L’édifice Hélène-Desmarais de HEC Montréal : entre modernité et histoire
3 avril 2024
Par Elizabeth Pouliot
Au coin de la côte du Beaver Hall et de la rue de la Gauchetière, les étudiants de HEC Montréal ont intégré un tout nouveau bâtiment cet automne. Il s’agit de l’édifice Hélène-Desmarais, une conception signature et complexe qui contribue à revitaliser un secteur du centre-ville empreint d’histoire.
En plus d’enregistrer un important déficit d’espace sur son campus de Côte-des-Neiges, HEC Montréal, stratégiquement parlant, souhaitait se rapprocher de sa clientèle et de ses partenaires du quartier des affaires. L’université voulait voir s’ériger un bâtiment phare qui traduise son statut, reflète son rayonnement à l’international et réponde aux critères de développement durable. « Ce nouvel édifice est destiné à une clientèle adulte et francophone, comme des cadres et d’autres professionnels », indique Loretta Cianci, directrice du développement du campus pour l’institution d’enseignement universitaire. « Il abrite aussi des antennes de centres de recherches et de transferts ainsi qu’un centre de conférence de pointe. »
Installés à la table à dessin, les architectes ont dû composer avec un terrain pour le moins particulier. « En plein centre-ville et cerné par des bâtiments de 10 à 40 étages, le terrain a été un défi en lui-même », explique Alain Compéra, architecte sénior chez Provencher_Roy. « Nous devions y insérer un petit bâtiment de huit étages. De plus, sur le plan de la topographie, c’était très accidenté, ce qui représentait une difficulté majeure. » À cette hauteur, le dénivelé est en effet de neuf mètres, ce qui correspond à près de deux étages.
Un autre enjeu était que, parmi les voisins, se trouvait la basilique Saint-Patrick, un bâtiment patrimonial. « Pour nous, ça voulait dire de construire à flanc de montagne et d’excaver des sols et des rocs, et ce, à proximité d’une église ! », renchérit Hélène Brisebois, présidente de la firme d’ingénieurs conseils spécialisés en structure de bâtiment SDK et associés, qui a travaillé avec MHA Experts conseil, sur le projet. « Donc, on a dû faire des validations en ce qui concerne les vibrations et les impacts pour éviter de causer des dommages à l’intégrité de l’église. » De plus, des paramètres devaient être respectés : « La hauteur du bâtiment ne devait pas dépasser la hauteur du faitage de l’église », souligne Alain Compéra. « Et on devait garder des angles de vue de façon à ce que notre bâtiment n’empêche pas de voir la basilique à partir de la côte Beaver Hall. »
Du verre et des angles
Trois thèmes guidaient l’équipe de conception : respect du lieu, dynamisme et légèreté. Les deux derniers points se traduisent principalement à travers l’immeuble lui-même, composé d’angles, de murs rideaux et de grands espaces ouverts. Ce fut encore une fois tout un défi, autant pour les architectes et les ingénieurs que pour l’entrepreneur général. « C’est un bâtiment qui a une forme spéciale, un caractère spécial. En structure, sa géométrie aussi est particulière, avec beaucoup d’angles, beaucoup de cassés, de colonnes inclinées, de verrières, de grands volumes, d’escaliers qui flottent dans les airs », énumère Hélène Brisebois.
« Toute la signature architecturale se retrouve aussi à l’intérieur du bâtiment », poursuit Alexandra Murdoch, viceprésidente exécutive chez Magil Construction, un constructeur habitué à travailler dans la grande densité du centre-ville de Montréal. « Les structures sont apparentes et changent d’étage en étage », ajoute-t-elle. L’utilisation du BIM a donc grandement contribué à faciliter la communication entre tous les partis et à obtenir les résultats escomptés. D’autres technologies, comme l’usage de drones pour les inspections, de lasers scans pour le contrôle de la qualité et de caméras à 360 degrés pour la documentation, ont aussi été des plus utiles pour les différentes équipes.
L’enveloppe en vitre, qui repose sur une structure en béton, est faite de verre flotté, un matériau hautement performant qui participe à l’isolation thermique de l’immeuble. « Les fenêtres représentent plus des deux tiers de la surface des murs. Les architectes ont voulu utiliser beaucoup de verre pour créer un environnement agréable, en contact avec l’extérieur, avec des finitions de couleurs claires et légères en termes de poids comme l’aluminium. Il y a aussi beaucoup de bois, ce qui amène de la chaleur », mentionne Loretta Cianci.
« Notre bâtiment est en contraste avec son milieu. Autour, ce sont des masses d’édifices plus anciens, plus massifs. Ça ouvre un beau dialogue entre notre édifice, la ville, la basilique et les bâtiments environnants », résume la directrice du développement du campus. « Le bâtiment est très transparent, il comporte beaucoup de lumière, il est en relation avec l’environnement. On voulait que ça reflète un peu l’esprit de HEC Montréal, une institution ouverte sur l’extérieur », appuie Alain Compéra.
Du rouge et du vert
La construction s’étant amorcée à l’été 2019, elle a été frappée de plein fouet par la pandémie de COVID-19 qui a provoqué la fermeture des bureaux et des chantiers en mars 2020. Néanmoins, c’est surtout par la suite que la situation sanitaire, à laquelle s’est ajoutée la guerre en Ukraine en 2022, a généré des répercussions sur le projet. « En mars 2020, on était en coffrage et il y a eu les arrêts pour la COVID-19 », se remémore Alexandra Murdoch. « Ensuite, on a eu des pertes de productivité à cause des bris dans la chaîne d’approvisionnement. De plus, des sous-traitants majeurs ont fait faillite. » La situation a donc entraîné certains retards et expliquent, entre autres, pourquoi le chantier a duré un an de plus que prévu. Le budget d’un peu plus de 132 millions de dollars, lui, a toutefois été respecté.
Le bien-être des occupants et la performance environnementale étaient très importants pour HEC Montréal, qui a obtenu, à travers l’édifice Hélène-Desmarais, une certification LEED Or. « On a fait preuve d’avant-gardisme parce qu’on a appliqué une plus récente version du Code national de l’énergie pour les bâtiments pendant la planification, en 2018 », explique Loretta Cianci. Par exemple, 30 % des matériaux proviennent de la région et 20 % de matériaux recyclés, 92 % des déchets ont été recyclés, l’enveloppe de verre est 30 % plus performante que l’enveloppe de référence et il y a un système de géothermie pour lequel ont été forés 30 puits de 150 mètres de profondeur. « Notre choix était de construire un édifice durable, moderne et, surtout, ouvert sur sa communauté », termine fièrement la directrice du développement du campus.
UNE FOUILLE ARCHÉOLOGIQUE EN PLEIN COEUR DU CENTRE-VILLE
Sous le terrain où se dresse maintenant l’édifice Hélène-Desmarais se trouvaient les fondations du Refuge St. Bridget, un lieu qui a accueilli les victimes de la famine irlandaise vers le milieu des années 1800. « On a décidé en amont de l’excavation de mandater une étude potentielle qui visait à cerner l’occupation ancienne du site en remontant jusqu’à la Préhistoire », révèle Loretta Cianci. Les archéologues d’Artefactuel ont donc creusé un puits et se sont butés à des artefacts. À la suite de leurs découvertes, les experts de la coopérative de travail ont bâti un inventaire archéologique. Le tout a été remis au ministère de la Culture et des Communications, qui était très heureux que HEC Montréal contribue ainsi à documenter l’histoire du secteur.