Économie verte

Il y a des serviettes hygiéniques lavables. Ou en coton. En bioplastique. Mais un ingénieur des matériaux suédois pense avoir trouvé la solution la plus écologique : des serviettes hygiéniques fabriquées à partir de résidus agricoles.
Publié à 1h09 Mis à jour à 7h00

Résumé

Planète bleue, idées vertes Des serviettes hygiéniques à base de résidus agricoles

PHOTO FOURNIE PAR ANTONIO CAPEZZA

Antonio Capezza (à gauche) avec ses étudiants teste la serviette sanitaire écologique.

Il y a des serviettes hygiéniques lavables. Ou en coton. En bioplastique. Mais un ingénieur des matériaux suédois pense avoir trouvé la solution la plus écologique : des serviettes hygiéniques fabriquées à partir de résidus agricoles.

Publié à 1h09 Mis à jour à 7h00

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Mathieu Perreault
Mathieu Perreault La Presse

« Nous voulons avoir un produit biodégradable et durable sans avoir à changer les habitudes des femmes ni les chaînes de production existantes de serviettes hygiéniques », explique Antonio Capezza, de l’École royale polytechnique (KTH) à Stockholm, qui présentait en mars ses résultats à une conférence de l’Association chimique américaine (ACS) à La Nouvelle-Orléans. « L’apparence est la même, avec une couleur beige. Et nous voulons garder l’augmentation de coût et de poids à moins de 15 %. Nous pensons avoir une solution gagnante et voir nos produits sur le marché d’ici quelques années. »

Les résidus agricoles en question incluent par exemple les tiges de maïs ou de blé qui sont habituellement transformées en paille. Des protéines sont extraites de ces résidus agricoles, puis aseptisées, pour constituer les molécules servant à la fabrication des différentes sections des serviettes hygiéniques.

Une évaluation des serviettes hygiéniques biodégradables par des consommateurs est en cours pour finaliser la commercialisation aux États-Unis. « Nous devrions avoir des résultats au début de l’année prochaine. Il nous faut avoir une certification pour les risques de réactions cutanées. »

Les résidus agricoles nécessaires peuvent varier. « Nous avons besoin de certaines proportions de protéines, qui peuvent provenir des résidus de différentes céréales, le blé, le soja, entre autres. »

Vers d’autres améliorations

Des améliorations sont toutefois déjà envisagées.

Nous avons encore du plastique pour l’enveloppe extérieure imperméable, mais nous pensons qu’il serait possible d’avoir les mêmes propriétés avec des résidus agricoles. Et nous voulons rendre le produit encore plus doux qu’il l’est actuellement, pour concurrencer les serviettes hygiéniques les plus douces du marché.

Antonio Capezza, de l’École royale polytechnique à Stockholm

Y a-t-il un danger de contamination bactérienne des résidus agricoles ? « Non, pas plus que dans la filière alimentaire actuelle. Tout est une question de contrôle de l’humidité. »

N’y a-t-il pas quelque chose d’incongru à ce qu’un homme prenne le flambeau des serviettes hygiéniques écologiques ? M. Capezza ne peut s’empêcher de dire : « Quand on le présente comme ça, en effet ça fait bizarre. Mais j’ai beaucoup de femmes dans mon équipe. »

Il existe déjà une foule de serviettes hygiéniques biodégradables, en coton, en bioplastique. En quoi l’option de M. Capezza est-elle plus durable ?

« Le coton est une bonne solution de rechange aux produits du pétrole, mais il n’y en a pas assez pour remplacer toutes les serviettes hygiéniques, et il faut des produits chimiques pour le traiter et beaucoup d’eau pour le cultiver. Il y a des questions similaires à se poser pour le bambou. Et pour ce qui est des produits biodégradables, souvent, ils ont des propriétés différentes de celles des serviettes hygiéniques ordinaires, alors ce sont des produits de niche, qui ne conviennent pas à tout le monde. »

Autres options

Geneviève St-Amour, fondatrice du site Eco Loco, qui propose des serviettes hygiéniques écologiques, estime que l’offre actuelle est très adéquate. « On n’a pas besoin de plus de technologies écologiques pour les serviettes hygiéniques. Il faut surtout sensibiliser les gens. »

Mila Zielinski, qui travaille sur la campagne sur les enjeux de menstruations Fil rouge du Réseau québécois d’action pour la santé des femmes, estime quant à elle que la solution passe par des subventions pour des serviettes hygiéniques réutilisables. « Nous avons fait un sondage et les femmes sont ouvertes aux produits réutilisables, dit Mme Zielinski. Mais ils sont difficiles d’accès, surtout à cause de leurs coûts. »

Une prochaine étape pour M. Capezza est d’adapter la technologie aux couches pour bébés. « Le défi est d’avoir une capacité absorbante beaucoup plus élevée que les serviettes hygiéniques », explique l’ingénieur d’origine vénézuélienne.

En savoir plus

  • 7,4 kg
    Impact climatique annuel, en équivalent de CO2, des serviettes hygiéniques lavables

Source : Zero Waste Scotland

3,7 kg
Impact climatique annuel, en équivalent de CO2, des serviettes hygiéniques réutilisables

Source : Zero Waste Scotland

2,3 kg
Impact climatique annuel, en équivalent de CO2, de la consommation d’un litre d’essence par une voiture

Source : Ressources naturelles Canada

Une nouvelle variété de laitues québécoises vendues à l’année en épicerie, à un prix capable de faire un pied de nez aux marques cultivées en terre américaine. C’est l’objectif que souhaite atteindre le géant maraîcher Vegpro International avec la construction d’une serre entièrement automatisée grâce à une technologie unique au Québec.

Résumé

Vegpro International De la laitue québécoise… même en hiver

IMAGE FOURNIE PAR VEGPRO INTERNATIONAL

La nouvelle serre aura une superficie de 5,2 hectares, l’équivalent de quatre terrains de soccer.

Une nouvelle variété de laitues québécoises vendues à l’année en épicerie, à un prix capable de faire un pied de nez aux marques cultivées en terre américaine. C’est l’objectif que souhaite atteindre le géant maraîcher Vegpro International avec la construction d’une serre entièrement automatisée grâce à une technologie unique au Québec.

Publié à 1h32 Mis à jour à 6h00

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Nathaëlle Morissette
Nathaëlle Morissette La Presse

Ce projet de 135 millions de dollars permettra à l’entreprise de Sherrington, en Montérégie, de produire 3,5 millions de kilos de laitue annuellement dans une serre de 5,2 hectares, l’équivalent de quatre terrains de soccer. Il s’agit d’une première serre pour l’entreprise qui se consacrait entièrement jusqu’à maintenant à la culture au champ.

De l’aveu même du président-directeur général de Vegpro International, Anthony Fantin, il ne s’agit pas de la plus grande serre au Québec. Mais elle sera assurément la seule – du moins pour le moment – à utiliser ce type de technologie, développée en Finlande, pour produire de la laitue.

Avoir le moins d’« humains » possible à l’intérieur pour limiter les risques de propagation de maladies, voilà l’intention derrière l’automatisation.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Le PDG de Vegpro International, Anthony Fantin

Les semis, la mise en serre, l’engrais, l’irrigation, la récolte : tout ça est automatisé, tout ça ne nécessite pas d’intervention humaine.

Anthony Fantin, PDG de Vegpro International

« Ce ne sont pas des robots comme on les imagine sur une chaîne de montage de GM. Ce sont les vaisseaux où se trouvent les laitues qui se déplacent à travers un système mécanique qui fait en sorte qu’on n’a pas besoin de l’intervention humaine. Dans le créneau de la laitue, il n’y a pas une serre qui est automatisée comme la nôtre », souligne-t-il.

Laitues croustillantes

Les premières laitues cultivées dans la serre seront en vente à la fin du mois de mars 2025. Bien que Vegpro International soit connue pour ses mélanges de laitues de marque Attitude, celles produites dans la serre seront emballées sous un autre nom, que l’entreprise a refusé de dévoiler pour le moment.

Ce seront des salades complètement différentes de celles qu’on cultive au champ. Ce n’est pas une extension de ce qu’on fait au champ. Ce sont des salades beaucoup plus croustillantes, qui ressemblent un peu plus à de l’iceberg.

Anthony Fantin, président-directeur général de Vegpro International

Déterminé à élargir sa gamme, le grand patron de Vegpro soutient qu’il y a une grande demande pour ce type de produits. Selon lui, cette initiative s’inscrit parfaitement dans la démarche d’autonomie alimentaire entamée par le gouvernement Legault. « L’idée, c’est d’offrir plus de produits québécois aux Québécois, 12 mois par année, à un prix qui est intéressant. » L’entreprise a également l’intention de vendre ses laitues croquantes en Ontario, dans les Maritimes et dans la région du nord-est des États-Unis.

PHOTO FOURNIE PAR VEGPRO INTERNATIONAL

La serre sera prête en mars 2025.

Et Vegpro n’a pas l’intention de s’arrêter là. Une portion de la serre sera vouée à la recherche et au développement, « parce que les variétés qu’on utilise à l’extérieur ne sont pas nécessairement adaptées à la production intérieure ». L’entreprise veut donc en développer de nouvelles qui sauront bien évoluer dans une serre.

Du côté des Producteurs en serre du Québec, le président André Mousseau applaudit l’initiative de l’entreprise de Sherrington. Selon lui, le projet envoie le message que la serriculture est une option viable « Les gens de Vegpro, ce sont des professionnels de l’horticulture, soutient-il. Ça veut dire qu’on emprunte le bon chemin. » Gen V, Toundra, Savoura, Productions horticoles Demers et Lufa sont autant d’entreprises québécoises qui cultivent « à l’intérieur ».

Propriété américaine

Ce projet de serre, qui prévoit déjà une deuxième phase où pousseront d’autres variétés de légumes, a été plus facile à concrétiser avec l’arrivée de nouveaux propriétaires à la tête de l’entreprise, selon M. Fantin.

Retour en arrière. En juin 2022, Vegpro est passée aux mains de la firme d’investissement Vision Ridge Partners, dont le siège social se situe au Colorado, à la suite du départ à la retraite du président fondateur, Gerry Van Winden. M. Fantin, l’actuel PDG, comptait également parmi les cofondateurs.

Deux ans après la transaction, il assure que l’entreprise maraîchère a encore une identité « très québécoise ». « Il n’y a pas de dirigeants du fonds au Québec en ce moment. Ils ont des bureaux à New York, à Londres et au Colorado.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Vegpro est connu pour ses mélanges de laitues de marque Attitude.

« Ce sont des gens avec qui on communique toutes les semaines. Ce sont des gens à qui on fait des rapports financiers, à qui on fait part d’initiatives pour faire grandir l’entreprise », indique-t-il.

Et leur entrée en scène a contribué à la réalisation du projet. « Avec un fonds d’investissement plus habitué aux risques calculés, c’est sûr que ça a rendu les choses plus faciles, surtout quand le budget était rendu à 135 millions », reconnaît M. Fantin.

Bien que l’idée de se lancer dans la « culture intérieure » faisait partie des plans de l’entreprise depuis sept ou huit ans, le projet aurait sans doute été « plus modeste » si Vision Ridge Partners n’avait pas mis le grappin sur Vegpro.

« On sent que c’est un créneau d’avenir. L’entreprise a un désir de grossir. Cette première serre ne sera pas notre dernière. »

Vegpro International en bref

  • Fondation : 1998
  • Propriétaire : Vision Ridge Partners
  • Marques : Attitude
  • Siège social : Sherrington, en Montérégie
  • Nombre d’employés en Amérique du Nord : plus de 1000, dont 500 à Sherrington
  • Nombre de points de vente au pays : 2500

En savoir plus

  • 676
    Nombre d’entreprises au Québec qui possédaient au moins une serre en culture de fruits et légumes en 2023

Source : ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec

50
Nombre d’entreprises qui exploitent une serre de plus d’un hectare

Source : Producteurs en serre du Québec

Étoile montante européenne de l’hydrogène, Hydrogène Lhyfe compte s’installer à Montréal, a appris La Presse. L’entreprise de Nantes, qui a déjà ciblé des terrains dans l’est de l’île où elle compte construire une première usine, n’écarte pas la possibilité de déployer d’autres électrolyseurs dans la région métropolitaine.

Résumé

Un important producteur européen d’hydrogène débarquera à Montréal

PHOTO SEBASTIEN SALOM-GOMIS, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Hydrogène Lhyfe concentre exclusivement ses activités dans la production d’hydrogène vert, soit une production issue de l’électrolyse de l’eau alimentée uniquement par de l’énergie renouvelable.

Étoile montante européenne de l’hydrogène, Hydrogène Lhyfe compte s’installer à Montréal, a appris La Presse. L’entreprise de Nantes, qui a déjà ciblé des terrains dans l’est de l’île où elle compte construire une première usine, n’écarte pas la possibilité de déployer d’autres électrolyseurs dans la région métropolitaine.

Publié à 2h01 Mis à jour à 7h00

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Ulysse Bergeron La Presse

Le PDG fondateur de la jeune entreprise en énergie, Matthieu Guesné, confirme à La Presse être en démarchage pour construire dans les prochains mois une usine de production d’hydrogène. Il refuse toutefois de détailler l’opération : échéancier précis, coûts de construction, technologie utilisée, clients potentiels, volume de production, etc.

Il laisse entendre qu’une première usine devrait voir le jour dans l’est de la métropole où, déjà, deux terrains ont été ciblés par Lhyfe. « On ne révélera pas l’endroit exact pour des raisons de concurrence pour le moment », explique-t-il.

L’entreprise de Nantes, créée en 2017, concentre exclusivement ses activités dans la production d’hydrogène vert, soit une production issue de l’électrolyse de l’eau alimentée uniquement par de l’énergie renouvelable.

Par ailleurs, Lhyfe étudie d’autres sites potentiels dans des municipalités à proximité de la métropole : Salaberry-de-Valleyfield, Contrecœur, Sorel-Tracy et Bécancour, peut-on lire dans un récent enregistrement au registre des lobbyistes. Est-ce dire que Lhyfe envisage de construire de nombreuses usines d’hydrogène au Québec ? M. Guesné esquisse un léger sourire sans écarter cette possibilité.

C’est qu’en Europe, le producteur est reconnu pour la vitesse à laquelle il a multiplié et déployé ses projets depuis sa création. En moins de six ans, 75 projets ont été annoncés et une dizaine sont en phase de construction, principalement en France et en Allemagne.

Au printemps 2022, la société faisait le saut en Bourse et le mois dernier, elle lançait la première place de marché de gré à gré d’hydrogène vert en Europe afin de mettre en relation les producteurs d’hydrogène vert et les consommateurs.

Depuis 2021, son usine de Bouin – près des côtes de l’océan Atlantique, dans les Pays de la Loire – produit quotidiennement 300 kilogrammes d’hydrogène. « Les usines de deuxième génération qu’on construit vont permettre de produire davantage, assure-t-il. Mais l’usine de Bouin permet de prouver que nous sommes non seulement capables de produire de façon industrielle, mais de développer une clientèle. »

Cette usine alimente de la machinerie lourde – chariots élévateurs, tracteurs et camions – et des parcs de véhicules qui évoluent en milieux urbains, comme des taxis qui roulent à Paris et des bus de ville.

Le Québec servira de porte d’entrée pour le marché nord-américain, espère M. Guesné, qui raconte, par ailleurs, que c’est tout d’abord l’ambassadrice du Canada à Paris de l’époque – Isabelle Hudon – qui l’a personnellement contacté pour sonder l’intérêt de Lhyfe à s’installer au pays.

« Le discours de l’ambassadrice du Canada à l’époque, c’était : “Nous, on souhaite attirer des investissements. On n’a pas l’arrogance de dire qu’on va tout faire tout seul. On préfère attirer les investissements chez nous. Venez au Canada. Venez au Québec en particulier, on vous accueillera.” » C’est alors qu’il a été mis en contact avec Sophie Brochu, à l’époque PDG d’Hydro-Québec.

Emprunter le réseau d’Énergir

En Europe, selon les projets, sa production sera transportée aussi bien par camions que par gazoduc. Est-ce que Lhyfe envisage le transport de la molécule via le réseau d’Énergir lorsque ce dernier pourra techniquement en accueillir ?

Il n’écarte pas cette possibilité, mais précise qu’il « faut une volonté politique assez forte et une certaine contrainte des acteurs historiques du transport des énergies fossiles » pour ouvrir leur réseau à l’hydrogène.

Il cite les exemples de la France, de l’Angleterre et de l’Allemagne où « la consommation n’est pas nécessairement là où la production se fait ». « Prenez l’Allemagne, dit-il. La production d’hydrogène se fait essentiellement dans le nord de l’Allemagne, là où se concentre la production d’énergies renouvelables, et les gazoducs permettent d’alimenter des régions industrielles comme la Ruhr et la Bavière qui, elles, n’ont pas les éléments nécessaires à la production d’hydrogène. »

Énergir a pour sa part indiqué ne pas encore avoir eu de discussion avec Hydrogène Lhyfe.

Le projet de Recyclage Carbone qui veut transformer des résidus non recyclables en biocarburants à Varennes avance bien, mais il pourrait bifurquer vers d’autres marchés, comme celui de l’hydrogène.

Résumé

Recyclage Carbone Varennes lorgne le marché de l’hydrogène

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Pour le moment, Recyclage Carbone croit que sa production d’hydrogène, soit 40 tonnes par jour, servira uniquement au processus de transformation des résidus en méthanol.

Le projet de Recyclage Carbone qui veut transformer des résidus non recyclables en biocarburants à Varennes avance bien, mais il pourrait bifurquer vers d’autres marchés, comme celui de l’hydrogène.

Publié à 1h49 Mis à jour à 7h00


Hélène Baril
Hélène Baril La Presse

« On sera le plus gros producteur d’hydrogène vert au Canada et peut-être même en Amérique du Nord », a expliqué Stéphane Demers, directeur général de ce projet d’investissement de 1,3 milliard, lors d’une visite du chantier.

« On suit beaucoup le marché de l’hydrogène, qui originalement dans le projet n’était pas nécessairement une priorité, a-t-il précisé. Mais tout le marché de l’hydrogène évolue rapidement. On regarde TES [à Shawinigan] et Air Liquide. Il y a de l’effervescence dans le marché. »

Pour le moment, Recyclage Carbone croit que sa production d’hydrogène, soit 40 tonnes par jour, servira uniquement au processus de transformation des résidus en méthanol. Mais si la bioraffinerie doit être arrêtée et s’il y a de la molécule d’hydrogène disponible, il pourra être valorisé sur le marché, a fait savoir le directeur général de la future usine.

« C’est quelque chose qu’on va regarder aussi. Il y a un marché local qu’on est en train d’évaluer », a-t-il ajouté, en mentionnant les noms d’ArcelorMittal et d’Énergir comme clients potentiels.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Stéphane Demers, directeur général de Recyclage Carbone Varennes

Bien avant que l’électricité devienne une denrée rare au Québec, Recyclage Carbone a obtenu un approvisionnement de 90 mégawatts d’Hydro-Québec pour alimenter son électrolyseur et fabriquer de l’hydrogène pour transformer des déchets en biocarburants. La production d’hydrogène (40 tonnes par jour actuellement) pourrait encore être augmentée si l’entreprise obtenait un jour 20 mégawatts supplémentaires d’Hydro-Québec.

Un projet variable

De 800 à 900 millions de l’investissement total de 1,3 milliard ont déjà été dépensés ou engagés, a-t-on appris lors de la visite. L’approvisionnement de l’usine en déchets doit provenir pour moitié de la biomasse forestière et pour l’autre moitié de ce que les centres de tri ne peuvent recycler. Des négociations sont en cours pour l’acquisition de 200 000 tonnes par année de la matière première pour laquelle l’entreprise pense qu’elle ne paiera rien. Elle espère même être payée pour s’occuper de ces résidus non recyclables.

De même, le marché pour le produit final, 125 000 litres par année de méthanol vert, n’est pas encore définitif. Recyclage Carbone vise d’abord le marché maritime, où son produit pourrait remplacer le mazout lourd comme carburant des navires.

Mais cela aussi pourrait changer, selon Stéphane Demers.

La molécule de méthanol est très flexible. On peut faire de la gazoline, du carburant d’avion. On suit le marché de près et ça bouge rapidement.

Stéphane Demers, directeur général de Recyclage Carbone Varennes

« On a regardé plein d’options dans ce dossier-là. On n’en est pas arrivé à des conclusions actuellement. »

Le coût du méthanol vert sur le marché est une autre incertitude. Il devrait être au moins le double de celui du méthanol de source fossile, selon Recyclage Carbone.

Depuis son lancement, le projet Recyclage Carbone Varennes a déjà été substantiellement modifié et a reçu beaucoup d’aide publique. Hydro-Québec devait construire l’électrolyseur et produire l’hydrogène nécessaire à la conversion de déchets en gaz synthétique et en biocarburant, avant de se retirer du projet. Enerkem, qui était un actionnaire de l’entreprise, s’est retiré pour devenir le fournisseur de la technologie, qui a été testée pendant 11 ans dans une usine à Edmonton, en Alberta. Cette usine, qui a cessé ses activités plus tôt cette année, a englouti 1 milliard au fil des ans, a indiqué mercredi le président d’Enerkem, Dominique Boies.

Recyclage Carbone Varennes appartient aujourd’hui à quatre actionnaires, soit les pétrolières Shell (36 %) et Suncor (27 %), Investissement Québec (24 %) et Proman (13 %), producteur de méthanol et d’autres produits dérivés du gaz naturel.

Investissement Québec est aussi engagée dans le financement de ce projet de 1,3 milliard, avec un prêt de 150 millions. La Banque de l’infrastructure du Canada (BIC), une société d’État fédérale, a aussi accordé un prêt de 277 millions.

Il s’agit d’un investissement à risque, a indiqué le directeur principal des investissements de la BIC, Saad Rahali, en raison de la volatilité des prix du méthanol. « Mais pour nous, c’était un no brainer à cause de la présence de partenaires privés comme Shell, Suncor et Proman », a-t-il dit.

La construction du complexe industriel de Varennes a commencé en 2021 et la première production est attendue à la fin de 2025. D’ici la fin de l’été, les 72 modules de la bioraffinerie fabriqués en Asie arriveront par voie maritime à Contrecœur et à Bécancour pour être assemblés sur le site de Varennes.

L’histoire jusqu’ici

Depuis 2000, Enerkem veut transformer commercialement les déchets non recyclables en carburants verts, selon une technologie développée par un professeur de l’Université de Sherbrooke, Esteban Chornet, et son fils Vincent.

Une première usine construite par Enerkem à Edmonton pour tester la technologie a été en activité de 2015 à 2024.

Enerkem est devenu le fournisseur de technologie pour Recyclage Carbone Varennes et a des visées internationales avec d’autres projets ailleurs dans le monde, notamment en Espagne et aux États-Unis.

Ce n’est pas encore à l’échelle industrielle, mais Rio Tinto franchit une autre étape dans la production d’aluminium 100 % vert avec une nouvelle usine de « démonstration ». Québec et Ottawa délient les cordons de la bourse pour permettre à ce projet de 375 millions de voir le jour.

Résumé

Technologie Elysis Un autre pas vers l’aluminium vert chez Rio Tinto

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB D’ELYSIS

Les lingots d’aluminium produits par la coentreprise Elysis ne génèrent pratiquement aucun gaz à effet de serre.

Ce n’est pas encore à l’échelle industrielle, mais Rio Tinto franchit une autre étape dans la production d’aluminium 100 % vert avec une nouvelle usine de « démonstration ». Québec et Ottawa délient les cordons de la bourse pour permettre à ce projet de 375 millions de voir le jour.

Publié à 10h00

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Julien Arsenault
Julien Arsenault La Presse

La multinationale déploiera la technologie Elysis dans un bâtiment qui sera érigé sur le site de son usine d’Arvida, au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Le démarrage est prévu en 2027. À environ 2500 tonnes par année, la production sera modeste. Par exemple, l’aluminerie AP60, annoncée l’an dernier par Rio Tinto, table sur une production annuelle de 160 000 tonnes de métal gris.

« On a une approche assez prudente, affirme le directeur principal des opérations Atlantique de Rio Tinto Aluminium, Sébastien Ross, en entrevue téléphonique. Étant donné que c’est une technologie de rupture, il y a beaucoup de choses qu’il faut développer de zéro. »

En développement au Saguenay depuis 2018, Elysis est considérée comme très prometteuse, mais elle en est encore à ses balbutiements. Rio Tinto, Alcoa et Apple ont financé une partie du projet. Le gouvernement Legault a déjà injecté 80 millions dans l’aventure, contre 60 millions pour le gouvernement fédéral.

L’industrie québécoise de l’aluminium est moins polluante qu’ailleurs dans le monde grâce à l’hydroélectricité, mais son procédé de fabrication fait de ce secteur le principal émetteur industriel de gaz à effet de serre (GES) du Québec. Elysis parvient à produire du métal gris sans aucun GES, mais à très petite échelle dans un environnement contrôlé.

Pour passer à l’étape suivante, Rio Tinto et Investissement Québec (IQ) mettent sur pied une société en commandite afin d’utiliser la licence d’Elysis. Le géant minier australo-britannique met 235 millions sur la table, tandis que le bras financier de l’État québécois injecte 140 millions.

Ottawa offre également plusieurs dizaines de millions de dollars, mais au moment d’écrire ces lignes, il n’avait pas été possible de connaître le montant. Rio Tinto n’a pas voulu dire si l’argent du gouvernement Trudeau atténuera la somme qu’elle débourse pour la construction de l’usine de démonstration d’aluminium vert.

Ces détails ont été dévoilés, vendredi à Saguenay, dans le cadre d’un évènement réunissant M. Ross, le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, le ministre québécois de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, ainsi que sa collègue aux Affaires municipales, Andrée Laforest.

Cet investissement de Rio Tinto s’ajoute à celui de 1,4 milliard annoncé l’an dernier à Saguenay pour la construction de 96 cuves de la technologie AP60, ce qui représente la production d’environ 160 000 tonnes métriques d’aluminium primaire. Ce chantier, qui bénéficie d’un prêt-subvention de 150 millions du gouvernement Legault, permettra de réduire les émissions de GES de 50 % par rapport aux vieilles cuves de l’usine d’Arvida.

Premier pas

Les dix cuves qui seront aménagées dans l’usine de démonstration d’Elysis à Arvida seront quatre fois plus petites que le format habituel. M. Ross assure qu’il y a une demande pour l’aluminium 100 % vert – des entreprises comme Apple et le géant brassicole AB InBev figurent parmi les clients –, mais qu’il y a encore des « apprentissages » à réaliser avec cette nouvelle technologie.

« Ce sont les matières premières utilisées dans le procédé qui sont différentes et qui sont assez rares sur la planète, affirme-t-il. J’irais jusqu’à dire cela. C’est un enjeu technologique important. La plus grave erreur que l’on pourrait faire, c’est de sauter les étapes et faire une faute qui serait fatale et qui aurait le potentiel de tuer la technologie. »

Pour l’instant, il est impossible, selon le dirigeant de Rio Tinto, de savoir quand on pourra industrialiser ce processus. Le niveau de risque doit encore être abaissé, dit-il. Penser aux profits, à cette étape-ci, est un peu « utopique ».

N’empêche, M. Fitzgibbon estime que le risque financier pour l’État québécois est modéré dans ce projet. L’entente avec Rio Tinto prévoit que la multinationale finira par racheter la participation de Québec dans la société en commandite, si tout se déroule comme prévu.

« On a négocié [une mécanique] où le rachat va être égal au coût des fonds et on a un rendement potentiel intéressant que l’on peut faire aussi, affirme le ministre québécois de l’Économie. Que l’on réalise un rendement de 4 % ou de 7 % sur l’investissement, c’est secondaire par rapport à l’avantage comparatif que le Québec aura si nous sommes les premiers à produire de l’aluminium vert. »

Est-ce que le gouvernement québécois pourrait éventuellement être appelé à injecter davantage d’argent dans la société en commandite pour éviter la dilution si d’autres investissements sont nécessaires ? Peut-être, concède M. Fitzgibbon, en ajoutant que Rio Tinto devra être en mesure de mener le projet à terme.

« À un moment donné, ce n’est plus au gouvernement de supporter cela », dit-il.

Selon Rio Tinto, les travaux de démolition et de préparation débuteront « dès maintenant » et la construction de la nouvelle usine devrait s’amorcer « au début de 2025 ».

En savoir plus

  • 37 %
    Participation de Québec dans la société en commandite qui exploitera l’usine de démonstration d’Elysis à Arvida

la presse

220 millions
Somme allongée par le gouvernement québécois dans le projet d’aluminium 100 % vert depuis 2018

la presse

Résumé

« La biométhanisation, une activité agricole »

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, ARCHIVES LA PRESSE

« Même si la production de GNR agricole s’appuie sur des technologies connues et éprouvées en Europe, elles restent ici incomprises pour plusieurs », selon des acteurs du milieu.

La filière du GNR agricole n’est pas reconnue pour ce qu’elle est, soit un prolongement de l’agriculture, déclare Simon Naylor, PDG de Keridis BioÉnergie.

Publié à 5h00

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Ulysse Bergeron
Ulysse Bergeron La Presse

Depuis plus de 10 ans, l’entreprise se spécialise dans le développement et l’investissement en biométhanisation.

Pensez-y. Tout ce qui rentre dans un digesteur vient de l’agriculture. C’est du fumier, du lisier et un peu de matière résiduelle agroalimentaire. Et tout ce qu’on sort une fois le traitement terminé – le digestat – va être épandu dans un champ de culture à proximité.

Simon Naylor, PDG de Keridis BioÉnergie

Le digestat est cette matière laissée dans le digesteur après le processus de méthanisation. Composé de nutriments, il est utilisé comme fertilisant renouvelable pour remplacer des engrais chimiques.

« Comme tout cela est lié à l’agriculture, on pourrait revoir la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles pour y inclure la biométhanisation comme une activité agricole pour que ce soit plus facile de s’installer en zone cultivable », dit-il.

Perception

Son de cloche similaire de la part de Mélissa Sall, directrice de BioÉnertek. L’entreprise montréalaise a construit et mis en service des projets de biométhanisation aux États-Unis et au Mexique. Elle planche actuellement sur un projet qui doit voir le jour éventuellement à Sainte-Sophie-de-Lévrard, dans le Centre-du-Québec.

On doit constamment défendre notre volonté de s’installer en zone agricole. Pourquoi on ne veut pas aller s’installer en zone industrielle ? C’est parce que la matière se trouve en zone agricole et que ceux qui utilisent le digestat sont les agriculteurs.

Mélissa Sall, directrice de BioÉnertek

La femme d’affaires constate « une forme de peur » dans certains ministères. « C’est comme si on craignait que ces projets soient ou deviennent des projets industriels lourds. »

Cette perception aurait mené à un encadrement plus strict des producteurs de GNR agricole, donc à une augmentation des coûts des projets, un frein pour les producteurs agricoles qui voudraient produire du GNR à partir de leurs résidus agricoles.

« On vend la molécule de GNR à un prix fixé par la Régie de l’énergie. Il faut que ça soit rentable pour l’agriculteur », dit-elle.

Méconnaissance

Le PDG de l’Association québécoise de la production d’énergie renouvelable (AQPER), Luis Calzado, estime lui aussi que la méconnaissance freine le développement de l’industrie.

Au Québec, il y a toujours cette impression que le gaz naturel est d’origine fossile. Ce qui n’est évidemment pas le cas pour celui qui provient du traitement de résidus agricoles.

Luis Calzado, PDG de l’Association québécoise de la production d’énergie renouvelable

Même si la production de GNR agricole s’appuie sur des technologies connues et éprouvées en Europe, elles restent ici incomprises pour plusieurs, dont les investisseurs. Cela se traduit par un intérêt « peu marqué » des institutions financières pour financer ces projets. Une situation qui diffère grandement de la réalité sur le Vieux Continent.

Certes, le Fonds de solidarité FTQ a lancé le fonds de solidarité FTQ Bioénergie, qui prévoit injecter dans un premier temps 100 millions de dollars dans la filière. Seul hic : il s’agit du seul acteur d’envergure à avoir fait le grand saut dans la filière.

« On ne peut pas compter que sur un investisseur. Il en faut plusieurs », dit-il.

« Au Québec, il y a quelques banques qui ont montré de l’intérêt, mais je ne dirais pas que c’est au niveau nécessaire à aider au déploiement de la filière. »

Scepticisme

Raphaël Duquette est vice-président chez Qarbonex, une firme de consultants spécialisée dans les projets de GNR. « On a essayé de partir la filière de la biométhanisation avec le traitement des résidus de table, donc des projets plus complexes », relate-t-il.

Ce choix « a créé beaucoup de scepticisme » à l’égard de la filière, selon lui.

Les résidus de table, c’est de la matière qui est plus difficile à recueillir et qui a plus de contaminants. Ce sont donc des projets de biométhanisation qui sont techniquement plus complexes et plus coûteux à réaliser.

Raphaël Duquette, vice-président de Qarbonex

À cause de cela, la biométhanisation serait considérée par plusieurs – dont des décideurs – comme synonyme de complexité, retards et dépassements de coûts.

« Mais on doit distinguer cette biométhanisation de celle avec des résidus agricoles. Cette dernière est beaucoup plus simple. Prenez les intrants comme le lisier et le fumier : la quantité est plus facile à estimer parce que la cueillette ne se fait pas de façon volontaire. On n’a qu’à connaître le nombre de bêtes. »

Résumé

Nature Energy envisage maintenant une usine à la fois

PHOTO FOURNIE PAR NATURE ENERGY

Des installations de l’entreprise danoise Nature Energy

Le géant danois de la biométhanisation Nature Energy débarquait au Québec, il y a deux ans, à la façon d’un rouleau compresseur. La filiale de Shell voulait construire jusqu’à 10 méga-usines de biométhanisation pour produire du gaz naturel renouvelable à partir de résidus agricoles. Or, elle doit maintenant revoir son approche et adapter ses ambitions à la réalité québécoise.

Publié à 5h00

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Ulysse Bergeron
Ulysse Bergeron La Presse

« On ne se met pas le couteau sous la gorge en se disant qu’il faut faire 10 usines coûte que coûte, déclare Philippe Lamote, responsable de l’approvisionnement en biomasse de Nature Energy au Canada. On y va projet par projet. Si ce n’est que six usines, ce ne sera que six usines. »

Les propos contrastent avec l’assurance qu’affichait en décembre 2022 le grand patron de Nature Energy, Ole Hvelplund, lors de l’annonce de partenariat avec Énergir. L’entreprise danoise – rachetée deux semaines plus tôt par le géant pétrolier Shell – avait alors soutenu vouloir construire jusqu’à 10 méga-usines de biométhanisation pour produire du gaz naturel renouvelable (GNR) agricole à partir de lisier et de fumier.

Le rendement potentiel de ces projets avait de quoi impressionner. Ces usines, avait-on soutenu, permettraient de produire 200 millions de m⁠ètres cubes de GNR et d’« atteindre le tiers de la cible de 2030 du Québec en matière de GNR, ce qui réduirait les émissions de CO2 d’un maximum de 400 000 tonnes, ce qui équivaut à retirer de la circulation environ 100 000 voitures à essence ».

Or, pour alimenter chaque usine, Nature Energy doit recueillir 700 000 tonnes d’intrants, essentiellement constitués de déjections animales. Même s’il y a d’importants élevages au Québec – l’industrie porcine totalise à elle seule 7 millions de bêtes –, les producteurs sont répartis sur un territoire plus vaste que celui du Danemark.

Si on doit faire 100 kilomètres pour aller chercher du fumier, ça devient compliqué d’avoir un projet économiquement viable. Notre modèle repose sur un nombre important de fermes – entre 100 et 150 fermes – qui doivent se trouver dans un rayon de 45 minutes de transport maximum.

Philippe Lamote, responsable de l’approvisionnement en biomasse de Nature Energy au Canada

L’an dernier, Nature Energy a dû mettre une croix sur la construction d’une usine à Louiseville, dans la MRC de Maskinongé. « Il aurait fallu réussir à récolter les intrants de 100 % des fermes dans un rayon de 45 minutes de transport », dit-il.

Deux usines sont pour le moment dans les cartons de l’entreprise. Celle de Farnham, en Estrie, qui devrait être inaugurée en 2026 aurait accès à « trois fois plus d’intrants » que l’approvisionnement nécessaire. Situation similaire pour l’usine projetée à Saint-Georges, en Beauce, qui devrait être en service en 2027. Chacune d’elles devrait produire annuellement 20 millions de mètres cubes⁠, l’équivalent de ce que consomment 10 000 maisons de taille moyenne.

Mieux définir le statut du digestat

À l’instar des autres entreprises du secteur, Philipe Lamote estime que Québec pourrait donner un coup de pouce pour favoriser le développement de la filière en « alignant » les objectifs des ministères et autorités impliqués. « Il y a parfois de petites contradictions qui créent des problématiques d’ordre réglementaire. »

Il cite l’exemple du statut du digestat, résidu qui sort du digesteur après le processus de méthanisation. Composé de nutriments, ce fertilisant renouvelable sert à remplacer des engrais chimiques en agriculture.

Or, s’il est permis au Québec d’épandre du lisier et du fumier dans les champs, l’encadrement de l’épandage du digestat est plus serré. La biomasse traitée par Nature Energy est constituée à 80 % de sources agricoles et à 20 % de restants de l’industrie agroalimentaire.

Et c’est là que le bât blesse, concède Philippe Lamote : « Lorsque les deux sont ensemble – comme on le fait –, c’est considéré comme une matière résiduelle fertilisante (MRF). Et là, ça tombe dans une autre réglementation et les coûts pour les utiliser sont très élevés. »

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Énergir veut plus de projets québécois

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

« Concernant spécifiquement la production de GNR agricole, des huit projets qui injectent actuellement dans notre réseau, il n’y a qu’un seul projet qui vient du secteur agricole », explique Renault Lortie, vice-président clients et approvisionnement gazier d’Énergir.

Le développement des projets pour produire du gaz naturel renouvelable (GNR) à partir de résidus agricoles s’étale sur plusieurs années. N’empêche, le distributeur Énergir estime pouvoir atteindre son objectif, qui est de porter à 10 % le volume minimal de GNR dans son réseau d’ici 2030. La Presse s’est entretenue avec Renault Lortie, vice-président, clients et approvisionnement gazier chez Énergir.

Publié à 5h00

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Ulysse Bergeron
Ulysse Bergeron La Presse

Pourquoi des projets de production de GNR agricole ne démarrent-ils pas aussi rapidement qu’envisagé ?

Il y a une réalité économique. Tous les projets de production d’énergie verte ont subi les impacts de la hausse des taux d’intérêt, de l’inflation et de la difficulté de trouver de la main-d’œuvre. Ça coûte plus cher de construire des infrastructures. C’est la même chose pour les projets éoliens et solaires. Ce n’est pas pour rien qu’Hydro-Québec annonce que son prix marginal va augmenter à 0,13 $ le kilowattheure, alors qu’on est habitué à payer autour de 0,04 $. À cela s’ajoute l’enjeu de l’acceptabilité sociale ; c’est une nouvelle filière qui n’est pas encore totalement comprise. Il y a des communautés près des projets qui se posent beaucoup de questions : est-ce qu’il y a des odeurs ? Qu’est-ce qui va arriver avec le digestat ?

PHOTO BÉNÉDICTE BROCARD, FOURNIE PAR ÉNERGIR

Renault Lortie, vice-président clients et approvisionnement gazier d’Énergir

Est-ce qu’Énergir aura de la difficulté à atteindre ses objectifs ?

Non. On compte toujours atteindre l’objectif que nous a fixé le gouvernement, soit 5 % de GNR dans notre réseau d’ici 2025 et 10 % d’ici 2030. Actuellement, 20 % du GNR injecté dans notre réseau vient du Québec. Pour ma part, j’aimerais que dans quelques années, la tendance soit inversée pour que le GNR consommé ici soit produit ici. Concernant spécifiquement la production de GNR agricole, des huit projets qui injectent actuellement dans notre réseau, il n’y a qu’un seul projet qui vient du secteur agricole, celui de Coop Agri-Énergie à Warwick, dans le Centre-du-Québec.

Pourquoi faudrait-il développer davantage la filière agricole ?

Lorsqu’on parle de GNR de première génération – fait à partir de matière organique –, c’est la matière agricole qui a le plus grand potentiel. Et aussi, on y gagne à tous les niveaux : il y a beaucoup de matière organique à valoriser, ça représente une nouvelle source de revenus pour les agriculteurs et ça donne du digestat qui remplace des engrais chimiques. La nécessité d’intensifier la production de GNR en milieu agricole est une évidence. Aussi, les émissions en agriculture ont augmenté au fil des ans. Le secteur représente maintenant près de 10 % des émissions totales dans la province.

Pour les producteurs de GNR, le raccordement au réseau d’Énergir peut coûter des millions de dollars. Est-ce que ça ne devient pas un frein pour la filière ?

On a fait des démarches auprès de la Régie de l’énergie du Québec pour qu’une partie du raccordement – celle du conduit qui rejoint notre réseau – puisse être assumée par l’ensemble de la clientèle d’Énergir, plutôt que par le producteur. Il n’en reste pas moins que la situation au Québec est enviable, avec le soutien financier du Programme de soutien à la production de gaz naturel renouvelable. Sur le plan des contrats, Énergir en offre d’une durée de 20 ans – à 45 dollars le gigajoule, indexés au fil des ans –, ce qui n’existe pas vraiment ailleurs en Amérique du Nord. Malgré les défis, quand on se compare, on se console : 10 des 30 projets de production de GNR au pays sont au Québec.

Waga Energy continue son expansion au Québec en démarrant la production de gaz naturel renouvelable (GNR) à partir d’un troisième site d’enfouissement, soit celui de Cowansville. L’entreprise française planche sur deux autres projets pour extraire le gaz de la matière organique qui représente toujours « plus de 50 % » des ordures ménagères enfouies dans la province.

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Cowansville Waga Energy ajoute un troisième site de production de gaz naturel renouvelable

PHOTO FOURNIE PAR WAGA ENERGY

Avec le site de Cowansville, Waga Energy ajoute une production frôlant 3 millions de m3 portant à 13,5 millions de m3 qu’elle injecte maintenant dans le réseau du distributeur Énergir.

Waga Energy continue son expansion au Québec en démarrant la production de gaz naturel renouvelable (GNR) à partir d’un troisième site d’enfouissement, soit celui de Cowansville. L’entreprise française planche sur deux autres projets pour extraire le gaz de la matière organique qui représente toujours « plus de 50 % » des ordures ménagères enfouies dans la province.

Publié à 12h15

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Ulysse Bergeron
Ulysse Bergeron La Presse

« Notre technologie a été développée pour les sites [d’enfouissement] de petites et moyennes tailles. Et on arrive à se déployer assez rapidement, parce que dans les faits, on fait un copier-coller d’un même procédé », déclare Julie Flynn, présidente-directrice générale de Waga Energy Canada.

Cette technologie baptisée Wagabox – de type « brancher et utiliser » – a permis à l’entreprise d’étendre en peu de temps ses activités dans la province. L’entreprise produit déjà du GNR à partir des déchets enfouis dans les sites de Saint-Étienne-des-Grès en Mauricie et celui de Chicoutimi au Saguenay.

Avec le site de Cowansville, Waga Energy ajoute une production frôlant 3 millions de m3 portant à 13,5 millions de m3 qu’elle injecte maintenant dans le réseau du distributeur Énergir. Cela équivaut au volume de GNR nécessaire pour alimenter plus de 8000 foyers québécois.

Le lieu d’enfouissement de Cowansville traite actuellement jusqu’à 75 000 tonnes de déchets par an, provenant de la MRC de Brome-Missisquoi et des MRC limitrophes. C’est l’organisme public Zone-Éco – administré par les municipalités de Bedford, Cowansville, Dunham et Farnham – qui en assure la gestion.

L’entreprise planche actuellement sur le développement de deux autres projets au Québec, qu’elle ne veut pas détailler pour le moment. Au fil des ans, réitère Mme Flynn, le producteur s’est spécialisé dans la captation et l’épuration du gaz qu’émet la matière organique qui n’a pas été détournée des sites d’enfouissement par les « bacs bruns » des systèmes de collectes de résidus alimentaires.

« Il va rester des couches, peut-être des carcasses de poulet ou de certains matériaux de construction comme du bois… Il reste plusieurs types de matières qui ne sont pas toujours déviées dans le compost et qui vont être enfouies », explique-t-elle. En se décomposant, ces matières peuvent émettre du gaz pour une période qui s’étire « entre 10 et 15 ans ».

Au Québec, la mise en place des systèmes de collectes de matières organiques est loin de détourner l’ensemble de ce type de résidus des dépotoirs. « On sait qu’il y a un ratio d’au moins 50 % des ordures ménagères qui est de la matière qui va produire du gaz dans les années qui vont venir », relate Julie Flynn.

Certes, l’encadrement plus serré du gouvernement du Québec pour détourner la matière organique des sites d’enfouissement laisse entrevoir une décroissance de la production dans les prochaines années. « Dans nos modélisations, on sait qu’il y aura certainement une décroissance de la matière organique », dit-elle, ajoutant du même souffle. « Ce que les chiffres disent, malheureusement encore, c’est que le détournement de la matière organique se situe seulement entre 35 % et 40 % », indique-t-elle.

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L’entreprise québécoise Tugliq Énergie projette un train à hydrogène pour transporter les marchandises d’industriels du secteur minier sur la Côte-Nord, a appris La Presse. Le coût de l’initiative se chiffrerait en dizaine de millions de dollars.

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Côte-Nord Projet de train à hydrogène pour le transport minier

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Le projet de train à hydrogène serait développé à Sept-Îles, desservie par deux voies ferrées.

L’entreprise québécoise Tugliq Énergie projette un train à hydrogène pour transporter les marchandises d’industriels du secteur minier sur la Côte-Nord, a appris La Presse. Le coût de l’initiative se chiffrerait en dizaine de millions de dollars.

Publié à 2h04 Mis à jour à 6h00

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Ulysse Bergeron
Ulysse Bergeron La Presse

« C’est quelque chose qui est plus qu’un concept », confirme Laurent Abbatiello, PDG de Tugliq Énergie, questionné sur le développement d’un train à hydrogène sur la Côte-Nord.

« Il reste des ficelles à attacher », précise-t-il, avançant que l’entreprise travaille avec des partenaires – dont de futurs utilisateurs du train à hydrogène – pour réaliser le projet. Il refuse toutefois d’en révéler les noms. « On reste dans le secteur minier, qui est un secteur dans lequel on a de bonnes connaissances, où on sait et on aime travailler », dit-il.

Le projet de train à hydrogène serait développé à Sept-Îles. La ville côtière est desservie par deux voies ferrées. Le chemin de fer de la Côte-Nord et du Labrador (QNS&L) – propriété de la Compagnie Iron Ore du Canada – rejoint le Labrador en passant par Schefferville. Pour sa part, le chemin de fer Arnaud relie QNS&L au port de Pointe-Noire, à Sept-Îles.

Dans le registre des lobbyistes du Québec, Tugliq avance vouloir obtenir un appui financier du gouvernement provincial oscillant entre 10 millions et 15 millions. Cette somme pourrait représenter plus de 10 % du coût total du projet, qui « ne devrait pas dépasser 100 millions de dollars ».

« On sait que les émissions de CO2 au Québec viennent en grande partie du transport, et 50 % des émissions du transport viennent du transport lourd comme les camions ou le train », dit Laurent Abbatiello.

Décarbonation

La locomotive serait alimentée par une pile à combustible à hydrogène, technologie qui permet de produire de l’électricité grâce à une réaction chimique entre les molécules d’hydrogène et d’oxygène. « Nous, on n’a pas la vocation de développer les technologies, mais plutôt d’étudier le contexte dans lequel on souhaite l’utiliser », rappelle-t-il.

L’entreprise s’est fait connaître dans les dernières années pour la décarbonation partielle des opérations de la mine Raglan qu’exploite Glencore dans la péninsule d’Ungava, au Nunavik. Outre une éolienne d’une puissance de trois mégawatts, Tugliq y a d’ailleurs installé une boucle à hydrogène avec électrolyseur et piles à combustible pour un stockage à long terme.

L’hydrogène « n’est pas une mode » pour Tugliq, assure son PDG : « On n’est pas tombés dans l’hydrogène il y a deux semaines. Notre première installation à l’hydrogène a été à la mine Raglan, il y a 11 ans maintenant. »

Le fondateur de Tugliq, Pierre Rivard, a d’ailleurs cofondé et dirigé pendant plusieurs années Hydrogenics, un fabricant de piles à combustible et de produits utilisés dans la production d’hydrogène, racheté par Cummins en 2019.

L’approvisionnement se ferait à partir d’hydrogène « produit localement avec de l’énergie verte, par électrolyse », dit-il, sans toutefois révéler les producteurs potentiels. Quelques projets de production ont été évoqués dans les dernières années, dont celui de l’entreprise allemande Hy2gen qui a obtenu en juin un bloc d’électricité de Québec pour son projet de production d’hydrogène à Baie-Comeau.

Tugliq Énergie en bref

  • Fondée en 2011, Tugliq Énergie bâtit et gère des infrastructures d’énergies propres près d’infrastructures industrielles pour réduire leur dépendance au pétrole.
  • Le gouvernement du Québec a accordé l’automne dernier 5 millions à Tugliq Énergie pour soutenir sa croissance.

« C’est nettement insuffisant, dit Renaud Gignac », le porte-parole d’Investors for Paris Compliance, un groupe d’actionnaires militants qui s’est donné la mission de suivre à la trace les engagements climatiques des investisseurs canadiens les plus importants.

« Il faudrait une augmentation de 5, 10 ou 15 % par année pour parvenir à décarboner suffisamment la production d’électricité et atteindre les objectifs qu’on s’est fixés en matière climatique pour 2030 », explique-t-il.

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Financement de l’énergie verte Un mauvais bulletin pour les banquiers canadiens

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

Depuis l’Accord de Paris en 2016 et jusqu’en 2023, la part des investissements des grandes banques consacrée à la production d’électricité renouvelable a augmenté de moins de 1 % par année.

Les grands investisseurs canadiens sont tous fermement engagés dans la transition énergétique, mais ils agissent très peu pour la financer, selon une évaluation indépendante. Depuis l’Accord de Paris en 2016 et jusqu’en 2023, la part des investissements des grandes banques consacrée à la production d’électricité renouvelable a augmenté de moins de 1 % par année.

Publié à 1h39 Mis à jour à 5h00

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Hélène Baril
Hélène Baril La Presse

« C’est nettement insuffisant, dit Renaud Gignac », le porte-parole d’Investors for Paris Compliance, un groupe d’actionnaires militants qui s’est donné la mission de suivre à la trace les engagements climatiques des investisseurs canadiens les plus importants.

« Il faudrait une augmentation de 5, 10 ou 15 % par année pour parvenir à décarboner suffisamment la production d’électricité et atteindre les objectifs qu’on s’est fixés en matière climatique pour 2030 », explique-t-il.

Les bottines ne suivent pas les babines, constate le groupe dans son bulletin publié mercredi, qui fait état des progrès réalisés par les six grandes banques canadiennes, les compagnies d’assurance Manuvie et Sun Life, trois régimes de retraite (la Caisse de dépôt, l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada et le Régime de retraite des enseignants de l’Ontario) et les investisseurs privés Brookfield et Power Corporation.

Les premiers de la classe

La production d’énergie de source fossile continue d’accaparer la plus grande part des investissements des banques canadiennes. Les trois régimes de retraite, dont la Caisse de dépôt, de même que Brookfield, arrivent en tête du groupe pour leur performance globale. Ils héritent de la note B, qui indique que leurs engagements se traduisent par des avancées réelles vers la carboneutralité.

Du côté des banques, seulement quatre d’entre elles ont augmenté depuis 2016 leur part de financement dans l’électricité renouvelable, soit la CIBC, la TD, la Banque Nationale et la Banque Royale.

Les cancres

Les moins bons élèves sont la Banque Scotia et la BMO, qui ont réduit leurs investissements dans la production d’électricité renouvelable. La BMO a même cédé aux pressions de certains États américains et aboli sa politique d’exclusion du charbon, souligne le porte-parole d’Investors for Paris Compliance.

Power Corporation figure aussi en bas du classement, pour n’avoir aucun objectif ni engagement en entreprise en matière environnementale. Les grandes institutions ont plus de mal à progresser vers l’alignement net zéro que les petites institutions, constate le groupe d’actionnaires militants. Les entreprises de gestion d’actifs progressent plus lentement que les propriétaires d’actifs, souligne-t-il.

La Caisse et le gaz

Tous les investisseurs canadiens les plus importants ont une position en porte-à-faux avec leurs engagements climatiques lorsqu’il est question de gaz naturel. « Les politiques relatives au gaz sont le talon d’Achille des institutions financières en matière de climat. Aucune des institutions financières évaluées n’a mis en œuvre des politiques compatibles avec l’élimination quasi totale de la production d’électricité à partir de gaz sans captage d’ici 2040 », relève le groupe.

C’est le cas de la Caisse de dépôt, qui obtient une note globale de B pour sa performance globale, mais un D pour son positionnement au sujet du gaz naturel. La Caisse, qui est le principal actionnaire du distributeur gazier Énergir, fait valoir qu’elle est un investisseur ancré dans la réalité et que le gaz a un rôle à jouer dans la transition énergétique, a commenté Bertrand Millot, responsable de l’investissement durable de la Caisse. Le distributeur gazier veut réduire la proportion de gaz fossile dans son réseau. Ces arguments ne sont pas convaincants, selon Investors for Paris Compliance. « Quand on gratte un peu et qu’on demande comment ça va se faire, les réponses ne sont pas satisfaisantes », a fait savoir Renaud Gignac.

Lisez l’étude d’Investors for Paris Compliance