Proposition de deux profs de l’Université Laval (un en génie électrique, l’autre en robotique) et de Martine Ouellet
Texte complet : Un tramway « du 21e siècle » proposé pour Québec
Un tramway « du 21e siècle » proposé pour Québec
Par Émilie Pelletier, Le Soleil
18 mars 2024 à 19h16|
Mis à jour le18 mars 2024 à 19h29

Carte du réseau de tramway sans rail intelligent proposé pour Québec par les trois experts. (Rapport remis à la CDPQ Infra)
Plutôt que le tramway traditionnel qu’ils comparent aux vieilles cassettes VHS, deux professeurs de l’Université Laval et la cheffe de Climat Québec, Martine Ouellet, s’allient pour proposer à la CDPQ Infra un tramway sans rail intelligent comme technologie pour faire entrer Québec dans le «21e siècle».
Lors d’une rencontre lundi avec CDPQ Infra, mandatée par le gouvernement du Québec pour dénicher le meilleur projet de transport collectif structurant pour Québec, ils ont tous trois présenté une analyse sur le tramway sans rail intelligent. Une alternative au tramway traditionnel qu’ils considèrent «intégré, flexible, fiable, accessible, économique».
Le rapport d’une trentaine de pages est signé par Denis Poussart, professeur émérite de l’Université Laval et Fellow de l’Académie canadienne du génie, Clément Gosselin, professeur titulaire de l’Université Laval et Fellow de la Société Royale du Canada et Martine Ouellet, cheffe de Climat Québec et ingénieure de formation.
Mme Ouellet fait la promotion d’un tramway sans rail intelligent depuis plus d’un an pour Québec. Un projet de technologie «moderne» qu’elle chiffrait à 1,5 milliard encore en novembre dernier, alors assise aux côtés de l’avocat Guy Bertrand.
Dans une analyse plus poussée déposée lundi à l’attention de CDPQ Infra, les trois experts proposent un projet désormais évalué à «maximum» 5 milliards.
D’une longueur de 74 kilomètres et doté de 13 gares et autant de stationnements incitatifs, le réseau permettrait de rejoindre Beauport, Charlesbourg, Lebourgneuf, Wendake, Val-Bélair et L’Ancienne-Lorette, en passant par l’aéroport. Le tracé central relierait Lévis à la colline parlementaire via le pont de Québec, empruntant les boulevards Guillaume-Couture, Charest et Laurier, en passant par la Cité-Universitaire.
Une desserte près de 4 fois plus étendue que le projet de tramway porté par l’administration Marchand, soulignent-ils.
Les coûts estimés du projet de tramway sans rail intelligent sont de 5 milliards, selon les trois experts. (Rapport remis à la CDPQ Infra)
Avant sa mise sur pause décrétée par le gouvernement du Québec, la Ville planchait sur un réseau de tramway d’est en ouest sur 19,3 kilomètres, qu’elle chiffrait à 8,4 milliards.
Saut dans la «modernité»
Pour entrer dans une «nouvelle ère en transport collectif», Québec doit sauter dans le train de la «modernité», plaident-ils.
«Le tramway traditionnel, c’est comme le VHS.»
— Martine Ouellet, cheffe de Climat Québec
Son collègue, Clément Gosselin, professeur de génie mécanique spécialisé en intelligence artificielle, estime que le tramway sans rail intelligent constituerait une «avancée majeure» pour la capitale.
«Le tramway traditionnel, c’est la technologie du 20e siècle. Le tramway sans rail, c’est la technologie du 21e siècle. Pourquoi est-ce qu’on n’irait pas directement à ça ? On a la chance, à Québec, de partir avec une feuille blanche», défend-il.
À la différence du tramway sur rails, «choisi malgré l’avis contraire du BAPE et le manque d’acceptabilité sociale», l’alternative qu’ils suggèrent se déplace sur des voies réservées déjà existantes et est alimenté par batteries.
Illustrations de tramway sans rail intelligent (Rapport remis à la CDPQ Infra)
Cette dernière, évoquent les trois experts dans leur rapport, recoupe le confort du tramway et la flexibilité de l’autobus en effaçant les défauts respectifs de ces deux modes, soit une infrastructure «rigide et profonde d’une base bétonnée permanente» et une capacité limitée.
Il s’agit, résument-ils, d’un tramway «libéré» de ses rails et de ses caténaires.
«Pas de béton, pas de rails, pas de fils et pas de coupe d’arbres», vantent-ils d’une même voix.
Aussi connu sous l’appellation trambus, le tramway sans rail intelligent est implanté dans d’autres villes du monde en Chine, en Australie et en Europe, notamment à Nantes.
Même pour Québec, ville «difficile»
Dans une ville comme Québec, où les défis techniques sont nombreux, le tramway sans rail intelligent pourrait faire son chemin, assure Denis Poussart, professeur retraité de génie électrique spécialisé en intelligence artificielle.
«La ville de Québec est particulièrement difficile. Je ne vois pas d’autres villes au monde de taille similaire où c’est aussi difficile.»
— Denis Poussart, professeur émérite de l’Université Laval et Fellow de l’Académie canadienne du génie
Il évoque les pentes, l’hiver «redoutable» les rues étroites et le caractère patrimonial de la capitale, bordée par un fleuve, comme des «contraintes uniques.»
En plus, dit-il, le tramway sans rail intelligent pourrait faire l’objet d’une implantation progressive, en concordance avec le déploiement des nouveaux autobus électriques.
L’implantation d’un réseau de transport structurant dans la ville de Québec comporte plusieurs défis techniques. (Yan Doublet/Archives Le Soleil)
Ancienne ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet soutient par ailleurs que cette technologie permettrait un meilleur transfert modal que le tracé proposé par la Ville de Québec, lequel «avait relativement peu d’impact sur l’achalandage étant donné qu’il ne reliait pas de nouvelles clientèles».
Le projet qu’ils portent pourrait être livré aussi vite que ce qui était prévu pour le tramway, soit 2029, «voire plus rapidement», estiment-ils.