Résumé
La vie, la ville L’ancien Théâtre Cartier va renaître
PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE
L’ancien Théâtre Cartier occupe le 3990, rue Notre-Dame Ouest.
Notre journaliste se balade dans le Grand Montréal pour parler de gens, d’évènements ou de lieux qui font battre le cœur de leur quartier
Publié à 1h17 Mis à jour à 6h00


Émilie Côté La Presse
C’est un ancien cinéma et un théâtre d’une grande valeur historique dont parle Gabrielle Roy dans son roman Bonheur d’occasion. À son ouverture en 1929, sa directrice artistique était nulle autre que Rose Ouellette, la célèbre Poune.
Vacant depuis une dizaine d’années, le Théâtre Cartier aura un nouveau propriétaire, la Fondation Fabienne Colas, et il pourra accueillir à nouveau le public rue Notre-Dame Ouest, dans le quartier Saint-Henri.
Quand Fabienne Colas a fait une première visite de l’endroit avec son courtier immobilier au début de l’année, elle a été agréablement surprise. Avant de franchir la porte, elle craignait pour l’état des lieux, car elle avait le souvenir plutôt triste d’une visite dans un autre cinéma à l’abandon, L’Empress, rue Sherbrooke dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce. « C’était décourageant et même dangereux. L’Empress était en ruine », se remémore la productrice, actrice et entrepreneure.
Le Théâtre Cartier et l’Empress sont deux anciens cinémas de type palace décorés par Emmanuel Briffa. Ce dernier a enjolivé plus de 150 cinémas en Amérique du Nord, dont de multiples à Montréal : le Rialto, le Théâtre Outremont, le Cinéma Château, le Théâtre Granada (devenu le Théâtre Denise-Pelletier), le Corona, etc 1.
PHOTO FOURNIE PAR LA FONDATION FABIENNE COLAS
Le Théâtre Cartier en 1964
Sur le site d’Héritage Montréal, on apprend que le Théâtre Cartier a servi d’entrepôt avant de devenir une salle de danse pour adolescents et une boîte de nuit.
Pendant une trentaine d’années, il a été loué par le Collège Dawson pour son programme des arts de la scène, mais depuis 2010, il est inoccupé.
En 2023, le Cinéma Public – qui occupe temporairement la Casa Italia – avait déposé une promesse d’offre d’achat qui avait été acceptée par l’ancien propriétaire, mais l’inspection a relevé des coûts de rénovation trop élevés pour l’organisme à but non lucratif.
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Fabienne Colas à l’intérieur de l’ancien Théâtre Cartier
Le futur Théâtre Colas
Pour sa part, Fabienne Colas espère que le Théâtre, qui portera son som de famille, pourra ouvrir en mai 2027. Elle doit passer chez le notaire pour conclure l’achat de la bâtisse (en vente – avant les négociations – au prix de 2,5 millions de dollars). Elle préfère toutefois demeurer discrète quant au coût des importants travaux à venir.
Ces derniers impliquent de réduire la salle principale à 500 places, d’aménager une autre salle et une galerie à l’étage, et un cabaret au sous-sol. Au total, 1200 personnes pourraient fréquenter en même temps les installations multifonctionnelles. Fabienne Colas parle de projections de films, de conférences, d’arts visuels, de festivals, d’espaces de travail partagé… « Je veux que les lieux vivent en tout temps », résume-t-elle.
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Le Théâtre Cartier subira d’importants travaux pour devenir le Théâtre Colas.
Kim Pham, de la firme NEUF, sera l’architecte principale du projet. L’immeuble est classé « d’intérêt patrimonial », donc seule la façade – en bon état – doit être préservée.
« Actuellement, aucun lieu [destiné] à la diffusion cinématographique n’existe dans le Sud-Ouest », fait valoir la Fondation Colas dans son document de présentation, alors qu’avant l’arrivée de la télévision, on en comptait près d’une vingtaine, que ce soit le Century Theatre dans Ville-Émard ou le Vogue Theater dans Pointe-Saint-Charles.
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Fabienne Colas en compagnie de Réal Barnabé, vice-président du conseil d’administration de la Fondation Fabienne Colas
Réal Barnabé, cofondateur de la Fondation Colas et vice-président de son conseil d’administration, vante la force de Fabienne Colas de concrétiser des rêves qualifiés de « pas réalistes » par certains. « Fabienne, il suffit de lui entrouvrir une porte pour qu’un projet aboutisse », dit l’ancien président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec.
La principale intéressée affirme que son projet d’acquisition de salle est dans la continuité de ses actions.
Mon but a toujours été de créer des plateformes pour donner une voix et une vitrine à des artistes qu’on ne voit pas.
Fabienne Colas
La Fondation Fabienne Colas est derrière Haïti en Folie et le Festival international du film black de Montréal, qui a des antennes entre autres à Toronto et à Halifax, mais aussi au Salvador. « Chaque année, nous avons de la difficulté à trouver des salles de diffusion », souligne par ailleurs Réal Barnabé.
« Reconnecter avec l’histoire »
La Poune a été la première femme en Amérique du Nord à avoir dirigé deux théâtres, soit le Cartier puis le National. Fabienne Colas vante pour sa part le fait qu’elle serait « la première femme noire issue de l’immigration » à acquérir une salle de diffusion d’importance à Montréal. « C’est à l’image de l’évolution de Montréal et de sa démographie », fait-elle valoir.
On peut néanmoins rappeler qu’Oscar Peterson et Oliver Jones ont grandi dans Saint-Henri alors que le quartier avoisinant de La Petite-Bourgogne fut un haut lieu de l’histoire du jazz à Montréal, autrefois surnommé le « Harlem du Nord ».
Fabienne Colas et son équipe espèrent que le Théâtre Colas pourra présenter dans le Sud-Ouest une programmation cinématographique d’auteur et québécoise semblable à celle offerte au Cinéma Beaubien, par exemple.
Des représentants de l’industrie du cinéma l’appuient déjà dans son projet de lieu de diffusion indépendant, dont le distributeur Louis Dussault, de K-Films Amérique.
Consultez le site du projet
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