Entrevue avec Lucien Bouchard Christian Dubé « va encore tout faire pour bloquer un règlement »
(Québec) Québec et les médecins spécialistes sont passés tout près de s’entendre à deux reprises, alors que le gouvernement Legault acceptait d’abandonner les sanctions pour privilégier des mesures d’incitation à l’atteinte de cibles de performance, révèle Lucien Bouchard. Mais chaque fois, c’est Christian Dubé qui a fait capoter la négociation, selon l’ex-premier ministre.
Publié à 5 h 00
Fanny Lévesque La Presse
En entrevue avec La Presse, le négociateur en chef de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) lève le voile sur les derniers mois de négociation avec le gouvernement.
Devant un ministre de la Santé qui « va encore tout faire pour bloquer un règlement », Lucien Bouchard fixe ses conditions pour reprendre la négociation : Québec doit suspendre la loi 2 et le premier ministre François Legault doit fournir « des garanties » sur le sérieux de la main tendue mardi par la présidente du Conseil du trésor, France-Élaine Duranceau. « Chat échaudé craint l’eau froide », laisse tomber le négociateur des grandes occasions. M. Bouchard livre sa version de ce qui s’est passé dans les coulisses de la négociation avec le gouvernement, un processus traditionnellement hermétique.
Selon son récit, la FMSQ et le gouvernement Legault sont venus près d’un règlement à deux reprises. D’abord à la mi-août, puis pendant le processus de médiation en octobre. Or, le gouvernement a fait des « volte-face incroyables », relate M. Bouchard.
Discussions durant l’été
Québec demande que l’accent soit mis sur le rattrapage en chirurgie, l’accès à la médecine spécialisée et la couverture en région. Entre mai et la mi-juillet, « c’est intensif », raconte M. Bouchard. « On explore et on a devant nous quelqu’un qui aime ce qu’on avance », plaide-t-il.
Au point que « les sanctions punitives sortent du décor », révèle le négociateur.
On nous dit que le gouvernement est prêt à discuter en dehors [du projet de] loi 106, “à condition que vous acceptiez des engagements pour atteindre des cibles”. Le lien à établir entre la rémunération et la performance, [le gouvernement] y tient, sauf que ça ne sera pas des liens punitifs, ça va être des liens incitatifs.
Lucien Bouchard, négociateur en chef de la FMSQ
Or, tout s’effondre à la mi-août quand les négociateurs doivent faire rapport à nouveau au gouvernement.
« On nous revient le 14 août en nous disant : “On n’a rien à proposer, ça va être 106” », relate M. Bouchard, qui affirme que la rencontre a duré « cinq minutes ».
LeBel « cherchait un règlement »
Lucien Bouchard tient le ministre Christian Dubé responsable de cet échec : « Il avait autorisé la démarche […] il pensait qu’on ne pourrait pas y arriver, j’en suis convaincu, il a bloqué le dossier. Donc, on retombe à zéro après tout ce qu’on a fait », se désole-t-il.
« Le Conseil du trésor cherchait un règlement, je peux l’affirmer. [L’ex-présidente Sonia] LeBel ne voulait pas se compromettre avec une autre loi abusive, autoritaire comme celles que fait toujours adopter M. Dubé », dit M. Bouchard.
Selon M. Bouchard, le même scénario s’est produit une deuxième fois en octobre, en pleine médiation.
« Clairement, on s’enligne vers un règlement », répète M. Bouchard. Or, le 14 octobre, nouvelle « volte-face » : les négociateurs informent la FMSQ que les « sanctions monétaires, ça va rester ».
Legault doit intervenir, selon M. Bouchard
Mais François Legault doit également s’impliquer, selon M. Bouchard. « S’il y a une crise, ça devient un dossier de premier ministre […] Ce n’est pas le ministre de la Santé qui va régler ça, il va encore tout faire pour bloquer un règlement », déplore M. Bouchard. Il admet que le moment est difficile pour M. Legault, mais ce dernier, selon lui, doit convaincre son ministre de faire un pas de côté pour dénouer l’impasse.
Il demeure convaincu qu’« un règlement est possible » avec le travail fait jusqu’à présent.
« J’ai déjà fait des choses comme ça, c’est dur à faire. En politique, on a des alliés, mais on a des amis aussi, des gens avec qui on a traversé le Rubicon », illustre l’ancien premier ministre.
Selon lui, François Legault a « le sens du leadership », ce qu’il a prouvé pendant la pandémie. « Quelque part, j’ai un espoir », ajoute M. Bouchard, qui a lui-même recruté M. Legault en politique en 1998.
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