(Londres) Le dollar a accéléré sa chute jeudi, perdant plus de 2,6 % face à l’euro, au lendemain de la déclaration de guerre commerciale lancée par Donald Trump, qui fait craindre pour l’économie américaine – un tel mouvement de la monnaie unique n’avait plus été vu depuis 2015, selon l’agence Bloomberg.
« L’affaiblissement du billet vert suggère que les investisseurs perçoivent un risque de croissance plus important que prévu pour les États-Unis, ce qui pourrait contraindre la Réserve fédérale (Fed) à baisser ses taux plus fortement qu’initialement prévu », expose Ricardo Evangelista, d’ActivTrades.Or des taux d’intérêt plus faibles rendraient le dollar moins rémunérateur pour les investisseurs, et les pousseraient à délaisser cette devise.
Droits de douane | Chute des prix du pétrole après les annonces de Trump | La Presse>
L’offensive protectionniste de la Maison-Blanche, sans équivalent depuis les années 1930, passe par un droit de douane généralisé de 10 % sur toutes les importations à partir du 5 avril à 0 h 01 (heure de l’Est). Des majorations sont prévues à partir du 9 avril pour les pays jugés particulièrement hostiles en matière commerciale.
L’addition est astronomique pour la Chine, dont les produits feront l’objet de nouvelles taxes à l’importation de 34 % s’ajoutant aux 20 % de droits additionnels déjà en place.
Les marchandises de l’UE prendront 20 % de taxes. Les taux ont été fixés à 24 % pour le Japon, 26 % pour l’Inde ou 46 % pour le Vietnam.
Selon les analystes d’Oxford Economics, cette salve de Trump et ses conséquences pourraient ralentir nettement la croissance mondiale et la ramener sous les 2 %.
« Les droits de douane de Trump sont les plus coûteux et les plus masochistes que les États-Unis aient appliqués depuis des décennies », a fustigé jeudi sur X Larry Summers, l’ancien secrétaire au Trésor sous Bill Clinton, évaluant à 30 000 milliards de dollars la perte, en raison du plongeon de Wall Street en amont et au lendemain des annonces de Trump.
Donald Trump a pourtant affirmé jeudi que les États-Unis ressortiraient « plus forts » de la situation engendrée par son annonce la veille de droits de douane massifs à travers le monde, qui a entraîné la chute des Bourses mondiales et du dollar.
« L’opération est terminée ! Le patient a survécu et se remet. Le pronostic est que le patient sera bien plus fort, plus grand, meilleur, et plus résilient que jamais », a déclaré le président américain sur sa plateforme Truth Social, en filant la métaphore médicale.
Donald Trump a conclu son message par son slogan fétiche : « Rendre sa grandeur à l’Amérique ! ! ! ».
Malgré les appels au dialogue, la plupart des États critiquent vertement Trump.
L’allié américain pourrait avoir enfreint les règles de l’OMC et leur accord bilatéral, a jugé le Japon. L’Australie a dénoncé un « geste qui n’est pas celui d’un ami », et le Bangladesh, deuxième fabricant de vêtements au monde, le « coup de massue » à son industrie.
La France, qui va réunir jeudi les représentants de ses filières les plus touchées, déplore une « immense difficulté » pour l’Europe, et se dit, comme Berlin, prête à cibler la tech américaine dans le cadre d’une réponse continentale.
En Espagne, le premier ministre Pedro Sanchez a critiqué un « protectionnisme du XIXe siècle […] ce qui, à [son] avis, n’est pas une manière intelligente de relever les défis duXXIe siècle ».
Ni Russie ni Corée
Les surtaxes américaines sont censées répondre aussi aux barrières dites « non tarifaires », par exemple des normes sanitaires ou environnementales.
La Maison-Blanche a fait savoir mercredi soir que certaines catégories n’étaient pas concernées : lingots d’or, produits pharmaceutiques, semi-conducteurs, cuivre, bois de construction, produits énergétiques ou encore minéraux introuvables sur le sol américain.
Pas trace en revanche de la Russie ni de la Corée du Nord au motif, selon un responsable américain, qu’elles ne sont plus des partenaires commerciaux significatifs.
Ni le Mexique ni le Canada n’apparaissent sur la nouvelle liste. Signataires d’un accord de libre-échange avec les États-Unis, ils relèvent d’un autre régime.
Ils vont toutefois encaisser comme le reste du monde les 25 % de taxes additionnelles sur les voitures fabriquées à l’étranger qui sont entrées en vigueur jeudi matin.
Cette surtaxe a déjà fait ses premières victimes jeudi avec l’annonce par Stellantis de la fermeture de son usine Chrysler de Windsor (Canada) pendant deux semaines.
Les nouveaux droits de douane « ne feront que des perdants », a critiqué l’industrie automobile allemande.