La situation va rester difficile dans le Village tant qu’on aura pas mis en place des stratégies pour combattre la dépendance et l’itinérance… On ne sait pas encore qui a vandalisé la boutique et une enquête est en cours.
Avoir un endroit où se loger de façon stable est un bon point de départ pour reprendre sa vie en main, et permet d’offrir des services en ce sens. Difficile de devenir sobre en dormant dans la rue.
Même logé, nourri et blanchi; si toute ta vie tourne autour de tes doses; il faut des structures médicalisées pour abandonner la dépendance. Sinon, on ne fait qu’entretenir un “mode de vie” (lifestyle anglo-saxon) avec très peu d’espoir d’en voir le bout.
Il me semble que le coût social d’avoir ces gens logés et stabilisés, même s’ils sont en dépendance active, est beaucoup moindre que de les laisser à eux-même dans la rue, et de les criminaliser. Les séjours contstants à l’hôpital, la prison, ainsi que les policiers qui doivent gérer ceci, ça coûte très cher. Voici un peu plus d’informations sur cette approche: Housing First - Wikipedia
On l’essaie ici un peu aussi, avec ce projet-pilote: Un projet pour aider des personnes itinérantes à se trouver un logement
J’espère que vous réalisez que vos solutions sont complémentaires… les gens en situation de dépendance et d’itinérance ont besoin de logement ET de soins.
Je suis persuadé que cela peut bien fonctionner pour des personnes sans-abris; mais pour des sans-abris en situation de dépendance ou de problèmes de santé mentale ce n’est clairement pas suffisant. C’est un bon départ, c’est mieux que rien; mais ce n’est pas une solution mais un des outils.
Une petite revue de presse:
https://homelessvoice.org/opinion-housing-firsts-critics/
[…]
Housing First’s record on these other metrics — like health, independence, sobriety, and social connectedness — is the focus of some arguments, as well as claims that the evidence in favor of Housing First is settled.
One claim that The Manhattan Institute sees as overstating the evidence is a statement by Department of Housing and Urban Development Secretary Ben Carson where he says, “a growing mountain of data show[s] that a Housing First approach works to reduce not only costs to taxpayers but the human toll as well. The evidence is clear…we can say without hesitation that we know how to end homelessness,” along with a Coalition for the Homeless description of Housing First as “a proven solution.”
Focusing on evidence for Housing First’s effect on quality of life outcomes like health and social integration is a National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine study. It found that “there is no substantial published evidence as yet to demonstrate that PSH [a Housing First intervention] improves health outcomes” except in individuals with HIV/AIDS, and a Psychiatric Services study found that “chronically homeless adults showed substantial improvements in housing but remained socially isolated and showed limited improvement in other domains of social integration.”
Looking at the policy’s ability to address particular mental or behavioral health challenges is a Journal of Dual Diagnosis study in Canada, where it found that homeless individuals with problematic substance use who did not participate in Housing First showed more improvement on drug and alcohol abuse, mental health, and quality of life metrics than those who did. At the two year mark, Housing First participants were no more satisfied with their living conditions than the control group.
Similarly, a U.S. Department of Housing and Urban Development Office of Policy Development and Research report found that Housing First did not clearly impact participants’ “level of psychiatric impairment, frequency of psychiatric medication use, impairment related to substance use, impairment related to co-occurring disorders, and income and money management.”
The Manhattan Institute, referring to a ProPublica report, says they “profiled a few seriously mentally ill clients of a supported housing program in New York, and how an excess of independence led to decompensation and even death. These individuals were, in some cases, stably housed, but living in apartments strewn with waste, swarming with bugs, and living with untreated infections and other health problems, and extremely isolated.”
Another metric publications have focused on is family outcomes.
Urban Institute, a partially federally funded think tank, released a report finding that in rapid rehousing — another program generally seen as falling under the Housing First umbrella, although it comes with some conditions — families met “modest” employment and income gains, had high rates of residential instability, and “still experienced significant challenges one year after exit (even when housed).”
A Heritage Foundation report author, Christopher Rufo, comments on the research that it “demonstrates reasonably high rates of housing retention, but consistently fail to report any improvement in overcoming substance abuse, reducing psychiatric symptoms, or improving general well-being — the ‘human outcomes.’”
He continues that “in its most important responsibility — to improve human lives — the Housing First philosophy has failed,” comparing Housing First to “little more than homelessness within a residential setting.” He concludes, “In some studies, even overdose deaths in permanent supportive housing units do not count as a negative outcome; they simply reduce the denominator for analysis, which, perversely, increases the apparent success of the program.”
[…]
L’itinérance et par extension la dépendance et les problèmes de santé mentale requiert une approche globale. Comme dit plus haut, il faut plusieurs solutions complémentaires. La répression policière, en plus de coûter cher, n’est pas efficace. Je sais que le Village a instauré des postes ‘d’agents d’accueil’ récemment, des personnes facilement identifiable chargées de s’assurer d’une cohabitation la plus smooth possible. Ça serait intéressant de savoir si ça a eu un quelconque impact.
J’aimerais nuancer ton propos.
Il faut traiter la dépendance comme une maladie; et par conséquent ne pas criminaliser la consommation des drogues et ne pas marginaliser encore plus cette population vulnérable par une répression policière la considérant comme de simples délinquants. Il faut accompagner ces personnes en leur apportant soutien social et médical avec les moyens indiqués.
Par contre, on ne peut pas tolérer des comportements délinquants et criminels répréhensibles qui dérivent de cette addiction en considérant celle-ci comme une circonstance atténuante. Les inconvénients et torts tangibles créés à la société civile existent. Bien qu’on puisse comprendre les raisons qui amènent à de tels comportements, on ne peut pas laisser à la dérive ceux-ci surtout s’il y a de la récidive. Je ne parle pas forcément de prison en tant que tel; mais la destruction de biens publics ou privés, les vols et le recel et les agressions physiques ne peuvent être simplement répondus par de l’hébergement, de la nourriture et de l’approvisionnement contrôlé. Il y a un contrat social à respecter et à faire respecter pour garantir une certaine paix; et si l’addiction mène à de telles excès il faut agir pour la traiter en dehors de la sphère publique.
A travers le pays on parle beaucoup du modèle portugais de décriminalisation des drogues en omettant que ce modèle ne vise pas à accepter l’usage de drogues dures comme quelque chose de commun et acceptable dans la société. La possession de drogue est toujours considéré comme une infraction, mais la réponse offerte est modérée selon les cas et surtout médicale. Les individus en grande situation de dépendance sont poussés vers des programmes de traitement et de réintégration dans la société civile. Il ne s’agit pas de les accommoder mais de les soigner; et cela est quelque chose qui manque encore au Canada. Il faut absolument que le fédéral prenne le leadership là-dessus, même si la santé est de compétence provinciale, afin d’avoir une approche cohérente et générale d’un océan à l’autre.
Une moyenne lecture pour les curieux:
https://www.edgewoodhealthnetwork.com/resources/addiction-recovery/drug-decriminalization-the-success-of-the-portugal-model/
Je suis entièrement d’accord avec vous. Même si on décriminalise la possession de drogues, un crime reste un crime. Si quelqu’un fracasse une vitrine, ça reste du vandalisme.
Par contre, en attaquant le problème à sa source, le risque de vandalisme et autres méfaits n’en sera que réduit.
Je lance l’idée comme ça, sans dire que ce serait l’unique solution, mais prenons comme exemple la dépendance aux opioïdes, qui peut être gérée à l’aide de méthadone et autres substances. La criminalité reliée à la dépendance provient entre autre du désespoir causé par le manque, donc peut mener à voler pour obtenir des fonds pour soulager les symptômes de sevrage. Si une personne n’a plus à subir ces symptômes à l’aide d’un programme de méthadone par exemple, la criminalité devient inutile.
Itinérance à Montréal Les campements ne seront pas tolérés, dit la Ville
PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE
Campement rue Notre-Dame
La Ville de Montréal ne tolérera pas les campements « organisés » de personnes sans-abri sur son territoire, mais les organismes qui travaillent avec ces dernières préviennent qu’il y aura de plus en plus de tentes dans le paysage urbain au cours des prochaines semaines, conséquence de la crise du logement.
Publié à 0h00
Isabelle Ducas La Presse
« De petits campements sont apparus un peu partout en ville et seront de plus en plus nombreux et visibles avec le beau temps », souligne James Hughes, président et chef de la direction de la Mission Old Brewery.
C’est très difficile pour les personnes en situation de pauvreté d’accéder au marché du logement en ce moment.
James Hughes, président et chef de la direction de la Mission Old Brewery
Sébastien* en sait quelque chose : il s’est retrouvé à la rue pour la première fois le 1er avril dernier, après avoir cohabité avec trois autres personnes, à la suite de son divorce, dans un quatre et demie à 1200 $ par mois, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve. « Il y avait trop de monde dans le logement, ça faisait de la chicane, j’étais tanné », raconte-t-il, découragé.
Comme il ne connaissait pas les services offerts aux sans-abri, il a installé sa tente sur un terrain de gravier le long de la très fréquentée rue Notre-Dame. À ce moment, sept ou huit personnes avaient élu domicile à cet endroit, explique-t-il. Quelques-unes sont parties dans les derniers jours.
PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE
De nombreux détritus jonchent le terrain du campement organisé.
Comble de malheur, le conducteur d’un camion municipal a écrasé sa tente il y a quelques jours. Il doit donc en trouver une autre, relate-t-il, lorsque nous le rencontrons sur le terrain jonché de carcasses de vélos, de lambeaux de tentes, de vieux matelas, de canettes de bière et d’autres détritus.
Éviter les évictions
D’autres campements ont fait leur apparition sous une autoroute, près de l’avenue Atwater, le long de la rue Viger, près de la station de métro Place-d’Armes et ailleurs en ville. « Nous ne voulons pas préciser où, parce qu’on veut éviter que la Ville vienne les évincer », dit Michel Monette, directeur général de l’organisme CARE Montréal.
On prévient aussi les gens de ne pas s’installer en trop grand nombre au même endroit, parce qu’il y a plus de risque qu’ils se fassent démanteler.
Michel Monette, directeur général de l’organisme CARE Montréal
PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE
Campement rue Notre-Dame
Parce qu’en effet, l’administration municipale « ne tolérera pas les campements organisés de plusieurs tentes », indique Marikym Gaudreault, attachée de presse de la mairesse Valérie Plante.
La conseillère responsable de l’itinérance au comité exécutif, Josefina Blanco, a refusé notre demande d’entrevue, mais dans une déclaration écrite, elle relève les risques pour la sécurité de ceux qui choisissent de planter leur tente en ville.
PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE
Campement près de l’avenue Atwater
« L’été dernier, nous avons évité le pire alors qu’un incendie aurait pu provoquer l’explosion d’une bonbonne de propane en plein quartier résidentiel. Si le Service de sécurité incendie de Montréal juge le site non sécuritaire ou s’il y a d’autres enjeux en lien avec la sécurité civile, il ordonnera son évacuation », explique Mme Blanco.
Elle assure cependant que « ces opérations réalisées par les intervenants sociaux sont faites avec une grande sensibilité. Ils agissent de façon graduelle et humaine dans le respect de la dignité des personnes vulnérables ».
Agir dès qu’une tente apparaît
Selon Benoit Langevin, porte-parole de l’opposition officielle à l’hôtel de ville en matière d’itinérance, il faudrait toutefois agir dès qu’une tente apparaît, et avoir des options à offrir aux personnes sans-abri.
PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE
Benoit Langevin, porte-parole de l’opposition officielle à l’hôtel de ville en matière d’itinérance
« C’est un film d’horreur qu’on a vu au cours des deux dernières années, s’insurge-t-il. On ne peut pas laisser des gens occuper l’espace public et enfreindre des règlements municipaux sans rien faire. »
Il blâme le manque de constance dans les services offerts aux personnes itinérantes.
On a vu des refuges qui ouvrent trois mois, puis ferment deux mois, qui ouvrent l’hiver et ferment l’été.
Benoit Langevin, porte-parole de l’opposition à l’hôtel de ville en matière d’itinérance
Selon Michel Monette, il y aura cet été à Montréal 300 places d’hébergement de moins que l’hiver dernier.
Le refuge administré par son organisme, qui offrait auparavant 120 places à l’hôtel Royal Versailles, a d’ailleurs dû réduire sa capacité à 70 places en déménageant au sous-sol de l’église Sainte-Jeanne-d’Arc au début du mois.
Ce manque de places poussera de plus en plus de gens vers l’espace public, ce qui leur donne aussi plus de liberté, puisque les refuges imposent à leur clientèle un grand nombre de règlements. « C’est plus agréable d’avoir le contrôle sur ta vie que d’avoir quelqu’un qui la contrôle pour toi », fait observer M. Monette.
- Notre interlocuteur a préféré taire son nom de famille.
Itinérance à Montréal | Les campements ne seront pas tolérés, dit la Ville | La Presse
Ces images misérables sont le résultat de l’administration municipale. Laissez passer le REM et logez les itinérants dans un lieu plus respectueux.
Déclenchement de mesures d’urgence Montréal considère le débordement des refuges comme un sinistre
PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE
Le commissaire aux personnes en situation d’itinérance de la Ville de Montréal a souligné que le débordement des refuges pour les sans-abri avait récemment été ajouté aux critères officiels qui permettent à la Ville de déclencher des mesures d’urgence, comme pour les catastrophes naturelles.
Les refuges pour sans-abri débordent tellement par temps froid que la Ville de Montréal a dû déclencher des mesures d’urgence à deux reprises en février pour pallier le problème, comme elle le fait en cas d’inondation ou d’incendie majeur.
Publié à 0h00
Philippe Teisceira-Lessard La Presse
C’est ce qu’a relevé mercredi le commissaire aux personnes en situation d’itinérance de la Ville, dans une rare sortie publique qui accompagne la publication d’un « signal d’alarme » sous forme de lettre ouverte1.
« C’est la première fois qu’on considérait l’itinérance et le froid comme un sinistre », a affirmé Serge Lareault, le commissaire, en entrevue avec La Presse. « C’est un mécanisme qui n’est pas ordinaire. On ne déclenche pas des mesures d’urgence à tout bout de champ et pour le fun. Mais ça démontre qu’on est rendus à une situation assez inquiétante. »
Pourquoi ? « Parce qu’il y a débordement dans les refuges, parce qu’il fait froid, parce qu’il y a danger de mort. »
PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE
Serge Lareault, commissaire aux personnes en situation d’itinérance de la Ville de Montréal
M. Lareault a souligné que le débordement des refuges pour personnes en situation d’itinérance avait récemment été ajouté aux critères officiels qui permettent à la Ville de Montréal de déclencher des mesures d’urgence, comme pour les catastrophes naturelles. Ce changement est « historique », a-t-il dit.
Ces déclarations permettent par exemple à la Ville de mobiliser les équipes de la sécurité civile et de libérer plus rapidement les fonds nécessaires. Il ne s’agit toutefois pas d’une déclaration d’état d’urgence, comme celle en vigueur à Montréal alors que la pandémie de COVID-19 faisait rage.
1600 places
Les deux déclarations de mesures d’urgence ont mené à l’ouverture de refuges temporaires pendant les dernières vagues de froid. Le YMCA centre-ville, près de l’intersection des rues Stanley et Sainte-Catherine, a servi chaque fois.
« Pouvant accueillir 80 personnes, ce lieu bénéficiera de la présence d’intervenants ainsi que d’agents de sécurité embauchés par l’agglomération, qui veilleront au bon fonctionnement, indiquait la Ville le 24 février. Un local sera aussi mis exclusivement à la disposition des femmes qui fréquenteront le site. »
Selon Serge Lareault, plusieurs dizaines de personnes ont utilisé ce refuge d’urgence.
« Ce n’est pas pour rien qu’on fait ça », a-t-il dit. « C’est parce qu’il manque de places dans le réseau habituel. » Lorsqu’une vague de froid est imminente, un comité se réunit et examine l’état d’occupation des refuges.
Montréal compte actuellement 1600 places d’urgence réparties dans 31 sites d’accueil. Outre le « simple » manque de places, les critères d’admission de certaines installations poussent aussi des sans-abri vers les refuges d’urgence.
« Les personnes qui se retrouvent la nuit dans le grand froid, ce sont des personnes qui vivent des enjeux de santé mentale, de dépendance. Qui sont en état d’intoxication. Qui ne sont pas acceptées ou ne sont pas capables de se rendre dans les refuges réguliers », a dit M. Lareault.
Ce qu’il manque à Montréal, ce sont des refuges capables d’accueillir cette clientèle-là, d’en prendre soin et de la stabiliser. Ce sont ces gens-là qu’on voit dans la rue la nuit.
Serge Lareault, commissaire aux personnes en situation d’itinérance de la Ville de Montréal
Découragement et solutions
En poste comme commissaire depuis sept ans, Serge Lareault s’exprime rarement dans l’espace public malgré l’importance qu’a prise l’enjeu de l’itinérance à Montréal depuis le début de la pandémie de COVID-19. Il pointe ses journées de travail de « 12 à 14 heures » pendant les dernières années.
« Quand le poste de commissaire a été créé, il y a eu beaucoup d’attentes. Les gens voudraient que je sois sur la place publique pour revendiquer », a-t-il dit. Mais il faut comprendre « que j’ai un travail qui est parfois beaucoup plus dans l’ombre », notamment en matière de conseils à l’administration et aux élus.
Mais cette fois, alors que le budget du Québec approche, M. Lareault jugeait important d’attirer l’attention sur la crise de l’itinérance que traverse la métropole.
« Ce qui m’a beaucoup frappé dans les derniers mois, c’est le nombre d’appels de Montréalais et de Montréalaises qui me disent combien ils sont découragés de la situation. Les gens en arrivent à la conclusion qu’il n’y en a pas de solution. Mais ce n’est pas vrai, il y a des solutions », a-t-il dit.
« Le cri d’alarme qu’on lance à la Ville de Montréal, c’est qu’il faut appuyer sur l’accélérateur. Il faut que les gouvernements supérieurs investissent dans les refuges, qu’ils investissent dans les logements sociaux. Ça sort au compte-gouttes, les logements sociaux. »
1. Lisez la lettre ouverte de Serge Lareault dans la section Débats
Québec n’a rien proposer pour reloger les personnes itinérantes sous l’autoroute Ville-Marie
Le campement sous l’autoroute Ville-Marie. Photo: Quentin Dufranne, Métro Média
Nicolas Monet
3 avril 2023 à 20h04 - Mis à jour 3 avril 2023 à 21h59 6 minutes de lecture
Le gouvernement du Québec n’a offert aucune proposition concrète depuis son premier avis d’éviction en novembre dernier pour reloger les personnes en situation d’itinérance qui campent sous l’autoroute Ville-Marie. Pourtant, Québec s’était engagé à tenter de trouver des solutions avant de démanteler le campement pour entreprendre des travaux majeurs.
La Clinique juridique itinérante demande une ordonnance judiciaire pour repousser l’éviction des campeurs par le ministère des Transports (MTQ) au 15 juillet 2023. Les parties se sont de nouveau retrouvées devant les tribunaux lundi, les discussions pour en arriver à une entente s’étant avérées infructueuses.
«Qu’est-ce qu’on a fait concrètement pour éviter que [les campeurs] se retrouvent aujourd’hui devant l’imminence de se faire évincer manu militari?», a demandé lors de l’audience Me Éric Préfontaine, qui représentait la Clinique juridique itinérante. L’avocat du cabinet Osler, Hoskin & Harcourt a rappelé que le gouvernement avait annoncé un sursis au démantèlement au mois de novembre pour essayer de trouver une solution à long terme pour les personnes évincées.
«Jamais le ministère ne s’est engagé à les relocaliser», a soutenu pour sa part l’avocate du procureur général du Québec, Me Nancy Brûlé. «On est dans un processus volontaire. Dans la mesure où ils ne veulent pas [se faire aider], c’est difficile de faire quelque chose», a-t-elle précisé à la juge Chantal Masse de la Cour supérieure. La juge Masse s’est d’ailleurs dite « bouche bée » devant la passivité du CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal, invitant le gouvernement à être plus « proactif »
Le CIUSSS est en contact avec les campeurs depuis plusieurs années, a assuré l’avocate du gouvernement. Or, «ces gens-là, pour différentes raisons qui leur appartiennent, n’ont pas établi de lien de confiance avec le CIUSSS.»
À défaut d’une ordonnance judiciaire, le campement, situé près de la rue Guy et de l’avenue Atwater, sera démantelé par les policiers le 12 ou le 15 avril prochain.
Un démantèlement aux effets «absolument dévastateurs»
«La pire des solutions, c’est de ne rien faire. La moins pire des solutions, c’est de retarder l’éviction pour qu’elle se fasse dans des conditions qui sont minimalement acceptables», a lancé Me Préfontaine.
L’avocat a souligné les «conditions extrêmes» dans lequel vivaient les campeurs, rappelant que le mercure avoisinait -10o C la nuit dernière. «Ils ont essentiellement un toit sur leur tête, et c’est l’autoroute Ville-Marie, a-t-il déclaré. Si on les expulse […] où peuvent-ils se relocaliser?»
Ce sont des gens qui n’ont pas grand-chose […]. Une des seules choses qu’ils ont, c’est leur communauté et les bénéfices qu’elles leur apportent.
Me Éric Préfontaine, avocat de chez Osler, Hoskin & Harcourt, représentant la Clinique juridique itinérante
Me Anabel Semerdzhieva, qui représente également les demandeurs, a souligné au tribunal les obstacles sociaux et administratifs auxquels font face les personnes en situation d’itinérance quand vient le temps de trouver un logement permanent ou même un lit dans un refuge. «Ils font face à des systèmes d’exclusion qui se superposent les uns et les autres, a-t-elle déploré. Ils sont pris dans un cercle vicieux qui les rend invisibles.»
Il y a seulement 1600 lits disponibles en refuges à Montréal, a affirmé l’avocate. Beaucoup trop peu pour héberger les 3149 des personnes itinérantes à Montréal, selon un dénombrement effectué en 2018.
Par ailleurs, les campeurs, «extrêmement vulnérables», peuvent s’entraider a rappelé Me Anabel Semerdzhieva. Certaines personnes y habitent depuis plusieurs années. Un résident qui y vit depuis 10 ans agit comme «protecteur» en aidant les autres à se nourrir, à gérer leur consommation de drogues et d’alcool et leur porte assistance en cas d’urgence, a-t-elle illustré. Des trousses de Naxolone, antidote au fentanyl, sont également disponibles sur place, a-t-elle allégué.
Un démantèlement sans prise en charge des campeurs aurait des «effets absolument dévastateurs», selon Me Semerdzhieva.
Des travaux nécessaires et pressants, selon le MTQ
«Leurs histoires sont d’une grande tristesse», a reconnu Me Brûlé. «Il reste que ces gens-là occupent un terrain sans droit», a-t-elle poursuivi, rappelant que le MTQ est propriétaire du terrain sur lequel le campement est installé.
Les travaux qui seront entrepris dans le cadre de la réfection de l’échangeur Turcot dureront environ trois ans. Les piliers de l’autoroute Ville-Marie, dont ceux où vivent les campeurs, doivent être réparés pour «assurer la capacité structurelle», a-t-elle déclaré.
Le ministère doit s’assurer que les routes soient sécuritaires. Que les infrastructures soient sécuritaires.
Me Nancy Brûlé, avocate du procureur général du Québec
La cohabitation entre le chantier et les personnes itinérantes est impossible, avance l’avocate. Feu au campement, clôture coupée, circulation de personnes intoxiquées à côté du chantier, deux personnes endormies dans l’équipement: l’entrepreneur qui a effectué les prétravaux aurait rapporté diverses situations dangereuses, explique-t-elle. La cohabitation prolongerait également la durée des travaux, à ses dires.
«Les travaux doivent se faire, et ils doivent commencer à un moment donné», a ajouté Me Marie Couture-Clouâtre, qui représente également le MTQ. «Plus ça retarde, plus il y a des risques potentiels.» Un retard complexifie également la coordination avec la Ville de Montréal pour assurer la circulation, a déclaré Me Brûlé.
La juge Chantal Masse a invité à plusieurs reprises les parties à discuter pour trouver une solution «rapide» et «pratique» en dehors du cadre judiciaire.
L’octroi d’un délai de grâce avant le démantèlement ne permettra pas aux campeurs d’éviter le préjudice, mais seulement de le retarder, a-t-elle rappelé. Ceux-ci peuvent également revenir après leur éviction, a-t-elle ajouté. «Ma décision, quelle qu’elle soit, ne règlera pas la situation définitivement».
L’audience se poursuivra demain, au palais de justice de Montréal.
Démantèlement du campement sous l’autoroute Ville-Marie: «un dialogue de sourds», constate la juge
Le campement sous l’autoroute Ville-Marie. Photo: Quentin Dufranne, Métro Média
Nicolas Monet
4 avril 2023 à 19h58 - Mis à jour 4 avril 2023 à 20h10 4 minutes de lecture
Le gouvernement du Québec et les intervenants communautaires soutenant les personnes en situation d’itinérance qui campent sous l’autoroute Ville-Marie sont pris dans «un dialogue de sourds», a déploré mardi la juge Chantal Masse, de la Cour supérieure du Québec.
L’audience qui oppose le ministère des Transports (MTQ) à la Clinique juridique itinérante s’est close aujourd’hui, et a été prise en délibéré. La Clinique demande le report au 15 juillet du démantèlement du campement, situé près de la rue Guy et de l’avenue Atwater, pour des travaux majeurs.
«Soit il y a une coopération qui n’est pas véritable d’un côté ou de l’autre, ou il y a un énorme malentendu», a constaté la juge Masse.
Par ailleurs, le MTQ enverra un nouvel avis d’éviction demain, annonçant un démantèlement le 12 avril prochain, ont annoncé ses avocates. À défaut d’une entente, la juge rendra sa décision in extremis au retour du congé de Pâques, le mardi 11 avril à la première heure.
Le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal a mis diverses ressources à la disposition des personnes itinérantes depuis le premier avis d’éviction de novembre 2022, mais ces dernières ne voulaient pas de l’aide offerte, a plaidé Me Marie Couture-Clouâtre, du procureur général du Québec.
De son côté, Me Éric Préfontaine, qui représente la Clinique juridique itinérante, a réitéré qu’il n’y avait aucune «démarche concrète ou mesure prise pour favoriser le logement ou la relocalisation.»
C’est comme si on était sur deux planètes complètement différentes.
La juge Chantale Masse, de la Cour supérieure du Québec
Les avocats des deux parties se rencontreront cette semaine en compagnie des campeurs, des intervenants communautaires et du CIUSSS, à la demande expresse de la juge Masse. La magistrate a invité les parties à plusieurs reprises à discuter pour trouver une solution «rapide» et «pratique» en dehors du cadre judiciaire. «Ma décision, quelle qu’elle soit, ne règlera pas la situation définitivement», a-t-elle souligné.
Des ressources sont disponibles, assure Québec
Des places en refuges sont disponibles pour les campeurs, a soutenu Me Couture-Clouâtre. Le CIUSSS et Projet Logement Montréal peuvent également accompagner les personnes itinérantes dans leurs démarches pour obtenir un logement permanent si elles le souhaitent, selon ses dires. «Nous ne sommes pas dans un cas où il n’y a nulle part où aller», a-t-elle ajouté.
«On a tenté, et on a toujours la volonté de trouver une solution», a assuré l’avocate.
Par ailleurs, une enveloppe budgétaire est à la disposition des campeurs pour les aider à payer un loyer du loyer, a expliqué Me Couture-Clouâtre. «On n’a jamais entendu parler de ça », lui a rétorqué Me Préfontaine.
Je suis convaincu que c’est une volonté réelle, mais est-ce qu’on peut passer de la parole aux actes? C’est là que le bât blesse.
Me Éric Préfontaine, avocat chez Osler, Hoskin & Harcourt, représentant la Clinique juridique itinérante
Les campeurs sont des «adultes autonomes» et on ne peut les forcer à recevoir de l’aide, a réitéré Me Couture-Clouâtre. Or, plusieurs des campeurs ont affirmé vouloir de l’assistance pour se reloger dans des déclarations signées déposées en preuve par la Clinique juridique itinérante.
Michel Chabot est l’un des campeurs sous l’autoroute Ville-Marie. Rencontré par Métro à la sortie de l’audience, il doute fortement de la volonté du gouvernement d’aider les membres de sa communauté. «Personne n’est venu me voir. J’ai le cancer, pis ils ne sont même pas venus me voir», a-t-il dit.
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Nouveau campement d’itinérants sur la rue du Parc, une situation «inquiétante»
Un campement itinérant sur la rue Parc. Photo: Métro
Zoé Arcand
15 avril 2023 à 7h00 5 minutes de lecture
Alors que la saison chaude vient à peine de débuter à Montréal, des campements d’itinérants se dressent déjà dans des endroits inusités de la métropole. Trois tentes, entre autres, sont apparues en début de semaine au coin des avenues du Parc et des Pins. Sans se prononcer sur ce campement spécifiquement, la directrice du Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM), Annie Salange, s’avoue inquiète, mais pas surprise.
C’est inquiétant c’est sur. Il n’y a personne qui se dit: « ah quelle belle qualité de vie que de vivre entre deux artères ».
Annie Salange, directrice du RAPSIM.
La directrice du RAPSIM qualifie la naissance des campements d’un «symptôme du manque de réponse adaptée». Elle craint et critique le «démantèlement systématique» opéré par la Ville en vertu de ses règlements quand vient le temps de gérer ce phénomène. «Tout ce qu’on fait, c’est mettre à risque les personnes», dit-elle, puisqu’ils se reculent dans des secteurs plus cachés et isolés, loin de leurs réseaux et des travailleurs de rues.
L’organisme a officialisé sa posture en lien avec les campements lors du démantèlement du campement Notre-Dame en 2020, qui a marqué l’imaginaire des Montréalais et Montréalaises. «Si on est mal à l’aise de voir des gens vivre en campement, il faut investir. On ne peut pas se dire que comme on ne voit plus de tentes, il n’y a plus de problème», dit Mme Salange.
«Ce n’est pas nouveau, dit-elle, il y a plusieurs campements partout». Rien de neuf sous le soleil, donc. Le RAPSIM est le regroupement montréalais en itinérance en plus d’être la plus importante concertation régionale en itinérance au Québec. Plusieurs membres de ce regroupement pratiquent le travail de rues pour venir en aide aux personnes sans domicile directement sur le terrain.
Métro n’a pas pu s’entretenir avec les habitants du campement, mais tout indique qu’il s’agit d’un campement itinérant.
Le rôle de la Ville et des interventions policières
Selon une personne travaillant sur un chantier non loin du campement au coin des avenues du Parc et des Pins, qui a demandé à rester anonyme, «la police est passée au courant de la semaine pour parler avec les personnes» habitant dans les tentes. Une seule d’entre elles était sur les lieux.
Lorsque l’apparition d’une tente est signalée au service de police, «une évaluation est faite afin de déterminer s’il y a un risque imminent (incendie, circulation, criminalité). Si c’est le cas, la Ville de Montréal doit intervenir pour la sécurité de tous et toutes», a indiqué la responsable aux communications du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), Caroline Labelle.
Celle-ci rappelle que la position du SPVM n’est pas décisionnelle dans le cas des campements urbains.
Le corps policier agit «en soutien» quand vient le temps d’appliquer les règlements, explique-t-elle. Avant de démanteler les campements, ils attendent donc de recevoir une demande officielle des propriétaires des terrains touchés, qu’il s’agisse de la Ville ou des propriétaires privés.
Car bien qu’il y ait les consignes transversales officielles de la ville, il y a des dynamiques propres à chaque quartier. «Les policiers sur le terrain connaissent très bien les dynamiques et les manques d’alternatives. Ils savent que s’ils démantèlent [un campement], le monde vont avoir nulle part où aller», dit la directrice du RAPSIM, Mme Salange. Elle assure qu’il «semble y avoir une tolérance non officielle», à ce niveau.
Effectivement, le SPVM rappelle avoir entrepris «depuis longtemps» un virage visant à éviter la judiciarisation inutile des personnes en situation d’itinérance.
Notre philosophie d’opération s’appuie sur la collaboration avec nos partenaires et l’intervention en mode d’accompagnement – référence auprès des ressources communautaires
Caroline Labelle, responsable aux communication du SPVM.
Plusieurs équipes mixtes comme l’EMRII, l’ESUP, les Patrouilles conjointes autochtones, et l’EMIC patrouillent la ville pour «soutenir et aider les personnes itinérantes», fait savoir Mme Labelle.
Un manque d’alternatives
Le campement observé par Métro se trouve à un jet de pierre de l’Hôtel-Dieu et à quelques mètres de Milton-Parc. L’an dernier, l’ombudsman de la Ville de Montréal, Nadine Mailloux, qualifiait la situation itinérante dans ce secteur d’une «crise humanitaire» dans un rapport déposé début mai.
Elle émettait alors cinq recommandations pour que la Ville de Montréal et les autorités passent à l’action pour améliorer la situation dans le secteur. Les personnes à risque y sont principalement des Inuits.
La directrice du RAPSIM réitère la problématique liée au manque d’alternatives au démantèlement. Elle lance un appel à la Ville et à l’ensemble des acteurs institutionnels: «il faut réfléchir sérieusement au phénomène et à nos responsabilités. Si on n’est pas capables d’offrir de réelle alternative, comment on veut soutenir les personnes qui campent» dans l’espace public?
Les pouvoirs publics doivent investir massivement et rapidement. […] Aucun partenaire n’est en mesure de répondre parce que l’infrastructure nécessaire n’existe pas. On n’est pas équipé.
Annie Salange, directrice au RAPSIM
Le réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal demande à ce que les pouvoirs soutiennent les campements plutôt que les démanteler. «La Ville doit apporter son soutien dans son champ de conséquence», réclame la directrice de l’organisme. Elle mentionne les besoins de poubelles et d’installations sanitaires à proximité de ces campements.
«Les campements sont des initiatives autogérées, et de solidarisation. Si la Ville était en soutien plutôt que dans une approche de répression, on en serait ailleurs», juge Mme Salange.
Au moment où ces lignes sont écrites, la Ville de Montréal n’a pas donné de retour à Métro.
Maintes fois, nous constatons que c’est un désastre partout où cela est encouragé. Ces camps ne conduisent PAS à une relation plus étroite entre les sans-abri et les travailleurs humanitaires. Ce qui se passe est une distanciation et une ghettoïsation du problème. C’est indéniable, et c’est clairement vécu à Vancouver, Los Angeles, San Francisco. C’est une catastrophe à chaque fois. Le rôle de la ville devrait être de fournir des logements, temporaires ou permanents, et de fournir des services. Tolérer ce type de camp qui se traduit par un chaos total est improductif pour tout le monde.
C’est presque choquant que les travailleurs humanitaires encouragent cela, comme s’il n’y avait pas des problèmes de sécurité et d’incendie dès le départ. Les gens cuisinent et consomment des drogues dans ces tentes sans surveillance et les surdoses et les incendies sévissent à Vancouver. Absolument non.
Tant que le gouvernement provincial ne prendra pas ses responsabilités vis à vis de la crise du logement, il n’y aura pas de solution permanente pour les plus démunis et encore moins pour contrer le problème de l’itinérance. Encore ici on attend qu’une catastrophe potentielle se produise avant de réagir sérieusement. Je suis tout simplement outré par la désinvolture de la CAQ qui laisse pourrir ce genre de situation depuis son premier mandat.
La détresse liée à l’itinérance nuit-elle au centre-ville?
Photo: Josie Desmarais, Archives Métro
Zoé Arcand
20 avril 2023 à 17h00 - Mis à jour 20 avril 2023 à 18h05 6 minutes de lecture
Le niveau de satisfaction des usagers du centre-ville serait très élevé, selon le premier rapport d’une étude de la firme Léger. Pour continuer dans cette direction, les gouvernements doivent toutefois «reconnaître qu’il y a une crise» d’itinérance dans la métropole et continuer d’investir dans les transports en commun, juge le directeur général de Montréal centre-ville, Glenn Castanheira.
Cette Société de développement commercial (SDC) a commandé cette étude dans le cadre des travaux de l’Alliance du centre-ville. Elle a dévoilé le taux de satisfaction impressionnant chez les visiteurs.
Mais l’étude a aussi dévoilé que les trois facteurs nuisant le plus à l’expérience du centre-ville sont l’itinérance, le manque de propreté et les coûts trop élevés. La SDC craint également le sous-financement des transports en commun, qui génèrent le plus haut taux de satisfaction des usagers en matière de déplacement.
«Ce qu’on demande, c’est de reconnaître l’urgence»
La principale demande de Montréal centre-ville aux différents paliers de gouvernement est de reconnaître l’urgence au sujet de l’itinérance. Car ce qui est difficile pour les différents usagers du centre-ville, c’est d’être en contact avec «autant de détresse». Selon le rapport de l’étude, cela «nuirait à l’image» du secteur.
La pression s’y fait d’ailleurs de plus en plus forte, puisque le centre-ville serait «un refuge» pour les itinérants. «Il faut multiplier les services aux personnes marginalisées à l’extérieur du centre-ville pour éviter de toutes les concentrer ici», demande Glenn Castanheira.
Nous, on le sent qu’on approche de la crise, réellement.
Glen Castanheira, directeur général de Montréal centre-ville
«On n’a pas la science infuse [en matière d’itinérance] chez Montréal centre-ville, rappelle M. Castanheira. Mais suffit de voir ce qui se passe à Vancouver, ce qui se passe à Edmonton, ce qui se passe à Toronto. C’est très inquiétant et on voit clairement que c’est en train d’arriver au Québec.»
«Une itinérance de troubles mentaux»?
«Le visage de l’itinérance a beaucoup changé» dans les dernières années, déclare-t-il. On parle aujourd’hui d’«une itinérance de troubles mentaux», pense M. Castanheira, qui met l’accent sur l’importance de l’accès aux soins de santé mentale et de santé publique.
Dans la rue, un organisme venant en aide aux jeunes en situation d’itinérance dit également observer un changement de profil des personnes touchées. Toutefois, ce sont plutôt des jeunes issus de l’immigration que l’on voit davantage dans la rue, indique-t-on.
Pour ce qui est de la santé mentale, l’organisme convient qu’il s’agit d’un enjeu bien présent, mais n’est pas en mesure de confirmer que l’itinérance est causée par des enjeux de santé mentale puisque le phénomène inverse est également observé. Même son de cloche du côté du Réseau d’aide aux personnes seules et en situation d’itinérance (RAPSIM). «C’est un peu l’œuf ou la poule», dit le responsable du dossier de la judiciarisation et du droit de cité, Jérémie Lamarche.
Les situations de violence vécues par les personnes vivant dans la rue et les raisons ayant mené à l’itinérance, comme «une éviction, un divorce, une mise à pied», peuvent toutes avoir des impacts sur la santé mentale, dit Jérémie Lamarche.
Mieux financer les ressources
Selon l’organisateur communautaire du RAPSIM, il y a déjà des ressources au centre-ville et à l’extérieur de celui-ci. La bonne approche en matière d’itinérance serait donc de mieux financer les ressources déjà existantes et, surtout, de ne pas déplacer inutilement les personnes en situation d’itinérance, en plus d’offrir des lieux tolérant la consommation contrôlée. L’organisme souhaite également réduire au minimum les violences auxquelles sont exposées les personnes vivant dans la rue.
L’urgence doit être reconnue par les différents paliers de gouvernement, «tant pour l’habitation que pour la lutte contre le crime organisé, et pour les enjeux de santé mentale», demande le directeur général de Montréal centre-ville.
Le maire de l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal et membre du comité exécutif, Luc Rabouin, rappelle que la Ville de Montréal a mis sur pied une cellule de crise avec les différents CIUSSS et qu’une entente a été conclue avec le gouvernement du Québec pour «donner plus de ressources» à l’équipe ÉMISS du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).
La Ville de Montréal continue de demander des investissements majeurs dans le logement social.
Le transport en commun, un essentiel
Les déplacements en transport en commun sont les plus satisfaisants dans le secteur, avec un taux d’approbation de 85% de la part des visiteurs. En comparaison, seuls 36% des visiteurs étaient satisfaits de leurs déplacements en voiture. La SDC «sonne l’alarme» face aux annonces de coupes budgétaires et la hausse des entraves à la circulation sur le réseau.
C’est extrêmement dangereux parce que si le taux de satisfaction [des usagers des transports en commun] venait à baisser, au point de faire changer les habitudes des usagers… On l’a vu pendant la pandémie, s’ils prennent beaucoup plus leur voiture, on est dans le trouble complètement.
Glenn Castanheira, directeur général de Montréal centre-ville
Luc Rabouin abonde en ce sens: «Les données sont claires, le transport en commun est la clef pour la relance du centre-ville. On a besoin de services de haute fréquence de haute qualité. Il ne faut surtout pas réduire l’offre de service.»
Dans tous les cas, il est difficile de se déplacer en voiture au centre-ville, s’entendent pour dire M. Rabouin et M. Castanheira. La Ville veut donc continuer à miser sur le transport en commun et l’aménagement cyclable.
Alors que le rapport de la firme Léger fait état d’un taux de satisfaction impressionnant chez les visiteurs du centre-ville, cette satisfaction est toutefois plus mitigée du côté des résidents du centre-ville. Les Québécois habitant hors de Montréal, eux, n’ont pas une très bonne impression du centre-ville.
Lutte contre l’itinérance « On ne peut pas continuer comme ça »
PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE
Les résultats d’un grand décompte des personnes en situation d’itinérance effectué en octobre dernier devraient permettre d’avoir un meilleur portrait de la population. Ils devraient être rendus publics à l’automne prochain.
Des intervenants lancent un appel à revoir les façons de faire pour lutter contre l’itinérance
Publié à 1h54 Mis à jour à 5h00
Au moment où l’itinérance au Québec connaît une augmentation marquée, des intervenants du domaine s’inquiètent de voir les citoyens « banaliser » le phénomène. Leur constat est sans appel : les façons de faire actuelles, axées autour de l’hébergement d’urgence, ne suffisent plus.
Rassemblés pour la première fois en personne à l’occasion d’un colloque qui se tenait jeudi et vendredi à l’Université McGill, les membres du Collectif québécois pour la prévention de l’itinérance (CQPI) ont souhaité lancer les bases de cette « nouvelle discussion ».
Un des cofondateurs du Collectif, le président de la Mission Old Brewery, James Hughes, témoigne du changement qu’il a vu s’opérer ces dernières années.
PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE
James Hughes, président de la Mission Old Brewery et cofondateur du Collectif québécois pour la prévention de l’itinérance
Son établissement, qui compte environ 300 lits pour les personnes en situation d’itinérance, est le plus souvent plein, comme plusieurs autres refuges du genre à Montréal, qui fonctionnent à des taux d’inoccupation de 1 à 2 %.
James Hughes est catégorique : « On ne peut pas continuer comme ça. » Comme d’autres, il s’inquiète également de voir l’itinérance de plus en plus banalisée dans l’espace public.
« Ça ne fonctionne pas »
« Avant, les gens voyaient des personnes en situation d’itinérance lorsqu’ils venaient au centre-ville. Mais maintenant, c’est rendu chez eux, dans leurs quartiers », souligne-t-il. James Hughes cite Ahuntsic, Montréal-Nord ou Hochelaga-Maisonneuve comme des quartiers où l’itinérance est de plus en plus visible.
Des villes en région sont également touchées par le phénomène, par exemple Gatineau, Saint-Jean-sur-Richelieu, Saint-Jérôme ou Drummondville, comme l’avait rapporté La Presse en décembre dernier.
Lisez le dossier « Le choc de l’itinérance en région »
« Visiblement, ça ne fonctionne pas. [Et ce, alors] que le nombre de places en hébergement d’urgence à Montréal augmente », confirme, à ses côtés, le professeur au département de psychiatrie de l’Université McGill et cofondateur du CQPI Eric Latimer.
PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE
Eric Latimer, professeur au département de psychiatrie de l’Université McGill et cofondateur du CQPI
« Visiblement, ce qu’on fait génère de l’itinérance plutôt que de la diminuer », tranche-t-il froidement.
Qui plus est, ces gens sont plus « hypothéqués » qu’avant puisqu’ils sont aux prises avec des enjeux de consommation ou de santé mentale, note James Hughes. À la Mission Old Brewery, les intervenants traitent au moins deux fois par semaine des cas de surdose d’opioïdes, ce qui n’était pas le cas il y a cinq ans à peine, dit-il.
Ce n’est plus exceptionnel, c’est normalisé. Si ça continue, on risque d’accepter l’inacceptable.
James Hughes, président de la Mission Old Brewery
Un avis que partage Eric Latimer. « Le danger, c’est d’en venir à banaliser ces choses-là », dit-il en citant les États-Unis comme un contre-exemple.
Des pistes de solution ?
Les organismes communautaires et le gouvernement doivent donc maintenant se concentrer à lutter contre la source de l’itinérance plutôt que ses effets, un objectif très large, reconnaît James Hughes.
Pour cela, le CQPI compte s’inspirer d’initiatives mises en place à l’international, comme au pays de Galles, au Royaume-Uni, où les autorités sont légalement tenues de trouver du logement aux personnes à risque de se retrouver en situation d’itinérance, comme l’a expliqué un professeur de l’Université de Cardiff ayant traversé l’océan pour l’occasion.
« On pense notamment à une loi-cadre [au Québec]. Ça pourrait être d’inscrire le droit au logement dans la Charte des droits et libertés », indique James Hughes, en insistant sur l’importance de cet enjeu pour la lutte contre l’itinérance.
Eric Latimer encense d’ailleurs l’approche du « logement d’abord », qui consiste à déplacer rapidement les personnes en situation d’itinérance vers des logements stables et à long terme, avec des soutiens.
« Il y aurait le potentiel de financer beaucoup plus de places là-dedans », affirme-t-il en soulignant le coût très élevé de l’approche actuelle, alors que le centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal paie 35 000 $ par année pour chaque place d’hébergement d’urgence.
Eric Latimer insiste également sur l’importance d’offrir du soutien à plusieurs catégories de personnes démunies souvent laissées à elles-mêmes lorsqu’elles sortent des établissements où elles sont traitées, dont les ex-détenus ou les patients d’hôpitaux psychiatriques, avant qu’elles ne se retrouvent à la rue.
De nouveaux chiffres à l’automne prochain
Fruits du travail de milliers de bénévoles, les résultats d’un grand décompte des personnes en situation d’itinérance effectué en octobre dernier devraient permettre d’avoir un meilleur portrait de la population, mais ne devraient être rendus publics qu’à l’automne prochain. Le dernier exercice du genre, dont les résultats avaient été publiés à l’automne 2019, avait permis de dénombrer 3149 personnes en situation d’itinérance dans les rues de Montréal. Avant même la pandémie, on notait une augmentation de 8 à 12 % du nombre de sans-abri dans la métropole par rapport à l’exercice précédent, mené en 2015, et ce, sans compter les personnes qui vivent en situation d’itinérance dite cachée.