Pour une sortie de crise en habitation
PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE
« Aujourd’hui, se trouver un toit est devenu une source d’anxiété pour un grand nombre de familles québécoises. Ce n’est pas normal », écrit notre éditorialiste.
Nathalie Collard La Presse
Les principaux acteurs du secteur de l’habitation seront réunis ce vendredi à Laval à l’invitation des nouveaux maires de Laval et de Longueuil. C’est une excellente initiative. Ce sommet envoie un signal fort afin que la crise de l’habitation devienne un des enjeux majeurs de la campagne électorale qui débutera dimanche.
Publié à 5h00
On attend des partis politiques qu’ils nous présentent une vision claire de leurs solutions pour sortir de cette crise.
Le prochain gouvernement devrait d’ailleurs songer à nommer un ou une ministre délégué exclusivement à l’habitation afin d’accorder l’attention nécessaire à cet enjeu crucial.
La réponse de Québec doit être à la hauteur de la crise.
Le désinvestissement d’Ottawa durant plusieurs années ainsi que la lenteur de Québec à reconnaître l’existence du problème nous a plongés dans la situation actuelle : une sévère crise en habitation à la grandeur de la province.
La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) estime qu’il faut construire environ 620 000 nouveaux logements d’ici 2030, au Québec, pour rétablir l’équilibre. C’est tout un défi.
Aujourd’hui, se trouver un toit est devenu une source d’anxiété pour un grand nombre de familles québécoises. Ce n’est pas normal. Encore moins dans une société aussi riche que la nôtre.
Il existe heureusement des pistes de sortie de crise.
À commencer par la densification, un principe que l’équipe éditoriale de La Presse a défendu à plusieurs reprises.
La densification représente non seulement une piste de solution pour répondre aux enjeux climatiques, mais elle permet aussi de maximiser l’utilisation des infrastructures et de rentabiliser tout projet de mobilité collective en limitant l’étalement urbain.
Autre solution : augmenter l’offre de logements abordables. Grosso modo, une famille de la classe moyenne ne devrait pas consacrer plus de 30 % de ses revenus bruts pour se loger. Il faut construire davantage de logements sociaux et communautaires et appliquer l’approche « un toit d’abord » en itinérance : une personne dans la rue coûte plus cher à la collectivité.
L’abordabilité doit être une réalité dans les quartiers centraux. La crise de l’habitation repousse les familles moins favorisées toujours plus loin.
Or, elles doivent pouvoir se loger à proximité des services et des transports publics.
Pour favoriser la densification, il faut revoir la réglementation municipale.
Les villes doivent repenser leur plan d’urbanisme à l’heure des changements climatiques et des besoins en habitation. Le « tout à l’unifamiliale » a montré ses limites, tout comme le développement de territoire vierge et les maisons qui consomment trop d’énergie. Les villes doivent se montrer ouvertes : la construction en hauteur et l’ajout d’unités d’habitation accessoires (minimaison dans le jardin, rallonge, etc.) sont réalisables dans le respect de l’environnement urbain et bâti.
Quant à l’acceptabilité sociale, les villes doivent la travailler en amont, de concert avec les promoteurs immobiliers, afin de mieux expliquer la nature et les objectifs des nouveaux principes en habitation. En d’autres mots, le syndrome « pas dans ma cour » doit faire place à une vision plus inclusive du développement urbain.
Évidemment, on n’y arrivera pas en enfonçant ce changement de paradigme dans la gorge des citoyens. Il faut expliquer et éduquer, c’est primordial.
Pour y arriver, voici ce dont les villes ont besoin : plus d’argent d’Ottawa, plus d’argent de Québec et plus de pouvoirs de planification sur leur territoire. À l’heure actuelle, c’est la Société d’habitation du Québec qui gère et définit la plupart des programmes. Elle en établit les critères, parfois sans même consulter les municipalités. Or, ces dernières demeurent les mieux placées pour déterminer quels sont leurs besoins, pourvu qu’elles respectent les principes énoncés plus haut, soit la densification et le freinage de l’étalement urbain, deux éléments de la nouvelle politique d’aménagement du territoire.
Les villes devraient également être aidées financièrement pour développer des projets dont l’impact est déterminant. Le meilleur exemple : l’ancien site de l’hippodrome Blue Bonnets. Montréal ne peut pas, seule, décontaminer les terrains et payer les infrastructures d’un projet immobilier qui accueillera plusieurs dizaines de milliers d’habitants. Si le gouvernement provincial finance la construction d’autoroutes, il doit impérativement investir dans des infrastructures qui vont permettre de densifier le territoire.