C’est l’endroit, entre tous à Montréal, où voir le jour décliner. Un grand angle sur le fleuve, un horizon sans fin au coucher du soleil. Mais le parc René-Lévesque, tout comme la piste cyclable qui longe tout le bord de l’eau à Lachine, n’est pas né comme par enchantement. En ces beaux jours où bien des gens feront leur petit tour à vélo dans cet arrondissement, petite page d’histoire sur Guy Descary, l’homme qui a tant façonné le paysage et transformé le quotidien des générations qui ont suivi.
Résumé
Guy Descary L’homme qui a façonné le paysage de Lachine
PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE
Le parc René-Lévesque, à Lachine
C’est l’endroit, entre tous à Montréal, où voir le jour décliner. Un grand angle sur le fleuve, un horizon sans fin au coucher du soleil. Mais le parc René-Lévesque, tout comme la piste cyclable qui longe tout le bord de l’eau à Lachine, n’est pas né comme par enchantement. En ces beaux jours où bien des gens feront leur petit tour à vélo dans cet arrondissement, petite page d’histoire sur Guy Descary, l’homme qui a tant façonné le paysage et transformé le quotidien des générations qui ont suivi.
Publié à 1h12 Mis à jour à 5h00
Louise Leduc La Presse
« Le bord de l’eau doit être accessible à tous les citoyens. Nous ferons du bord de l’eau une promenade. »
C’est ce qui était écrit en toutes lettres dans le programme électoral de Guy Descary, devenu maire de Lachine en 1973 et mort en fonction, en 1991.
PHOTO FOURNIE PAR LA FAMILLE
Guy Descary, maire de Lachine de 1973 à 1991
« Le lac Saint-Louis constitue pour notre ville une richesse inestimable qui a été à l’origine de sa fondation, disait aussi le programme. Tout son développement doit être fait en fonction de cette richesse. »
« Mon père voyait cela comme un legs pour les autres générations », explique en entrevue son fils, Benoit Descary.
À l’époque, fait-il observer, peu d’attention était portée au patrimoine et aux rives des plans d’eau.
Son père, lui, accordait déjà beaucoup de valeur à tout cela. Pharmacien de métier, urbaniste dans l’âme, animateur d’une émission d’affaires publiques pendant quelques années, Guy Descary était un homme pluriel, « un homme d’action ! », résume son fils.
PHOTO FOURNIE PAR LA FAMILLE
René Lévesque en entrevue avec Guy Descary
« Il était beaucoup sur le terrain. Le soir, quand j’étais jeune adolescent, il nous emmenait, ma sœur et moi, faire le tour des rues de Lachine pour dresser la liste des choses qui devaient être réparées ! »
Face à des vents contraires
À la mort de Guy Descary – prématurément, à l’âge de 59 ans –, l’article de La Presse qui lui rendait hommage rappelait qu’à son entrée en poste, les vieux quartiers de Lachine « offraient une image de désolation et d’abandon. Son bord de l’eau était envahi par des bars et des tripots. Au risque d’y laisser sa peau, Guy Descary entreprit de rebâtir la ville de fond en comble ».
Benoit Descary raconte que, de fait, son père a dû faire face à bien des vents contraires, y compris du conseil municipal très réfractaire à ses idées.
L’une des premières tâches de Guy Descary, évoque son fils, a été de s’attaquer au petit canal de Lachine, dont les pierres des murs tombaient à l’eau.
Il a aussi donné l’aval à quelques expropriations autour du phare emblématique de Lachine afin de créer un parc linéaire qui donnerait un accès totalement public à tout le bord de l’eau.
Mais les expropriations ont touché peu de maisons. Mon père voulait conserver l’aspect “village” de Lachine.
Benoit Descary
Le parc René-Lévesque
Sur l’ancienne jetée qui était alors un dépotoir maritime où s’accumulaient les déchets de dragage, il a fait construire le grand parc René-Lévesque, cette presqu’île aujourd’hui traversée par un arboretum, ponctuée de sculptures et entourée d’une piste cyclable.
PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE
Le parc René-Lévesque, à Lachine
C’était une autre époque, comme on le constate encore une fois en lisant l’article de La Presse à sa mort. Pour transformer la jetée en un îlot de verdure, « Guy Descary fit travailler des dizaines de prisonniers pendant tout un été ».
Son fils a entendu cette histoire de prisonniers – une légende ou pas ? –, mais il raconte, tout comme André Robichaud, ex-président de la Société d’histoire de Lachine, que le travail a surtout été abattu par des chômeurs rendus au bout de leurs prestations.
M. Robichaud rappelle aussi que M. Descary est entré en poste juste avant les Jeux olympiques, alors que le cyclisme commençait tout juste à être populaire. « Avant, rouler à vélo, c’était une activité d’enfants. »
Bientôt, des pistes cyclables apparaîtront et deviendront très fréquentées, entre autres, 40 ans plus tard, par Rithya Caroline Ky et sa famille, qui habitent à Lachine.
Le bord de l’eau cimente le quartier. On y fait du vélo, du jogging, on y promène son chien, on y fait de nouvelles rencontres, explique-t-elle, évoquant par exemple cette conversation impromptue « avec une charmante vieille dame promenant son golden retriever » qui, un petit matin tristounet, « nous a fait rire aux éclats avec ses anecdotes désopilantes ».
PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE
Le parc René-Lévesque, à Lachine
François Guillotte, qui habite lui aussi à Lachine, constate que les citoyens sont chanceux « d’avoir eu un maire qui, dans le passé, a eu de la vision et a priorisé le bien-être de la communauté ».
« On dit souvent qu’on ne sent pas beaucoup que Montréal est une île. À Lachine, au contraire, on a une grande proximité avec l’eau. »
Gardien des vieilles pierres, aussi
On doit aussi à Guy Descary la préservation de quelques-uns des plus beaux édifices patrimoniaux de Lachine, relève André Robichaud, qui a longtemps été à la Société d’histoire de Lachine. Il rappelle que le conseil municipal avait décidé en 1974 de livrer l’ancienne brasserie Dawes « au pic des démolisseurs ».
PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE
André Robichaud devant l’ancienne brasserie Dawes, en 2016
Benoit Descary souligne que « le conseil municipal d’alors a refusé que la Ville emprunte pour la remettre en état ». Pour préserver l’édifice datant de 1861 et fait de pierres des champs, Guy Descary « l’a fait restaurer quand même par des employés municipaux ! ».
« Ça, c’était un peu dictatorial ! », dit en riant M. Descary.
Mais la vieille brasserie était sauvée.
Le défunt maire a aussi fait rénover la maison Le Ber-Le Moyne, cette maison de pierres servant de poste de traite et d’entrepôt de marchandises pour équiper les coureurs des bois.
Rithya Caroline Ky dit toute sa reconnaissance envers Guy Descary et d’autres, sans doute, qui ont aménagé « si poétiquement Lachine ».
« À nous, maintenant, d’en prendre soin. »