Saint-HenriUn centre supervisé d’inhalation de drogues ouvrira près d’une école
PHOTO HUGO-SEBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE
Plusieurs parents d’élèves de l’école Victor-Rousselot reconnaissent l’importance d’étendre les services aux personnes sans logement, mais se demandent pourquoi un site de consommation de drogue a été autorisé à ouvrir si près de l’école.
Des parents inquiets disent avoir été dévastés d’avoir appris l’ouverture du premier centre d’inhalation supervisé de drogues à Montréal, à moins de 100 mètres de l’école de leurs enfants.
Publié hier à 8h06
THOMAS MACDONALD
LA PRESSE CANADIENNE
Le bâtiment est en voie d’achèvement dans le quartier Saint-Henri, à quelques pas de l’école élémentaire Victor-Rousselot, qui compte 300 élèves de la maternelle à la 6e année.
C’est trop proche pour le confort de Sylvain Boitière, père de deux enfants âgés de quatre et six ans, qui fréquentent Victor-Rousselot. La nouvelle confirmant que le nouveau bâtiment inclurait la consommation supervisée de drogues a été un choc pour lui. « Cela a pris une tournure inattendue et indésirable. Nous sommes très attentifs à la sécurité des enfants et avec ce centre, on ne sait pas du tout ce qui va se passer. »
Le projet est une initiative de la Maison Benoît-Labre, une association locale à but non lucratif qui gère un centre de jour pour les personnes en situation d’itinérance. Le nouvel immeuble de quatre étages situé sur l’avenue Atwater comptera 36 studios pour les personnes sans logement ayant des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie.
Le rez-de-chaussée comprendra ce que l’organisation appelle un centre de prévention des surdoses, où les clients pourront apporter leurs propres substances à consommer en présence de personnel formé. Il s’agira du premier site de consommation supervisée de drogues à Montréal capable d’accueillir l’inhalation de drogues en plus d’autres modes de consommation, comme l’injection, selon la direction de la santé publique de la Ville de Montréal.
Plusieurs parents d’élèves de Victor-Rousselot reconnaissent l’importance d’étendre les services aux personnes sans logement, mais se demandent pourquoi un site de consommation de drogue a été autorisé à ouvrir si près de l’école.
Chantal Gagnon, mère de deux enfants âgés de six et sept ans, rappelle que la loi provinciale interdit aux magasins légaux de cannabis de Montréal d’ouvrir à moins de 150 mètres de toute école de niveau inférieur à l’université. Parallèlement, dit-elle, l’installation de la Maison Benoît-Labre permettra de rapprocher encore davantage les substances plus dures, comme le fentanyl et le crack, du site de l’école Victor-Rousselot.
Jeudi, M. Boitière et Mme Gagnon se sont rencontrés avec d’autres parents pendant que leurs enfants jouaient dans le petit parc situé entre l’entrée arrière de l’école et la future Maison Benoît-Labre. La sécurité et la propreté du parc sont au centre de plusieurs préoccupations des parents. Clôturés sur trois côtés, le petit espace vert et l’aire de jeux sont fermés au public pendant la journée scolaire, mais ouverts le soir.
« On est un peu inquiets », explique Migline Bitaut, mère de deux élèves de Victor-Rousselot. « Quel sera l’impact sur la vie de nos enfants ? Allons-nous trouver des gens qui consommeront (de la drogue) et viendront au parc pendant que nos enfants y sont après l’école ? »
M. Boitière, Mme Gagnon et Mme Bitaut ont tous déclaré qu’ils ignoraient que la Maison Benoît-Labre inclurait la consommation de drogues supervisée jusqu’à ce que les médias en parlent au cours de l’été. Chantal Gagnon a indiqué avoir rédigé une lettre ouverte en collaboration avec d’autres parents réclamant un examen public du projet avant son ouverture, prévue en octobre.
Les partisans du projet, quant à eux, affirment que l’accent doit être mis sur les personnes vulnérables que le centre servira.
« Il n’y a pas d’endroit idéal pour des sites où nous allons aider les gens à sortir de l’itinérance chronique (ou) aider les gens à faire face à une consommation chronique de drogues », selon Craig Sauvé, le conseiller municipal qui représente le quartier. De nouveaux retards, a-t-il ajouté, pourraient avoir des conséquences mortelles.
« Nous ne pouvons pas continuer à expulser des personnes en situation d’itinérance chronique dans un autre quartier, car cela va se répéter encore et encore… et des gens vont mourir. »
M. Sauvé affirme qu’un site de consommation de drogues intérieur et supervisé posera moins de problèmes à Saint-Henri que la consommation de drogues actuelle et répandue dans les espaces extérieurs, comme les ruelles et la place à côté de la station de métro locale. « C’est une solution beaucoup plus propre », affirme-t-il.
Andréanne Désilets, directrice générale de la Maison Benoît-Labre, est du même avis. « Les espaces de consommation supervisée sont perçus comme nuisibles, mais en fin de compte, il faut prévoir des espaces adéquats. » « C’est une question de sécurité publique », a-t-elle poursuivi. « Nous disposons d’un espace sûr pour les personnes qui consomment. Ce que nous voulons également, c’est accroître la sécurité de tous ceux qui nous entourent. »
Mme Désilets insiste sur le fait que la Maison Benoît-Labre a travaillé fort pour informer la communauté de ses projets pour le site Atwater, qui, selon elle, ont toujours inclus un service de prévention des surdoses.
Elle a expliqué que l’organisation à but non lucratif a organisé un certain nombre de fêtes de quartier pour impliquer les résidents et a fait des démarches auprès du centre de services scolaire local pour partager des informations. Une séance d’information destinée aux parents des élèves de Victor-Rousselot est prévue à la mi-septembre.
D’autres mesures visant à minimiser son impact sur les environs incluent une brigade de nettoyage de quartier, un intervenant à temps plein dédié à assurer une coexistence harmonieuse avec l’école primaire et l’éloignement de l’entrée principale du nouveau bâtiment du campus.
Andréanne Désilets lance un appel aux Montréalais pour qu’ils « travaillent ensemble sur les enjeux qui nous touchent ».