Exo - Discussion générale

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Le transport en commun en banlieue de Montréal en perte de vitesse

Zacharie Goudreault
28 février 2023
Transports / Urbanisme

L’organisme de transport Exo appréhende de sombrer dans une « spirale de décroissance » s’il n’obtient pas les sommes nécessaires de la part de Québec pour bonifier son offre de service, la voiture gagnant du terrain en banlieue de Montréal.

À un peu moins d’un mois du dépôt du prochain budget du gouvernement Legault, Exo, qui gère les cinq lignes de trains de banlieue de la grande région de Montréal ainsi que 226 lignes de bus, lance un cri du coeur à Québec. Si l’organisme de transport n’obtient pas rapidement une somme de 29,8 millions de dollars pour équilibrer son budget 2023, il risque de devoir réduire son offre de service, déjà revue à la baisse dans le contexte de la pandémie. Une solution de « dernier recours » que souhaite éviter à tout prix le directeur général d’Exo, Sylvain Yelle.

« C’est la dernière affaire qu’on veut, mais si jamais l’argent n’était pas là, il faudrait envisager de réduire les coûts, y compris dans l’offre de service », prévient-il en entrevue au Devoir.

Cette année, l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) a indexé de 3 % la somme accordée à Exo pour financer son offre de service. Or, l’organisme fait affaire avec plusieurs transporteurs privés dont les contrats ont été indexés de 6,8 % cette année, inflation oblige. « Et donc, l’écart fait en sorte qu’on n’est pas capables de couvrir les coûts de l’offre de service », indique M. Yelle, qui note que la croissance du prix du carburant fait aussi mal aux finances d’Exo.

En 2020, l’organisme de transport avait réduit en moyenne de 10 % son offre de service dans les couronnes nord et sud de Montréal. Celle-ci a progressivement repris depuis le début de la pandémie, sans toutefois jamais atteindre le niveau de 2019. « Nous avons limité les embauches, réduit le personnel occasionnel et mis en pause certains projets de manière à rationaliser les dépenses », détaille ainsi Exo dans un mémoire déposé dans le cadre des consultations prébudgétaires à Québec.

L’organisme estime ainsi avoir atteint « la limite des économies réalisables sans sabrer […] les services », ajoute le mémoire. Or, les usagers des services d’Exo attendent déjà en moyenne 20 minutes de plus entre chaque passage de bus par rapport aux usagers de la Société de transport de Montréal (STM).

« On parle d’un temps d’attente qui peut être de 20, 30 ou 40 minutes, parfois des fréquences toutes les heures. Donc, réduire l’offre de service quand on a déjà des fréquences comme ça, on risque de tomber dans une spirale où les gens abandonnent le transport collectif », appréhende le directeur général d’Exo.

Une inquiétude que partage le directeur général du Réseau de transport de Longueuil (RTL), Michel Veilleux, qui craint lui aussi de devoir réduire la fréquence sur certaines de ses lignes de bus moins achalandées s’il n’obtient pas un soutien financier additionnel de 8 millions de dollars de la part du gouvernement Legault. Or, « les gens, quand on coupe dans le service, ils quittent le transport en commun pour retourner à l’auto. Et ils sont très difficiles à récupérer », prévient M. Veilleux.

De nouveaux besoins

Actuellement, les bus et les trains d’Exo bénéficient de 75 % de l’achalandage d’avant la pandémie, tandis que le recours à la voiture continue de gagner du terrain en banlieue de Montréal depuis le début de la pandémie.

Pour s’attaquer à ce problème, Sylvain Yelle propose d’améliorer les dessertes locales par bus à l’intérieur des couronnes nord et sud de la métropole, qui ont connu une croissance démographique rapide au cours des dernières années.

Les données d’Exo font d’ailleurs état d’une croissance dans les dernières années des déplacements liés au travail à l’intérieur même des couronnes, tandis que ceux en direction du centre-ville de Montréal ont diminué. L’organisme de transport souhaite ainsi ramener son offre de service à un niveau équivalent à celui d’avant la pandémie, mais dans le cadre d’un réseau de lignes de bus révisé pour répondre aux changements effectués dans les habitudes de déplacements de ses usagers, à l’ère du télétravail.

« On le voit, la demande est forte à l’intérieur même des couronnes. Donc, si on veut aller retrouver l’achalandage, il faut bonifier l’offre de service, en particulier à l’intérieur même des couronnes, avec des dessertes qui ne sont pas réalisées aujourd’hui parce que ce besoin existait moins en 2019 », explique M. Yelle.

En ce sens, Exo réclame une somme de 10 millions de dollars pour l’année 2023 ainsi qu’une somme annuelle de 15 millions par année pendant cinq ans, afin d’amorcer un « rattrapage historique » qui représenterait une croissance de 5 % de son offre de service par année. L’organisation réclame également des fonds additionnels pour faciliter l’implantation de nouvelles dessertes en bus autour de la future gare du Réseau express métropolitain (REM) à Deux-Montagnes ainsi que sur la Rive-Sud dans la région de Montréal.

« On ne veut pas s’asseoir sur le fait qu’on a perdu de l’achalandage. Au contraire, on devrait mettre en place des services qui répondent aux nouveaux besoins de déplacement et aller gagner cet achalandage-là et les revenus qui vont venir avec aussi », estime Sylvain Yelle.

Une situation « préoccupante »

Il n’y a d’ailleurs pas qu’Exo et le RTL qui éprouvent des problèmes financiers. À Montréal, la STM a annoncé mardi dernier un plan de réduction de ses dépenses de 18 millions de dollars afin de faire passer le manque à gagner dans son budget de 78 à 60 millions.

La Société de transport de Laval (STL) appréhende pour sa part que la hausse du coût du carburant et l’indexation des salaires entraînent « une augmentation significative de son budget pour 2024, ce qui pourrait mettre à risque la livraison de son service », indique-t-elle par courriel*.* La STL demande ainsi à Québec d’augmenter « de façon significative » les sommes destinées à l’exploitation du transport collectif dans la province.

« La situation est préoccupante dans l’ensemble des sociétés de transport. Tous les secteurs sont touchés par le problème structurel du financement du transport collectif », constate ainsi la directrice générale de Trajectoire Québec, Sarah V. Doyon.

L’ARTM évalue pour sa part à un demi-milliard le manque à gagner des sociétés de transport de la grande région de Montréal, en 2023.

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