Des données sur les retombées de l’achat local
Photo: Valérian Mazataud archives Le Devoir Parmi les neufs articles certifiés par Les Produits du Québec sélectionnés par la firme qui a mené l’étude se trouve un t-shirt Poches & fils.
Roxane Léouzon
23 janvier 2024
Économie
Entre deux t-shirts similaires, dont l’un est fait au Québec et l’autre est importé, lequel est le meilleur pour l’économie du Québec et pour l’environnement ? Une étude se penchant sur neuf produits détenant une certification québécoise chiffre pour la première fois l’ampleur des avantages de l’achat local.
Tout le monde se doute qu’acheter local est plus vertueux, estime Elfi Morin, directrice générale de l’organisme Les Produits du Québec. « Mais quand on a voulu documenter ça ou chercher des données, on a rapidement constaté qu’il n’y en avait pas vraiment », souligne-t-elle.
Elle a donc mandaté la firme d’analyses économiques AppEco pour se pencher sur la question. Deux de ses économistes ont comparé neuf produits certifiés par Les Produits du Québec — dont un t-shirt Poches & fils, une pelle à litière Noba Animal, du papier hygiénique Cascades et un soutien-gorge La vie en rose — avec chacun deux produits importés similaires. Ils ont fait bien attention à sélectionner des biens considérés comme étant de qualité équivalente, tant en ce qui a trait aux matériaux utilisés qu’à leur fonction et à leur durée de vie.
Ils ont trouvé que les produits locaux en question généraient en moyenne un produit intérieur brut, des profits et un nombre d’emplois au Québec respectivement 3,8, 7,6 et 3,5 fois supérieurs. La raison en est que la conception, la fabrication et l’approvisionnement effectués par ces entreprises locales entraînent le versement de salaires et la création de richesse entre les mains de résidents du Québec. De l’autre côté, les produits importés n’apportent des bénéfices au Québec qu’à l’étape de la vente au détail, explique le rapport.
Les entreprises participantes ont ouvert leurs livres et dévoilé l’origine de leurs fournisseurs. L’étude prend donc en compte le fait qu’une part de leurs intrants proviennent d’entreprises étrangères et que certains de leurs fournisseurs québécois ont des liens d’affaires dans d’autres pays. Les biens arborant la certification la plus exigeante en matière d’activités locales, soit Produit du Québec, comparativement à Fabriqué au Québec et Conçu au Québec, sont ceux présentant le plus de retombées économiques.
Plus ou moins chers
« Un aspect important qu’on a voulu prendre en compte dans l’étude, c’est la question du prix. Il est souvent cité que les biens qu’on importe sont moins chers, que les citoyens ont ainsi un plus grand pouvoir d’achat et que ça permet aussi de faire fonctionner l’économie », rapporte Julien Mc Donald-Guimont, directeur et économiste chez AppEco.
Or, dans quatre cas sur neuf, le produit québécois était moins cher. « Et dans nos estimations, même si le prix avantageait le produit importé, ce n’était jamais assez important pour qu’il devienne meilleur que le produit certifié », assure-t-il.
Les économistes d’AppEco se sont aussi risqués à mesurer les conséquences environnementales de la production et du transport de ces produits. Ils ont calculé que les produits importés étaient associés à des émissions de gaz à effet de serre en moyenne 34 % plus importantes que leurs équivalents québécois. Pour ce faire, ils ont utilisé l’outil en ligne 2030 Calculator, qui effectue une analyse de cycle de vie partielle et qui a reçu le soutien du Secrétariat des Nations unies sur les changements climatiques.
« Ce n’est pas tant l’aspect transport qui change la donne, même si les produits importés ont parcouru des milliers de kilomètres, souligne M. Mc Donald-Guimont. Ce qui est vraiment déterminant, c’est d’où vient l’énergie utilisée pour la production, parce qu’on a une énergie renouvelable au Québec. »
Autant Elfi Morin que Julien Mc Donald-Guimont admettent que cette analyse ne permet pas de tirer des conclusions pour l’ensemble des produits québécois. Ils souhaitent toutefois l’élargir prochainement à davantage de secteurs et d’entreprises afin de mettre en lumière des tendances plus larges.