Résumé
Record d’amendes par radars photo fracassé au Québec
Par Judith Desmeules, Le Soleil et Juliette Nadeau-Besse, Le Soleil
8 janvier 2025 à 04h00
Le radar fixe installé au feu rouge sur le boulevard Charest est toujours parmi les plus lucratifs dans la grande région de Québec. (Caroline Grégoire/Le Soleil)
Les radars photo ont rapporté à l’État près de 100 millions de dollars en amendes pour l’année 2024. Le record a été fracassé, et l’augmentation s’explique par la présence des radars mobiles sur les chantiers de construction, qui font doubler les factures.
L’an dernier, la facture totale des amendes avait atteint 75 millions de dollars. Les radars avaient épinglé plus de 509 000 automobilistes.
En 2024, on compte quelque 13 500 contrevenants de plus… mais le montant des amendes a fait un bond significatif de 25 millions. Ces données s’expliquent par le coût des infractions sur les chantiers. La moyenne du coût des constats donnés par les radars mobiles a grimpé, selon des données comptabilisées par le ministère de la Justice.
Ces radars installés sur les chantiers de Montréal prennent donc la tête du classement des radars les plus lucratifs, en dépassant largement le record autrefois tenu par le radar fixe de Dufferin-Montmorency, installé en 2023.
Les réparations dans le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine — dont les radars coincent les chauffards dans les deux sens — ont rapporté à elles seules près de 22 millions de dollars. La vitesse y est réduite à 50 km/h.
Les radars fixes semblent toutefois avoir fait leur travail, Le Soleil remarque une diminution des amendes et des automobilistes épinglés. Quelque 40 000 constats ont été envoyés par la poste pour le radar de Dufferin-Montmorency, contre 68 000 en 2023.
Toujours un enjeu
«Il y a peut-être un phénomène d’adaptabilité. Est-ce que les automobilistes appuient sur l’accélérateur une fois le radar photo passé? On ne le saura pas. Mais on peut penser qu’il y a un effet dissuasif et qu’ils adoptent un meilleur comportement», intervient CAA-Québec.
L’organisme n’est jamais surpris de voir les chiffres monter, sachant que la vitesse est toujours l’une des principales causes d’accident au Québec. Il s’agit d’un véritable enjeu de sécurité routière, année après année.
Les radars fonctionnent, c’est indéniable. Mais CAA-Québec est toujours d’avis qu’ils ne doivent pas remplacer la présence policière sur les routes.
«Notre avis n’a pas changé, on juge que la présence policière est plus efficace. L’amende est donnée directement, tu as l’interaction avec le policier. Ça a un effet plus dissuasif», souligne le conseiller en communication, Simon Bourassa.
Les radars sont obligatoirement annoncés sur les routes de la province. Ils ne doivent pas devenir des «pièges» pour les automobilistes. L’organisme maintient qu’ils doivent être installés où la présence policière est plus difficile ou que l’endroit a des caractéristiques accidentogènes, par exemple.
La présence plus importante des radars sur les chantiers s’avère donc tout à fait justifiée. Il y a notamment des usagers vulnérables qui y travaillent. «Les chiffres nous démontrent que les gens roulent encore trop vite. La sensibilisation a toujours sa place et on doit continuer.»
CAA-Québec estime que le gouvernement doit continuer de prouver la pertinence des radars qu’il installe. Leur présence doit entraîner à long terme une réduction d’accidents et une réduction d’amendes perçues.
Quelque 40 000 constats ont été envoyés par la poste pour le radar de Dufferin-Montmorency, contre 68 000 en 2023. (Caroline Grégoire/Le Soleil)
Les signaleurs en danger, croit le syndicat
Les amendes obtenues par les radars photo mobiles sur les chantiers du Québec représentent près de la moitié du montant total, soit environ 50 millions.
Les données font rugir le Syndicat des Métallos, qui représente environ 6000 signaleurs routiers dans la province.
«On veut que les règles de signalisation routière soient appliquées à la lettre, de façon plus serrée. Les normes ne sont pas toutes bien implantées», souligne le représentant Martin Labbé, joint par Le Soleil.
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Le syndicat réclame une rencontre avec la ministre des Transports Geneviève Guilbault depuis le mois d’avril pour discuter des failles pour la sécurité de ses membres.
Martin Labbé estime que les travailleurs sont bien protégés en général au Québec. Les chantiers sont sécuritaires. Toutefois, les signaleurs n’ont pas la même chance.
«Les signaleurs risquent leur vie pour protéger leurs collègues travailleurs, essentiellement. Ils sont placés au début de la zone de chantier. Et c’est les normes pour eux qui ne sont pas respectées.»
En 2024, quelque 41 182 automobilistes ont été épinglés par le radar sur l’autoroute Dufferin-Montmorency. (Caroline Grégoire/Le Soleil)
«On est contents de voir que les radars fonctionnent. Ça prouve qu’il y a un problème de vitesse. Mais c’est en prévention qu’on doit agir. Ça roule vite pareil, même si tu pognes un ticket après, le mal est fait», souligne Me Labbé.
En 2024, trois signaleurs routiers sont morts sur les routes du Québec.
«À l’été, on lui a écrit après la mort d’un signaleur. On n’a même pas eu d’accusé de réception. Quelqu’un est mort et elle n’a même pas retourné notre appel… Ça va prendre quoi de plus?»
Le syndicat lance donc un ultime appel au cabinet de la ministre Guilbault, afin d’obtenir une rencontre sérieuse concernant la sécurité des signaleurs au Québec.