Chiffons, lingettes, bourre de coussins : n’existe-t-il pas d’autres avenues plus prometteuses pour nos vêtements abîmés qui prennent le chemin de l’enfouissement ?
Résumé
Le facteur humain Cul-de-sac éternel pour les vêtements usés ?
PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE
Les débouchés du recyclage textile au Québec sont actuellement très restreints.
Chiffons, lingettes, bourre de coussins : n’existe-t-il pas d’autres avenues plus prometteuses pour nos vêtements abîmés qui prennent le chemin de l’enfouissement ?
Publié à 1h12 Mis à jour à 5h00
« Je me demande quoi faire avec des vêtements défraîchis qu’il serait gênant d’envoyer à la friperie parce qu’ils ont des trous ou sont carrément déchirés, demande une lectrice, Emma Boileau. Doit-on les mettre à la poubelle ou peut-on les récupérer quelque part ? »
Cette question, Marianne Coquelicot-Mercier, conseillère en économie circulaire dans l’industrie textile, l’entend abondamment. « Je fais tout pour ne pas y répondre directement parce que les solutions sont extrêmement limitées », dit-elle.
Il n’y a pas présentement de solution systémique à l’enjeu des volumes excessifs de vêtements postconsommation qui sont en mauvais état et qui ne peuvent pas être réutilisés ou reportés.
Marianne Coquelicot-Mercier, conseillère en économie circulaire
Recyc-Québec confirme que les débouchés du recyclage textile au Québec sont actuellement très restreints. Pourtant, les besoins sont énormes. Les textiles représentent environ 6 % des matières éliminées au Québec, selon les données 2019-2020 de caractérisation de Recyc-Québec. En 2011, ils comptaient pour 3,1 % du total éliminé. De nouvelles données doivent être dévoilées à l’automne.
« Le recyclage de textile en fin de vie implique des défis technologiques et financiers de taille, notamment la séparation et le tri des textiles par catégorie de fibre en vue du recyclage et les débouchés », souligne Moise Alex Docteur, porte-parole de Recyc-Québec.
Le mélange de fibres à l’intérieur d’un même vêtement est l’un des principaux défis du recyclage mécanique du textile, de même que le retrait des points durs comme les fermetures éclair, les boutons et les rivets. C’est pourquoi le recyclage textile effectué au Québec se résume principalement aux tissus postindustriels, comme les fins de lot, qui peuvent être transformés en bourrure ou en tapis.
Des projets en branle
L’avenir n’est pas sombre pour autant. Marianne Coquelicot-Mercier constate un intérêt marqué pour cette question, tant dans les centres de recherche que dans les friperies, ici comme à l’étranger. À Paris, la jeune pousse FabBRICK transforme le textile en jolies briques décoratives, alors que plusieurs entreprises explorent les prometteuses possibilités du recyclage chimique.
Marianne Coquelicot-Mercier collabore notamment avec Recyclo-Centre, une entreprise d’économie sociale de Sorel-Tracy qui a démarré un projet de conditionnement des textiles afin de trouver des débouchés à la grande quantité de vêtements en mauvais état qu’elle reçoit et qui ne peuvent être revendus dans sa friperie. Défibrer les vêtements pour en faire des isolants de bâtiments ou du matériel d’artisanat est l’avenue explorée.
En attendant, que faire de ce jeans tellement usé qu’on n’ose plus le porter ? La poubelle plutôt que le centre de dons, cela semble logique. Or, les points de vue divergent à ce sujet. Sur son site internet, Renaissance demande de ne pas lui apporter de vêtements endommagés. L’application Ça va où ? de Recyc-Québec indique également que les vêtements en mauvais état doivent aller à la poubelle.
PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE
Alexandra Gagné, directrice adjointe de Recyclo-Centre
Alexandra Gagné, directrice adjointe de Recyclo-Centre, n’est pas de cet avis : « Il faut maintenir le discours que les friperies et les ressourceries peuvent accepter tous les dons et que nous sommes habiletés à les trier adéquatement. » Marteler le contraire, poursuit-elle, ferait en sorte que trop de vêtements se retrouveraient aux ordures et qu’il serait probablement très difficile de changer cette habitude lorsqu’une entreprise québécoise sera prête à recueillir ces textiles en fin de vie.
C’est aussi ce que dit Stéphane Lamarche, directeur des magasins Le Chaînon. « On détermine nous-mêmes dans le tri ce qu’on peut revendre et réparer. » En plus de répondre à des demandes provenant de designers ou d’artistes, l’organisme compte inaugurer d’ici la fin de l’année un centre de valorisation où des couturières bénévoles pourront réparer des vêtements légèrement abîmés et où des pièces tachées seront nettoyées.
On a déjà commencé à garder les vêtements qui sont réparables, ceux dont la fermeture éclair est brisée, ceux qui ont des petits trous à repriser ou un bouton manquant.
Stéphane Lamarche, directeur des magasins Le Chaînon
Même si le projet n’est pas encore officiellement lancé, une couturière s’est déjà mise au travail et les vêtements réparés se retrouvent sur les rayons des magasins du Chaînon. Renaissance a aussi lancé un projet similaire.
Au Chaînon, ce qui ne peut être réparé est vendu au poids à un revendeur qui est en mesure de trouver des débouchés, bien que, déplore Stéphane Lamarche, il est difficile de s’assurer que certains vêtements n’échoueront pas dans un dépotoir en Afrique.
Il en va d’ailleurs de même pour les vêtements déposés dans les boîtes de collecte installées dans les boutiques des grandes enseignes comme H & M, Zara et Uniqlo. Même si toutes se targuent d’être en mesure de donner une seconde vie aux vêtements reçus, que ce soit par la réutilisation ou le recyclage, une enquête de la Fondation Changing Markets a montré que certains vêtements de ces marques ont été détruits, perdus ou envoyés en Afrique.
« Les vêtements qui peuvent être portés à nouveau sont vendus comme vêtements d’occasion, tandis que les vieux vêtements et textiles qui ne peuvent être revendus sont réutilisés ou recyclés en nouveaux produits et fibres », a assuré par courriel un porte-parole de H&M.
Mais, avant de penser à recycler, il vaut mieux réduire. Et si ce léger accroc dans votre chemisier pouvait être reprisé ?
La parole aux lecteurs
PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE
En espaçant les renouvellements, il est possible de réduire le nombre de fioles de médicaments, fait valoir une lectrice.
Trois dans une
Étant donné la difficulté à faire réutiliser mes contenants à la pharmacie, j’ai demandé à ce qu’on fasse mes renouvellements pour trois mois. C’est une option peu connue et qui a plus d’un avantage : on réduit le nombre de fioles utilisées, mais aussi les frais et le nombre de visites pour récupérer nos médicaments. Évidemment, cette option est possible pour des médicaments pris sur une longue période et dont le dosage est stable.
Geneviève Côté
Lisez l’article « Allonger la vie des fioles en pharmacie »
Feu vert
« Recyclables », vraiment ?
PHOTO TIRÉE DU SITE DE LPC AVOCATS
Certains sacs identifiés comme étant recyclables ne sont pas acceptés dans les centres de tri au Québec.
Huit grandes enseignes ayant vendu des sacs identifiés comme étant recyclables, alors qu’ils ne sont pas acceptés dans les centres de tri au Québec, devront se défendre devant les tribunaux. Le 22 mai dernier, la Cour supérieure du Québec a autorisé une action collective de 10 millions contre Dollarama, la SAQ, Rona et Metro notamment, qui sont accusées d’écoblanchiment et de fausses déclarations. Le dossier permettra de baliser l’utilisation du terme « recyclable » qui n’est actuellement pas réglementé au Québec.
Lisez les détails de l’action collective
Feu rouge
PHOTO DADO RUVIC, ARCHIVES REUTERS
Des produits toxiques ont été signalés sur des vêtements et accessoires vendus par le géant chinois Shein.
Encore des produits toxiques dans des vêtements Shein
Une enquête de CBC l’avait dénoncé en 2021, de même qu’un rapport de Greenpeace l’année suivante. Mais l’histoire se répète. Des produits toxiques ont été signalés sur des vêtements et accessoires vendus par le géant chinois Shein, dont certains pour enfants. Selon l’AFP, des inspections menées par les autorités de la ville de Séoul, en Corée du Sud, ont montré que certains produits présentaient de hauts niveaux de phtalates, dont des chaussures qui contenaient 428 fois les limites autorisées.