Malheureusement le gouvernement a attendu d’être au pied du mur pour se décider à agir et encore les mesures sont modestes, car la crise est profonde et étendue dans tout le Québec.
Verrouillez la porte et avalez la clé
PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE
« Le sommet sur l’itinérance qui se déroule ce vendredi à Québec ne devrait pas être exceptionnel. De telles rencontres, il en faut plus, autant pour l’itinérance que pour le logement », souligne notre chroniqueur.
Il n’y a pas une solution unique – ni deux ou trois – permettant à elle seule de régler les crises de logement et de l’itinérance. Mais pour savoir quoi faire, la méthode est assez simple. Les décideurs devraient s’enfermer dans une pièce, verrouiller la porte et avaler la clé.
Publié à 0h48 Mis à jour à 5h00
Le sommet sur l’itinérance qui se déroule ce vendredi à Québec ne devrait pas être exceptionnel. De telles rencontres, il en faut plus, autant pour l’itinérance que pour le logement. Car vu de l’extérieur, une impression de désordre se dégage.
Ceci n’est pas une chronique pour dire qui devrait faire quoi et quand. Je veux simplement expliquer comment une meilleure coordination et une meilleure définition des rôles permettraient d’éviter plusieurs des ratés actuels identifiés par les experts.
Il serait trop facile de dépeindre la nouvelle génération de maires en héros progressistes qui se battent contre Ottawa et Québec.
Le maire de Québec vise « l’itinérance zéro ». C’est louable. Mais comme avec le climat, les cibles ne signifient pas grand-chose. Ce qui compte, c’est le plan pour y parvenir.
Pour l’instant, on voit plutôt des plans promus chacun de leur côté par les municipalités, les provinces et le fédéral.
En 2017, le gouvernement Trudeau a annoncé sa stratégie sur le logement, dotée d’une enveloppe de 40 milliards répartie sur 10 ans. Comme d’habitude, il a fallu des années avant que le fédéral s’entende avec les provinces pour distribuer les enveloppes. Et ensuite, il restait à transférer ces sommes aux municipalités. Par exemple, des villes disent avoir réservé des terrains pour de futurs logements, mais attendre l’argent pour commencer le travail.
Autre symptôme de cette lenteur : jeudi, Justin Trudeau a annoncé l’abolition de la TPS pour les constructions d’immeubles locatifs. Le hic : il l’avait promis en 2015… Il a fallu huit ans pour bouger. Ç’aurait été moins interminable si les libéraux avaient jasé à la même machine à café que les provinces et les municipalités.
M. Trudeau a reproché aux villes de décourager la construction de logement à cause de leur bureaucratie, et il n’a pas tort.
Avec son règlement 20-20-20 qui exige un quota de logement abordable, social et familial dans les nouvelles constructions, Montréal a augmenté les coûts de construction, et donc incité les promoteurs à aller voir ailleurs ou à ne rien faire. En plus des diverses redevances prélevées aux promoteurs, les délais d’attente pour obtenir un permis sont longs. Comme l’a révélé le Journal de Montréal, la mairesse Valérie Plante a construit trois fois moins de logements abordables qu’elle ne le prétend.
Mais si les municipalités imposent ces contraintes, c’est aussi pour compenser leur manque à gagner. Leurs responsabilités n’ont jamais cessé d’augmenter depuis le début des années 1990. Elles dépendent de l’impôt foncier. N’ayant que cet outil, elles l’utilisent pour cogner partout.
On ne peut donc pas critiquer cette bureaucratie sans la mettre en lien avec le financement provincial. La réforme de la fiscalité est complexe. Elle ne se réglera pas en quelques semaines. Mais au minimum, Québec pourrait établir de nouveaux critères de densité. Cela protégerait les maires la prochaine fois qu’une poignée de citoyens essaient de bloquer un projet immobilier intégré au transport collectif.
Tout cela peut sembler très loin de l’itinérance. Mais en logement, les vases sont communicants.
La demande de logements augmente à cause de l’immigration et de la hausse du prix des condos – les jeunes demeurent locataires plus longtemps.
L’offre est déficiente à cause des retards et des coûts imposés aux promoteurs, des taux d’intérêt, de la pénurie de main-d’œuvre ainsi que des sous-investissements historiques dans le logement social, que le gouvernement Legault n’a pas renversés. Ceux qui en souffrent le plus sont évidemment les gens sans le sou. La preuve, les évictions sont devenues la principale cause de l’itinérance, juste devant les troubles de consommation de drogue et d’alcool.
Pour l’itinérance, avant le sommet avec les villes, le gouvernement caquiste aurait pu organiser plus de réunions à l’interne. Le manque de coordination commence à l’intérieur de l’État.
En 2021, la recommandation 14.1 du plan d’action en itinérance proposait de « préciser les rôles et les responsabilités » de chaque acteur. Deux ans plus tard, on attend encore. On parle de la simple définition des tâches !
Les experts exhortent les 10 ministères concernés à travailler en équipe, idéalement avec un ministre responsable. Et en misant sur la prévention et sur la réinsertion en logement. Les minorités sexuelles, les Premières Nations, les toxicomanes, les enfants de la DPJ et les ex-prisonniers sont surreprésentés dans la rue. Ceux qui les côtoient au quotidien ont d’excellentes suggestions à faire au gouvernement, mais ils se demandent à qui parler. Autre exemple souvent entendu : après un avis d’éviction, un soutien devrait être apporté à la personne qui se trouve sans logement.
Avis aux pingres, la répression et l’aide de dernier recours coûtent plus cher, et le communautaire est à bout de souffle.
Voilà ce qu’on appelle une crise – des crises, en fait – à facteurs multiples. C’est déjà assez difficile à gérer. Pas besoin de le faire chacun dans son coin, en jouant au héros ou à la victime.
Construire vite (et bien), ça se peut
PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE
Le projet Studios du Pas est un ensemble de 19 logements construit en un temps record dans l’est de Montréal.
« Je suis comme une reine ici. »
Publié à 1h14 Mis à jour à 6h00
Lorraine Charette profitait du soleil sur le balcon de son petit studio de l’est de Montréal, vendredi midi, pendant que des dizaines d’élus débattaient à Québec pour chercher des solutions à la crise de l’itinérance.
La femme de 62 ans m’a raconté les sales moments qu’elle a vécus ces dernières années. L’expulsion de son logement. Son bref séjour dans la rue. Ses cinq ans de purgatoire dans une maison de chambres miteuse.
Puis, ce cadeau inattendu : un logement.
Une deuxième chance.
Lorraine Charette est l’une des 19 locataires des Studios du Pas, un petit complexe construit en un temps record pendant la pandémie. Tous les logements sont subventionnés et occupés par des gens de 55 ans et plus qui étaient itinérants ou en situation de précarité extrême.
PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE
L’intérieur d’un des 19 studios, qui mesurent environ 300 pieds carrés chacun
Les locataires paient le quart de leurs revenus mensuels, soit 404 $ par mois dans le cas de Mme Charette. Ils ont accès à des services spécialisés, à des repas et aux activités du centre communautaire situé à deux pas. Un vrai milieu de vie organisé.
« Je ne le crois quasiment pas encore, m’a-t-elle confié au téléphone. Ma vie a changé complètement. Le goût de vivre m’a repris. »
La sexagénaire me parle de son nouveau logis comme d’un miracle, et elle n’a pas tort.
Il s’est écoulé 18 mois à peine entre l’idée originale du projet et le déménagement des locataires.
Une anomalie, pour un immeuble de logement social.
Les délais se calculent d’habitude en années, lorsque les projets ne tombent pas carrément à l’eau faute de financement – ce qui est le cas pour une bonne partie d’entre eux.
Je vous raconte l’histoire de Lorraine Charette, car la question de l’accès au logement est centrale dans la crise actuelle de l’itinérance. Les deux problèmes sont imbriqués.
Tout le monde s’entend pour dire qu’il faut construire davantage, mais personne ne semble s’accorder sur la façon de faire la plus efficace.
Au sommet sur l’itinérance organisé par l’Union des municipalités du Québec (UMQ), auquel j’ai assisté vendredi à Québec, cette impasse a été au cœur de la plupart des discussions.
Au rang des coupables : la multiplication des ordres de gouvernement impliqués dans le financement des projets.
Montré du doigt : le gouvernement du Québec, par qui transitent toutes les sommes fédérales – on parle ici de centaines de millions – destinées à l’habitation.
Presque toutes les sommes, en fait.
Il y a une poignée de projets qui ont été financés directement par Ottawa, en collaboration avec les villes, sans que Québec fasse partie de l’équation. Les Studios du Pas sont du nombre.
Ce projet a été conçu avec un sentiment d’urgence bien réel, au début de la pandémie de COVID-19.
En octobre 2020, Ottawa a créé un programme de 1 milliard de dollars, appelé Initiative pour la création rapide de logements (ICRL), qui visait à financer des projets d’habitation pour les sans-abri partout au pays. Le critère principal pour se qualifier : que les travaux soient exécutés en 12 mois.
C’était une cible très ambitieuse, voire irréaliste, mais plusieurs groupes communautaires ont quand même voulu relever le défi.
À Montréal, le Groupe CDH, une entreprise d’économie sociale, a pris contact avec l’organisme Pas de la rue pour proposer un projet qui serait réalisé avec les sommes du fédéral. Les démarches se sont vite mises en branle, et la firme L. McComber – architecture vivante, mandatée pour développer un concept, a proposé une construction modulaire, préfabriquée en usine.
La Ville de Montréal, l’arrondissement, les entrepreneurs, bref, tous ceux qui sont impliqués ont travaillé rondement pour lever les obstacles habituels.
PHOTO FOURNIE PAR LA FIRME L. MCCOMBER – ARCHITECTURE VIVANTE
Installation des modules préfabriqués sur le site. La maçonnerie et d’autres éléments ont été ajoutés par la suite.
« Je ne veux pas faire l’apologie de la vitesse, mais ce qu’il faut remarquer, c’est que plus il y a du monde autour de la table, plus c’est long », m’a souligné l’architecte Laurent McComber.
Il aura fallu 18 mois – plutôt que 12 – avant que le projet accueille ses premiers locataires, ce qui reste quand même un rythme inédit.
« On a eu accès à une courte fenêtre d’efficacité », m’a résumé une source au cœur de l’élaboration de ce chantier.
Les Studios du Pas ne ressemblent pas à des roulottes de chantier empilées. Le complexe est beau et bien intégré au quartier. En témoignent les sélections qu’il a obtenues, entre autres aux Prix d’excellence de l’Ordre des architectes du Québec.
Mieux encore : il a coûté 5,4 millions de dollars, ce qui revient en moyenne à 282 000 $ par studio de 300 pieds carrés.
C’est dans le bas de la fourchette habituelle pour ce type de projet, et à des années-lumière de la facture des Maisons des aînés du gouvernement Legault, dont le coût moyen frôle le million par chambre.
Devrait-on construire des résidences modulaires aux quatre coins du Québec pour loger nos 10 000 sans-abri ? Bien sûr que non.
Mais ce petit exemple montre qu’il y a moyen d’appuyer sur l’accélérateur, lorsque les différents ordres de gouvernement, et leurs partenaires des secteurs privé et communautaire, rament dans la même direction.
Il y a en ce moment même environ 900 millions en fonds fédéraux disponibles pour construire du logement, qui restent coincés quelque part entre Ottawa et Québec.
Les pourparlers s’étirent depuis des mois, pour déterminer comment envoyer le chèque. Pour choisir la couleur de l’enveloppe et le format du timbre.
Il faut presser le pas, et vite. Retrouver ce sentiment d’urgence qui a permis de faire de petits miracles pendant la pandémie, au profit des mal-logés.
Ils seront malheureusement de plus en plus nombreux.
Pourquoi pas?
Ou en tous cas, tendre vers cette solution? Ça reviendrait sûrement beaucoup moins cher à long terme!
La Grande bibliothèque inclut les personnes itinérantes
PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE
Depuis deux ans, un jardin communautaire situé à l’arrière de la Grande bibliothèque est aussi entretenu par des jeunes de l’organisme Spectre de rue.
La Grande bibliothèque a accueilli mardi la septième édition de Camelot d’un jour de l’organisme L’Itinéraire, où des personnalités publiques sont jumelées à des personnes vendant ce magazine partout dans la métropole.
Publié à 5h00
Lieu de ressourcement et d’action culturelle, située en plein cœur de Montréal, la Grande bibliothèque est aussi aux premières loges de la lutte à l’itinérance. Parmi ses outils : une halte-chaleur, un jardin communautaire et des activités pour que des citoyens de tous les horizons se rencontrent.
« Je me suis souvent réfugié dans les bibliothèques », confie Siou Deslongchamps, camelot pour le magazine L’Itinéraire depuis maintenant sept ans. « La Grande bibliothèque, ah ! Ici, j’ai de la concentration. Le beau bois, les mezzanines, ça m’apaise », décrit-il.
M. Deslongchamps vit désormais dans un studio, mais son amour des bibliothèques date de l’enfance. Et il n’est pas le seul à trouver dans la bâtisse emblématique du cœur de la métropole une forme de refuge.
PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE
Le camelot Sioux Deslongchamps et le comédien Stéphane Demers au travail au métro Bonaventure
Dès 2015, la Grande bibliothèque a embauché une personne dédiée à favoriser la cohabitation entre tous ses usagers, incluant les plus vulnérables. « C’est important pour nous d’être une partie intégrante de la communauté, et d’apporter des solutions », résume Marie Grégoire, la présidente-directrice générale de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ).
Située à l’angle du boulevard de Maisonneuve et de la rue Berri, la Grande bibliothèque se trouve dans un secteur où les questions d’itinérance et de toxicomanie ont fait les manchettes depuis des mois.
Mais en ses murs, la tranquillité demeure. En 2022, par exemple, 104 « retraits » de personnes ont été effectués à la Grande bibliothèque, par rapport à 220 avant la pandémie, en 2019 (l’achalandage avait aussi diminué de moitié en 2022), indique Claire-Hélène Lengellé, responsable des relations avec les médias pour BAnQ.
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La présidente-directrice générale de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Marie Grégoire et Marie-Pierre Gadoua, coordonnatrice de la médiation sociale et de l’action culturelle
Désormais, certaines personnes peuvent arriver avec des problématiques plus intenses, mais elles ne sont pas plus nombreuses, affirme aussi Mme Grégoire. Le but de la Grande bibliothèque : offrir un lieu sécuritaire et accueillant. À tous.
Faire partie de la solution
En février dernier, quand le mercure est descendu à -40 sous zéro, la Grande bibliothèque s’est transformée en halte-chaleur, en collaboration avec L’Itinéraire et la Société de développement social (SDS). Une expérience appelée à se reproduire cet hiver.
Ce n’est que l’un des services mis sur pied pour aider les plus vulnérables. Par exemple, les agents de sécurité ont été formés des organismes spécialisés en itinérance. Et une personne n’a pas besoin d’avoir une adresse fixe pour s’abonner à BAnQ.
Depuis deux ans, un jardin communautaire situé à l’arrière de la Grande bibliothèque est aussi entretenu par des jeunes de l’organisme Spectre de rue. « À la fin août, on avait remis 100 kilos de denrées à une bonne dizaine de banques alimentaires. Et ce n’est pas terminé », souligne Marie-Pierre Gadoua, coordonnatrice de la médiation sociale et de l’action culturelle à BAnQ.
Autre nouveauté : une unité mobile de la mission Old Brewery se stationne une fois par semaine à la Grande bibliothèque, depuis août. Les intervenants font des rondes et peuvent aider les sans-abri avec leurs démarches administratives (impôts, recherche de logement).
C’est sans compter toutes sortes d’ateliers et d’activités culturelles – visite des lieux, exposition photo, lectures de poésie, etc. – créés en lien avec des organismes comme L’Accueil Bonneau et L’Itinéraire.
« Pour une personne en itinérance, entrer à la Grande bibliothèque, c’est faire partie de la société », estime le directeur général de L’Itinéraire, Luc Desjardins. L’ Itinéraire est un magazine de rue bimensuel qui vise la réinsertion sociale des personnes marginalisées.
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Luc Desjardins, directeur général de L’Itinéraire.
« [Comme directeur] je vais entendre beaucoup plus nos membres parler d’un passage à un atelier ou une discussion à la bibliothèque que de vendre un magazine ! », remarque-t-il.
La prochaine étape, pour la Grande bibliothèque, est d’engager ses propres intervenants, un projet inspiré de ce qui se fait déjà à la bibliothèque de Drummondville.
Camelot d’un jour
Autre exemple de son implication dans le quartier : la Grande bibliothèque a accueilli mardi la septième édition de Camelot d’un jour, dans une ambiance festive. À cette occasion, des personnalités publiques sont jumelées à des camelots de L’Itinéraire et passent quelques heures à vendre le magazine partout dans la métropole.
« C’est vraiment très difficile, le rejet », observe l’acteur Stéphane Demers, rencontré au métro Bonaventure avec Siou Deslongchamps. « Mais j’aime l’idée de m’impliquer et de vivre l’expérience, comme Siou ou les autres camelots la vivent », ajoute celui qui en est à sa deuxième année avec Camelot d’un jour.
À la Grande bibliothèque, l’actrice et réalisatrice Mariloup Wolfe a trouvé l’espace dans son horaire pour participer à Camelot d’un jour pour la première fois. Elle est jumelée à Samir, qu’elle voit depuis des années devant le Jean Coutu près de chez elle, sur l’avenue du Mont-Royal. « J’ai hâte d’en connaître plus sur son histoire ! », lance-t-elle au passage.
il y a quelques semaines, j’ai décidé de marcher jusqu’à Berri au lieu de prendre la ligne verte, car il faisait beau. Sans me rappeler qu’il s’agissait de “l’allée du crack”, ni les histoires, ni même du nom de la rue, lorsque je suis passé devant, je m’en suis immédiatement souvenu. C’était le bordel, il y avait environ 20 à 30 personnes qui flanaient, certaines se droguant. Absolument aucune présence de police ou de toute organisation. La rue était pratiquement impraticable à moins que vous soyez courageux ou un homme de grande taille… lol. Cela n’augure rien de bon pour les installations permettant de fumer près du marché Atwater, et cela fait définitivement affaiblir le soutien de la population à l’égard de ce type d’installations. Harm reduction, ouais… Les toxicomanes ne semblent pas moins dépendants qu’avant, la misère et la souffrance dans le secteur sont à un niveau sans précédent, et il n’y a aucun semblant de désir de « cohabitation » harmonieuse.
Ce ne sont pas les sites de consommation supervisée qui vont sortir les gens de la misère, c’est le dernier recours pour éviter des décès. C’est vraiment le dernier filet de santé publique.
Ce qui s’installe proche du marché Atwater, c’est un gros volet de réhabilitation: entrevues pour les futurs résidents, lieux stables et logements, suivi régulier, réinsertion…
Si on refuse carrément de créer une ressource pour les gens qui font le choix personnel de s’en sortir, je ne sais pas trop ce qu’on peut faire. L’allée du crack va juste devenir la normalité, et avec plus d’overdose en prime. C’est une crise alimentée par une autre crise: celle du logement, et des gens font les frais du désengagement massif des gouvernements pour créer du logement social qui assurerait un filet social avant la rue. Donc il va en avoir plus, et c’est plus difficile de sortir une personne de la rue que de l’empêcher d’y aller au départ.
C’est évident qu’il faut plus de ressources pour gérer les endroits problématiques, mais en quoi déménager CACTUS va créer ces ressources pour essayer de limiter les débordements? En quoi ça serait plus harmonieux dans un autre endroit? Soit les consommateurs suivent, et on répète la même erreur. Soit ils ne suivent pas, et l’allée du crack va devenir l’allée de la mort. Faut donnez des ressources conséquentes devant le problème, pas espérer que les choses vont s’améliorer si ces mêmes ressources n’existent pas.
Bon, un site qui administre directement des drogues aux toxicomanes, où se rassemblent la plupart des toxicomanes qui utilisent un type spécifique de drogue. J’ai l’impression que c’est un endroit où nous pouvons déployer un peu plus d’efforts pour connecter ces toxicomanes avec des services qui peuvent les aider à sortir de leur dépendance, ou des services de logement, ou les aider à obtenir des comptes bancaires ou des adresses gouvernementales. Ce que j’ai vu dans la rue, c’était essentiellement des gens qui attendaient dehors et se droguaient sans surveillance, puis des gens qui rentraient à l’intérieur et se droguaient sous surveillance… et qui sortaient ensuite ? Bien sûr, tout cela signifie que le secteur est plein plein de trafiquants qui cherchent à capitaliser sur ce marché. Dans l’état actuel des choses, ce dernier recours de santé ne semble pas aider les gens au-delà de leur aider à se droguer. Nous pouvons probablement faire mieux j’imagine.
Ça ne sera pas, et c’est ça le problème. Si ces ressources ne peuvent pas cohabiter avec leur environnement, alors les gens n’en voudront pas. L’idée que l’allée du crack serait là de toute façon je suis pas sûr, car ça existe seulement a cause d’ une ressource qui pousse les gens à se rassembler, que ce soit une bonne ou une mauvaise chose. Le fait que la ville n’envoie pas plus d’agents de surveillance pendant la journée et que la ressource ne semble faire aucun effort pour maîtriser la situation à l’extérieur n’augure rien de bon pour le soutien du public. C’est la vérité.
Si Atwater réussit, les ressources devraient toujours être ainsi. L’expérience complet. En ce qui me concerne, s’il n’y a pas une partie importante de l’établissement consacrée à aider les gens à sortir de leur situation, cela n’est pas “harm reduction” (au-delà du maintien de l’individu en vie pour qu’il continue à se droguer et vivre dans la misère, le strict minimum je suppose).
Je suis complètement d’accord.
Mais ça ne se fait pas par manque de volonté ou pour cette raison:
C’est fondamentalement un manque de ressources: de l’argent, des intervenants, de l’immobilier, des ressources en santé. Personne ne se lance dans un projet comme CACTUS par désir de “faire aucun effort”, ce sont des organismes qui fonctionnent par vocation, et c’est une vocation ingrate.
Je suis certain que si CACTUS pouvait faire de quoi pour ces gens dehors ils le feraient, comme ils font à l’intérieur de l’édifice.
C’est vrai que c’est une raison, mais on observe le même phénomène de rassemblement pour diverses raisons, que les ressources existent ou non. On aurait tout simplement un autre point chaud ailleurs, organisé autour du trafic de la drogue, d’autres ressources en itinérance, des campements, etc… Dans ce cas, je crois qu’on se rejoint sur cette idée: il faut plutôt capitaliser sur la bonification de l’aide dans ces secteurs.
C’est mon avis aussi, c’est le genre de modèle qu’on devrait se voir multiplier (bien sûr s’il fonctionne, mais en tout cas les moyens semblent aller dans la bonne direction à mon avis).
Je suis d’accord que c’est un strict minimum en regard au bien-être, mais garder une personne en vie en respect de sa volonté, c’est quand même une base éthique fondamentale et inévitable.
Je comprends complètement ta perception du phénomène, et je comprends aussi les gens qui sont exposés à vivre avec une grande proximité de cette misère. C’est vrai qu’on peut complètement braquer les gens contre les ressources si on elles sont associées à une augmentation de la misère dans un secteur, une perte de qualité de vie, si on ne voit pas d’amélioration. Je crois juste qu’il ne faut pas tomber dans le piège, collectivement, que ces ressources sont responsables du problème. C’est plutôt la rareté et les limitations de ces ressources qui sont problématiques. S’il y avait 25 CACTUS, il y aurait moins de monde dans cette seule rue rue a attendre une place disponible en ressource. Si ces gens avaient un studio dans un édifice avec des aires communes toujours ouvertes, ils passeraient plus de temps là que dans une ruelle. Avec plus d’intervenants, les rues pourraient être patrouillées adéquatement. On ne rejoindrait pas tout le monde, mais beaucoup de gens, et surtout on pourrait le faire avant que la situation s’empire à un point difficile à réchapper.