Bernie Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez Au front « contre l’oligarchie »
PHOTO DAVID ZALUBOWSKI, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS
Bernie Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez lors d’un rassemblement partisan vendredi dernier à Denver, au Colorado
« Vous envoyez un message profond partout dans le monde », a dit Bernie Sanders devant un parterre de partisans réunis vendredi dernier à Denver. « Le monde entier regarde et veut savoir ce que le peuple américain fera pour se tenir debout contre le trumpisme, l’oligarchie et l’autoritarisme. »
Publié à 7 h 00
](La Presse | Janie Gosselin)
On entend la foule acclamer le sénateur du Vermont, dans la vidéo retransmise sur les réseaux sociaux.
À 83 ans, le politicien aux cheveux blancs en bataille mène l’une des luttes les plus visibles contre l’administration Trump, avec sa tournée « Se battre contre l’oligarchie ». Du 20 au 22 mars, il s’est arrêté dans cinq villes du Nevada, de l’Arizona et du Colorado avec l’élue Alexandria Ocasio-Cortez, de la Chambre des représentants, connue sous le sigle AOC.
Quelque 86 000 personnes auraient participé à ces rassemblements, selon les organisateurs.
À la recherche d’un leader
Les militants démocrates cherchent à canaliser leur colère devant les coupes importantes de l’équipe d’Elon Musk, les nombreux décrets signés par le président – sans passer par les élus –, mais aussi ce qu’ils perçoivent comme une faiblesse des politiciens démocrates à Washington.
« Les voix progressistes, en particulier, veulent quelqu’un qui va se battre contre ce qu’elles voient comme une administration horrible », observe Michael Kazin, professeur à l’Université Georgetown, à Washington. « Elles cherchent un leadership, et Sanders a été un leader progressiste depuis, eh bien, toute sa vie », ajoute le spécialiste, qui a étudié l’histoire du Parti démocrate et des mouvements sociaux américains.
« [Bernie Sanders] est très influent auprès des électeurs, note Shanna Pearson-Merkowitz, de l’Université du Maryland. C’est intéressant, parce que je pense que la base du parti est plus libérale que la majorité des élus démocrates du Congrès. »
Longue carrière
Bernie Sanders et AOC partagent une vision, attirent les jeunes et sont actifs sur les réseaux sociaux, où ils profitent d’une audience de plusieurs millions d’abonnés.
Ils défendent les thèmes chers à M. Sanders depuis des décennies : accès aux soins de santé, droits des travailleurs, réduction des inégalités sociales.
Âgée de 35 ans, la représentante de l’État de New York n’était pas encore née quand l’octogénaire a fait son entrée en politique, devenant maire de Burlington en 1981. Il a ensuite été élu à la Chambre des représentants en 1990, puis au Sénat en 2006.
Comme indépendant, parce que contrairement à la perception populaire, Bernie Sanders n’est pas un élu démocrate, même s’il se joint aux caucus de la formation politique.
« Le parti l’a adopté comme l’un des siens, il refuse juste de mettre le maillot de l’équipe, en quelque sorte », illustre Rich Clark, de l’Université d’État du Vermont.
Il en a été brièvement membre en tentant de briguer l’investiture pour devenir le candidat présidentiel du parti en 2016. Des démocrates lui ont d’ailleurs reproché d’avoir tardé à se retirer de la course et de ne pas avoir démontré assez de soutien à Hillary Clinton, démobilisant la base plus à gauche, la division profitant à Donald Trump. Il a aussi brigué l’investiture en 2019.
Anti-establishment
Celui qui est entré dans la culture populaire lors de l’investiture de Joe Biden en 2021, quand l’image de lui, assis les bras croisés avec ses mitaines brunes en laine au premier plan, est devenue virale, reste perçu comme un personnage anti-establishment, malgré son alignement sur le Parti démocrate.
« Le plus grand attrait de Bernie est son authenticité, souligne M. Clark. Rester un peu à l’écart du parti fait partie de son charme. Les gens le voient comme quelqu’un d’externe, prêt à défier le statu quo et à ne pas en faire partie. »
Il se définit comme un « démocrate socialiste », une étiquette difficile à porter dans un pays où le mot reste tabou.
Élections
La polarisation actuelle des partis laisse peu de place aux modérés, note Mme Pearson-Merkowitz. Les électeurs les plus susceptibles de voter lors des primaires – pour déterminer quel candidat sera inscrit sur les bulletins de vote – et de voter systématiquement ne sont habituellement pas ceux du centre. « La motivation des partis n’est pas de travailler ensemble et de trouver un terrain commun, là où les électeurs sont réellement, explique-t-elle. C’est plutôt de se différencier l’un de l’autre, pour que les électeurs sachent pour quoi ils votent et contre quoi ils votent. »
Aux États-Unis, les cycles électoraux sont continus : sitôt l’élection présidentielle terminée, les partis ont déjà les yeux tournés vers le scrutin de mi-mandat dans deux ans, où la couleur de la Chambre des représentants et celle du Sénat sont en jeu, et vers le prochain candidat à la présidence.
Il n’est donc pas rare pour les politiciens de tenter de gagner du galon sur la scène nationale en vue du retour aux urnes.
Mais ni Bernie Sanders, qui aura 87 ans en novembre 2028, ni AOC ne sont perçus comme des candidats présidentiels probables.
« Ils essaient de mener une résistance contre Trump et Musk et les républicains qui dominent le gouvernement actuellement, mais aussi d’augmenter le soutien pour l’aile gauche du Parti démocrate », estime M. Kazin, possiblement pour influencer la direction de la formation politique.
Les deux partis sont appelés à se questionner sur leur avenir dans les prochaines années.
« Nous avons actuellement deux partis très faibles, dit M. Clark. On le voit chez les républicains, avec la facilité qu’a eue Donald Trump à prendre les rênes du parti. Et les démocrates sont faibles d’une tout autre façon, parce qu’ils sont tellement fragmentés. »
Pour le professeur de droit électoral Rick Hasen, de l’Université de Californie à Los Angeles, ce décret exécutif « dangereux » pourrait avoir pour conséquence de priver du droit de vote « des millions d’électeurs, qui n’ont pas facilement accès à des documents comme des passeports ».
Sur son blogue Election Law, il qualifie le texte de « coup de force de l’exécutif », alors que la gestion des élections fédérales est de la compétence des États, et que le Congrès met en place un certain cadre.
Même analyse sur le réseau social X du Centre Brennan de l’Université de New York : « Ce décret exécutif empêcherait des dizaines de millions de citoyens américains de voter. Les présidents n’ont aucune autorité pour cela. »
La puissante association de défense des droits civiques ACLU a également dénoncé « un abus extrême de pouvoir » et a averti qu’elle contesterait le décret devant la justice.