Art autochtone

Discussion et actualités sur l’art autochtones


L’art autochtone est vaste, ancien et encore trop méconnu, voici un fil pour le mettre en valeur et nous permettre d’en apprécier les beautés et le génie créateur.

Résumé

Les décorations de piquants de porc-épic, une histoire de famille pour Christine Toulouse

Christine Toulouse tient une oeuvre.

Christine Toulouse tient une décoration de piquants de porc-épic.

Photo : Radio-Canada / CBC

Radio-Canada

Publié hier à 21 h 47 HAE

Pour Christine Toulouse, les décorations de piquants de porc-épic sont plus qu’une question d’art.

Elle se souvient qu’elle tenait une tasse de thé lorsque sa mère et sa grand-mère lui ont enseigné pour la première fois comment retirer les piquants d’un porc-épic.

Elles étaient assises sur le porche de la maison de sa mère, dans la Première Nation de Sagamok Anishnawbek, dans le Nord de l’Ontario. Mme Toulouse les observait tandis qu’elles retiraient habilement les piquants sans arracher la peau de l’animal mort.

Ma grand-mère et ma mère, surtout ma mère, étaient très enthousiastes à l’idée de me l’enseigner.

Elle était déjà adulte à ce moment-là. Elle a demandé, de son propre chef, à sa famille d’apprendre comment pratiquer cet art traditionnel autochtone, qui consiste à tisser des piquants de porc-épic à travers de l’écorce de bouleau, au cours de l’été de 2016.

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À l’époque, elle souffrait de maux de dos chroniques.

Puis, elle a appris que sa mère avait reçu un diagnostic de cancer du côlon.

Elle a décidé de quitter Ottawa, où elle habitait alors, afin de retourner dans sa Première Nation natale et prendre soin de sa mère.

Sa grand-mère, elle, a toujours créé des décorations en piquants de porc-épic. Elle les vendait un peu partout en Amérique du Nord.

Un portrait de Christine et Ida.

Christine Toulouse et sa grand-mère Ida, sur la rive du lac Huron.

Photo : offerte par Christine Toulouse

L’idée d’apprendre est donc venue naturellement.

J’ai décidé que c’était ce dont j’avais vraiment besoin dans ma vie. J’ai dû passer beaucoup de temps à l’intérieur pour m’occuper de ma mère. J’avais besoin de quelque chose qui nourrisse mon âme et me relie à la communauté, explique Mme Toulouse.

Christine Toulouse tire un piquant de porc-épic à travers de l’écorce de bouleau, démontrant l’art traditionnel.

Photo : Radio-Canada / Francis Ferland/CBC

L’art de la décoration de piquants de porc-épic se transmet d’une génération à l’autre depuis des centaines d’années, selon Naomi Recollet. L’archiviste de la Fondation culturelle ojibwée a elle-même appris grâce à sa propre grand-mère, à ses tantes et à ses oncles.

Il y a beaucoup d’efforts collectifs de la part de la communauté pour recueillir les matériaux eux-mêmes, et je pense que c’est l’un des aspects que je préfère.

L’écorce de bouleau est récoltée pendant la saison des fraises. Les piquants sont récoltés tout au long de l’année. Les artistes teignent souvent les piquants de différentes couleurs avant de les broder pour créer différents motifs.

Une boîte décorée.

Une boîte décorée de piquants de porc epic faite par la grand-mère de Christine, Ida.

Photo : offerte par Christine Toulouse

Après avoir passé l’été à teindre des piquants, à récolter de l’écorce et à vendre ses premières œuvres, Mme Toulouse est retournée à Ottawa pour trouver du travail. Elle n’a pas rouvert sa boîte de matériel de décoration de piquants de porc-épic pendant six ans.

Pendant cette période, sa mère a subi des traitements de chimiothérapie et des interventions chirurgicales dans sa lutte contre le cancer. Elle est décédée à l’automne 2019.

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Alors que Mme Toulouse faisait le deuil de sa mère, elle a ressorti le matériel stocké dans son placard.

Tout ce qu’elle avait touché, je voulais […] en faire quelque chose de beau et de tangible. Et c’est ce que j’ai fait.

Mme Toulouse explique qu’elle a apppris la décoration de piquants de porc-épic dans un contexte où elle espérait voir sa mère guérir. Puis, c’est devenu un outil de deuil. Ensuite, elle a pu en vivre : elle vend ses œuvres lors d’événements.

Aujourd’hui, elle l’enseigne : elle organise des ateliers communautaires, qui se sont développés grâce à une subvention du Conseil des arts de l’Ontario pour enseigner aux jeunes autochtones.

Mme Toulouse reconnaît que c’est sa grand-mère Ida, décédée l’année dernière, qui lui a donné la confiance nécessaire pour enseigner.

J’ai l’impression que [la décoration de piquants de porc-épic] m’a été donnée pour que je la transmette, et j’ai heureusement reçu ces connaissances de ma famille et de ma grand-mère.

Avec les informations de Wafa El-Rayes de CBC

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Depuis des temps immémoriaux, les Ojibwés – et particulièrement les femmes – fabriquent des boîtes en utilisant du foin d’odeur et des épines de porc-épic. Si certains estiment que cet art se perd, d’autres préfèrent dire qu’il se transforme secrètement.

Résumé

L’épreuve du temps pour l’art des boîtes en épines de porc-épic

Des boîtes en épines de porc-épic qui représentent un aigle ou encore des chevreuils.

À l’Ojibwe Cultural Foundation, de nombreuses boîtes sont aussi exposées.

Photo : Radio-Canada / Delphine Jung

Publié à 4 h 00 HAE

Depuis des temps immémoriaux, les Ojibwés – et particulièrement les femmes – fabriquent des boîtes en utilisant du foin d’odeur et des épines de porc-épic. Si certains estiment que cet art se perd, d’autres préfèrent dire qu’il se transforme secrètement.

Lillian Debassige conserve précieusement ses boîtes sous verre, dans son musée qui jouxte sa boutique d’art autochtone, à M’Chigeeg, sur l’île Manitoulin, en Ontario.

Tous ceux qui voudraient en acheter se font répondre : Non, celles-ci ne sont pas à vendre. En entrevue, Lillian Debassige, originaire de la communauté voisine, Wikwemikong, dira qu’elle a du mal à se séparer de ces boîtes [faites en épines de porc-épic], c’est [sa] faiblesse.

Des boîtes dans une vitrine.

Les boîtes présentées dans le musée de Lillian Debassige ne sont pas à vendre.

Photo : Radio-Canada / Delphine Jung

En effet, cet art demande patience et doigté.

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Des épines à la boîte, un long processus

D’abord, il faut cueillir le foin d’odeur, puis le faire sécher, ce qui ne se fait qu’à la fin de l’été ou au début de l’automne. Il servira de scellant au couvercle de la boîte. Ensuite, il faut récolter de l’écorce de bouleau.

Il faut aussi trouver des épines de porc-épic. En plus de demander de la patience, ce processus requiert de la chance, car la grande majorité du temps, les artistes autochtones prélèvent les épines sur les porcs-épics retrouvés morts en bord de route, frappés par des véhicules.

Un tas d'épines de porc-épic.

Il est long de récolter les épines d’un porc-épic.

Photo : Radio-Canada / Delphine Jung

Pourquoi ne pas les chasser? Il y en a assez qui sont frappés par des voitures. Ce n’est pas nécessaire, précise Shaelynn Recollet, une artiste ojibwée de 26 ans. Comme ça, ils ne sont pas morts pour rien.

On remercie l’animal, puis on prélève les épines qu’on trie par la suite en fonction de leur taille, explique la jeune femme qui travaille pour l’Ojibwe Cultural Foundation à M’Chigeeg comme conservatrice débutante.

Elle connaît l’art de ces boîtes sur le bout des doigts. Le talent aussi, elle l’a sur le bout des doigts.

  • Gros plan sur une écorce de boulot sur laquelle une femme plante une aiguille.

  • Il faut d’abord piquer l’écorce de bouleau avant d’y insérer les épines de porc-épic

Photo : Radio-Canada / Delphine Jung

  • Gros plan sur une femme qui tire avec une pince à épiler une épine

  • Ensuite, on tire chaque épince avec l’aide d’une pince.

Photo : Radio-Canada / Delphine Jung

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Il faut d’abord piquer l’écorce de bouleau avant d’y insérer les épines de porc-épic

Photo : Radio-Canada / Delphine Jung

Il faut d’abord piquer l’écorce de bouleau avant d’y insérer les épines de porc-épic

Photo : Radio-Canada / Delphine Jung

Après avoir récolté tous les matériaux nécessaires, il faut encore faire preuve de patience avant de confectionner la boîte. Il faut ramollir les épines en les laissant tremper dans l’eau.

Elles sont parfois aussi teintées. Avant, on utilisait beaucoup les plantes, les baies ou encore les racines pour teindre les épines. C’était une véritable science, raconte Mme Recollet. Aujourd’hui, les artistes utilisent des colorants artificiels, mais la jeune femme assure que certains tentent de revenir aux sources en utilisant des colorants naturels.

Shaelynn Recollet appuyée sur une colonne de bois.

Shaelynn Recollet fabrique des objets avec des épines de porc-épic.

Photo : Radio-Canada / Delphine Jung

Ce n’est qu’une fois que la couleur a bien pris que l’artiste se munit d’une aiguille, fait un petit trou dans l’écorce et y enfonce, une à une, les épines. Un travail fastidieux.

L’histoire des boîtes en épines de porc-épic

Shaelynn Recollet explique que ces boîtes avaient comme première fonction le stockage d’aliments. En effet, l’écorce de bouleau empêche l’humidité d’entrer et donc la nourriture de moisir. Le foin d’odeur qui fait la jonction entre la boîte et le couvercle permet aussi d’empêcher les insectes d’entrer.

Beaucoup de femmes en fabriquaient, mais aussi des hommes. Lorsque le commerce avec les non-Autochtones battait son plein, ces boîtes étaient échangées contre pas grand-chose, dit Shaelynn. Mais petit à petit, le prix a augmenté, ajoute-t-elle.

Les motifs qui ont par la suite été réalisés sur les boîtes sont plus des ornements. Ils représentent souvent le clan de l’artiste, des fleurs ou encore des motifs géométriques.

Les tailles des boîtes sont très variables. Dans le musée de Lillian Debassige, par exemple, il y en a une énorme qui frappe l’œil.

Elle fait au moins 40 centimètres de long et une bonne vingtaine de haut. Ce sont deux femmes qui l’ont réalisée, et ça leur a pris deux ans, précise-t-elle fièrement. Inutile de lui demander combien ce modèle se vendrait : probablement très cher.

Lillian Debassige.

Lillian Debassige tient une boutique et un musée dans la communauté de M’Chigeeg, sur l’île Manitoulin.

Photo : Radio-Canada / Delphine Jung

Elle en vend de plus petites, mais dans le coin boutique, entre 200 et 250 $ l’unité. Les heures passées à leur fabrication justifient le prix, qui dépend de la complexité du motif en plus de la taille de la boîte.

Un art qui se meurt?

Lillian et Shaelynn ne partagent pas le même avis sur la situation actuelle de cet art.

Pour Lillian, il est en voie de disparition.

Aujourd’hui, les gens ont d’autres emplois, plus payants, dit Mme Debassige. Dans son musée, elle a apposé une photo et une petite biographie de chaque artiste à côté de ses créations. La très grande majorité d’entre eux est décédée.

Le haut d'une boîte avec un colibri et des fleurs en 3D.

Certaines boîtes comportent même des éléments en 3D sur le couvercle, eux aussi réalisés avec des épines de porc-épic.

Photo : Radio-Canada / Delphine Jung

Pour Shaelynn et sa sœur Naomi, qui travaille aussi à l’Ojibwe Cultural Foundation, cet art se fait plutôt dans le secret, est moins exubérant et se diversifie.

Shaelynn, par exemple, confectionne en ce moment une ceinture en écorce de bouleau, parsemée de motifs réalisés en épines de porc-épic.

C’est blessant de dire que cet art est en train de mourir. Certes, il n’y a plus beaucoup de gens qui en font, mais il y a toujours des jeunes qui reprennent cet art traditionnel. Je pense que ce que Lillian mentionnait, c’est que personne ne fait ces motifs extravagants, croit Shaelynn, qui se dit fière de poursuivre cette tradition.

  • Le dessus d'une boîte sur lequel un aigle est représenté.

  • Plus le motif est complexe, plus la boîte sera longue à réaliser.

Photo : Radio-Canada / Delphine Jung

  • Le contour d'une boîte sur laquelle on distingue des formes géométriques.

  • Certains artistes réalisent des motifs géométriques avec les épines.

Photo : Radio-Canada / Delphine Jung

  • Une vue du côté d'une boîte.

  • Les épines doivent d’abord être trempées dans l’eau pour qu’elles ramollissent.

Photo : Radio-Canada / Delphine Jung

  • Une boîte en écorce de boulot, foin d'odeur et épines de porc épique.

  • Cette boîte abimée est l’un des rares modèles dans le musée de Lillian que les gens peuvent prendre en main.

Photo : Radio-Canada / Delphine Jung

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Cette boîte abimée est l’un des rares modèles dans le musée de Lillian que les gens peuvent prendre en main.

Photo : Radio-Canada / Delphine Jung

Plus le motif est complexe, plus la boîte sera longue à réaliser.

Photo : Radio-Canada / Delphine Jung

Comme tous les arts autochtones, il y a moins d’intérêt, mais je ne dirais pas que c’est un art qui se meurt. Il est vivant, mais plus isolé. On le fait aussi différemment et il n’y a rien de mal à ça, ajoute de son côté Naomi Recollet.

Shaelynn rappelle aussi que d’autres artistes, plus âgées qu’elle, sont encore bel et bien en vie et continuent de transmettre ce savoir.

C’est le cas de Veda Trudeau ou encore de Mina Toulouse, deux aînées autochtones. C’est d’ailleurs Veda qui a appris à Shaelynn tout ce qu’elle sait aujourd’hui de cet art.

Naomi Recollet.

Naomi Recollet ne croit pas que cet art est en train de mourir.

Photo : Radio-Canada / Delphine Jung

Je traversais une période difficile et dans mon processus de guérison cet atelier m’a aidée. Apprendre de Veda voulait dire beaucoup pour moi, j’avais trouvé un but. Quand j’en fais aujourd’hui, ça me rappelle l’amour que Veda m’a donné et que je me suis donné, se souvient la jeune femme.

[Dire que cet art est en train de disparaître] fait mal aux gens qui nous ont transmis leurs savoirs et qui sont encore en vie, ajoute Naomi.

Un sous-plat fait avec du foin d'odeur, du bouleau et des épines de porc-épic.

Aujourd’hui, les artistes ne fabriquent pas seulement des boîtes, mais aussi des sous-plats.

Photo : Radio-Canada / Delphine Jung

Lorsque ses doigts filent sur l’écorce, Shaelynn raconte se connecter avec mère Nature, car tout ce qu’elle utilise pour fabriquer les boîtes ou autres objets vient d’elle. C’est aussi une activité qu’elle trouve très méditative.

Les boîtes en porc-épic résistent encore à l’épreuve du temps, grâce à la mise sous cloche des plus beaux exemplaires chez Lillian et dans d’autres musées, mais aussi grâce au talent d’une plus jeune génération.

Un nouveau défi pointe toutefois le bout de son nez : les changements climatiques sont en train d’affecter les matériaux de base de cet art. La pollution de l’air, par exemple, nuit à la croissance des bouleaux et à la qualité de leur écorce, note Shaelynn Recollet.

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