Je sais pas si on peut dire que c’est une démolition dissimulée dans ce cas précis. Quand on lit le résumé que tu as publié, on constate qu’une demande de permis de rénovation et agrandissement avait été faite, et pour faire ça il faut présenter le plan de ce qui sera construit. La ville savait très bien quel genre de travaux le propriétaire faisait et l’avait autorisé.
Le problème dans tout ça, c’est qu’il est possible avec un permis de rénovation de “stripper” l’ensemble d’un bâtiment si on conserve une portion assez minimale de la charpente, mais il faut un permis de démolition du moment que le même projet requiert l’enlèvement (même temporaire pour accès ou réparation) d’une solive. Il y a une certaine incohérence dans tout ça.
Ce n’est très souvent pas par mauvaise foi que les propriétaires d’immeubles procèdent par rénovation au lieu d’une démolition. Une démolition, ça fait en sorte de perdre des droits acquis et ça oblige un passage par un comité de démolition/CCU/etc, qui mènera éventuellement à plein d’exigences supplémentaires de la ville quant au projet. Et la ville se sert de ça à fond: sur les projets comme ça où elle avait accordé un permis de rénovation en sachant ce qui s’en venait comme projet, dès qu’elle découvre que la construction dudit projet nécessite un travail de charpente elle retire le permis et exige des modifications au projet qu’elle n’aurait pas pu exiger autrement.
Je connais des gens à qui s’est arrivé: ils rénovaient leur maison en entier et l’inspecteur a jugé en cour de route qu’ils avaient outrepassé leur permis en enlevant et remettant une portion de la charpente à l’identique pour accéder à quelque chose à réparer. Pourtant, ils avaient déjà présenté leur projet à la ville (et engagé des milliers de dollars pour les procédures de permis) et ce qu’il construisaient étaient identique aux plans. Mais leur permis a été annulé, ils ont dû dépenser des dizaines de milliers de dollars en amende, comités et conseils municipaux, revoir le projet en entier pour ajouter des appartements, enlever tous les stationnements existant, revoir les matériaux, les marges et le pourcentage de verdure, et ensuite refaire des consultations et obtenir un nouveau permis. Tout ça pour un projet que la ville jugeait acceptable au départ.
Bref, tout ça pour dire que le promoteur ici est probablement tout a fait de bonne foi ici, mais que l’état du bâtiment découvert en cours de rénovation a nécessité une démolition plus grande que prévu. Après tout, le rapport de démolition le mentionne, “le projet [qui est présentement soumis], déjà évalué en 2018, est semblable dans son parti architectural”. Tout ce qui change, c’est l’ajout de modifications somme toute mineures, après énormément de travail et de frais pour la ville et le promoteur.
Je ne veux pas me lancer dans un grand débat et je sais que chaque situation est unique, mais même si le promoteur est initialement de bonne foi, une fois qu’on sait qu’on outrepasse le permis délivré et qu’on espère que l’inspecteur ne le remarquera pas, c’est caché.
Une démolition est une permission bien plus particulière qu’une simple rénovation ou un agrandissement. Ça me parait tout à fait normal qu’un arrondissement demande une contrepartie dont l’objectif (qu’on soit pour ou contre) est d’améliorer le projet au bénéfice de la collectivité.
Pour finir, une demande de démolition profite au promoteur, sinon il ne le demanderait pas. D’ailleurs, plusieurs en profitent pour demander légitimement des dérogations, tant qu’à passer toutes ces procédures. Ceci dit, ceux pour qui la demande vise à obtenir une permission qu’ils n’ont pas obtenue initialement ont plus de chance d’être perdants, je l’admets.
AJOUT : En complément, si une légère intervention imprévue fait basculer un projet d’une rénovation/agrandissement à une démolition, c’est généralement que le promoteur a initialement pas mal joué avec les limites du calcul.
Je disais pas ça pour partir un immense débat non plus, je pense que j’ai juste de la misère avec le mot “caché” ici. Quand le promoteur demande un permis de rénovation en disant “je vais stripper l’ensemble du bâtiment et ne conserver que la structure pour ajouter 1 étage, agrandir le bâtiment et changer sa vocation, voici les plans”, la ville sait très bien ce que ça implique. On est pas dans une situation où quelqu’un fait des travaux sans permis en sortant ses déchets à coup de 2 sacs de vidange de gypse par semaine (ce que mon voisin a fait pour ses travaux sans permis, par exemple); ça c’est ce que j’appellerais caché.
C’est certain que les cas comme celui-là de reconstruction complète du bâtiment (et son agrandissement dans ce cas) sont à la limite de la rénovation et de la démolition. Le problème, c’est qu’il peut souvent être possible d’accomplir le même projet en obtenant un permis ou l’autre dans la mesure où le bâtiment conserve la même forme de structure au final. Ce qui déterminera le permis requis est le processus de construction plus que la finalité du projet, et il me semble que dans un cas comme celui-ci le critère qui départage les deux types de permis est imparfait, surtout quand on prend en considération le fait que l’obtention d’un permis de démolition est incroyablement plus complexe, onéreuse et parfois lourde de conséquences.
C’est sur que dans ce projet-là on est peut-être devant un promoteur de mauvaise fois qui savait vouloir outrepasser son permis dès le départ. En même temps, quand on constate que dans ce projet, on finit par autoriser sensiblement la même chose qu’au départ après tout le lourd processus administratif de nouvelle demande, je pense qu’on peut se demander s’il ne serait pas de mise de réviser le processus pour mieux cadrer les projets comme celui-ci et juger du mérite du projet plus tôt. Parce que comme tu l’as dit, ce n’est pas du tout la première fois que ce genre de chose se produit et ça va encore se reproduire si on ne fait que continuer ce jeu de chat et souris entre la ville et les promoteurs quant aux permis.
Il y a toujours une partie d’inconnu dans la rénovation de bâtiment plus vieux, surtout quand il y a une partie à démolir ou déconstruire. C’est bien beau demander un permis de démolition/déconstruction pour un certain pourcentage, mais rendu sur le terrain, souvent une plus grande partie doit être démolie pour être reconstruite. Donc c’est toujours le difficile équilibre en démolition partielle et complète avec façadisme. Et souvent certains problèmes vont ressortir uniquement lors des travaux rendant leur planification difficile.
De plus, en planification de chantier, ça devient difficile de planifier l’étendue exact des inconnus, car souvent en soumission si trop d’argent est investi en déconstruction & reconstruction de certains éléments, il se peut que le projet soit modifié à la baisse ou cancellé, à cause du trou dans le budget que ces décisions, à prendre en aval, vont laisser.
En relation avec cet intéressant débat, il faut noter que le règlement de démolition du Plateau est devenu plus sévère il y a quelques années, pour encadrer les rénovations. Un article de Radio-Canada:
Subtil changement: je ne sais pas si c’est parce que l’édifice devient dangereux ou que la construction va reprendre, mais l’édifice est emballé dans une clôture, des pancartes d’interdiction de stationner sont sur place:
Lundi 6 mars 2023. La démolition du 5007 St-Denis commence. La moitié du bâtiment est déjà détruite. Il sera probablement rasé complètement, on constate que même l’extension qui avait commencé a être montée en 2019 (arrière du bâtiment dernier étage) a été détruite. On repart de zéro.
Je trouve cela particulier comme vente, après la démolition. Les permis de démolition ont souvent une condition de construire relativement rapidement après la démolition. Qu’est-ce qu’il arrive si le projet n’est pas vendu d’ici là? Le vendeur devra assumer une pénalité?
Dans tous les cas, cela repousse la création d’un projet, le temps de trouver un acheteur. Avec la situation économique un peu moribonde, c’est possible que ça prenne du temps (d’où le risque de démolir immédiatement). On voit d’autres projets de la même envergure être au point mort.
J’ai peur qu’on a remplacé une verrue urbaine par un trou pour l’immédiat.