Résumé
Trump + crypto = corruption ?
PHOTO ALTAF QADRI, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS
Eric Trump (à droite) lors d’une convention sur la cryptomonnaie, à Dubaï. À ses côtés : Zach Witkoff (au centre) un des cofondateurs de la World Liberty Financial, et Justin Sun (à gauche), fondateur de Tron.
(New York) Par où commencer dans l’énumération des conflits d’intérêts vertigineux qui découlent du rôle de Donald Trump dans l’industrie de la cryptomonnaie ? Allons-y d’abord par celui qui devrait valoir au président républicain une troisième procédure de destitution, selon au moins un sénateur démocrate.
Publié à 6 h 00

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Richard Hétu Collaboration spéciale
](La Presse | Richard Hétu)
Le 23 avril dernier, les promoteurs de $TRUMP, le meme coin de Donald Trump, ont annoncé que les 220 plus grands détenteurs du jeton seront récompensés ce mois-ci par une invitation à un dîner « privé » avec le président à son club de golf de Virginie. Les 25 plus grands acheteurs, eux, auront droit en plus à une visite guidée de la Maison-Blanche.
Dans les heures suivantes, des acheteurs anonymes ont acquis des dizaines de millions de dollars de ces pièces de mème sans valeur intrinsèque lancées par Donald Trump deux jours avant sa seconde investiture.
Point crucial : le président et sa famille détiennent une majorité des jetons en circulation, dont la valeur fluctue selon les circonstances. Ils perçoivent en outre une commission chaque fois qu’un $TRUMP est échangé, une manne qui s’est élevée à près de 100 millions de dollars dans les semaines qui ont suivi le lancement de cette pièce.
Ainsi donc, l’invitation du 23 avril, qui a fait bondir la valeur du $TRUMP, a enrichi Donald Trump et sa famille non seulement sur papier, mais également en argent liquide.
« L’escroquerie des pièces de mème de Trump est la chose la plus effrontément corrompue qu’un président n’ait jamais faite. Il n’y a rien qui s’en approche », s’est indigné le sénateur démocrate Chris Murphy sur X le 23 avril.
Son collègue démocrate de Géorgie Jon Ossoff a prononcé le mot en « I » (impeachment) deux jours plus tard, en dénonçant le stratagème de Donald Trump, ex-pourfendeur des cryptomonnaies.
« Il accorde des audiences aux personnes qui achètent les pièces de mème qui l’enrichissent directement, a-t-il dit lors d’une assemblée publique. Il ne fait aucun doute que la conduite de ce président a déjà dépassé toute norme antérieure de mise en accusation [impeachment]. »
Une entente de 2 milliards de dollars à Dubaï
Est-ce vraiment le cas en ce qui a trait à l’invitation du 23 avril ?
« C’est discutable », répond Richard Painter, professeur de droit à l’Université du Minnesota et ancien responsable des questions d’éthique à la Maison-Blanche sous George W. Bush. « Car nous ne savons pas avec certitude si l’argent d’un gouvernement étranger ou d’un fonds souverain se déverse dans cette entreprise de cryptomonnaie. Mais certains éléments indiquent que c’est peut-être le cas. »
Et si le président reçoit des bénéfices et des avantages de la part d’un gouvernement étranger, il s’agirait d’une violation de la clause des émoluments [de la Constitution des États-Unis].
Richard Painter, professeur de droit à l’Université du Minnesota
La violation est flagrante dans un autre cas. Il s’agit de la nouvelle entente annoncée jeudi dernier à Dubaï par la World Liberty Financial, l’entreprise de cryptomonnaie de la famille Trump créée en septembre dernier. Cette entente conjugue des « conflits d’intérêts sans précédent dans l’histoire moderne des États-Unis », selon le New York Times.
En vertu du pacte, MGX, le fonds souverain des Émirats arabes unis, utilisera le USD1, cryptomonnaie gérée par l’entreprise de la famille Trump et indexée au dollar américain, pour investir 2 milliards de dollars dans Binance, première Bourse de cryptomonnaies au monde.
Le fondateur et actionnaire principal de Binance a ses propres raisons de vouloir contribuer à l’enrichissement de Donald Trump. En 2023, Changpeng Zhao a plaidé coupable d’avoir violé les lois américaines contre le blanchiment d’argent et d’avoir permis à des criminels d’effectuer des transactions sur sa plateforme. Après avoir purgé quatre mois de prison, il est à la recherche d’une grâce présidentielle.
Les Émirats arabes unis ont également intérêt à gagner les faveurs de Donald Trump, ne serait-ce qu’à titre de partenaire commercial des États-Unis. La semaine dernière, le pays a été le théâtre d’une autre annonce d’importance, à savoir la construction de la Trump International Tower & Hotel, édifice de 80 étages à Dubaï.
Eric et Donald Trump Jr. étaient eux-mêmes à Dubaï aux côtés d’un des cofondateurs de la World Liberty Financial, Zack Witkoff, lors de l’annonce de l’investissement du fonds souverain émirati.
Zack Witkoff est le fils de Steve Witkoff, ami milliardaire de Donald Trump et émissaire spécial du président au Moyen-Orient, où d’autres monarchies pourraient s’inspirer des Émirats arabes unis.
De Hunter à Don Jr. et Eric
À quel moment les mots « conflits d’intérêts » deviennent-ils inadéquats pour décrire les affaires de l’entreprise de cryptomonnaie de Donald Trump, qui ont fait croître de 40 % la valeur des avoirs de sa famille, soit 2,9 milliards de dollars, au cours des six derniers mois, selon une analyse à laquelle Richard Painter a participé1 ?
Avant de répondre à cette question, un détail : l’entrepreneur chinois Justin Sun a vu l’Autorité des marchés financiers américaine (SEC) suspendre les poursuites contre ses sociétés de cryptomonnaie après son acquisition de 75 millions de dollars de $WLFI, autre jeton de l’entreprise de la famille Trump.
Je pense qu’on en est arrivé à un point où beaucoup de gens pensent qu’il s’agit de corruption. Le public est prêt à en tolérer une certaine quantité. Mais il y a une limite. Les gens en ont assez, et cela commence à se voir dans les sondages.
Richard Painter, professeur de droit à l’Université du Minnesota
Le professeur de droit tient également à critiquer la corruption pendant la vice-présidence et la présidence de Joe Biden. Or, contrairement aux républicains de la Chambre des représentants, il ne croit pas que le prédécesseur de Donald Trump ait été impliqué dans les affaires financières de son fils Hunter. Et il considère que Donald Trump et sa famille sont dans une classe à part.
« Si Hunter a été autorisé à faire des choses qu’il n’aurait pas dû faire pendant la vice-présidence de Biden, nous avons maintenant plusieurs des enfants de Trump qui font énormément plus d’argent pendant la présidence de Donald Trump. Pendant la présidence de Joe Biden, Hunter a vendu des tableaux pour quelque centaines de milliers de dollars, comparativement à Donald Jr. et Eric Trump qui visent vraiment le gros lot. Nous parlons ici de milliards de dollars que Donald Trump a pu lui-même gagner rien qu’avec la cryptomonnaie. »
1. Lisez le rapport de la State Democracy Defenders Action (en anglais)
Le silence des républicains
En septembre 2023, les républicains de la Chambre des représentants ont ouvert une enquête en destitution contre Joe Biden, le soupçonnant de corruption en lien avec des affaires à l’étranger de son fils Hunter et de ses associés totalisant 20 millions de dollars. Ils n’ont jamais réussi à prouver leurs allégations.
Comment réagissent-ils aux affaires suspectes ou corrompues de Donald Trump et de ses fils aux États-Unis et à l’étranger qui se déroulent en plein jour et qui impliquent des sommes colossales ? En ne pipant pas mot, à une ou deux exceptions près.
« C’est de mon président qu’il s’agit, mais je dois dire que cela me donne à réfléchir », a déclaré la sénatrice républicaine du Wyoming Cynthia Lummis en parlant de l’invitation du 23 avril aux plus gros acheteurs du $TRUMP.
« Je ne pense pas qu’il soit approprié pour moi de faire payer les gens pour qu’ils viennent dans la capitale et fassent une visite guidée », a déclaré de son côté la sénatrice républicaine d’Alaska Lisa Murkowski à NBC News.
Pendant ce temps, deux membres démocrates de la commission bancaire du Sénat ont réclamé une enquête sur l’invitation du 23 avril. « Cette dernière action soulève de graves préoccupations éthiques et juridiques, y compris le risque sérieux que le président Trump et d’autres responsables se livrent à la corruption “pay to play” en vendant l’accès présidentiel à des individus ou à des entités, y compris des ressortissants étrangers et des acteurs corporatifs ayant des intérêts directs dans l’action fédérale, tout en enrichissant personnellement le président et sa famille », ont écrit Elizabeth Warren et Adam Schiff dans une lettre.
Trump + crypto = corruption ?
Le silence des républicains
En septembre 2023, les républicains de la Chambre des représentants ont ouvert une enquête en destitution contre Joe Biden, le soupçonnant de corruption en lien avec des affaires à l’étranger de son fils Hunter et de ses associés totalisant 20 millions de dollars. Ils n’ont jamais réussi à prouver leurs allégations.
Comment réagissent-ils aux affaires suspectes ou corrompues de Donald Trump et de ses fils aux États-Unis et à l’étranger qui se déroulent en plein jour et qui impliquent des sommes colossales ? En ne pipant pas mot, à une ou deux exceptions près.
« C’est de mon président qu’il s’agit, mais je dois dire que cela me donne à réfléchir », a déclaré la sénatrice républicaine du Wyoming Cynthia Lummis en parlant de l’invitation du 23 avril aux plus gros acheteurs du $TRUMP.
« Je ne pense pas qu’il soit approprié pour moi de faire payer les gens pour qu’ils viennent dans la capitale et fassent une visite guidée », a déclaré de son côté la sénatrice républicaine d’Alaska Lisa Murkowski à NBC News.
Pendant ce temps, deux membres démocrates de la commission bancaire du Sénat ont réclamé une enquête sur l’invitation du 23 avril. « Cette dernière action soulève de graves préoccupations éthiques et juridiques, y compris le risque sérieux que le président Trump et d’autres responsables se livrent à la corruption “pay to play” en vendant l’accès présidentiel à des individus ou à des entités, y compris des ressortissants étrangers et des acteurs corporatifs ayant des intérêts directs dans l’action fédérale, tout en enrichissant personnellement le président et sa famille », ont écrit Elizabeth Warren et Adam Schiff dans une lettre.
Résumé
Indécence et oligarchie
PHOTO JULIA DEMAREE NIKHINSON, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS
Mark Zuckerberg, Jeff Bezos, Sundar Pichai et Elon Musk lors de l’investiture de Donald Trump à Washington, le 20 janvier dernier
[
Boucar Diouf Collaboration spéciale
](La Presse | Boucar Diouf)
Je ne sais pas si vous avez vu ce mème qui circule sur les réseaux sociaux et qui explique sarcastiquement la répartition de la richesse dans nos pays.
Publié le 3 mai

Cette histoire dont on ne connaît pas l’auteur est d’une grande justesse. Elle s’intitule « notre système économique expliqué par des biscuits ». Je vous la résume.
Assis à une table, un ultrariche, un pauvre et une personne de la classe moyenne se partagent 20 biscuits. L’ultrariche s’approprie 19 biscuits et en laisse 1 au représentant de la classe moyenne. Comme vous pouvez le deviner, le pauvre finit avec rien à se mettre sous la dent. Pendant ce temps, l’ultrariche dit au gars de la classe moyenne que le pauvre va lui voler son biscuit.
Voilà la mystification au cœur du néolibéralisme qui mène la planète au bord du gouffre. Pour mettre une image reconnaissable sur cette histoire, pensez à Elon Musk charcutant des programmes fédéraux pour priver des milliers de fonctionnaires de leur gagne-pain.
Le comble de l’indécence, c’est de s’asseoir sur une fortune de plus de 400 milliards et de travailler à couper les vivres à des gens dont on assimile le simple salaire à du gaspillage.
Pensez aussi à tous ces autres milliardaires qui gravitent autour de M. Trump et qui se frottent les mains en attendant les baisses d’impôts que le président leur a promises.
Même si Donald Trump ne veut pas que les fanatiques de l’idéologie MAGA comprennent son manège, les tarifs sont des morceaux de biscuits qui seront arrachés aux masses laborieuses pour être convoyés vers ceux qui dorment déjà sur des montagnes de galettes. On appelle ces gens des ultrariches, mais la grande majorité est constituée de fossoyeurs de la biosphère érigés en modèles de succès par une idéologie néolibérale qui sanctifie les superprédateurs.
La nature est devenue un buffet ouvert pour une minuscule partie de la population mondiale. Ces gens sont prêts à raser des écosystèmes entiers pour ajouter quelques milliards à leurs avoirs.
Cette indécence qui squatte une certaine humanité est écologiquement et socialement suicidaire. Il faut être inconscient pour ne pas réaliser que nous vivons désormais sur du temps emprunté à nos petits-enfants. Seul le retour à un partage un peu plus juste de la richesse pourra nous aider à éviter ces grandes turbulences qui avancent vers notre monde.
Ces gens qui cherchent à engranger toujours plus sans payer leur juste part du fardeau fiscal ne font pas partie de la solution. Juchés sur des montagnes de ressources suffisantes pour vivre confortablement pendant des milliers d’années, ils en veulent toujours plus.
Résultat, sur la planète, ceux qui cherchent le minimum nécessaire sans le trouver s’empilent misérablement devant ceux qui ont trouvé beaucoup sans jamais être satisfaits. Plus malsain encore, ces privilégiés emploient de nébuleux stratagèmes pour éviter à leurs héritiers un impôt sur les successions.
Entendons-nous bien, je ne suis pas contre l’enrichissement décent ou la juste économie libérale. Je conspue simplement ceux qui utilisent des méthodes éthiquement douteuses pour ne jamais payer les impôts. Enivrés par le pouvoir et la dopamine, ces ultrariches sont désormais prêts à tout pour être le premier à posséder 1000 milliards de dollars. Les paris sont ouverts.
Sur la ligne de départ de cette nouvelle course, l’organisation caritative Oxfam America identifie : Elon Musk, Jeff Bezos, Larry Ellison, Mark Zuckerberg, Bernard Arnault. Avant 2030, dit l’organisation, un gagnant devrait être couronné.
En attendant la naissance de ce grand roi des riches, de nouveaux milliardaires continuent d’apparaître dans les palmarès du magazine Forbes. Grâce à la flambée des marchés boursiers, dit OXFAM, en 2024, le nombre de milliardaires est passé à 2769, contre 2565 en 2023. Pendant ce temps, le taux de pauvreté dans le monde est resté pratiquement inchangé depuis les années 1990.
Ce qui est encore plus effrayant, c’est de constater que certains de ces ultrariches travaillent à brouiller les pistes en nous présentant le wokisme, l’identité sexuelle et de genre, l’avortement et les programmes d’équité, de diversité et d’inclusion (EDI) comme étant les problèmes majeurs auxquels leurs sociétés sont confrontées.
Même s’il y a des correctifs à apporter dans certains de ces dossiers sociaux, leur instrumentalisation sert en grande partie à racoler les bas instincts de notre espèce.
Les véritables problèmes de l’humanité se trouvent 1000 fois plus dans cette ultra-concentration de la richesse qui mène l’humanité et la biodiversité au bord du précipice. C’est cette gourmandise qui mérite d’être régentée sévèrement par des lois. Les stratégies d’évitement fiscal de toutes natures, ces méthodes éthiquement condamnables sont le véritable cancer social auquel il faut s’attaquer urgemment. Ils sont bien plus préoccupants que des fonctionnaires qui gagnent le juste nécessaire pour assurer leurs besoins de base dans la pyramide de Maslow et payent leur juste part d’imposition.
La morale de mon histoire est la suivante : « On jugera Mark Carney qui vient d’être élu à ses réalisations. Mais si l’on considère toutes les traces directes ou indirectes qu’il a laissées sur son sillage dans les cercles de la haute finance, il a flirté indéniablement avec ce monde. Pour nous rassurer, il nous a dit grosso modo que ses connaissances acquises sur les paradis fiscaux sont des atouts qu’il peut mettre au service de la justice fiscale au Canada. »
C’est noté, Monsieur Carney ! On va attendre de le voir pour le croire. Allez-vous nous dessiner un Canada où les grands mangeurs de biscuits partagent ou allons-nous les laisser se gaver paisiblement à côté de la précarité alimentaire de plus en plus préoccupante ? Puisque vous nous avez répété que vous connaissez bien ces pratiques, nos attentes sont très élevées. On a hâte de voir quel bord vous allez choisir. À suivre !
Le comble de l’indécence, c’est de s’asseoir sur une fortune de plus de 400 milliards et de travailler à couper les vivres à des gens dont on assimile le simple salaire à du gaspillage.**
Ce qui est encore plus effrayant, c’est de constater que certains de ces ultrariches travaillent à brouiller les pistes en nous présentant le wokisme, l’identité sexuelle et de genre, l’avortement et les programmes d’équité, de diversité et d’inclusion (EDI) comme étant les problèmes majeurs auxquels leurs sociétés sont confrontées.**
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Même s’il y a des correctifs à apporter dans certains de ces dossiers sociaux, leur instrumentalisation sert en grande partie à racoler les bas instincts de notre espèce.
Les véritables problèmes de l’humanité se trouvent 1000 fois plus dans cette ultra-concentration de la richesse qui mène l’humanité et la biodiversité au bord du précipice. C’est cette gourmandise qui mérite d’être régentée sévèrement par des lois. Les stratégies d’évitement fiscal de toutes natures, ces méthodes éthiquement condamnables sont le véritable cancer social auquel il faut s’attaquer urgemment. Ils sont bien plus préoccupants que des fonctionnaires qui gagnent le juste nécessaire pour assurer leurs besoins de base dans la pyramide de Maslow et payent leur juste part d’imposition.