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La mise en pause du tramway fait mal à l’économie de Québec, selon Marchand

Le maire Marchand demande à Québec de préciser l’échéancier pour le projet de transport structurant
Bruno Marchand prévient que la mise en pause du projet de tramway de Québec met à mal l’économie de la capitale. Il réitère qu’il attend d’ici juin une proposition concrète de projet et non pas une première phase, quoi qu’en dise la ministre des Transports Geneviève Guilbault.
Un récent sondage de Québec International (QI) montre les difficultés économiques vécues par la communauté d’affaires de Québec. Il révèle notamment qu’une entreprise sur quatre a dû faire des mises à pied l’an dernier dans la région de Québec.
Pour le maire Marchand, la mise en pause d’un projet d’envergure comme le tramway de Québec est en grande partie responsable de la situation.
On nous avait dit au départ qu’il y avait autour de 1,5 milliard de dollars d’investissements privés autour du projet de transport structurant. C’était il y a quelques années. Nos calculs récents nous amènent à dire que c’est facilement le double ou le triple, a déclaré le maire Marchand lors d’un long point de presse, jeudi.
Juste dans le secteur du pôle d’échange Sainte-Foy, les investissements atteindraient environ un milliard et demi, avance le maire.
L’incertitude autour d’autant d’investissements ne peut que miner l’économie, selon lui.
Ce n’est pas juste lié à la confiance […]. C’est lié à l’économie. C’est économique d’engager des entreprises d’ici pour les aider à construire, c’est économique de leur donner de l’expertise pour qu’elles puissent aller partout au Québec et ailleurs pour réaliser des projets de transport structurant. C’est économique de faire venir ici des travailleurs, de les payer et de leur donner de bons salaires parce que ça agit en cascade aussi sur d’autres entreprises.
Un projet au plus tard en juin
Questionné sur la sortie de Geneviève Guilbault, qui laissait entendre que l’étude de la CDPQ représentait une première phase, le maire Marchand est sans équivoque : la Ville ne peut se permettre de nouveaux délais.
C’est une planification, une proposition de mobilité. On n’est pas encore dans la réalisation, encore moins dans l’exploitation, a expliqué la ministre, mardi.

Geneviève Guilbault, ministre des Transports et de la Mobilité durable
Je n’ai pas compris. Qu’elle explique quel est son échéancier, c’est à elle de l’expliquer. C’est sa déclaration. On parle d’économie, on parle d’attraction, on parle de faire de Québec un fer de lance économique, social, industriel. Ça suppose de déplacer les gens.
Une citation de Bruno Marchand
Manque de vision
On a vraiment l’impression que le maire vit dans un monde de licorne lorsqu’il regarde l’économie, l’état de l’économie à Québec, a réagi Alicia Despin, élue de Québec d’abord.
Selon elle, Bruno Marchand manque de vision et de leadership en matière économique puisqu’il est peu à l’écoute des acteurs sur le terrain.

Alicia Despins, conseillère du district Vanier-Duberger
Concernant l’optimisme du maire en ce qui touche l’obtention d’un projet structurant avec la proposition de la CDPQ pour relancer l’économie, en juin, Alicia Despins émet des doutes quant à l’échéancier.
Selon l’élue municipale, une rencontre avec la CPDQ le 30 janvier sur la teneur de son mandat laisse entendre que toute la portion de financement du projet ne serait pas réglée en juin.
Mme Despins confirme toutefois que l’aspect rentabilité ne fait pas partie des critères d’analyse. Elle parle d’un mandat assez large, qui ne s’attaque pas qu’au tramway. Différents modes seraient aussi examinés.
J’ai l’impression qu’on pourrait déposer un projet très large [avec différentes phases]. Je suis rassurée et confiante : je crois que c’est un processus qui va bien se dérouler et mener à quelque chose, croit Mme Despins.
Le tramway pourrait «achopper» avec CDPQ Infra
Émilie Pelletier
1er février 2024

Maquette du tramway de Québec, à la station de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus (Ville de Québec)
Le gouvernement fait «fausse route» en confiant l’analyse de grands projets de transport en commun à CDPQ Infra, juge l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS). La réalisation du tramway de Québec s’en trouve menacée.
«L’exigence de rentabilité fragilise la possibilité que le tramway de Québec voie finalement le jour», tranche en entrevue Colin Pratte, chercheur à l’IRIS.
Ce constat ne date pas d’hier.
Dès l’annonce du projet de Réseau express métropolitain (REM) par une filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec, l’IRIS avait «mis en garde» contre les risques liés à ce partenariat.
Dans une étude parue en mars 2017, l’Institut voyait poindre à l’horizon une «brèche ouvrant la porte à la privatisation du transport en commun au Québec».
Si le gouvernement du Québec continuait de confier la planification et la réalisation de projets de transports collectifs à la branche infrastructures de la Caisse, ce sont avant tout les intérêts principalement financiers de cette dernière qu’il servirait.
L’IRIS concluait il y a quelques années que «le modèle de financement d’infrastructures publiques promu par CDPQ Infra ne contribue pas à la pérennité des services publics». Au contraire, écrivait l’auteur, «il s’inscrit dans une logique qui bénéficie à la CDPQ plutôt qu’aux Montréalais et aux usagers et usagères du transport en commun».
«L’actualité des derniers jours confirme malheureusement l’analyse que nous faisions à l’époque», a regretté l’IRIS, dans une publication faite sur ses réseaux sociaux, mercredi.
Plus tôt cette semaine, CDPQ Infra a fait part de son désistement à participer au prolongement du projet de REM sur la Rive-Sud de Montréal, évoquant un manque de disponibilité de ses équipes. Ces dernières, faisait-elle valoir, sont déjà bien occupées par les projets entamés dans le Grand Montréal et l’étude des besoins de mobilité pour la grande région de Québec.
Le tramway pourrait «achopper»
L’IRIS considère que le gouvernement du Québec devra cesser de faire affaire avec elle s’il veut voir des réseaux de transport collectif se mettre sur les rails.
Sans quoi, des projets, comme le tramway de Québec, pourraient ne jamais voir le jour.
«Le risque, c’est qu’en le confiant à CDPQ, le montage financier du projet soit dépendant d’une rentabilité pour la Caisse et qu’en l’absence de cette profitabilité, le projet achoppe», évoque Colin Pratte.
Et contrairement à Montréal, où le montage financier misait sur un transfert d’usagers de transport collectif vers le REM, à Québec, l’absence de réseau de transport en commun structurant «augmente le risque pour la CDPQ, qui n’y verra peut-être pas un bon placement».
Bruno Marchand s’était d’ailleurs inquiété, en décembre dernier, que le gouvernement Legault se tourne vers une entité «dont l’objectif premier est de faire du profit». Le maire de Québec redoutait de voir un éventuel projet être tout simplement abandonné, s’il est jugé non rentable.
Le modèle du REM
Le chercheur de l’IRIS voit plusieurs manifestations de l’objectif financier «qui prédomine» pour la CDPQ Infra dans le projet de REM. Il cite notamment, peu de temps après l’ouverture du REM reliant Brossard à l’Île de Montréal, le retrait de la voie réservée pour les autobus sur le pont Champlain.
«Du point de vue de la CDPQ, la voie réservée aux autobus est une concurrence à ses actifs, menace et retarde leur rentabilisation», analyse l’expert.
«Cette opposition entre des finalités pécuniaires et le développement pérenne et efficace du transport en commun au Québec, c’est irréconciliable.»
— Colin Pratte, chercheur à l’IRIS
Pour lui, les ratés du REM depuis son ouverture, l’été dernier, vont au-delà de l’exploitation quotidienne déficiente. «Ils s’expliquent par le cadrage initial qui était celui de proposer un projet où le transport de personnes rapporterait de l’argent à un fonds financier», note-t-il.
«Donner à un fonds financier le mandat de développer du transport en commun était à la base erroné, se prononce M. Pratte. Parce que la mission de la Caisse de dépôt et placement du Québec n’est pas de déplacer des gens. Elle est de faire de l’argent en déplaçant des gens et ça change tout.»
Image aérienne illustrant la dernière phase de test du REM (marche à blanc) qui circule sur les rails surélevés dans le quartier Griffintown. (Hugo-Sébastien Aubert/Archives La Presse)
À l’époque, la genèse du REM prenait racine dans un contexte d’austérité. Québec avait alors choisi de faire sauter CDPQ dans le train pour «couper de moitié les fonds publics» à investir dans le projet.
«On reproduit cette même approche, malgré le contexte actuel qui est celui d’une urgence de développer au Québec du transport en commun pour diminuer la dépendance à la voiture», ajoute M. Pratte.
Transport collectif ou voitures comme «gouffre financier»
Sauf qu’au Québec, croit le chercheur, le transport collectif fera «fausse route» s’il est considéré comme un «gouffre financier».
Il devait plutôt «être animé par une finalité qui prime sur toutes les autres : celle d’opérer un transfert modal de la voiture vers le transport en commun». Un principe qui souvent, convient-il, n’est pas profitable à court terme.
«Il faut le faire, même si ça ne représente pas un placement intéressant. C’est anachronique de miser sur la rentabilité financière pour le transport en commun aujourd’hui.»
— Colin Pratte
Au contraire, c’est surtout l’automobile qui a un coût élevé, évoque-t-il, parlant d’une dépense 28 fois plus grande que pour chaque kilomètre parcouru en autobus. «D’envisager les fonds publics alloués au développement de réseaux de transport en commun comme des dépenses, c’est une approche de courte vue.»
La Commission européenne des transports calcule que chaque kilomètre parcouru en voiture engendre pour la société une dépense 28 fois plus grande que la même distance franchie en autobus. (Olivier Croteau/Archives Le Nouvelliste)
La perte de contrôle public sur le transport en commun au profit d’un fonds financier promet par ailleurs de jouer sur les tarifs. «Dans un contexte de transition écologique, on devrait tendre vers la gratuité pour concurrencer la voiture et offrir une alternative abordable», conclut Colin Pratte.
Sans parler de l’aspect financier, la ministre des Transports défendait encore mardi son choix de confier à CDPQ Infra l’idéation d’un projet pour Québec, mais nommait toutefois, question de capacité à livrer, «la nécessité d’être plus autonomes et plus efficaces dans nos propres projets plutôt que de dépendre systématiquement de la CDPQ Infra ou d’autres instances».
Vers un projet de transport structurant «par phases» pour Québec
«Ma compréhension est qu’on efface [tramway et 3e lien] et qu’on recommence», relate la conseillère municipale Alicia Despins après sa rencontre avec la CDPQ Infra

TAÏEB MOALLA
Jeudi, 1 février 2024
Pour que le futur réseau de transport structurant de Québec soit financièrement réalisable, la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) Infra pourrait proposer au gouvernement du Québec de construire ce mégaprojet «par phases».
C’est du moins la compréhension de l’opposition officielle à l’hôtel de ville de Québec à la suite d’une rencontre, mardi, entre les sept élus de Québec d’abord et trois responsables de la CDPQ Infra.
«Ma question à leur égard, c’était: “N’avez-vous pas peur de déposer un projet complètement irréaliste d’un point de vue des délais et des coûts?” C’est là qu’ils ont répondu qu’évidemment un projet comme ça serait phasé», a relaté la conseillère municipale Alicia Despins, qui répondait au Journal en l’absence du chef Claude Villeneuve, retenu pour des obligations familiales.
Selon elle, «il y a une question de réalisme et de capacité [à payer]. Le phasage m’a rassurée sur l’idée qu’on peut arriver en juin avec au moins une première phase ou un premier projet parce que la mobilité à Québec n’est plus viable et qu’on a atteint le point de saturation sur plusieurs artères».
Carte blanche
Satisfaite de sa rencontre, Mme Despins a constaté que les responsables de la CQDP Infra semblaient ouverts à tout projet de mobilité structurant pour la Capitale-Nationale.
«Nous, on est là-dedans depuis tellement longtemps qu’on voit juste le tramway et le troisième lien. Ma compréhension est qu’on efface tout ça et qu’on recommence. Ça pourrait être toutes ces options, aucune de ces options ou de nouvelles options. Mais ce sera un projet d’ensemble», a compris Mme Despins.
Jackie Smith, cheffe de Transition Québec (TQ), a rencontré la CDPQ Infra mercredi. Elle dit avoir perçu que cette dernière avait «carte blanche» pour le choix du projet. Mme Smith, qui a elle-même proposé un tramway «par phases», a assuré avoir senti «de l’écoute» chez ses interlocuteurs.
De son côté, Patrick Paquet, chef d’Équipe priorité Québec (EPQ), a apprécié «la vue holistique» des responsables de la CDPQ Infra pour le futur projet. «Ils ont démontré beaucoup d’ouverture tant sur le mode que sur le tracé. Ils veulent poser une vision régionale et rien n’est décidé d’avance», a-t-il décrit.
Guilbault critiquée
D’autre part, Alicia Despins s’est attaquée à «l’incohérence» de la ministre des Transports. Mardi, Geneviève Guilbault a regretté le fait que le gouvernement soit «tributaire d’organisations extérieures» (comme la CDPQ Infra) pour les projets de transport. Pourtant, c’est le gouvernement du Québec qui lui a confié un mandat de six mois pour identifier le meilleur réseau structurant pour Québec.
«Ces propos sont très surprenants. Sa vision des choses n’est pas du tout conforme à la vision de la Caisse qui nous a été présentée mardi. On a l’impression que la ministre a perdu le nord dans tout ça», a déploré Mme Despins.
Jackie Smith a été plus nuancée. La cheffe de TQ s’est dite plutôt d’accord avec la ministre Guilbault sur l’importance de mettre en place une agence des transports chargée de chapeauter tous les projets de transport structurants au Québec.
https://www.journaldequebec.com/2024/02/01/vers-un-projet-de-transport-structurant--par-phases--pour-quebec