Ville de Québec - Édifices patrimoniaux

Je suis passé devant rue St-Jean cette semaine et une affiche dans la vitrine dit: Tout doit être vendu. Donc à moins d’un miracle cette centenaire et demi disparaitra définitivement du paysage de la ville de Québec, à quelques rues du Vieux-Québec. :frowning_face:

Résumé

Requiem pour «mon épicerie»

Par Mylène Moisan, Le Soleil

12 janvier 2025 à 04h00

Les jours de l’épicerie J.A. Moisan semblent désormais comptés. (Frédéric Matte/Archives Le Soleil)

CHRONIQUE / Je devais commencer à lire quand j’ai vu pour la première fois, toutes ensemble, les lettres de mon nom de famille sur une devanture de commerce. Ce jour-là, l’épicerie J. A Moisan est devenue «mon épicerie».


J’y entrais comme chez moi.

Quand nous partions de la banlieue pour aller en ville, la visite de «mon épicerie» — c’est comme ça que je l’appelais ― était un incontournable. J’y entrais comme bien des gens, pour le plaisir des yeux et du nez, pour le réconfort des effluves d’épices, de vieux bois, de thé, de savon de Marseille. Le rituel a duré des années, surtout la dizaine où j’ai habité le quartier, comme une incursion dans mon histoire.



Dans l’histoire.

Le lieu était en soi un voyage dans le temps, préservé, figé à cette époque où l’épicerie roulait à plein régime. Avant qu’elle ne devienne une attraction touristique, qu’on y entre comme dans un musée plus que comme dans un commerce qui doit balancer à la fin de l’année. Qu’on en sorte les sens comblés toujours, les mains vides souvent.

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Les règles de la comptabilité sont implacables, elles ont plus d’une fois failli avoir raison de cette institution longtemps tenue à bout de bras, ceux de la Gaspésienne Donna Willett depuis 2019, ceux de Nathalie Deraspe, de François et de Clément St-Laurent avant elle.

L’épicerie a même frôlé la faillite il y a 85 ans, en 1939, Joseph-Élzéar Moisan n’ayant pas la bosse des affaires de son père Jean-Alfred.

Tout aurait pu s’arrêter là.

La copropriétaire Donna Willett s’est démenée pour sauver ce qui pouvait l’être, même s’il a fallu scinder l’espace pour ajouter une boutique de plein air qui, faute de perpétuer le passé, est rentable. On y entre pour acheter, pas pour humer l’air d’un autre temps. À la réouverture de l’épicerie en janvier 2021, après des travaux majeurs, elle était fière d’avoir pu honorer la mémoire de J.A Moisan. «Je sais que ça représente quelque chose de spécial pour les gens du quartier. On ne voulait pas tout changer ça», avait-elle dit à Radio-Canada.

Mais, à l’instar des frères St-Laurent il y a cinq ans, celle qui a pris le relais en arrive à la même conclusion: les dépenses ont bondi, les revenus ne suivent pas. C’est bien beau vouloir maintenir en vie un commerce plus que centenaire, encore faut-il ne pas se ruiner pour les nostalgiques comme moi qui auraient un pincement au cœur de le voir disparaître.



Du coup de cœur au coup dur

Depuis une semaine, des affiches ont été apposées dans les fenêtres pour annoncer une vente de liquidation, prélude à une éventuelle fermeture. «C’est une décision très dure à prendre, mais il fallait la prendre», a confié Mme Willett à ma collègue Chloé Pouliot. «On accumule des dettes année après année. Le volume n’est pas là. Les frais sont à la hausse continuellement, incluant les taxes municipales qui ont doublé en quatre ans.»


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Plus viable, J.A. Moisan s’apprête à fermer

Puis ce constat, inéluctable: «Les gens du quartier ne viennent pas magasiner au J.A. Moisan. Ça devient un attachement émotionnel. Les gens viennent et prennent des photos. Ils nous disent à quel point c’est beau. Mais ce n’est pas cela qui paie les comptes.»

Elle y aura cru, elle qui avait vendu ses deux Tim Hortons en Gaspésie pour venir s’installer à Québec, où elle avait eu un coup de cœur pour l’épicerie de la rue Saint-Jean.

C’est devenu un coup dur.



La copropriétaire conserve l’immeuble, la boutique de plein air et l’auberge à l’étage, elle cherche quelqu’un pour louer l’espace de l’épicerie, pour y installer un autre projet, sans exclure complètement que la célèbre enseigne puisse survivre. Il faudra peut-être, ironiquement, que le commerce s’éloigne de son histoire pour assurer son avenir. «Juste acheter pour faire ce que j’ai fait et ce que les autres propriétaires ont fait avant moi, ce n’est plus assez.»

J.A Moisan est là depuis si longtemps qu’on a eu l’impression qu’elle y sera toujours, qu’elle n’a pas défié le temps pendant 150 ans pour disparaître.

Il y a une part d’incrédulité à imaginer que, cette fois, personne ne prendrait le relais de ce bon vieux Jean-Alfred, dont l’âme anime toujours cette épicerie qu’il a tenue jusqu’à son décès à 78 ans, en 1927.

Un siècle dans deux ans.

«L’un des vieux et des plus estimés commerçants de Québec est mort hier en la personne de M. Jean-Alfred Moisan […] qui tient une épicerie modèle depuis plus d’un demi-siècle au nº 341 rue Saint-Jean. Feu M. Moisan était un homme actif qui n’aimait pas à désarmer devant la vieillesse», pouvait-on lire, le 15 avril, dans l’Événement.

Peu importe la suite, il a de quoi être fier que son épicerie lui ait survécu jusqu’ici.

Résumé

Un manoir seigneurial, ou «le projet d’une vie»

Par Félix Lajoie, Le Soleil

19 janvier 2025 à 02h00

Le manoir Juchereau Duchesnay est en vente pour tout près de 2,8 millions de dollars. La propriétaire en a fait «le projet d’une vie» afin de mettre au jour toute l’histoire du bâtiment. (Caroline Grégoire/Le Soleil)

Notre devise nationale, «Je me souviens», est parfois malmenée. Toutefois, depuis maintenant 30 ans, Odette Dick-Deschênes fait honneur à la devise en mettant au jour l’histoire du manoir Juchereau Duchesnay. Malgré elle, il est maintenant temps de se départir de l’impressionnante propriété.


En 1995, lorsqu’elle a acheté la propriété située à Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier, Mme Dick-Deschênes ne se doutait aucunement qu’elle avait entre les mains un manoir seigneurial qui regorge d’histoire.

«Je savais que c’était la maison du poète Hector Saint-Denys de Garneau, mais personne ne m’a dit que c’était un manoir seigneurial et qu’il y avait des vestiges d’un moulin», raconte Mme Dick-Deschênes, en faisant visiter les représentants du Soleil.



Rapidement, la nouvelle propriétaire a pris connaissance de l’histoire des lieux à l’aide des nombreux papiers que contenait le manoir.

Le salon du manoir, situé au rez-de-chaussée, est magnifiquement meublé. Les fenêtres du bâtiment, toutes d’époque, sont en bon état. (Caroline Grégoire/Le Soleil)

D’ailleurs, sur les murs d’un couloir de la propriété, sont fièrement accrochés des documents légaux d’époque, dont certains officialisent la concession de la seigneurie aux Juchereau Duchesnay.

Au fil des ans, elle a investi des centaines de milliers de dollars, voire plus, dans l’entretien de la propriété patrimoniale. Mais surtout, elle a consacré d’innombrables heures dans la mise en valeur de l’histoire des lieux.

En 2000, avec une aide de la municipalité, la propriétaire a fait restaurer le séchoir à grain. Quelques mois plus tard, alors qu’un maçon effectuait différents travaux sur la propriété, ils ont découvert ensemble l’existence des ruines d’un moulin banal.

«Le maçon m’a dit, “vous savez madame, il y a un bâtiment qui est enterré ici”. J’ai dit quoi ?! […] Ils ont tout dégagé la terre et le sable, et l’année d’après, ils ont démonté pierre par pierre les ruines pour ensuite tout restaurer.»

— Odette Dick-Deschênes, propriétaire du manoir Juchereau Duchesnay

Elle a également collaboré avec des historiens de l’Université Laval et de l’Université de Sherbrooke afin d’étayer l’histoire du bâtiment et des personnages qui y sont liés.

Les vestiges du moulin banal, qui sont situés à quelques mètres de la rivière. (Caroline Grégoire/Le Soleil)

En partenariat avec la municipalité, la propriétaire a organisé plusieurs journées portes ouvertes, entre autres pour célébrer l’héritage d’Hector Saint-Denys de Garneau, et de sa cousine, l’écrivaine Anne Hébert, qui a également fréquenté les lieux.



«Le projet d’une vie»

Pour Mme Dick-Deschênes, le manoir Juchereau Duchesnay représente «le projet d’une vie». Après toutes ses recherches, elle a écrit deux manuscrits, un sur l’histoire du manoir et un autre sur la famille Juchereau Duchesnay. À son grand désarroi, elle n’a cependant pas réussi à les faire publier.

Maintenant nonagénaire, elle a fait le choix déchirant de mettre la propriété en vente. Lorsque l’auteur de ces lignes lui fait remarquer que cette mise sur le marché semble la rendre triste, elle répond avec émotion, mais avec une touche d’humour: «Et bien, arrêtez de m’en parler!»

Dans la vente sont inclus plusieurs artéfacts qui ont été notamment retrouvés dans les combles du manoir. Sur la photo, des pages du New York Times datant de 1919 ainsi qu’un pinceau de l’époque. (Caroline Grégoire/Le Soleil)

Pour que la vente soit conclue, les acheteurs devront être des amoureux du patrimoine qui mettront en valeur la propriété, comme elle l’a fait pendant toutes ces années. Des gens l’ont approché pour transformer le manoir en restaurant, ce qu’elle a catégoriquement refusé.

Elle souhaite avant tout que les futurs propriétaires réalisent son rêve, soit de faire de l’endroit un musée ou une galerie d’art, que les touristes pourraient venir visiter en groupe.

«À l’automne, la propriété est tellement belle avec les feuilles qui changent de couleur. Les gens qui vont visiter les Premières Nations à Wendake pourraient arrêter ici en passant, et visiter un manoir seigneurial», propose Mme Dick-Deschênes.



Le deuxième étage compte la chambre principale, ainsi qu’une chambre «rose» et une chambre «verte» (photo). (Caroline Grégoire/Le Soleil)

En 2015, la propriétaire a reçu le Prix du patrimoine des régions de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches pour ses efforts de conservation.

Des Juchereau Duchesnay aux Garneau

La lignée des seigneurs Juchereau Duchesnay remontre à Jean Juchereau de Maur (1592-1672), qui était seigneur de Saint-Augustin. Son descendant Antoine Juchereau Duchesnay possède cinq seigneuries à sa mort, en 1806.

Le petit fils de ce dernier, Édouard-Louis-Antoine-Charles, héritera des seigneuries de Fossambault et Gaudarville en 1838. Dix ans plus tard, il fera ériger le manoir Juchereau Duchesnay, quelques années avant l’abolition du régime seigneurial.

Au XXe siècle, la mère du poète Hector Saint-Denys de Garneau, descendant de l’historien François-Xavier Garneau, deviendra propriétaire du manoir. Le poète passera la fin de sa vie dans le manoir, où il décèdera en 1943.

La cousine du poète, l’écrivaine Anne Hébert, a également séjourné dans le manoir durant son enfance. Le grand-père de cette dernière, Eugène-Étienne Tâché, auteur de la devise «Je me souviens» et architecte de l’Hôtel du Parlement du Québec, est probablement passé par là, même s’il est impossible de le confirmer sans l’ombre d’un doute.

Photo du manoir prise par Hector Saint-Denys de Garneau au début des années 1940. (Wikimediascommons, Fonds Georges Beullac)

«C’est un bâtiment et un site exceptionnel parce qu’il est témoin du régime seigneurial et d’une part importante de l’histoire littéraire du Québec. Ce qui lui apporte de la valeur, c’est que c’est un domaine, ça nous rappelle que le manoir s’inscrivait dans un contexte plus large, avec le moulin, le séchoir, la forêt, et ça, c’est assez exceptionnel», soutient Alex Tremblay Lamarche, directeur de la Société du patrimoine urbain de Québec.

«Pendant longtemps on n’a pas été capable de voir toute l’importance de ce bâtiment, mais le travail de madame Dick-Deschênes a contribué à ce que la communauté historique et la collectivité de Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier voient l’importance patrimoniale du manoir», ajoute l’historien.

2,8 millions

La propriété, qui a été citée comme site patrimonial en 2014, est répartie sur 23 hectares. Elle compte le manoir, les vestiges du moulin banal et le séchoir à grain, mais également une rivière et une érablière avec sa cabane à sucre.

Avec son mur en pierre, l’immense lit et la charpente à découvert, la chambre à coucher principale est à couper le souffle. (Caroline Grégoire/Le Soleil)

L’ensemble est en vente depuis un peu plus de deux mois pour 2 795 000 $, via la courtière Alexandra Labrie de l’agence immobilière Engel & Völkers Québec.



Les 14 pièces, dont quatre chambres à coucher, sont dans un état exceptionnel. Les superbes meubles antiques qui occupent les pièces sont d’ailleurs inclus dans la vente. En visitant le manoir, l’authenticité des lieux nous ramène plus de 100 ans en arrière, malgré la présence de quelques électroménagers.

Pour l’auteur de ces lignes, la chambre à coucher principale constitue le clou du spectacle, avec la charpente du toit exposée au-dessus de l’immense lit. À noter que le manoir compte également une véranda qui abrite un spa, ainsi qu’une piscine creusée à l’extérieur.

Les observateurs attentifs auront remarqué que le manoir ne compte pas seulement deux, mais bien trois étages. Le dernier niveau comprend une chambre à aire ouverte avec sa salle de bain attenante.

Patrimoine : une trousse d’aide proposée aux propriétaires de Saint-Jean-Baptiste

L’une des particularités de Saint-Jean-Baptiste est l’implantation des bâtiments en bordure de la voie publique. (Photo d’archives)

Photo : Radio-Canada / Maxime Corneau

Publié à 9 h 48 HNE

L’Administration Marchand a décidé de lancer une trousse patrimoniale pour encourager les propriétaires à prendre soin de leur maison et surtout connaître les subventions auxquelles ils ont droit.

Toit en tôle typiquement canadien, tourelles, murs de briques, lucarne : les maisons et les bâtiments du quartier Saint-Jean-Baptiste témoignent de l’histoire architecturale de la ville.

Une trousse patrimoniale pour outiller les propriétaires de St-Jean-Baptiste.ÉMISSION ICI PREMIÈRE.Première heure.

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Résumé

200 ans de lutte pour le patrimoine

Par Félix Lajoie, Le Soleil

16 février 2025 à 04h00

Jusqu’au 9 juin, les visiteurs peuvent découvrir l’exposition du jeudi au dimanche de 10 h à 17 h. (Yan Doublet/Archives Le Soleil)

Depuis maintenant deux siècles, les résidents du Vieux-Québec et de Sillery font des pieds et des mains afin de protéger leur patrimoine historique. Une exposition à l’Îlot des Palais met en valeur le travail de protection qui a été accompli au fil des années dans ces deux arrondissements.


L’exposition Deux siècles de luttes pour le patrimoine dans le Vieux-Québec et à Sillery permet aux visiteurs de découvrir «le processus» qui a mené à la création des deux arrondissements historiques que sont Sillery et le Vieux-Québec.

Elle souligne également le 40e anniversaire de l’inscription du Vieux-Québec à la liste des sites du patrimoine mondial de l’UNESCO et le 60e anniversaire de la création du site patrimonial de Sillery.

«Nous avons voulu montrer que les citoyens jouent un rôle majeur dans la protection et la mise en valeur de ces deux sites patrimoniaux depuis le 19e siècle», indique Alex Tremblay Lamarche, directeur de la Société du patrimoine urbain de Québec.

«Nous avons réussi à réunir une série d’objets de photos d’archives qui montrent que Québec est passée d’une ville où le patrimoine est perçu comme une entrave à la modernité à une ville où on en est fier et où on le met en valeur.»

— Alex Tremblay Lamarche, directeur de la Société du patrimoine urbain de Québec.

Deux siècles de luttes pour le patrimoine dans le Vieux-Québec et à Sillery rassemble plusieurs artéfacts et photographies d’archives. (Société du patrimoine urbain de Québec)

«Cette exposition, en plus de démontrer les liens qui ont toujours uni ces deux sites patrimoniaux déclarés, atteste l’importance de la collaboration nécessaire entre les organismes d’histoire», souligne Jean-Louis Vallée, président de la Société d’histoire de Sillery.

Deux siècles de luttes pour le patrimoine dans le Vieux-Québec et à Sillery a été développé par la muséologue Nathasha Courtiol grâce au soutien financier de Jeunesse Canada au Travail et de l’Entente de développement culturel de la Ville de Québec.

Jusqu’au 9 juin, les visiteurs peuvent découvrir l’exposition du jeudi au dimanche de 10 h à 17 h. Du 10 au 29 juin, l’exposition sera ouverte du mardi au dimanche, aux mêmes heures. Dès le 30 juin, elle sera ouverte tous les jours. L’exposition se termine en septembre prochain.