique de mobilité durable du Québec.
Dans son plus récent rapport, le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat plaidait lui aussi pour une révolution dans le secteur des transports qui passerait par l’aménagement des villes, afin de « permettre les déplacements en transports collectifs, mais aussi à pied ou à vélo ».
À l’heure actuelle, rappelle l’État de l’énergie du Québec, Hydro-Québec se prépare à une hausse marquée de la demande québécoise en électricité de près de 20 % d’ici 2035, et ce, même en tenant compte des économies d’énergie prévues. D’où l’empressement à développer des projets éoliens et potentiellement un nouveau projet de grand barrage sur la Côte-Nord.
Mais avant de songer à « construire des infrastructures controversées qui alimenteraient notre surconsommation », Pierre-Olivier Pineau plaide pour la mise en oeuvre de solutions « moins dispendieuses », mais possiblement plus difficiles à mettre en place sur les plans social et politique. Il cite comme exemple le besoin de rénovations des bâtiments pour des raisons d’efficacité énergétique, mais aussi la nécessité de permettre l’« autoproduction » pour les consommateurs industriels.
M. Pineau souligne en outre le besoin d’aborder de front le débat sur les tarifs résidentiels. « Les consommateurs résidentiels sont ceux qui consomment le plus et qui ont le plus grand appel de puissance. Il est temps qu’ils reçoivent un signal de prix plus proche des coûts d’approvisionnement d’Hydro-Québec. Cela n’exclut pas, évidemment, qu’on aide les ménages à faible revenu. Mais doit-on aider tous les ménages, même à revenu élevé, alors que ce sont les ménages riches qui consomment le plus ? »
L’augmentation du recours au solaire au Québec est « inévitable », selon Fitzgibbon
« On n’aura pas le choix d’inclure le solaire dans notre offre énergétique », croit le ministre.
Pierre Fitzgibbon, ministre québécois de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie
Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot
Publié à 4 h 00 HNE
Le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie du Québec, Pierre Fitzgibbon, croit que la part du solaire dans le cocktail énergétique du Québec risque d’augmenter au cours des prochaines années. Le gouvernement pourrait utiliser une partie du Fonds vert pour accélérer cette transition.
C’est clair qu’il va falloir augmenter le [recours au] solaire : il n’y en a pratiquement pas, reconnaît le ministre. Moi, je pense que c’est inévitable. Maintenant, est-ce que ça va être une contribution majeure? Ça reste à voir.
Une nouvelle étude de Ressources naturelles Canada révèle que le Québec pourrait produire 27 térawattheures (TWh) d’électricité en installant des panneaux solaires sur tous les toits viables de la province. C’est le quart des besoins additionnels estimés par Hydro-Québec si la province veut atteindre la carboneutralité d’ici 2050.
Ces résultats font réfléchir le ministre, a-t-il admis en entrevue à Radio-Canada. Les subventions actuelles n’encouragent pas les consommateurs à installer des panneaux solaires sur leur toit. Est-ce qu’on doit accélérer l’adoption des panneaux solaires? Si oui, il faudrait être plus subventionnaires.
Sans s’avancer sur la création de nouvelles subventions, Pierre Fitzgibbon indique qu’une partie du Fonds vert, qui sert à financer des projets de lutte contre les changements climatiques, pourrait être consacrée à ce secteur.
Depuis 20 ans, le prix de l’énergie solaire a diminué de 90 % et l’efficacité des panneaux a grimpé de moitié.
Le PLQ réclame des subventions
Interpellé par le député libéral Gregory Kelley lors de la période de questions mercredi, Pierre Fitzgibbon a annoncé qu’Hydro-Québec émettra, au cours des prochains mois, des appels d’offres pour étudier la faisabilité du solaire, principalement en milieu urbain.
Le porte-parole de l’opposition officielle en matière d’énergie est d’avis qu’une intervention de l’État est nécessaire. On doit rendre les panneaux solaires plus abordables. Il ne faut pas que ça prenne 19 ans à rembourser mais plutôt de cinq à dix ans, comme on le voit à Calgary et à Toronto.
Une analyse de Radio-Canada a révélé mercredi que c’est à Montréal que l’installation de panneaux solaires est la plus longue à rentabiliser.
La raison en est simple : le Québec est la province où les prix de l’électricité sont – et de loin – les plus bas du pays. Les clients résidentiels payent en moyenne 9 ¢ le kilowattheure (kWh), contre environ 30 ¢ le kWh en Alberta. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles les Québécois sont les plus grands consommateurs d’électricité au pays.
Le Parti québécois a affirmé par courriel qu’il appuie lui aussi les projets d’énergie renouvelable décentralisés comme le solaire photovoltaïque, notamment en bonifiant considérablement les appuis financiers des programmes Chauffez Vert, Rénoclimat et ÉcoPerformance.
Le solaire, mais pas que, dit QS
Même si Québec solidaire (QS) est également favorable à la création de nouvelles subventions pour favoriser l’installation de panneaux solaires sur les toits, cela ne devrait pas être le seul outil utilisé par le gouvernement, selon le porte-parole de ce parti en matière d’énergie, Haroun Bouazzi.
On se retrouverait à subventionner uniquement le haut de la classe moyenne, comme c’est le cas avec les voitures électriques. Mais les personnes moins nanties sont celles qui dépensent la plus grande proportion de leurs revenus en électricité, puisque leurs maisons sont moins bien isolées.
Le député estime qu’il faudrait créer une corvée d’isolation et améliorer la capacité de chauffage des moins nantis, par exemple en changeant un système électrique pourri pour une thermopompe.
On ne s’en sortira pas si on pense que la seule manière de régler notre problème, c’est plus de barrages, plus d’éoliennes, plus de solaire, sans travailler sur la consommation de l’autre côté, ajoute Haroun Bouazzi.
Pour réduire la consommation des ménages, la solution ne consiste pas à hausser le prix de l’électricité, selon QS. En tout cas, pas pour tous. Ce parti réfléchit à des façons de moduler les tarifs, une opération qui n’est pas simple, selon Haroun Bouazzi. Est-ce qu’on doit moduler les tarifs d’électricité en fonction de l’évaluation municipale de la maison? Est-ce qu’on doit simplement augmenter les tarifs pour ceux qui ont un jacuzzi qui fonctionne l’hiver, ou une piscine?
Hausse généralisée du prix de l’électricité
Volonté gouvernementale ou pas, une hausse généralisée du prix de l’électricité nous attend toutefois, prévient le ministre Fitzgibbon, puisque le prix des plus récents projets de production d’énergie renouvelable est bien plus élevé que celui de l’électricité générée par les barrages construits au siècle dernier.
Alors, qu’est-ce qui va arriver? Qui va payer pour ça? Moi, je pense qu’il va y avoir une augmentation des coûts de service que tout le monde va devoir absorber. Nous, on a décidé politiquement. M. Legault l’a dit clairement : pour le côté résidentiel, pour l’instant, c’est maximum 3 % par année. Mais on s’entend : dans le futur, ça va monter à plus que 3 %, et ça, c’est partout dans le monde, pas juste au Québec.
D’ailleurs, dans son programme de mesurage net, le prix auquel Hydro-Québec rachète les surplus d’électricité afin de les injecter dans son réseau est moindre que celui payé par les consommateurs, ce qui ne favorise pas non plus l’installation de panneaux solaires dans la province. La société d’État a toutefois révélé à Radio-Canada par courriel qu’elle est en processus de modification de ses tarifs et de son seuil maximal de 50 kWh, sans vouloir préciser si c’est à la hausse.
Le papillon monarque est au bord du précipice
Photo: Alexandre Shields, Archives Le Devoir
Le papillon monarque, classé «en voie de disparition» au Canada, fait face à plusieurs menaces anthropiques tout au long de sa vie.
Alexandre Shields
8 février 2024
Environnement
Les plus récentes données sur le papillon monarque de l’Est montrent que sa population a chuté à un niveau très inquiétant pour la résilience de cette espèce qu’on peut observer pendant l’été au Québec. Le gouvernement fédéral a d’ailleurs finalement classé ce papillon comme étant « en voie de disparition », ce qui devrait normalement conduire à la protection d’espaces verts essentiels à sa survie.
La situation de ce grand migrateur vulnérable à la destruction de son habitat et aux répercussions de la crise climatique était déjà précaire depuis plusieurs années. Mais sa population vient d’encaisser une chute abrupte de 59 % en à peine un an.
Selon les données compilées notamment par le Fonds mondial pour la nature sur les sites d’hivernage du monarque, au Mexique, la population occupe cet hiver un espace totalisant à peine 0,9 hectare, contre 2,21 hectares l’an dernier. Comme il est impossible de compter les papillons un à un, les inventaires se font au moyen d’une évaluation de l’espace occupé par l’ensemble des individus.
À titre de comparaison, pour qu’on puisse espérer avoir une population de papillons monarques « résiliente », celle-ci devrait occuper un espace d’au moins 6 hectares, précise le directeur de l’Insectarium de Montréal, Maxim Larrivée. Cela représenterait une population de 125 millions à 130 millions de papillons.
Cette année, avec une superficie de 0,9 hectare, on estime ainsi que la population atteint à peine 15 % du nombre qui serait souhaitable pour assurer sa survie. Déjà, depuis une vingtaine d’années, on constatait que les monarques occupaient en moyenne trois hectares de leur zone d’hivernage, ce qui était déjà insuffisant. « Depuis le début des années 2000, le papillon monarque n’arrive pas à retrouver une taille de population suffisante pour espérer avoir une forme de résilience qui permettrait au phénomène migratoire de se maintenir à long terme. C’est ce qui est inquiétant », résume M. Larrivée.
Pressions environnementales
« L’espèce fait face à différentes pressions environnementales tout au long de son cycle de vie, notamment le réchauffement et les événements climatiques extrêmes, mais aussi la perte d’habitats de reproduction en été. Le nombre d’asclépiades, qui sont des plantes essentielles pour permettre à la chenille de se nourrir, a diminué considérablement en raison de la monoculture et de l’utilisation d’herbicides. Ces pratiques ont un impact énorme sur la capacité de reproduction », explique le spécialiste.
Dans le sud du Québec, par exemple, les activités agricoles ont éliminé plusieurs habitats cruciaux pour la survie de l’espèce. L’étalement urbain et le développement industriel ont aussi éradiqué des espaces verts propices aux asclépiades, une plante sur laquelle le papillon pond ses oeufs.
Devant le déclin marqué de l’espèce, le gouvernement Trudeau a d’ailleurs décidé l’an dernier de se ranger derrière l’avis du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, qui avait recommandé dès 2016 que le lépidoptère reçoive cette désignation, le statut le plus sévère prévu par la Loi sur les espèces en péril avant celui d’espèce « disparue » au pays.
Maintenant que l’espèce est désignée ainsi, le fédéral doit normalement mettre en oeuvre un plan de rétablissement, qui implique de protéger son « habitat essentiel » en sol canadien. Est-ce l’intention du gouvernement Trudeau ? « Le papillon monarque est un pollinisateur important, essentiel à la production de nombreuses cultures au Canada. Les pollinisateurs sont à la base de notre sécurité alimentaire, de notre santé et de notre qualité de vie. Nous restons déterminés à assurer la protection et la survie de cette espèce emblématique », a répondu jeudi le cabinet du ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault.
« Le gouvernement du Canada s’est engagé à protéger et à rétablir les espèces en péril du Canada au moyen de mesures de conservation fondées sur des données scientifiques solides, des partenariats et une planification rigoureuse du rétablissement », ajoute Environnement et Changement climatique Canada dans une réponse écrite.
Habitat essentiel
Plusieurs habitats pourraient être désignés au Québec, dont le « champ des monarques », un terrain appartenant à Transports Canada, mais loué à long terme à Aéroports de Montréal, situé tout près de l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau. L’organisme Technoparc Oiseaux milite d’ailleurs depuis plusieurs années pour la protection du secteur, qui a fait l’objet de coupes ayant fauché de nombreux plants d’asclépiade à l’été 2022. Malgré cela, le gouvernement Trudeau avait décidé en décembre 2022 de ne pas intervenir pour imposer la protection intégrale des milieux naturels du site.
Pour le directeur de l’Insectarium de Montréal, il y a urgence de protéger « les zones à haut potentiel reproducteur », mais aussi des terrains en friche ou qui pourraient être restaurés afin de favoriser la présence du papillon en péril. « Il faudrait donc augmenter les superficies en jachère et protéger des espaces verts avec des asclépiades », souligne Maxim Larrivée.
Le cycle de vie complexe du papillon signifie cependant que les efforts de protection de l’espèce doivent dépasser les frontières canadiennes et s’étendre aux États-Unis et au Mexique. Par exemple, dans le sud des États-Unis, les femelles déposent leurs oeufs sur les feuilles de l’asclépiade, une variété de plante qui se raréfie en raison du recours aux herbicides et de l’omniprésence de monocultures. Ce facteur nuit sérieusement au développement des chenilles, et tout le renouvellement de l’espèce en souffre.
Les papillons adultes qui passent l’hiver au Mexique se reproduisent au printemps suivant. Les monarques migrent ensuite vers le nord pour arriver au Québec en juin, où ils se reproduisent aussi. Plusieurs générations de monarques peuvent se succéder avant que ces papillons atteignent nos régions, puis repartent vers le Mexique à la fin de l’été.
Les populations de monarques se sont effondrées au cours des dernières années en Amérique du Nord. La population de l’Est a encaissé une chute de 85 %, mais la situation de la population dite « de l’Ouest » est encore pire : elle est passée de 1,2 million de papillons en 1997 à moins de 30 000 aujourd’hui.
Planète bleue, idées vertes Prévost : sauver la planète, un plat réutilisable à la fois
PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE
Prévost compte 19 commerces d’alimentation et restaurants. Jusqu’à maintenant, six souhaiteraient y participer, dont les propriétaires du restaurant Le Suki.
Comment ils sont passés de la parole aux actes
Publié à 1h58 Mis à jour à 6h01
Les consommateurs ont pris l’habitude de rapporter leurs canettes vides et certaines bouteilles vides chez leur détaillant. Pourquoi ne feraient-ils pas la même chose avec leurs contenants quand ils achètent des repas pour emporter ?
C’est le pari que fait la Ville de Prévost, dans les Laurentides, qui s’apprête à implanter un système de contenants consignés réutilisables dans les restaurants et commerces d’alimentation sur son territoire.
L’idée à la base du projet, c’est d’utiliser tous les moyens possibles pour réduire à la source les matières résiduelles.
PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE
Frédérick Marceau, directeur du service de l’environnement de la Ville de Prévost
« Soit on attend que les commerces le fassent chacun de leur côté, ou alors la Ville les incite, même s’il y a un coût au départ », souligne Frédérick Marceau, directeur du service de l’environnement de la ville de 14 000 habitants.
Comment ça marche pour le consommateur ?
Au lieu d’acheter des contenants à usage unique pour leurs commandes à emporter, les commerces participants achètent les contenants réutilisables de l’entreprise Bo, qui sont traçables à l’aide d’un code QR. Quand un consommateur vient chercher un repas pour emporter, le commerçant ajoute 2 $ sur sa facture pour chaque contenant.
Le consommateur télécharge l’application de Bo. Quand il en a fini avec son contenant, il va le déposer dans une boîte conçue à cette fin – comme une boîte aux lettres – située au centre de la ville, après avoir scanné le code QR grâce à l’application. Ses 2 $ lui sont alors remboursés par virement Interac.
Que se passe-t-il avec les contenants retournés ?
Grâce à un partenariat avec une entreprise dont les camions de distribution passent déjà par Prévost, les contenants sont transportés dans les locaux de Bo, dans l’ouest de Montréal, où ils sont lavés. Les contenants en polypropylène résistent au micro-ondes, à la congélation, au lave-vaisselle industriel et peuvent être réutilisés jusqu’à 1000 fois.
PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE
Mishel Wong, PDG de l’entreprise Bo, et des contenants réutilisables offerts au restaurant Le Suki
Comme les restaurants et épiceries n’ont pas toujours l’espace nécessaire pour entreposer une grande quantité de contenants, ils seront entreposés dans les locaux municipaux, où les commerçants pourront aller les chercher.
Si le système rencontre un succès bœuf, la Ville pourrait envisager d’aménager une station de lavage sur son territoire, mais on n’en est pas encore là, indique M. Marceau.
Quel est l’avantage pour la Ville ?
Prévost pourrait réduire son budget de disposition des déchets, si la réduction à la source est importante. Mais il est encore trop tôt pour savoir si l’effet sera notable.
Quels sont les coûts pour la Ville et d’où viendra le financement ?
Prévost prépare le terrain à ce projet depuis quelques années. La Ville a d’abord interdit trois articles en plastique à usage unique (pailles, touillettes à café et cotons-tiges) en septembre 2021. En mai 2022, elle a imposé une condition à la vente de bouteilles d’eau non gazeuse et de bidons de lave-glace : offrir aussi un système de remplissage en vrac. Et depuis juillet 2022, les commerçants doivent facturer une redevance de 0,10 $ à 0,50 $ sur six types d’articles à usage unique, dont les bouteilles d’eau de moins de 750 ml et les verres à café.
Lisez notre article sur la redevance imposée par la Ville de Prévost sur six articles à usage unique
Les sommes recueillies grâce à ces écocontributions – environ 60 000 $ par année – vont dans un fonds spécial qui sert à financer des projets pour réduire les matières résiduelles. La Ville pourrait payer à même ce fonds les boîtes de retour des plats et fournir gratuitement les premiers plats aux commerçants pour les inciter à embarquer dans l’aventure. « On voulait pouvoir dire aux contribuables que ce n’est pas l’argent de leurs comptes de taxes qui paierait ce projet », note Frédérick Marceau.
Les commerçants embarqueront-ils dans l’aventure ?
Prévost compte 19 commerces d’alimentation et restaurants. Jusqu’à maintenant, six souhaiteraient y participer, dont les propriétaires du restaurant Le Suki.
PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE
Jonathan Gauthier et Annie Gualtieri, copropriétaires du restaurant Le Suki
La moitié de toutes les commandes de ce restaurant sont pour emporter. « On passe beaucoup de plats de plastique. Certains ne sont pas réutilisés et se retrouvent à la poubelle » ou, au mieux, au recyclage, explique la copropriétaire Annie Gualtieri.
Les contenants coûtent de 500 $ à 600 $ par mois au restaurant, évalue son partenaire, Jonathan Gauthier, qui voit dans le nouveau système une occasion de faire des économies.
Mais le couple s’inquiète tout de même du temps qu’il faudra pour expliquer le système aux consommateurs. En période de pointe, quand les clients attendent leur repas, chaque minute compte.
Les consommateurs embarqueront-ils dans le système ?
Il faut que la gestion des plats ne soit pas trop compliquée pour que la population adopte le système, souligne Jonathan Gauthier. Certains sont certainement très motivés, comme cette cliente qui apporte déjà ses plats réutilisables quand elle commande des sushis.
Prévost s’est lancé il y a quelques années dans un « virage vert » qui comporte 150 actions, dont celle-ci.
« On y va par étapes, note Frédérick Marceau. On commence par aider, ensuite on adoptera peut-être un règlement pour obliger les citoyens à réduire leurs matières résiduelles, mais au moins, on aura une solution pour les aider à y arriver. »
Quand le système sera-t-il implanté ?
Les premiers plats réutilisables arriveront dans les commerces participants au printemps.
L’actualité verte de la semaine
ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE
Pailles de plastique peuvent survivre jusqu’à 20 mois dans l’eau salée.
Notre sélection de nouvelles environnementales d’ici et d’ailleurs
Publié à 1h58 Mis à jour à 9h00
Quiz
Combien de temps faut-il pour qu’une paille de « bioplastique » se décompose complètement dans l’océan ?
A) Entre deux semaines et un mois
B) Entre deux et six mois
C) Entre huit et vingt mois
Réponse
C). Les fameux « bioplastiques » « biodégradables » comme le diacétate de cellulose ou les polyhydroxyalcanoates peuvent survivre jusqu’à 20 mois dans l’eau salée, révèle une expérience réalisée par des chercheurs américains. C’est beaucoup plus rapide que les pailles classiques de polypropylène, un plastique dont la survie est estimée de 100 ans… à 700 ans ! Le diacétate de cellulose solide se décomposerait en 20 mois. Les scientifiques ont aussi mis à l’épreuve un prototype de paille de diacétate de cellulose composé à partir d’une structure de mousse. Les résultats sont un peu plus encourageants : il leur faudrait huit mois pour se désagréger complètement dans l’eau de mer.
Lisez l’article ici (en anglais)
Bientôt des ouragans de catégorie 6 ?
PHOTO NOAA, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES
Image satellite de l’ouragan Otis, classé catégorie 5, qui a frappé Acapulco, au Mexique, en octobre 2023
Le réchauffement climatique cause des ouragans si puissants que l’échelle qui classifie leur puissance de 1 à 5 devrait être élargie pour ajouter la « catégorie 6 ». C’est ce que défendent des chercheurs américains dans une étude qui vient d’être publiée dans la revue PNAS. L’échelle de Saffir-Simpson mise au point dans les années 1970 sert à classifier l’intensité des cyclones tropicaux. Ils sont de catégorie 5 dès que les vents excèdent 252 km/h. La nouvelle catégorie proposée pour les « méga-ouragans » commencerait à partir de 309 km/h. Au cours de la dernière décennie, cinq tempêtes auraient pu se classer de catégorie 6. Les auteurs préviennent qu’il y en aura de plus en plus.
Chaleur et fumée : un cocktail nocif
ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE
Le pont Golden Gate de San Francisco envahi par la fumée des incendies de forêt en septembre 2020
Lorsqu’ils surviennent en même temps, les canicules et les épisodes de smog causés par les incendies de forêt décuplent le nombre d’hospitalisations pour troubles cardiaques et pulmonaires, montre une étude réalisée en Californie. Dans un article publié dans Science Advances, les auteurs démontrent les dangers de l’effet combiné de ces deux menaces climatiques. Les chercheurs ont comparé les données d’hospitalisation de près de 67 % de la population californienne avec des images satellitaires de fumée et des données météorologiques. Elles montrent que même en additionnant les hospitalisations lors des jours de chaleur extrême avec celles recensées lors des jours de fumée, la somme est bien en deçà des jours où les deux phénomènes coexistent.
La pollution nocturne nuit aux pollinisateurs
PHOTO FLORIS VAN BREUGEL/UNIVERSITY OF WASHINGTON
Le NO3 provient de tuyaux d’échappement des voitures.
La pollution causée par les voitures nuirait grandement aux insectes pollinisateurs nocturnes. Un article publié dans la revue savante Science démontre que la molécule chimique trioxyde d’azote (NO3) – qui est produite à la suite d’une réaction de combustion – rend l’odeur de la fleur onagre pâle beaucoup plus difficile à percevoir. En laboratoire, des chercheurs américains ont exposé des papillons à des niveaux typiques de NO3 retrouvés dans un environnement urbain. Résultat : lors du butinage, la précision du papillon de l’espèce Manduca a chuté de 50 %, tandis que les papillons de l’espèce Hyles n’ont pas été en mesure de repérer l’odeur. Le phénomène serait moins problématique le jour, car la lumière du soleil dégrade le NO3.
Chute des monarques
CLAUDIO CRUZ, AGENCE FRANCE-PRESSE
Des papillons monarques qui hivernent au sanctuaire Rosario, au Mexique
Le nombre de papillons monarques recensés dans leurs aires d’hivernage au Mexique a chuté de 59 % cette année pour atteindre le deuxième niveau le plus bas depuis le début des relevés, préviennent des experts. Ils blâment l’utilisation de pesticides et les changements climatiques. Les monarques provenant de l’est des montagnes Rocheuses aux États-Unis et au Canada passent l’hiver sur les branches des arbres dans les forêts de pins et de sapins de montagne à l’ouest de Mexico. La Commission mexicaine des zones nationales protégées a déclaré que les papillons couvraient une superficie équivalente à 0,9 hectare, en baisse par rapport aux 2,21 hectares de l’année dernière. Le niveau le plus bas a été atteint en 2013 avec 0,67 hectare.
The Associated Press
La Fonderie Horne n’est plus certaine d’investir pour réduire ses émissions d’arsenic
Une note interne du ministère de l’Économie rapporte « des doutes » sur l’avenir de l’usine de Rouyn-Noranda.
Les installations de la Fonderie Horne à Rouyn-Noranda
Photo : Radio-Canada / Émilie Parent-Bouchard
Publié à 4 h 00 HNE
La Fonderie Horne a annoncé au gouvernement Legault que son engagement d’investir massivement pour réduire les émissions d’arsenic n’est plus garanti. Un document interne du ministère de l’Économie, obtenu par Radio-Canada, évoque un « risque élevé » de fermeture de l’usine de Rouyn-Noranda et de l’affinerie CCR, de Montréal-Est, « à court terme ».
La Fonderie Horne semble être à la croisée des chemins et son avenir sera vraisemblablement décidé au cours des quatre prochaines semaines, peut-on lire dans l’état de situation de six pages, rédigé le 9 février, par la direction des Industries stratégiques et projets économiques majeurs.
L’entrée de la Fonderie Horne à Rouyn-Noranda
Photo : Radio-Canada / Jean-Michel Cotnoir
On apprend, dans le document du ministère, que le coût estimé du projet pour réduire les émissions d’arsenic a augmenté de 50 %, soit de 500 millions de dollars à 750 millions.
La haute direction de la multinationale anglo-suisse Glencore doit étudier cette dépense pendant la rencontre du comité d’investissement, la semaine prochaine, et lors de la réunion du conseil d’administration, en Suisse, le 29 février.
Il sera alors décidé soit d’autoriser les investissements, soit de fermer la Fonderie et l’affinerie CCR.
Une citation de État de situation rédigé par le ministère de l’Économie du Québec
La Fonderie Horne emploie 600 travailleurs et génère 1400 emplois indirects, principalement en Abitibi-Témiscamingue. Sa fin entraînerait la fermeture de l’affinerie CCR de Montréal-Est (550 emplois), qui dépend de la production de l’usine de Rouyn-Noranda. Cela toucherait aussi la compagnie Nexans (107 emplois), qui produit des tiges et des fils de cuivre.
Les ministres québécois de l’Économie et de l’Environnement, Pierre Fitzgibbon et Benoit Charette, suivent de près le dossier de la Fonderie Horne.
Photo : Radio-Canada
La Fonderie Horne est la seule fonderie de cuivre au Canada et la seule en Amérique du Nord qui utilise du matériel électronique recyclé comme intrant.
À ce titre, elle est la principale productrice de minéraux critiques et stratégiques en exploitation au Québec. La disponibilité du cuivre deviendra un enjeu important dans les années à venir en raison des efforts importants d’électrification qui seront requis.
La maison-mère a des doutes sur le projet de réduction des émissions
Des rencontres ont eu lieu, la semaine dernière, entre le ministère de l’Économie et la Fonderie Horne. La note interne du ministère indique que les représentants de la Fonderie demandent le soutien du gouvernement afin de convaincre les autorités de Glencore d’approuver la réalisation de ce projet.
L’entreprise indique que la haute direction de Glencore conserve des doutes importants quant à l’opportunité de réaliser le projet.
Une citation de État de situation rédigé par le ministère de l’Économie du Québec
Avec les centaines de millions de dollars investis dans son projet de modernisation, la Fonderie doit pouvoir atteindre les exigences que lui impose le ministère de l’Environnement, d’ici 2028, pour se rapprocher de la norme québécoise et ne pas compromettre la santé des résidents de Rouyn-Noranda.
Selon les données de la Fonderie, la moyenne des émissions était de 47 nanogrammes par mètre cube d’air, l’an dernier, ce qui est encore 15 fois plus que la norme ailleurs au Québec.
Glencore ne veut pas se faire imposer la norme québécoise
Ce qui inquiète la compagnie, c’est ce qu’il adviendra en 2028, quand il faudra obtenir une nouvelle autorisation de Québec. Faudra-t-il encore investir des centaines de millions de dollars pour réduire davantage les émissions, et jusqu’à combien? Est-ce que la rentabilité sera au rendez-vous s’il faut atteindre la norme de 3 ng/m3?
Elle se demande donc s’il est opportun d’investir 740 M$ pour mettre à niveau une usine qu’elle pourrait être forcée de fermer dans quelques années si le gouvernement exige une réduction très difficile à atteindre.
Une citation de État de situation rédigé par le ministère de l’Économie du Québec
Le quartier Notre-Dame, près de la Fonderie Horne, à Rouyn-Noranda
Photo : Radio-Canada / Jean-Michel Cotnoir
Contactée par Radio-Canada, la porte-parole pour la Fonderie Horne et l’affinerie CCR de Montréal-Est, Cindy Caouette, confirme que l’estimation des coûts est passée à 750 millions et qu’une étape d’approbation de la maison-mère est requise pour valider le portrait global du projet, incluant les investissements requis et les risques associés.
Comme toute entreprise qui s’apprête à investir de telles sommes, nous voulons nous assurer d’avoir un environnement stable et une prévisibilité quant aux futures conditions d’opération, et ce, à moyen et long termes.
Une citation de Cindy Caouette, porte-parole pour la Fonderie Horne et l’affinerie CCR de Montréal-Est
Ils peuvent aller ailleurs
La compagnie avait déjà fermé une fonderie au Canada. C’était en 2010, à Timmins. Ils ont fermé une fonderie en Ontario, ils peuvent en fermer une autre au Québec, prévient le professeur émérite de l’Université Laurentienne, spécialiste de la gestion des entreprises minières, Jean-Charles Cachon.
Jean-Charles Cachon, professeur émérite à la Faculté de gestion de l’Université Laurentienne, à Sudbury
Photo : Radio-Canada / Yvon Thériault
C’est le problème des grandes entreprises de cette taille. Elles ont les moyens de s’installer ailleurs, explique-t-il, dans des pays où les normes environnementales sont moins contraignantes. En ce moment, la priorité des dépenses de capital de Glencore s’en vont vers l’Afrique et l’Amérique du Sud.
M. Cachon rappelle toutefois que les niveaux de rentabilité de leurs activités de cuivre sont très élevés. L’an dernier, les profits de la multinationale étaient estimés à plus de 5 milliards de dollars.
Je ne vois pas très bien pourquoi ils iraient fermer cette fonderie […] C’est probablement une négociation.
Une citation de Jean-Charles Cachon
Rappelons que lors de la négociation de la précédente autorisation ministérielle, la Fonderie Horne avait déjà menacé de fermer.
Il est acquis que le gouvernement ne lui donnera pas d’argent. Glencore est déjà admissible à un crédit d’impôt de 150 millions de dollars d’Ottawa et un autre de 125 millions de Québec pour son projet de modernisation menant à la baisse des émissions.
Selon nos informations, l’appui devrait prendre la forme d’une lettre de soutien à présenter à la maison-mère, mais sans engagement sur les cibles de réduction des émissions qui seront fixées en 2028.
Glencore veut influer sur une future étude de santé publique
Selon le document interne du ministère de l’Économie, la Fonderie Horne réclame de pouvoir collaborer à la méthodologie de la prochaine étude de biosurveillance sur l’état de santé des voisins de l’usine. L’entreprise demande aussi à participer à la réalisation de l’étude et à l’interprétation des résultats.
Cette étude doit se faire juste avant la prochaine autorisation, dans quatre ans. Jusqu’à présent, le gouvernement comptait seulement offrir un rôle d’observatrice à la compagnie.
« Nos vies valent plus que leurs profits », pouvait-on lire sur une grande banderole lors d’une manifestation de 900 citoyens devant la Fonderie, en septembre 2022.
Photo : Radio-Canada / Jean-Michel Cotnoir
Un risque plus élevé pour la santé à Rouyn-Noranda
En 2022, des données de santé publique montraient que la population de Rouyn-Noranda a :
- une espérance de vie jusqu’à 6,6 ans de moins que la moyenne québécoise;
- une plus forte proportion de bébés de faible poids;
- une plus forte prévalence de cancer du poumon et de maladie pulmonaire que dans le reste du Québec.
Radio-Canada révélait alors que certaines de ces données étaient connues depuis plusieurs années, mais leur publication a été retardée par l’ex-directeur national de santé publique Horacio Arruda.
C’est véritablement à l’été 2022, avec la forte médiatisation du dossier, que les citoyens ont pris la pleine mesure des risques auxquels ils s’exposent. Des parents avouaient alors regretter d’avoir eu des enfants à Rouyn-Noranda.
La Fonderie Horne et le gouvernement du Québec sont visés par un recours collectif qui pourrait leur coûter des milliards de dollars.
À lire aussi :
C’est toujours la même histoire qui se répète. Une privatisation des profits et une socialisation des problèmes. Depuis son implantation en 1930, la fonderie a générée énormément de profits, tout en contaminant de façon permanente son environnement et ses gens. On lui demande de respecter le droit à un environnement sain et elle menace de partir. Devinez qui va devoir payer la décontamination ?
Ça me rappelle un peu l’histoire de la Balmet à Saint-Jean-sur-Richelieu, à la fin des années 80. C’était une fonderie de plomb qui récupérait des batteries de voitures usagées pour réutiliser le plomb. L’entreposage se faisait à l’extérieur, l’usine était vieillissante et lorsque des études ont été fait sur les concentrations de plomb dans le quartier défavorisé de Notre-Dame-Auxiliatrice, bordant l’usine, les concentrations étaient vraiment trop élevées pour un milieu de vie. Les enfants ont été testés et plusieurs dizaines d’entre eux avaient une plombémie trop importante, certains ont même du être hospitalisés. Quand le gouvernement a demandé à l’entreprise de décontaminer les terrains, elle a fermé son usine, les dirigeants sont partis ailleurs et c’est le gouvernement qui a finalement du payer la décontamination.
C’est la même histoire aussi avec les lagunes de Mercier. Une entreprise s’enrichit en polluant son milieu, quand on lui demande de payer, elle ferme et part. Aujourd’hui le gouvernement doit débourser des millions pour seulement freiner la contamination souterraine (engendrant également une contamination de l’air et de l’eau de surface).
Notre système de valeurs est vraiment tordu, tant qu’on priorisera le court terme on aura ce genre de scénarios et de chantages de la part des entreprises délinquantes qui profitent des largesses et de la nonchalance de l’État. Dès qu’on essaie de les responsabiliser elles menacent de quitter pour des cieux plus permissifs. Ici l’industrie minière et des métaux a le pire bilan en la matière et pourtant le gouvernement continue à les soutenir, tout en ramassant les pots cassés comme de vrais imbéciles.