Économie mondiale

Guerre en Ukraine La crise énergétique, « comparable » au choc pétrolier de 1973

PHOTO ADRIANO MACHADO, REUTERS

L’invasion russe en Ukraine a entrainé une explosion des cours du pétrole et du gaz sur la planète, le premier évoluant actuellement largement au-dessus de 120 dollars, pas loin de ses records historiques tandis que le second a franchi des niveaux inédits.

(Paris) La crise énergétique actuelle marquée par une flambée des prix est « comparable en intensité, en brutalité, au choc pétrolier de 1973 », a affirmé mercredi le ministre français de l’Économie Bruno Le Maire, écartant l’hypothèse d’un nouveau « quoiqu’il en coûte ».

Publié à 7h23

Partager

Agence France-Presse

Un deuxième plan massif d’aides publiques, sur le modèle de celui à l’œuvre pendant la crise de la COVID-19, « ne ferait qu’alimenter l’augmentation des prix », a indiqué M. Le Maire en préambule d’une conférence sur l’indépendance énergétique, notamment face à la Russie.

« Cela reviendrait à jeter de l’essence sur un incendie », a estimé Bruno Le Maire au cours de cette conférence qui réunit des responsables politiques, des patrons d’entreprises, des spécialistes de l’énergie et des économistes, prenant exemple sur la stratégie adoptée face au choc pétrolier de 1973.

Les pays occidentaux « avaient engagé une politique budgétaire expansionniste et soutenu massivement la demande » à l’époque, a affirmé Bruno Le Maire.

« En 1973, cette réponse a provoqué le choc inflationniste que vous connaissez, conduit les banques centrales […] à augmenter massivement les taux, ce qui avait tué la croissance », a-t-il dit. « Cela porte un nom : la stagflation. C’est précisément ce que nous ne voulons pas revivre en 2022 », a-t-il estimé, ajoutant que « nous devons être plus inventifs ».

L’invasion russe en Ukraine a entrainé une explosion des cours du pétrole et du gaz sur la planète, le premier évoluant actuellement largement au-dessus de 120 dollars, pas loin de ses records historiques tandis que le second a franchi des niveaux inédits.

L’Europe est actuellement extrêmement dépendante de l’énergie russe et tente de trouver la parade pour les prochains mois, au moment où les cours grimpent et alors que la guerre a complètement rebattu les règles des échanges commerciaux avec Moscou, dans le contexte de sanctions économiques massives.

Les États-Unis et le Royaume-Uni ont annoncé mardi l’interdiction des importations d’hydrocarbures russes, tandis que le Vieux Continent est plus réticent à frapper un secteur qui assure 40 % de ses besoins en gaz naturel et 30 % en pétrole.

« La bonne réponse que nous connaissons, c’est l’indépendance totale », a poursuivi Bruno Le Maire mercredi, en égrenant les pistes françaises et européennes passant notamment par davantage de réserves de gaz pour l’hiver prochain, la diversification des approvisionnements, et la protection des ménages modestes et des entreprises touchées.

Sur le dernier point, le gel des prix du gaz en France qui va être étendu à la totalité de l’année, coûtera « au moins » 10 milliards d’euros, a dit le ministre, tandis que la facture totale du soutien à l’énergie cette année sera d’au moins 20 milliards- « il y a fort à parier qu’elle sera plus élevée ».

« L’État ne peut pas être l’assureur en dernier recours de l’augmentation de tous les prix de l’énergie », a prévenu le ministre.
https://www.lapresse.ca/affaires/economie/2022-03-09/guerre-en-ukraine/la-crise-energetique-comparable-au-choc-petrolier-de-1973.php

Planète économique La nouvelle Chine

PHOTO ANUSHREE FADNAVIS, REUTERS

Travailleurs près de conteneurs empilés devant le Fort rouge de Delhi, en Inde

Au cours des deux dernières décennies, l’économie indienne a fait un bond prodigieux. Le pays est parti de loin et il est en train de devenir la nouvelle Chine.

Publié à 0h43 Mis à jour à 8h00

Partager


Hélène Baril
Hélène Baril La Presse

Sur le plan démographique, c’est déjà fait. La population indienne a dépassé celle de la Chine en avril dernier, selon le décompte de l’Organisation des Nations unies (ONU).

Sur le front économique, l’Inde avance très rapidement. L’économie indienne est celle qui a affiché le plus fort taux de croissance économique au monde l’an dernier, soit 6,7 %.

Ce devrait être la même chose cette année. Le produit intérieur brut indien est en hausse de 7,8 % au premier trimestre, en route pour une autre performance supérieure à celle du reste de la planète.

Pendant ce temps, la croissance chinoise ralentit et pourrait même baisser sous les 5 % en 2024. La population chinoise vieillit alors que 65 % des 1,5 milliard d’Indiens ont moins de 35 ans.

À ce rythme, l’Inde deviendra la troisième économie mondiale en 2028, selon le Fonds monétaire international, derrière les États-Unis et la Chine.

Une économie à deux vitesses

La démographie est un puissant moteur économique, mais elle n’explique pas tout. Le pays a fait d’énormes avancées en matière d’infrastructures publiques, d’éducation et de réduction de la pauvreté.

Parfois, il faut commencer par le commencement. Un des principaux objectifs du gouvernement actuel de Narendra Modi était de donner l’accès à des toilettes à toute la population. Le premier ministre a déclaré mission accomplie en 2019, après que 110 millions de toilettes eurent été construites à travers le pays.

Aujourd’hui, 99 % de la population a accès à l’électricité, après des investissements importants dans les régions rurales.

La pauvreté est loin d’avoir été éradiquée. Elle a diminué de façon importante depuis 15 ans, selon les indicateurs de l’ONU, mais l’économie fonctionne à deux vitesses. Il y a un monde de différences entre la campagne et la ville, où la population en âge de travailler est jeune, plus instruite que jamais et entrée de plain-pied dans le monde numérique. Elle maîtrise aussi la langue de la mondialisation : l’anglais. Il n’en faut pas plus pour attirer l’attention – et les investissements – des pays qui veulent réduire leur dépendance à la Chine.

Même le Canada s’est découvert assez récemment un intérêt nouveau pour l’Inde et a voulu en faire le pivot de sa stratégie indopacifique, dont l’objectif non officiel est de contourner la Chine.

Cette stratégie a du plomb dans l’aile depuis que le premier ministre canadien a accusé le gouvernement indien d’avoir commandité le meurtre d’un ressortissant indien sur le sol canadien.

À court terme, le conflit n’aura pas d’impact important sur l’économie canadienne. Les échanges commerciaux entre les deux pays ne sont pas énormes : un peu plus de 8 milliards de dollars actuellement, soit des exportations canadiennes de 4 milliards et des importations de l’Inde vers le Canada aussi de 4 milliards.

Ce sont les caisses de retraite canadiennes qui s’intéressent à l’Inde depuis le plus longtemps. La Caisse de dépôt et placement du Québec y a fait un investissement important et malheureux dans Azure Power, un producteur d’énergie renouvelable.

L’investissement étranger a connu une croissance spectaculaire au cours des 20 dernières années, mais la part du Canada reste marginale, à 0,5 % du total.

Le pays séduit de plus en plus de multinationales comme Apple, qui a commencé à y transférer sa production mondiale d’iPhone. Hors du secteur informatique, déjà bien développé en Inde, l’intérêt des entreprises est croissant.

Le secteur manufacturier est encore relativement peu développé en Inde. Il représente 18 % de l’économie, contre 54 % pour le secteur des services. Les activités de fabrication ont toutefois de la place pour croître, grâce au bassin de main-d’œuvre important, appelé à grossir encore avec l’inclusion des femmes sur le marché du travail.

Il ne faut pas s’étonner que les pays amis du Canada veuillent rester à l’écart du conflit politique qui vient d’éclater. Si l’Inde devient la prochaine usine du monde, il vaut mieux ne pas s’en fermer la porte à l’avance.