La présence de résidents saisonniers a été tolérée pendant plus de 70 ans sur l’île Sainte-Thérèse, mais à compter de la fin de l’été, et d’ici 2028, leurs chalets sans titres de propriété seront démolis un à un pour faire place à un parc métropolitain.
Résumé
Île Sainte-Thérèse : la démolition des chalets prévue pour la fin de l’été
La présence de résidents saisonniers a été tolérée pendant plus de 70 ans sur l’île Sainte-Thérèse, mais à compter de la fin de l’été, et d’ici 2028, leurs chalets sans titres de propriété seront démolis un à un pour faire place à un parc métropolitain.
Sur la pointe sud de l’île Sainte-Thérèse, une quinzaine de chalets sans titre de propriété ont été construits depuis les années 50.
Photo : Radio-Canada / Frédéric Lafleur
Publié à 4 h 00 HAE
À peine 500 mètres séparent l’île de Montréal de l’île Sainte-Thérèse. Quelques minutes de bateau suffisent pour se retrouver, en quelques instants, en pleine nature, loin des bruits de la ville. C’est ce qu’apprécient tant les résidents saisonniers de ce lieu singulier.
Ça fait 32 ans que je suis ici et je suis à sept minutes de chez nous. C’est une grande peine qu’on perde ça*,* explique Jean-Claude Simard, qui s’apprête à passer son dernier été sur l’île, lui qui réside à Pointe-aux-Trembles le reste de l’année.
Sur l’île Sainte-Thérèse, il n’y a pas d’eau courante et l’électricité est produite par des génératrices.
Au milieu des chalets, une petite aire commune a été aménagée.
Photo : Radio-Canada / Samuel Lapointe Savard
La pointe sud de l’île compte une quinzaine de chalets. Elle a été surnommée la pointe aux Chartier, puisque bon nombre d’entre eux sont occupés par des frères, des sœurs et des cousins de la même famille. Ces chalets ont été transmis au fil des générations.
Lyse Chartier devant son chalet qu’elle devra quitter cette année
Photo : Radio-Canada / Samuel Lapointe Savard
AILLEURS SUR INFO : Kamala Harris choisit Tim Walz comme colistier
La voisine de Jean-Claude Simard, Lyse Chartier, devra elle aussi dire adieu à son chalet au mois d’octobre. Le bâtiment a été construit en 1993 sur le terrain que son cousin avait longtemps loué aux Rédemptoristes.
On savait qu’on n’était pas chez nous à 100 %. On savait qu’un jour, ça pouvait arriver, sauf qu’on est rendu là, puis ça commence à faire beaucoup de pincements au cœur.
Une citation de Lyse Chartier, qui occupe un chalet construit en 1993 sur l’île Sainte-Thérèse
4:03
Téléjournal Montréal
Un dernier été pour les résidents de l’île Sainte-Thérèse dans l’est de Montréal
Le reportage de Marie Isabelle Rochon
Photo : Radio-Canada
L’île Sainte-Thérèse au fil des ans
L’île Sainte-Thérèse a été un lieu de villégiature pour les Montréalais entre les années 1940 et 1960. Ses plages accueillaient des milliers de visiteurs chaque été.
À cette époque, de nombreux résidents de Pointe-aux-Trembles ont construit des chalets sur l’île, sans titres de propriété. D’autres chalets ont été construits avec l’approbation de la Congrégation du Très-Saint-Rédempteur, propriétaire de l’île à partir de 1958.
J’avais six ou sept ans, il y avait de la danse à la plage, mon père m’amenait là-bas, il y avait des épluchettes de blé d’Inde à la plage Bissonnette*,* raconte Réal Chartier, qui a passé tous ses étés sur l’île.
Réal Chartier a passé 72 étés sur l’île Sainte-Thérèse.
Photo : Radio-Canada / Marie Isabelle Rochon
L’homme de 72 ans a hérité du chalet de son oncle, construit en 1948. Son chalet devra être démoli dans quatre ans.
Ça fait 50 ans qu’on sait qu’on devra partir d’ici.
Une citation de Réal Chartier, qui a hérité du chalet de son oncle, construit en 1948
Il se souvient que la Congrégation du Très-Saint-Rédempteur collectait un loyer annuel de 20 $ auprès de chacune des familles installées sur l’île jusqu’en 1975, moment où le gouvernement du Québec est devenu propriétaire d’une grande partie de l’île.
À partir des années 1980, certains résidents ont payé des taxes à la Ville de Varennes, mais la Municipalité a arrêté de les percevoir en 2000.
En 2015, les occupants ont reçu un avis d’éviction. Certains ont cherché à régulariser leur situation et à acheter leur terrain, ce qui leur a été refusé.
S’en est suivie une bataille judiciaire avec le gouvernement provincial. Une entente à l’amiable a finalement été conclue : les chalets construits après 1975 seront démolis en 2024, sans compensation financière, alors que les chalets construits avant cette date seront démolis en 2028, avec une compensation de 8000 $.
Un parc métropolitain à l’horizon
Pour les villes de Varennes et de Repentigny, pour l’arrondissement de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles et pour la Communauté métropolitaine de Montréal, c’est la fin d’une longue bataille avec les occupants qui aura duré plus de 10 ans.
C’était une des conditions du gouvernement : s’assurer que ça se règle avant d’aménager quoi que ce soit**,** explique le maire de Varennes, Martin Damphousse.
Comment les gens ont pu recevoir un compte de taxes sans avoir de titre? C’est une bonne question, je n’en ai aucune espèce d’idée, mais ça ne faisait pas en sorte que l’espace qu’ils occupaient sans droits était conforme et devenait légal.
Une citation de Martin Damphousse, maire de Varennes
D’ici 10 ans, l’île sera transformée en parc métropolitain, avec des sentiers aménagés. Un projet dont le coût est estimé à près de 40 millions de dollars.
Sentiment d’impuissance
Cette entente laisse un goût amer à Fannie Martin, qui occupe un des chalets construits dans les années 1950. Mon chalet, je ne vous l’aurais pas vendu pour un milliard, dit-elle**.** Vous voyez aujourd’hui l’île, elle est si belle. Depuis 70 ans, c’est nous, les résidents, qui l’entretenons.
Fannie Martin devant son chalet qui sera démoli en 2028.
Photo : Radio-Canada / Marie Isabelle Rochon
Mme Martin aurait voulu poursuivre la bataille devant les tribunaux. Elle a dû y renoncer, faute de ressources financières, et devra quitter l’île en 2028.
J’ai connu mon mari en bas, au bord du quai. Mes enfants, ils arrivaient ici à l’âge de deux semaines. On s’est mariés ici, au chalet, chez nous. Ici, c’est ma famille, mes voisins, c’est mes amis, c’est une communauté.
Une citation de Fannie Martin, qui occupe un chalet construit dans les années 1950
Jean-Claude Simard se dit en deuil de son île. La ligne était très large, mais nous sommes sur les terres du gouvernement, c’est un privilège qu’on a eu.