Changement de portée du projet
Le Devoir a toutefois appris que le projet immobilier n’inclurait plus cette deuxième tour : il ne conservera que celle prévue sur le site ouest du projet, tout juste en face de la place Émilie-Gamelin, où quelques restaurants et commerces — actuellement fermés — pourraient être démolis. Le nombre de logements serait « grosso modo la moitié » du nombre indiqué initialement, du moins dans un premier temps, confirme Michael Owen.
Une locataire à risque d’itinérance se bat contre un géant de l’immobilier
Valérian Mazataud, Le Devoir
Carla White s’oppose à la démolition de l’immeuble abritant son studio, situé non loin de la place Émilie-Gamelin, au centre-ville de Montréal.
Zacharie Goudreault
18 h 56
Société
Une locataire à risque d’itinérance se bat devant le Tribunal administratif du logement (TAL) pour tenter d’empêcher la démolition d’un immeuble que le géant de l’immobilier Mondev souhaite remplacer par une tour de logements qui verrait le jour en face de la place Émilie-Gamelin, au centre-ville de Montréal.
Pendant des années, Carla White a vécu « un cauchemar », errant d’un refuge pour itinérants de la métropole à un autre , incapable d’avoir accès à un logement correspondant à ses moyens financiers limités. « Je dormais sur le trottoir parce que je n’avais aucun autre endroit où aller », a-t-elle raconté lundi au Devoir lors d’un long entretien .
En 2013, la Montréalaise a finalement trouvé un studio sur la rue Saint-Hubert, près de l’intersection de la rue Sainte-Catherine Est, qu’elle occupe depuis. Son loyer mensuel s’élève présentement à 400 $ par mois. L’état de son logement est loin d’être optimal, mais il s’agit sans doute du seul appartement qu’elle ait les moyens de se payer, relève la dame d’un certain âge.
C’est pourquoi elle se bat depuis plusieurs années pour le conserver.
Éviter la rue
En 2019, la société en commandite propriétaire de ce bâtiment de 12 logements — où ne demeure à ce jour qu’une seule locataire, les autres ayant quitté les lieux dans les dernières années — a ouvert un dossier devant le TAL contre Carla White. L’entreprise, à laquelle sont associés les dirigeants de Mondev, avait alors effectué une demande de reprise du logement pour y loger l’un de ses gestionnaires, selon des documents de cour. Le propriétaire s’est toutefois désisté avant la tenue d’une audience devant le TAL, qui devait avoir lieu en octobre de cette année-là.
Cet immeuble en grande partie placardé est désormais voué à disparaître pour laisser place à un projet immobilier de Mondev prévu devant la place Émilie-Gamelin, qui est fréquentée par de nombreux sans-abri du centre-ville.
Or, la locataire à faible revenu affirme qu’aucun logement de rechange ne lui a été offert par le promoteur, qui possède pourtant de nombreux bâtiments résidentiels au centre-ville. Elle juge également que la compensation financière qui lui a été proposée en échange de son départ des lieux est insuffisante.
Carla White a ainsi ouvert un dossier devant le TAL en novembre dernier pour s’opposer à la démolition du bâtiment où elle habite. Une audience dans cette affaire est prévue mardi prochain à Montréal.
« Mondev ne m’a pas offert un appartement, alors qu’ils sont dans l’industrie du condo », déplore la locataire, qui craint de se retrouver de nouveau à la rue si elle est évincée. « Où est-ce que je vais aller ? Est-ce que je vais devoir retourner dans un refuge pour itinérants ? C’est horriblement triste. »
« Nos intentions sont bonnes »
Un propriétaire qui évince l’un de ses locataires doit légalement lui remettre l’équivalent de trois mois de loyer et lui rembourser les frais de son déménagement. « Notre dernière offre était au-dessus de 10 fois ce que prévoit la loi », affirme au Devoir le coprésident de Mondev Michael Owen. Or, cette offre « très raisonnable » a été refusée par Mme White, affirme-t-il.
« Nos intentions sont bonnes. On n’est pas dans le business des rénovictions », souligne le promoteur, qui affirme vouloir plutôt contribuer à l’embellissement de ce secteur où les locaux commerciaux vacants se succèdent. « On croit qu’il y a beaucoup d’opportunités [dans les environs]. Ça va prendre un projet comme le nôtre, je pense, pour lancer la balle dans la bonne direction. »
Mondev présentera d’ailleurs dans les prochaines semaines une nouvelle version du projet immobilier qu’il souhaite réaliser en face de la station de métro Berri-UQAM, tout juste à côté du magasin Archambault, qui fermera d’ailleurs bientôt ses portes.
Sa mouture initiale, présentée à l’arrondissement de Ville-Marie à l’hiver 2020, comprenait la construction d’une tour de 18 étages totalisant 258 logements locatifs devant la place Émilie-Gamelin, de même qu’une autre de taille similaire à l’est de l’intersection de la rue Sainte-Catherine Est et de la rue Saint-Hubert, pour un total de 481 logements.
Le Devoir a toutefois appris que le projet immobilier n’inclurait plus cette deuxième tour : il ne conservera que celle prévue sur le site ouest du projet, tout juste en face de la place Émilie-Gamelin, où quelques restaurants et commerces — actuellement fermés — pourraient être démolis. Le nombre de logements serait « grosso modo la moitié » du nombre indiqué initialement, du moins dans un premier temps, confirme Michael Owen.
Photo: Capture d’écran
« Les coûts de construction ont augmenté de façon très importante depuis quelques années, et les taux d’intérêt ont augmenté grandement. Le contexte économique a changé complètement depuis qu’on a commencé ce dossier-là », explique-t-il pour justifier les changements apportés à ce projet destiné à une clientèle variée. « On vise les jeunes étudiants, les jeunes professionnels, les gens qui veulent vivre au centre-ville », énumère M. Owen.
Ce projet immobilier sera d’ailleurs soumis au Règlement pour une métropole mixte de la Ville de Montréal, qui oblige les promoteurs à contribuer à la création de logements sociaux et abordables, indique le responsable de l’urbanisme au comité exécutif et conseiller dans Ville-Marie, Robert Beaudry.
La forme précise que prendra cette contribution ne sera toutefois déterminée qu’après « le dépôt officiel » de la nouvelle mouture du projet immobilier, qui sera de nouveau analysé par le comité consultatif d’urbanisme de l’arrondissement, indique l’élu de Projet Montréal. « Notre souhait, comme administration, c’est vraiment de voir ce secteur se revitaliser, et c’est le genre de projet qui peut servir d’étincelle, ajoute M. Beaudry. Mais il faut qu’il s’insère bien dans son milieu. »