Des citoyens inquiets face aux tours du Loblaws
journaldesvoisins.com | Vie de quartier | 08 mai 2025 | Amine Esseghir, Journaliste de l’Initiative de journalisme local (IJL)
Bâtiment du vieux Loblaws désaffecté depuis 2016. Photo: JDV / Hassan Laghcha
Le nombre important d’étages des immeubles du futur projet immobilier sur le terrain du Loblaws au 800, boulevard Henri-Bourassa Ouest préoccupe le voisinage. On craint des hauteurs qui avaient été limitées par un Plan particulier d’urbanisme, aujourd’hui quasiment inapplicable.
«On propose des quatre étages, c’est correct, mais [très proche des constructions actuelles, on trouve] des neuf, 12, 16 étages. Ça ne fait pas du tout avec le Plan particulier d’urbanisme (PPU Henri Bourassa Ouest) qui a été adopté en collaboration entre les élus et les citoyens», a indiqué Patrick Bourgeois, un riverain du projet.
Ce résident de la rue Meilleur s’inquiète des hauteurs des tours envisagées par le promoteur, Le 800 Solaia. Avec certains de ses voisins, il s’est mobilisé pour poser des questions aux élus lors du conseil d’arrondissement du 5 mai. M. Bourgeois a demandé aux élus comment respecter ce PPU.
Le projet en un coup d’œil
Plan préliminaire du projet de tours sur le terrain de l’ancien Loblaws. Photo: JDV / Hassan Laghcha
Le projet présenté le 16 avril en consultation publique aux citoyens par le promoteur, Le 800 Solaia, dans les locaux de l’ancien Loblaws, prévoit 1200 unités, dont 172 logements sociaux avec un seul immeuble de quatre étages, près des résidences sur la rue Meilleur.
Les autres immeubles font 10 à 11 étages. Deux gratte-ciel, situés à l’ouest du terrain, près de la gare Bois-de-Boulogne, de la rue Henri-Bourassa et de l’écocentre l’Acadie, s’élèvent à 14 et 16 étages.
Le PPU Henri-Bourassa Ouest, adopté en 2016, prévoyait sur le terrain du Loblaws des hauteurs de trois étages, près des résidences existantes et jusqu’à six étages au maximum, un peu plus loin.
«Le PPU ne va pas se réaliser tel qu’il est dessiné en ce moment», a confié Emilie Thuillier, mairesse d’Ahuntsic-Cartierville.
En fait, une grande partie des terrains qui auraient permis un étalement et évitant la densification par la hauteur, ne sont plus disponibles.
Sur le terrain de l’ancienne prison pour femmes, le ministère de la Sécurité publique construit un nouvel établissement carcéral. La Société d’assurance automobile du Québec demeure en place et une ancienne cour de voirie dont la surface devait être reversée pour bâtir des logements est maintenue en activité par la Ville.
Le terrain du Loblaws est en fait la dernière portion pour construire des habitations.
En attendant les plans
Mme Thuillier, a souligné que la présentation du projet est une initiative du promoteur. Même si la démarche est encouragée, elle n’a rien d’officiel.
Le 800 Solaia n’a pas encore soumis de dossier pour obtenir un permis.
«Le promoteur, à l’heure où on se parle, est en train de retravailler son projet pour le déposer officiellement à l’arrondissement», a souligné Mme Thuillier.
Les élus croient que le constructeur revoit ses plans à la lumière des commentaires formulés lors de la présentation du projet.
Par ailleurs, selon la mairesse, le contexte est différent des conditions dans lesquelles le PPU avait été adopté.
Genèse d’un PPU
Les citoyens avaient vivement contesté le projet immobilier de l’entreprise Musto, qui prévoyait la construction d’immeubles d’habitation sur le site des anciens garages du ministère des Transports du Québec sur le côté nord du boulevard Henri-Bourassa Ouest, en face de l’ancien Loblaws.
Une consultation de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) en mai 2012 avait attiré une si forte participation qu’elle a nécessité deux soirées à l’église Saint-André-Apôtre. Cela a abouti à l’élaboration d’un Programme particulier d’urbanisme (PPU) pour le secteur Henri-Bourassa Ouest. Ce PPU est le fruit d’une collaboration de trois ans entre les résidents, l’arrondissement avec de nombreuses assemblées.
«Je vous dirais qu’une des grandes choses qui a changé aussi depuis ce temps-là, c’est la crise du logement qui s’est vraiment exacerbée», a-t-elle relevé.
Un autre élément entré dans l’équation, la Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière d’habitation, dite aussi PL31.
«C’est le gouvernement du Québec qui a donné le droit aux promoteurs de passer par un nouvel outil réglementaire qu’on appelle entre nous le PL31», a rappelé l’élue.
Cette disposition permet d’informer les citoyens de projets de logements, mais leur retire le levier du referendum.
Mina Garoufalis, résidente de Place Fleury, s’est inquiétée quant à elle de l’ensoleillement.
«La Place Fleury, habituellement, on n’a pas beaucoup de soleil l’hiver, puis le soleil dont on profite, c’est l’été», a-t-elle plaidé.
Elle se retrouve à l’ombre d’un immeuble de 11 étages si le projet se réalise.
«Dans tous les gros projets, on s’entend, on demande une étude d’ensoleillement», a précisé Mme Thuillier.
C’est un des critères d’acceptation des projets.
«Je comprends tout à fait les préoccupations, l’émoi aussi, que ce projet peut susciter au sein de la population», a concédé Nathalie Goulet, conseillère de Ville d’Ahuntsic.
Elle a rappelé que les élus ne peuvent se prononcer qu’une fois qu’ils auront les plans définitifs entre les mains.
«Mais sachez que le promoteur, la firme de communication qui était présente, lors de la consultation, a fait un rapport qui a été transmis aux élus de l’arrondissement.»
Le Loblaws sur le boulevard Henri-Bourassa Ouest a été fermé au tout début de l’année 2016 pour manque de rentabilité. La même année, on a vidé la prison pour femmes, dite «prison Tanguay» à proximité, ce qui a permis d’imaginer un développement urbain très ambitieux aujourd’hui hypothéqué.