La Ville de Québec veut se densifier
80 000 nouveaux logements à construire d’ici 2040 à Québec
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La Ville d’Ottawa est d’ailleurs en train de mettre à jour son plan à long terme pour le logement et les sans-abri. (Photo d’archives)
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Louise Boisvert
Publié hier à 10 h 09 HAE
Mis à jour hier à 15 h 32 HAE
L’administration Marchand accélère le pas et souhaite doubler les mises en chantier pour répondre à la demande, à raison de 5000 nouvelles unités par année. Elle compte investir 605 millions de dollars au cours des trois prochaines années seulement.
C’est une vaste offensive que lance la Ville de Québec en proposant un changement de posture en matière d’habitation. La pénurie de logements, l’augmentation des loyers et la chute des mises en chantier compromettent l’équilibre dans le marché.
La Ville prévoit également une grande migration au cours des années à venir avec l’arrivée d’immigrants, de travailleurs temporaires et de réfugiés. Le statu quo est impossible, fait valoir le maire de Québec, Bruno Marchand.

Dans son plan pour atténuer la crise du logements, la Ville de Québec se donne pour cible de construire 500 logements sociaux et abordables par année.
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La Ville va créer des initiatives pour favoriser les investissements dans la construction de logement, tous types confondus. Le directeur de section au service de la planification, de l’aménagement et de l’environnement, Alexandre Armstrong, promet de réduire les contraintes et de créer des incitatifs pour encourager les projets. La Ville ne veut plus laisser le marché dicter l’offre en logement, explique-t-il.
Nous sommes en crise, on va trouver des solutions pour la crise avec des cibles ambitieuses
Une citation de Bruno Marchand, maire de Québec
La Ville va agir sur tous les fronts en proposant vingt mesures… Les permis seront délivrés dans un processus plus simple et les zonages pourront être ajustés afin de permettre plus de densification. La Ville entend également taxer les terrains vacants et les grands stationnements. Elle va abolir l’exigence minimale de stationnement pour les projets de construction, particulièrement le long des axes desservis par le transport en commun.
Elle va permettre de la densification douce en autorisant la construction de minimaisons ou l’ajout d’un deuxième logement, par exemple par la conversion d’un garage ou d’un sous-sol. Elle va également modifier certaines dispositions de son programme Accès Famille de façon à permettre l’achat d’une première maison qui ne soit pas nécessairement une construction neuve.

Au cours de la dernière année, 80 % des municipalités ont été contraintes de reporter des projets, principalement en raison du coût élevé des soumissions.
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Elle souhaite également restreindre l’hébergement touristique en limitant le nombre de zones où ce sera permis.
Le maire de Québec fait une mise en garde aux promoteurs. La Ville de Québec a besoin de logements, mais elle n’acceptera pas tout à n’importe quel prix. Ce ne sera pas un buffetall you can eat, prévient-il. Si vous construisez du logement, on ne va pas vous dire dire oui, peu importe votre proposition, peu importe que ce ne soit pas de la qualité, peu importe que ce soit dans un boisé ou un milieu humide. Ce n’est pas cela qu’on vous dit.
Cible maintenue
Pour ce qui est du logement social et abordable, la Ville veut étendre le territoire pour exercer son droit de préemption et acquérir des terrains pour de nouveaux projets. Elle souhaite retirer du marché spéculatif 50 logements par année. L’objectif ici est de s’assurer que les logements abordables le demeurent en évitant les rénovictions.
La cible de construire 500 logements sociaux et abordables par année est maintenu. La Ville souhaite que 20 % des nouveaux logements servent à aider les clientèles particulières comme les itinérants, les jeunes ou les personnes handicapées.

L’administration Marchand a présenté sa Vision de l’habitation en vue d’une sortie de crise du logement.
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Pour y arriver, la Ville demande à la Société d’habitation du Québec de la désigner comme mandataire des projets sur son territoire pour mieux coordonner l’offre et la demande. Dans la dernière année, 10 projets de logements abordables qui ont été soumis à la deuxième mouture du programme habitation abordable Québec (PHAQ) ont reçu le soutien de la Ville de Québec.
Pour la première fois, un moratoire a été instauré, à la grandeur du territoire municipal, pour empêcher les conversions de logements en condos. Le taux d’inoccupation est sous la barre des 3 % partout sur le territoire de la Ville de Québec.
Financement
La Ville devra compter sur l’appui financier de ses partenaires. Elle prévoit investir 605 millions de dollars au cours des trois prochaines années et demande l’aide du gouvernement provincial pour payer 50 % de la facture. Ce montant sera essentiellement consacré au logement social et abordable. La mise à jour économique promise à l’automne par le ministre des Finances, Éric Girard, devrait donner un signal de l’intérêt du gouvernement à participer au plan d’action de l’administration Marchand.
La Ville souhaite également recevoir un coup de pouce d’Ottawa. Des projets totalisant 110 millions de dollars ont été soumis au Fonds pour accélérer la construction de logements.

Redevance menacée ?
Le maire Marchand reconnaît du bout des lèvres que la redevance qu’il souhaite imposer aux promoteurs immobiliers sur les futures constructions le long du tracé du tramway doit tenir compte du marché de la construction qui tourne au ralenti. Il confirme que la Ville est à revoir, en discutant avec les promoteurs, comment cette redevance peut être prélevée. Nos actuaires sont en train de calculer la bonne voie de passage, quels seraient les effets, comment on fait pour diminuer les effets.
Bruno Marchand souhaite toujours l’imposer pour tirer des profits qui serviront à payer la part de la Ville de Québec dans le projet. Il ajoute : On ne va pas se tirer dans le pied.
L’institut de développement urbain (IDU) fait partie des discussions. Sa PDG, l’ancienne députée libérale, Isabelle Melançon, milite pour que la Ville de Québec renonce à la redevance. Elle rappelle que les mises en chantier ont chuté de 50 % depuis le début de l’année au Québec et que les projets immobiliers coûtent 30 % plus cher qu’il y a trois ans. Elle estime que l’objectif de construire 80 000 logements en 16 ans est réaliste, si les conditions sont gagnantes pour les promoteurs. On dit aux instances municipales : attention les redevances, ça n’aide pas les promoteurs actuellement, ça n’accélère en rien la sortie de terre des projets.

Isabelle Melançon est la présidente- directrice générale de l’Institut de développement urbain (IDU).
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L’opposition officielle à l’hôtel de ville de Québec abonde dans le même sens. Le chef, Claude Villeneuve, estime que les objectifs du maire s’entrechoquent. La solution à la crise du logement ne peut pas se résorber si la Ville ajoute une taxe aux promoteurs immobiliers qui font partie de la solution.
Il souligne qu’il y a trois ans, lors des audiences du BAPE pour le projet de tramway, la Ville avait signifié qu’une redevance allait nuire au développement. Toute redevance impliquerait un impact à la hausse sur les prix qui risquerait d’être refilée aux consommateurs, est-il écrit.