Entrevue avec Pierre Fitzgibbon
« Le trait d’union » entre Québec et la métropole
PHILIPPE TEISCEIRA-LESSARD
Pierre Fitzgibbon dans son bureau du Vieux-Montréal PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE
Pierre Fitzgibbon, nouveau ministre responsable de la Métropole, s’apprête à faire l’argumentaire de vente le plus difficile de sa longue carrière dans les affaires : convaincre les Montréalais que le gouvernement qu’ils ont majoritairement rejeté peut travailler pour eux.
Son argument de vente, c’est d’abord le développement économique – une autre de ses responsabilités au gouvernement.
Entre une ville préoccupée par les sujets sociaux et climatiques et un gouvernement provincial particulièrement attentif à l’économie, le ministre pense qu’il est « le trait d’union », a-t-il confié à La Presse au cours de sa première entrevue officielle comme ministre responsable de la Métropole.
« Peut-être que la ville de Montréal n’a pas été aussi axée “économique” qu’on l’aurait voulu. Moi, j’amène ça », a-t-il déclaré, la semaine dernière, dans son bureau du Vieux-Montréal.
Dans sa boîte à outils, il compte sa relation avec la mairesse Valérie Plante.
Je n’irai pas dire qu’on va être un power couple, mais j’ai un très bon rapport avec elle. On est différents, mais en étant différents, on est complémentaires. Et en étant complémentaires, on va arriver plus facilement à une destination.
Pierre Fitzgibbon
Il promet de « bien représenter Montréal » autour de la table du Conseil des ministres. Même face aux demandes incessantes de la mairesse pour obtenir davantage de fonds provinciaux ? « Nous, on fait la même chose avec le fédéral, a-t-il dit, sourire en coin. Et j’ai ce rapport-là avec elle pour lui dire : à un moment donné, arrête. Le sac d’argent est là, il n’y en aura pas plus. »
« Le trafic est épouvantable »
Pierre Fitzgibbon entre dans l’adolescence quand son Ahuntsic natal est subitement relié au centre-ville grâce au tout nouveau métro, en 1967. Soudainement, « Ahuntsic n’était plus une banlieue ».
Le même électrochoc va secouer les secteurs à proximité du REM dans les prochains mois, a-t-il assuré. Au point d’accélérer les autres projets de transport sur la planche à dessin du gouvernement.
« Le REM de l’Ouest va être un catalyseur pour faire de Montréal une vraie ville de mobilité urbaine », a-t-il lancé avec l’assurance du vendeur dans la voix. « Ça va permettre d’avoir une mobilisation pour la ligne bleue, peut-être la ligne jaune, la ligne orange dont on parle, le fameux train de Lachine vers [le centre-ville de] Montréal. »
Pierre Fitzgibbon dans son bureau du Vieux-Montréal PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE
L’élu a vécu à Hong Kong, dont il vante le système de transport collectif. Montréal aurait dû s’inspirer de cet exemple et des autres métropoles du monde bien avant, a-t-il dit. Ce grand voyageur devant l’Éternel est persuadé que s’il avait été relié par un train rapide, l’aéroport de Mirabel serait toujours ouvert en 2022.
« Je ne pense pas qu’on réalise comment le REM va rendre les gens conscients à quel point la mobilité, le transport collectif, deviennent incontournables, dit-il. Le trafic à Montréal est épouvantable. »
Inquiétudes pour le REM de l’Est
Le REM de l’Est – que Québec et la Ville de Montréal ont repris de CDPQ Infra en mai dernier – risque aussi d’être au cœur du mandat de Pierre Fitzgibbon comme ministre responsable de la Métropole.
Il ne s’en cache pas : « C’est clair que la communauté des affaires est un peu inquiète » de l’absence de lien direct avec le centre-ville dans les derniers tracés proposés.
Entre une controversée structure aérienne au centre-ville et un pharaonique projet souterrain, François Legault a préféré mettre une croix sur le tronçon. « Une bonne décision », a estimé le ministre.
Lui-même est un résidant du Vieux-Montréal, après avoir vécu au cœur du centre-ville et à L’Île-des-Sœurs.
Un raccordement à « la ligne verte temporairement peut suffire », a-t-il dit. « Je pense qu’on peut augmenter un peu la capacité de la ligne verte. Est-ce que dans 15 ans, 20 ans, ça va être suffisant ? Probablement pas. Mais il faut commencer quelque part. »
La Rive-Nord – dont il représente une partie à l’Assemblée nationale comme député de Terrebonne – risque de voir les rames du REM arriver plus rapidement. « Partir de Terrebonne pour s’en aller au centre-ville de Montréal, ça prend de la patience, a-t-il déploré. Il faut faire de quoi. Est-ce le REM qui se rend là ? Est-ce le REM qui arrête à Repentigny et on fait une connexion avec le train de l’Est ? Tout est à l’étude. »
L’Est dans le « catalogue »
Un autre grand chantier du nouveau ministre, c’est justement l’est de Montréal.
« Il faut faire de quoi là », a-t-il synthétisé dans son style direct et sans fioritures. « Montréal est tellement performant au niveau de l’image à l’international que de pouvoir libérer des terrains dans l’est de Montréal où il y aurait de l’habitation, où il y aurait du transport collectif […], ça va permettre un développement économique. » Cette image de la ville de Montréal – joyeuse, diverse, paisible –, il la décrit d’ailleurs comme son arme principale dans ses démarchages aux quatre coins du monde.
Pour l’Est, il ne s’agira pas « d’industrie lourde, bien sûr. Ça va être de l’industrie légère ou du service ».
Il l’avoue candidement : jusqu’à maintenant, le secteur n’était pas vraiment dans son « catalogue » d’emplacements lorsqu’il rencontrait des entreprises étrangères pour les convaincre d’investir au Québec. « Ça n’a jamais été sur le radar vraiment, a-t-il admis. Parce qu’on offrait quoi ? Un terrain pas loin de Montréal, mais il n’y avait rien d’autre. » Quelques minutes plus tard, il sort une carte de son dossier pour montrer du bout de son crayon le degré d’enclavement de certaines parties de l’Est.
La décontamination des terrains, le futur REM de l’Est et une vision plus structurante du secteur vont changer les choses, a-t-il assuré. « Moi, je pense qu’on va commencer à intégrer l’est de Montréal dans notre plan de développement international. »