J’ai mis cet article dans politique provinciale, mais il aurait pu tout aussi bien être publié dans politique fédérale. L’important à mon avis c’est que Pablo Rodriguez est de loin la meilleur candidat pour la chefferie du Parti Libéral du Québec, bien loin devant la candidature de Coderre dont le parcours politique est loin d’être convainquant.
Le Québec a besoin de poids lourds dans tous les partis politiques, car c’est la seule façon d’élever le niveau des débats et de mieux servir les intérêts supérieurs de la nation.
Ne cherchez pas la fonction dans les organigrammes officiels, elle n’y figure pas. Pourtant, il n’y a pas beaucoup de postes plus importants à Ottawa que celui de lieutenant du premier ministre pour le Québec. LP
Résumé
Quand le lieutenant quitte le navire…
PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE
Le ministre fédéral des Transports et lieutenant du premier ministre pour le Québec, Pablo Rodriguez
Michel C. Auger Collaboration spéciale
Ne cherchez pas la fonction dans les organigrammes officiels, elle n’y figure pas. Pourtant, il n’y a pas beaucoup de postes plus importants à Ottawa que celui de lieutenant du premier ministre pour le Québec.
Publié à 1h18 Mis à jour à 7h00
Une liste (partielle) des gens qui ont occupé le poste témoigne de son importance : Jean Marchand, Marc Lalonde, André Ouellet, Marcel Massé, Jean Lapierre, Marc Garneau, entre autres.
À la fois un préfet de discipline et l’animateur du caucus québécois, ce ministre est aussi chargé de maintenir, autant que faire se peut, les bonnes relations avec le gouvernement du Québec. Il a nécessairement son mot à dire dans presque tous les dossiers qui touchent le Québec dans la capitale fédérale.
Justin Trudeau a longtemps pensé qu’il n’avait pas besoin d’un lieutenant quand le premier ministre était un Québécois. Il s’est ravisé en 2019 et a nommé Pablo Rodriguez.
Aujourd’hui, que celui-ci songe à quitter la politique fédérale pour essayer de devenir chef du Parti libéral du Québec en dit très long sur ce qui se passe chez les libéraux fédéraux.
À un moment donné, l’accumulation de mauvaises nouvelles dans les sondages finit par avoir un effet sur le moral et aussi sur ses plans pour l’avenir.
Alors, quand vous avez passé deux décennies à Ottawa, que n’avez pas encore 60 ans et que vous sentez qu’il reste encore beaucoup de politique en vous, il se peut bien que vous puissiez être tenté de voir si l’herbe n’est pas plus verte dans l’autre capitale.
Pour le Parti libéral du Québec, une candidature de Pablo Rodriguez serait une aubaine, dans une course où les candidats connus ne sont pas légion (sauf Denis Coderre qui n’est pas nécessairement connu pour les bonnes raisons…).
Bien sûr, il n’est pas toujours facile d’arriver d’Ottawa en politique québécoise. Les dossiers et les débats sont très différents. Plusieurs n’auront pas réussi la transition et n’ont jamais pu faire oublier leur étiquette fédérale. Mais il y a eu aussi des succès remarquables : Jean Lesage, Jean Charest ou Lucien Bouchard.
Tout cela pour dire que, dans une course à la direction du PLQ où il n’y a pas encore de leader évident, la candidature de M. Rodriguez va créer un regain d’intérêt certain.
D’autant que son histoire personnelle renforcerait le discours du PLQ, en particulier sur l’immigration. Arrivé au Québec comme jeune réfugié alors qu’il ne parlait pas un traître mot de français, il est un parfait exemple d’intégration à la société québécoise. Chose certaine, l’amalgame entre immigration et danger pour l’avenir du français du premier ministre François Legault sera bien plus difficile à tenir.
Mais avant de parler d’un possible avenir en politique québécoise, il faut parler des effets que son départ aurait sur la politique fédérale et sur la décision que devra prendre le premier ministre Trudeau.
Selon le plus récent sondage Léger, qui date de juin, 31 % de l’électorat québécois aurait l’intention de voter pour le Bloc québécois, 26 % pour le Parti libéral du Canada et pour le Parti conservateur du Canada qui sont à égalité et 11 % pour le Nouveau Parti démocratique.
C’est une tendance qui commence à devenir claire : les libéraux perdent du terrain alors que les conservateurs montent. Cela signifie qu’en dehors de leurs forteresses de l’île de Montréal et de l’Outaouais, de nombreux députés libéraux seraient actuellement menacés de perdre leur siège.
Historiquement, les libéraux ne peuvent pas prendre ou garder le pouvoir s’ils n’ont pas une représentation majoritaire au Québec. Les états d’âme du caucus québécois sont donc importants et vont influencer grandement la décision du premier ministre.
Dans les circonstances, il n’est pas trop surprenant qu’on entende toutes sortes de rumeurs de gens qui préparent leur sortie, comme celle qui voudrait que la ministre du Revenu, Marie-Claude Bibeau, soit soudainement intéressée par la mairie de Sherbrooke.
PHOTO ADRIAN WYLD, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE
La ministre du Revenu national, Marie-Claude Bibeau
M. Trudeau a reçu son lot de messages très clairs depuis la défaite des libéraux dans l’élection partielle de Toronto–St. Paul’s en juin dernier. Au moins un député et plusieurs anciens ministres ont publiquement réclamé son départ. Dans un sondage Ipsos, pas moins de 68 % des Canadiens disaient souhaiter que le premier ministre démissionne.
Au cours des prochaines semaines, une autre élection partielle pourrait être déterminante, celle qui vise à remplacer l’ancien ministre de la Justice David Lametti dans la circonscription de LaSalle–Émard–Verdun. Il s’agit, en partie, de l’ancien fief de Paul Martin, mais surtout, un quartier du sud-ouest de Montréal qui est normalement un terrain sûr pour les libéraux. Une défaite libérale y serait surprenante, mais, dans les circonstances, ne peut être totalement exclue.
En attendant, il est évident que le départ de Pablo Rodriguez enverrait un message clair à son patron : quand le lieutenant quitte le navire, ça ne peut être qu’une mauvaise nouvelle pour un capitaine qui essaie de s’accrocher à la barre.