MRC de Montcalm 1000 terrains de football pour des bungalowshttps://www.lapresse.ca/actualites/2020-10-29/mrc-de-montcalm/1000-terrains-de-football-pour-des-bungalows.php
Il a beaucoup été question des terres agricoles sujettes à être dézonées dans l’affaire de la MRC de Montcalm. Or, l’aval du gouvernement au lotissement d’une autre catégorie de terres soulève aussi l’ire de certains experts : celles non agricoles situées à l’extérieur des zones urbaines.
Publié le 29 octobre 2020 à 5h00
Francis Vailles
La Presse
André Dubuc
La Presse
Le 19 octobre, La Presse expliquait que le gouvernement caquiste avait autorisé le schéma d’aménagement de la MRC en dépit des objections d’experts de trois des principaux ministères concernés. D’après eux, le schéma de cette MRC à 50 km de Montréal ne respecte pas les orientations gouvernementales visant à limiter l’étalement urbain.
L’autorisation du gouvernement ne touche pas seulement des terres agricoles. Selon nos nouvelles recherches, elle permet aussi le lotissement de 545 hectares de terres non agricoles hors des périmètres urbains actuels de la MRC (municipalité régionale de comté). Cette superficie représente 3,5 fois la zone agricole qui est en jeu (160 hectares).
Ramenées sur une autre échelle, ces terres non agricoles, souvent boisées, totalisent 58 millions de pieds carrés, soit l’équivalent de 1009 terrains de football américain.
On y construira principalement des maisons individuelles sur de très grands lots, ce qui est de nature à favoriser l’étalement urbain et le réchauffement climatique, selon certains.
Des promoteurs font d’ailleurs déjà la vente de lots, puisqu’ils n’ont pas à passer par la Commission de protection du territoire agricole (CPTAQ), contrairement aux terres agricoles.
« Ce projet domiciliaire offre les terrains les plus abordables de tous nos projets résidentiels dans les Laurentides. Offrez-vous un environnement agréable, loin du trafic et du stress urbain », écrit notamment l’un des promoteurs de ces terrains.
Selon nos estimations, 58 % des 3500 nouveaux logements que prévoit le schéma par rapport à l’ancien seront construits à l’extérieur des périmètres actuels d’urbanisation. Essentiellement, trois secteurs s’ajoutent, situés dans les villes de Saint-Roch-de-l’Achigan, de Saint-Calixte et de Saint-Lin–Laurentides (voir autre texte).
Des embouteillages à la campagne
La transformation de la MRC de Montcalm, tant pour les terres agricoles que pour celles éloignées des zones urbaines, soulève la grogne de certaines municipalités voisines. C’est le cas de Mascouche, de Terrebonne et de Repentigny, mais aussi de Sainte-Anne-des-Plaines, entre autres1.
Le maire de Sainte-Anne-des-Plaines, Guy Charbonneau, se plaint du trafic quotidien que créent déjà les déplacements nord-sud des navetteurs. Il explique que la route 335 est encombrée d’automobilistes venant de Saint-Lin et de Saint-Roch, au nord. Ce flot de voitures fait déborder la circulation vers le rang du Trait carré, un petit chemin agricole à l’ouest de la route 335.
En conséquence, dit-il, les agriculteurs de Sainte-Anne se heurtent à des bouchons de circulation de 2 km en semaine sur le rang, entre 17 h et 18 h.
Ces gens-là voyagent tous les jours pour aller au travail. On se tire dans le pied avec le nouveau schéma. Il faut limiter le réchauffement climatique. Je ne comprends pas. On se demande s’il n’y a pas des gens qui ont des intérêts particuliers.
Guy Charbonneau, maire de Sainte-Anne-des-Plaines
Depuis la mi-octobre, sa municipalité a entrepris de compter le nombre d’automobilistes pour y voir clair. En moyenne, il y a 8324 passages par jour en semaine et un maximum de 9700 le vendredi. « On est tannés de se faire envahir », dit-il.
Réchauffement et taxe carbone
Pour Pierre-Olivier Pineau, professeur à HEC Montréal et expert des questions énergétiques, ce nouvel aménagement de Montcalm « est exactement ce qu’on ne doit pas faire » si l’on veut atteindre les cibles de réduction de gaz à effet de serre (GES) de 2030.
« Il faut protéger ces terres et ces forêts et densifier davantage les zones urbaines. Cette occupation du territoire est problématique, car elle renforce l’obligation d’avoir un véhicule individuel privé pour se rendre dans ces logements », explique M. Pineau.
Jean-Philippe Meloche, professeur à la faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal, prend le problème dans l’autre sens. L’étalement urbain, dit-il, n’est pas causé par ces nouveaux aménagements. Il est plutôt une conséquence des faibles contraintes imposées à l’automobile depuis des lustres, avec des routes non tarifées et une essence parmi les moins chères au monde, explique M. Meloche, qui est aussi économiste.
Une taxe carbone qui grimperait à 100 $ la tonne, par exemple, ferait augmenter le prix de l’essence et mettrait un sérieux frein à l’étalement sans qu’on doive imposer des contraintes d’aménagement comme on le fait.
Le hic, explique-t-il, c’est que les circonscriptions caquistes sont situées essentiellement dans des secteurs où les électeurs souffriraient d’une telle politique climatique, ce qui rend son implantation improbable à court terme.
Joint au téléphone, le préfet de la MRC de Montcalm, Pierre La Salle, confirme l’ajout au nouveau schéma des trois secteurs de développement, que nous estimons à 545 hectares sur la base du document officiel du schéma.
Essentiellement, explique-t-il, les demandes d’agrandissement viennent des municipalités elles-mêmes, et non de la MRC.
Pas d’étalement, dit le cabinet de la ministre
Au bureau de la ministre des Affaires municipales et l’Habitation, Andrée Laforest, un commentaire nous a été transmis par son attachée de presse, Bénédicte Trottier Lavoie. « Les agrandissements, par rapport au schéma d’aménagement antérieur, de périmètres d’urbanisation ou des espaces voués au développement urbain, totalisent 210 hectares et non 545. On parle donc d’un potentiel maximal de 525 résidences sur 15 ans. »
Visiblement, constate-t-on, ce total de 210 hectares exclut les zones dites de villégiatures ou écoresponsables, que le schéma ne décrit pas comme vouées au développement urbain. Notre calcul donnant 545 hectares les inclut.
L’attachée de presse affirme par ailleurs que « les effets du trafic générés par les MRC péri-métropolitaines sont limités » et qu’en réalité, « la pression exercée sur les infrastructures métropolitaines émane très clairement de la Communauté métropolitaine de Montréal elle-même ».
« Nous ne sommes plus sur une question d’étalement urbain, mais bien dans du développement régional qui affecte le secteur des Basses-Laurentides et du Bas-Lanaudière », nous écrit-elle dans un courriel.
– Avec la collaboration de William Leclerc