Marché des logements locatifs - Actualités

Airbnb au coeur de reprises de logement, malgré la pandémie


Photo: Olivier Zuida, Le Devoir — Dans les dernières années, le gouvernement du Québec a revu l’encadrement concernant l’hébergement touristique.

Zacharie Goudreault
26 avril 2022

Malgré la chute du tourisme dans le contexte de la pandémie, des dizaines de décisions concernant des reprises de possession en lien avec des locations à court terme sur la plateforme Airbnb ont été rendues dans la dernière année par le Tribunal administratif du logement (TAL). Signe d’un phénomène qui persiste et affecte autant des locataires que des propriétaires.

Le Devoir a épluché les 45 décisions du TAL qui comprennent les termes « reprise » et « Airbnb » ayant été mises en ligne sur le site de la Société québécoise d’information juridique entre la fin mars 2021 et la fin mars 2022. Leur nombre a d’ailleurs continué d’augmenter dans les dernières années, malgré la crise sanitaire. Le TAL associe entre autres cette situation à ses « activités de sensibilisation accrues » auprès de la population.

« Mieux les citoyens sont informés de leurs droits, plus ils sont à même de les exercer », indique par courriel un porte-parole du Tribunal, Denis Miron. L’avocat en droit du logement Manuel Johnson note toutefois que ces décisions ne représentent que « la pointe de l’iceberg », puisque de nombreuses reprises de logement ne se rendent jamais devant les tribunaux.

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Les jugements que nous avons consultés portent notamment sur des locataires qui se sont fait évincer de leur logement afin que celui-ci se retrouve sur Airbnb, tandis que d’autres ont été punis par le TAL pour avoir sous-loué sans autorisation leur appartement sur cette plateforme de location à court terme.

Du lot, on compte Christian. Le Montréalais, qui a demandé au Devoir de taire son nom de famille pour protéger sa vie privée, a obtenu plus de 25 000 $ de la part du Tribunal en février dernier après avoir dénoncé une éviction frauduleuse.

Le locataire avait d’abord accepté en août 2019 de quitter son appartement de la rue Saint-Jacques, dans le Vieux-Montréal, à la demande de la propriétaire qui affirmait vouloir emménager à cet endroit. « Il a eu tôt fait, toutefois, de se rendre compte qu’une fois le logis libéré, celui-là était rénové, comme il s’y attendait, puis reloué pour de courts séjours sur la plateforme d’hébergement touristique Airbnb », mentionne la décision d’une dizaine de pages.

Le locataire a ainsi réussi à convaincre le Tribunal qu’il a été victime d’une éviction obtenue de mauvaise foi, ce qui lui a permis d’obtenir une généreuse compensation financière. Cette somme demeure toutefois négligeable en comparaison à l’augmentation des profits de location de la propriétaire, qui propose désormais ce logement aux touristes de passage à un tarif quotidien de plusieurs centaines de dollars, relève l’avocat du locataire, Daniel Crespo-Villarreal.

Les montants octroyés dans cette affaire n’accomplissent donc pas « leur fonction dissuasive », évoque l’avocat, qui estime que le TAL devrait « rembourser la totalité des profits qui ont été réalisés » par la propriétaire grâce à cette éviction. Une autre avenue possible serait d’accorder un pourcentage de la valeur de la propriété au locataire évincé, ajoute-t-il. « Ça m’apparaît un critère objectif. »

Le locataire, pour sa part, débourse désormais 1500 $ de plus par mois pour un logement d’une taille légèrement plus grande que son précédent appartement, dont le loyer mensuel était de 1750 $. « J’ai trouvé un appartement semblable, mais tout de même beaucoup plus dispendieux », souligne Christian, qui garde « un goût amer » de cette bataille judiciaire.

Dissuasion

Dans une décision similaire rendue le 25 octobre dernier, une locataire de Montréal a obtenu 13 600 $ à titre de dédommagement après avoir été évincée en 2019 sous un faux prétexte. Le propriétaire avait alors dit vouloir récupérer ce logement pour y loger sa mère et son père. Or, il a plutôt « tiré profit du départ de la locataire » en louant cet appartement sur la plateforme Airbnb, où il était toujours affiché au moment où cette décision a été rendue.

Dans les dernières années, le gouvernement du Québec a revu l’encadrement concernant l’hébergement touristique. Il faut désormais obtenir un numéro d’enregistrement afin de pouvoir louer pour de courts séjours sa résidence principale sur des plateformes comme Airbnb. Une attestation de la Corporation de l’industrie touristique du Québec est en outre requise lorsqu’il s’agit d’une résidence secondaire. À Montréal, plusieurs arrondissements ont également limité les zones où les logements de type Airbnb sont permis.

Les inspecteurs déployés sur le terrain sont toutefois peu nombreux, estime Me Johnson. « Même avec les nouvelles règles qu’ils ont mises en place pour encadrer Airbnb, je pense qu’ils n’ont toujours pas assez d’effectifs pour vérifier ça », relève l’avocat, qui compare cette situation au manque d’agents pour assurer la salubrité des logements dans la métropole.

Joint par Le Devoir, le ministère du Tourisme a souligné que la nouvelle Loi sur l’hébergement touristique, dont l’entrée en vigueur officielle est prévue « au cours des prochains mois », prévoit « des amendes plus élevées que celles actuellement en vigueur ainsi que des pouvoirs accrus aux municipalités quant aux demandes de suspension et d’annulation d’un enregistrement d’un établissement d’hébergement touristique ». Les villes disposent d’ailleurs déjà de pouvoirs suffisants pour « limiter », voire « interdire », ce type d’hébergement de courte durée sur leur territoire, note le ministère.

Des locataires fautifs

Plusieurs des jugements rendus dans la période d’un an analysée par Le Devoir portaient d’autre part sur des locataires ayant sous-loué leur logement sur Airbnb sans avoir obtenu l’autorisation de leur propriétaire, ce qui est illégal. Plusieurs d’entre eux ont ainsi été expulsés au terme de démarches entamées devant le TAL par des propriétaires.

« Quand des locataires font ça, ça entraîne de gros inconvénients pour les propriétaires », qui risquent de se retrouver avec des logements insalubres et des nuisances sonores, rappelle le directeur général de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec, Benoit Ste-Marie. « Il faudrait que ce soit pris beaucoup plus au sérieux », insiste M. Ste-Marie.

« Les locataires qui sous-louent un logement sans détenir d’attestation de classification effectuent de l’hébergement touristique illégal, et les efforts pour contrer la problématique sont soutenus », assure le ministère du Tourisme, qui rappelle que les contrevenants s’exposent à des amendes pouvant aller à 25 000 $ pour une personne physique et à 50 000 $ pour une entreprise.

Avec Isabelle Porter

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Il est grand temps qu’on agisse avec plus de détermination afin d’éliminer cette plaie qui contribue à la crise du logement, autant au niveau des disponibilités (taux de vacance) que des hausses de couts qui en découlent. Mais on n’y arrivera pas si on ne met pas le personnel nécessaire pour appliquer la loi et les règlementations. Comme il y a moyen de savoir depuis quand un logement spécifique est sur AirBNB, les amendes et pénalités devraient être rétroactives au début de l’inscription.

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Serrer la vis à Airbnb


PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE
La Corporation de l’industrie touristique du Québec délivre des attestations pour les logements offerts en location sur des plateformes comme Airbnb.

NATHALIE COLLARD
LA PRESSE

Les règles imposées à Airbnb sont plus sévères au Québec depuis trois ans, mais visiblement, ce n’est pas suffisant. Depuis quelques jours, une carte de l’île de Montréal couverte de points rouges provenant du site Inside Airbnb circule dans les réseaux sociaux. On dit que chaque point représenterait un appartement de location de courte durée. La députée de Québec solidaire Ruba Ghazal a diffusé cette carte sur Twitter pour interpeller la ministre responsable de l’Habitation, Andrée Laforest.

Publié à 5h00

Impossible de vérifier chaque point sur la carte, mais une brève visite sur Airbnb suffit pour constater qu’il y a un très grand nombre de locations à court terme disponibles à Montréal. Et en pleine crise du logement, cela suscite l’indignation. D’autant que Montréal s’attend à une augmentation de 10 à 25 % du nombre de familles qui se retrouveront sans logis à compter du 1er juillet.


IMAGE TIRÉE DE FACEBOOK

Toutes les grandes villes du monde sont aux prises avec ce problème. C’est devenu si grave que des villes comme Barcelone et New York interdisent désormais la location à court terme de moins de 30 jours.

Depuis 2019, Revenu Québec dispose de plus de pouvoirs pour pincer les propriétaires qui utilisent Airbnb à des fins commerciales sans permis. En effet, chaque locateur doit s’inscrire et afficher son numéro de permis dans son offre de location. Les contrevenants s’exposent à des amendes allant de 2500 $ à 25 000 $. Pour l’année 2021-2022, Revenu Québec a effectué 3335 inspections, signifié 1759 constats d’infraction qui ont abouti à 919 condamnations.

La Ville de Montréal a elle aussi adopté des mesures plus restrictives. Selon les arrondissements, la location à court terme est limitée à certaines rues. Des inspecteurs peuvent monter des dossiers et l’arrondissement portera plainte, mais de l’aveu du vice-président du comité exécutif de la Ville, Benoit Dorais, également maire du Sud-Ouest, le processus est long et fastidieux.

En vérité, les gouvernements ne sont pas de taille face à cette entreprise tentaculaire. Et ce n’est pas propre à la métropole. Les mêmes enjeux s’observent à Québec, Trois-Rivières, Gatineau ainsi que dans plusieurs régions de villégiature. Airbnb dérange les écosystèmes et pose toujours des défis aux élus.

Un des problèmes, c’est que les règlements ne sont pas respectés. Il suffit d’une visite sur le site Airbnb pour le constater : peu de locateurs affichent leurs numéros de permis, et on trouve des locations de courte durée partout, même dans les rues où c’est interdit. Quant aux prix, ils donnent le vertige : 200, 300, 400 $ la nuit. Et ils fluctuent, comme le font les prix de Uber un soir du Nouvel An. Un condo qui se loue 233 $ par jour dans la rue Richmond près de la rue des Bassins, dans Griffintown, en coûtera 2553 $ la nuit durant le week-end du Grand Prix de Formule 1. On est loin, très loin des intentions de départ de cette plateforme participative qui permettait à des individus d’arrondir leurs fins de mois en louant leur appartement lorsqu’ils partaient en vacances. On est face à des entreprises qui utilisent la plateforme trop souvent à l’abri de l’impôt.

Les effets néfastes d’Airbnb dans les communautés sont documentés depuis plusieurs années : nuisance pour le voisinage, détérioration de la vie de quartier, impact sur les commerces de proximité… La Presse avait publié un dossier très complet sur la question en 2018, dossier qui demeure pertinent même si certaines règles ont changé.

Lisez notre dossier « L’effet Airbnb »

Airbnb est loin d’être l’unique responsable de la crise du logement qui sévit dans nos villes, mais elle y contribue certainement en réduisant le nombre de logements disponibles sur le marché et en faisant grimper le coût des loyers. Il n’y a pas 36 000 solutions pour lutter contre ce fléau. Il faut plus d’inspecteurs sur le terrain pour prendre les locateurs sur le fait. Et il faut des amendes encore plus salées afin de décourager les propriétaires qui l’utilisent à des fins commerciales en se soustrayant aux règles.

Bien sûr, ça ne nuirait pas si les résidants disaient haut et fort qu’ils ne souhaitent plus ce type de location dans leur quartier comme l’ont fait les Barcelonais, par exemple.

La qualité de vie et la diversité de nos villes en dépendent.

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Un programme de logements abordables mal ficelé


*Photo: Jacques Nadeau Le Devoir *
Le directeur général de l’Association des groupes de ressources techniques du Québec craint que la grille de loyers cibles nuise à l’atteinte de la cible du gouvernement Legault.

Zacharie Goudreault
Avec Jeanne Corriveau
2 mai 2022

Le gouvernement du Québec a promis d’accélérer la construction de logements abordables grâce à un nouveau programme de subventions, mais à quelques jours de l’échéance pour y déposer des projets, encore bien des fils demeurent à attacher pour répondre aux nombreuses interrogations qu’il soulève.

Précisément 887 dollars. C’est le loyer mensuel cible que prévoit le Programme d’habitation abordable Québec (PHAQ), dévoilé en février, pour un logement de deux chambres à coucher subventionné dans l’ensemble de la grande région de Montréal. Or, si les coûts de construction sont similaires dans l’ensemble de la région, la valeur des terrains varie grandement d’un secteur à l’autre. Mais cette grille prévoit le même loyer cible cette année pour les logements qui seront construits dans les quartiers centraux de Montréal qu’à Belœil, et à Beauharnois, en Montérégie ainsi qu’à Lavaltrie, dans Lanaudière, entre autres.

« Ça n’a pas de sens […] Il faut que les loyers soient basés sur la réalité de l’endroit parce que, sinon, tu mets en péril des projets à cause de ça », explique au Devoir le directeur général de l’Association des groupes de ressources techniques du Québec (AGRTQ), Éric Cimon.

Ce dernier craint donc que cette grille de loyers cibles nuise à l’atteinte de la cible du gouvernement Legault qui vise à stimuler la construction de plus de 3000 logements abordables dans les prochaines années grâce au PHAQ, dans lequel 300 millions de dollars ont été injectés jusqu’à maintenant.

Le cabinet de la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, a d’ailleurs confirmé par courriel que des « ajustements » seront apportés à cette grille « dans les prochains jours », tout en refusant de préciser la teneur de ceux-ci. Le premier appel de projets, lancé le 1er mars, se termine pourtant le 5 mai ; un délai serré, d’ailleurs critiqué tant par le secteur privé que par le milieu communautaire.

« Ce programme a été fait à la va-vite en complément d’AccèsLogis pour construire des logements rapidement sans consulter personne », déplore ainsi M. Cimon, qui va jusqu’à qualifier le PHAQ de « programme improvisé ».

Montréal désavantagée

Le directeur du service économique de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ), Paul Cardinal, relève d’ailleurs, à la lecture du cadre normatif du PHAQ, que le coût d’achat des terrains n’y est « pas pris en compte ». « Ce sont les coûts de construction qu’on rembourse », explique-t-il. Cette situation pourrait expliquer que les loyers cibles atteignent 1396 dollars par mois pour un logement de deux chambres à coucher dans plusieurs municipalités situées dans des régions éloignées, où les coûts de construction sont plus élevés, évoque-t-il.

Cette logique pourrait toutefois nuire à la construction de logements locatifs abordables dans plusieurs quartiers de Montréal qui en ont bien besoin, reconnaît-il. « Ce sera probablement plus facile d’atteindre cet objectif [en ce qui concerne les loyers cibles] si on est en banlieue plus éloignée que dans un quartier central de Montréal », évoque M. Cardinal.

« C’est un peu absurde. C’est un encouragement à aller développer en dehors de Montréal parce que les loyers vont être durs à atteindre » dans la métropole, déplore quant à lui le président et chef de la direction de la Société de développement Angus, Christian Yaccarini. Ce dernier rappelle que « les coûts de développement » sont aussi plus élevés à Montréal « parce qu’on doit occuper le domaine public » avec « des grues et des roulottes » pour mener un chantier de construction, ce qui fait gonfler la facture.

C’est un encouragement à aller développer en dehors de Montréal parce que les loyers vont être durs à atteindre

— Christian Yaccarini

Paul Cardinal estime toutefois que ce programme est nécessaire, dans un contexte de hausse rapide des loyers dans la métropole, afin de limiter l’exode des locataires moins nantis vers la banlieue. « Ce serait encore pire s’il n’y avait pas de programme [de logements abordables] », relève-t-il.

La directrice générale de l’entreprise d’économie sociale Bâtir son quartier, Édith Cyr, voit pour sa part d’un bon œil l’idée d’un loyer cible commun dans toute la grande région de Montréal. « Si on dit que les terrains sont plus chers à Montréal, en fin de compte, les gens n’ont quand même pas plus d’argent pour louer un appartement [dans la métropole] », relève-t-elle. Selon elle, ce sont donc plutôt les subventions accordées qui devraient être majorées à la hausse sur l’île, plutôt que les loyers cibles.

« Plusieurs fils à attacher »

M. Cardinal n’a toutefois eu écho jusqu’à maintenant d’aucun de ses membres qui aurait soumis des projets dans le cadre de ce programme. « Il reste des petites choses qui font qu’au niveau de l’harmonisation avec la Ville de Montréal entre autres, il y a une bonne réflexion et un bon calcul à faire avec nos promoteurs avant de se lancer tête première dans des projets comme ça », relève-t-il.

Plusieurs promoteurs majeurs joints par Le Devoir ont d’ailleurs refusé de commenter ce dossier. Idem pour la Ville de Montréal. « Ce programme, pour qu’il soit optimal, il faut que les choses soient claires, prévisibles et en harmonie avec d’autres programmes », renchérit M. Cardinal.

Or, actuellement, on ignore comment ce programme s’harmonisera, entre autres, avec le Règlement pour une métropole mixte de la Ville de Montréal, soulève la présidente de Prével, Laurence Vincent.

« On voulait proposer une amélioration par rapport à AccèsLogis [avec le PHAQ]. À ce jour, je ne vois pas d’améliorations », lance-t-elle en entrevue.

Dans le milieu communautaire, on compte déposer des projets, mais les attentes ne sont pas élevées pour la suite.

« On va en déposer des projets, mais on n’est pas sûr que tout fonctionne », laisse tomber Éric Cimon, qui estime qu’il reste encore « plusieurs fils à attacher » avant que le PHAQ soit fonctionnel.

« C’est un nouveau programme, il connaît une forte demande actuellement, et notre objectif est encore et toujours de construire plus rapidement des logements abordables en mettant tout le monde à contribution », a pour sa part assuré par écrit le cabinet de la ministre Laforest.

ah les Airbnb illégaux…

Chaque logement peut héberger jusqu’à 16 personnes selon l’annonce Airbnb…

Un méga Airbnb en zone interdite : Reportage de René Saint-Louis


L’immeuble est situé rue Alma, dans le quartier La Petite-PatriePHOTO : Radio-Canada / René Saint-Louis

Le 15-18Publié le 10 mai 2022

Dans l’arrondissement Rosemont–La Petite-Patrie, à Montréal, quatre logements de trois chambres d’un même immeuble sont à louer sur la plateforme Airbnb. Pourtant, la location à court terme est interdite dans ce secteur. Des citoyennes se sont plaintes au conseil d’arrondissement du va-et-vient engendré par cette activité touristique illégale. Les élus leur ont toutefois répondu qu’ils avaient bien peu de pouvoir pour faire respecter leur propre réglementation et qu’il fallait plutôt demander à Québec d’agir, comme le rapporte le journaliste René Saint-Louis.


L’article

Un méga Airbnb dérange dans la Petite-Patrie

Son propriétaire exploite illégalement quatre logements en attendant de pouvoir les convertir en condos.


Les quatre logements de cet immeuble sont actuellement mis en location à court terme sur le site web d’Airbnb.
PHOTO : RADIO-CANADA / RENÉ SAINT-LOUIS

Radio-Canada
à 21 h 49

Un immeuble de logements complètement transformé en Airbnb, dans un secteur où la location à court terme est pourtant interdite : c’est la réalité avec laquelle doivent composer les résidents de la rue Alma, dans Rosemont–La Petite-Patrie, ces jours-ci.

L’immeuble en question comprend quatre logements de trois chambres utilisés pour faire de l’hébergement de courte durée. Selon le descriptif des annonces, chaque appartement peut héberger jusqu’à 16 personnes : 4 par chambre à coucher, et 4 dans le salon.

En les louant à répétition, le propriétaire se trouve à enfreindre à la fois des lois provinciales et des règlements municipaux, si bien que des voisins, incommodés par les incessantes allées et venues engendrées par cette activité touristique illégale, ont profité du dernier conseil d’arrondissement pour se faire entendre des élus.

Il y a des fêtes qui ne cessent plus, il y a des raves qui durent jusqu’à 11 h le lendemain matin, raconte une voisine qui préfère rester anonyme. Il y a des interventions policières dont moi j’ai été témoin. Il y en a eu deux, puis d’autres dont je n’ai pas été témoin. Bref, il y a du va-et-vient.

Les élus leur ont toutefois répondu qu’ils avaient bien peu de pouvoir pour faire respecter leur propre réglementation et qu’il fallait plutôt demander à Québec d’agir.

Ce que vous décrivez, qui est votre cauchemar, c’est le nôtre aussi, a admis le maire de l’arrondissement, François Limoges. Et là, bienvenue dans notre monde.

M. Limoges a expliqué aux résidents avoir les mains liées par des lois québécoises. Et pour l’instant, on a très peu d’appui de notre propre gouvernement, qui dicte nos paramètres d’action [afin] de pouvoir faire respecter ça, a-t-il ajouté.

Nous, pour aller en cour, ça prend une preuve directe, a poursuivi le maire. On ne peut pas avoir une preuve indirecte, c’est-à-dire qu’un inspecteur ne peut pas aller sur Airbnb, puis prendre un screenshot de la page puis aller en cour avec ça. Ce n’est pas considéré comme suffisant.

Ce que dictent les règles

Depuis le 1er mai 2020, selon un nouveau règlement instauré par le ministère du Tourisme, toute personne souhaitant mettre en location sa résidence principale ou secondaire doit obtenir un numéro d’enregistrement délivré par la Corporation de l’industrie touristique du Québec. Les contrevenants s’exposent à des amendes de 2500 $ à 25 000 $.

L’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie interdit de son côté la location de courte durée sur tout son territoire, sauf sur la Plaza Saint-Hubert. Mais pour faire appliquer le règlement, une requête en Cour supérieure doit être introduite. Et l’amende prévue n’est que de 300 $, une facture moins élevée qu’une seule nuitée dans un logement de l’immeuble en question.

C’est comme si moi, en tant que citoyenne, il faudrait que je saisisse la Cour supérieure, que je fasse une demande d’injonction […] pour que la Ville bouge, a déploré une citoyenne au dernier conseil d’arrondissement. Ça n’a comme pas de bon sens de demander aux citoyens de tenter eux-mêmes de faire appliquer les règlements qui sont adoptés par les élus.

J’ai l’impression aussi qu’il y a peut-être un manque de coordination entre diverses instances étatiques, a renchéri une autre. Revenu Québec [et] la Ville pourraient se parler, parce qu’ils sont tous les deux victimes de cette situation-là : un par le non-paiement de charges fiscales, l’autre par le non-respect de la réglementation municipale.

Une solution temporaire, explique le propriétaire

Le propriétaire de l’immeuble problématique dans la Petite-Patrie admet ne pas avoir obtenu les autorisations nécessaires.

Joint par Radio-Canada, il a expliqué s’être tourné temporairement vers la location de courte durée en raison de la lenteur des procédures qui – c’est son objectif – lui permettront de transformer les logements en condos, une opération qu’il espère réaliser plus tard cette année.

Interrogée sur la question, la compagnie Airbnb a dit prendre toutes les mesures nécessaires pour que les hôtes connaissent les lois et règlements du Québec, sans expliquer pourquoi elle permettait à ses utilisateurs de publier des annonces qui ne les respectent pas.

Il y a vraiment un travail à faire auprès des plateformes en ligne pour qu’elles soient contraintes de respecter la réglementation et d’afficher des hébergements qui ont obtenu le numéro d’enregistrement du gouvernement du Québec, estime la conseillère du Vieux-Rosemont, Dominique Ollivier, qui est aussi présidente du comité exécutif de Montréal.

Ensuite, il faut faire les représentations nécessaires pour que le gouvernement du Québec puisse mettre en place les ressources nécessaires pour aller constater les [infractions], dit-elle.

Pour ne pas nuire à ses stratégies d’intervention, Revenu Québec ne dévoile pas ses techniques d’inspection et d’enquête ni le nombre d’agents attitrés à ces activités.

Force est toutefois de constater que le nombre de constats d’infraction délivrés en vertu de la Loi sur les établissements d’hébergement touristique a plus que décuplé depuis deux ans, passant de 135 en 2019-2020 à 1747 en 2021-2022 (en date du 28 février).

La somme des amendes distribuées pendant la même période est quant à elle passée d’environ 200 000 $ à près de 3,6 millions de dollars.

Avec les informations de René Saint-Louis

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Contrairement à ce que certains ministres affirment, la crise du logement n’est pas seulement dans quelques villes

L’article qui accompagne le reportage

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Autopsie de la crise du logement

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Le prix des maisons explose, les logements abordables sont rares… Montréal nage en pleine crise du logement. Si on se console quand on se compare, la situation n’en demeure pas moins préoccupante pour bon nombre de ménages. Maintenant que la croissance démographique reprend, il reste à savoir si la construction résidentielle sera suffisante pour combler les besoins. Voici quelques données tirées du vaste « Portrait de l’habitation dans le Grand Montréal » que vient tout juste de dévoiler la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM).

Publié à 6h00

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Isabelle Ducas

Isabelle Ducas La Presse

4,6 millions

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

En 2021, la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) comptait 4,1 millions de personnes.

C’est la population prévue du Grand Montréal en 2041, selon les projections de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), ce qui représentera 48,7 % de la population du Québec. En 2021, la CMM comptait 4,1 millions de personnes. Cette hausse reposera principalement sur l’immigration internationale dans les secteurs centraux et sur la migration intramétropolitaine dans les couronnes.

243 000

C’est le nombre de nouveaux ménages qui devraient s’installer dans la grande région de Montréal au cours des 20 prochaines années, selon les projections de croissance de l’ISQ, soit 12 150 ménages par année.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

INFOGRAPHIE LA PRESSE

INFOGRAPHIE LA PRESSE

23 500

Nombre de nouveaux logements construits annuellement en moyenne depuis 2016 dans la région. Malgré la pandémie et la décroissance démographique observée entre 2020 et 2021, les mises en chantier résidentielles ont continué d’augmenter dans la région et ont même atteint, en 2021, des sommets inégalés depuis plus de deux décennies, dans l’agglomération de Montréal et dans la couronne nord.

Entre 2020 et 2021, le loyer moyen dans la région a augmenté de 3,7 %. Pour la troisième année consécutive, l’augmentation annuelle est nettement supérieure à la moyenne des 20 dernières années (2,8 % pour la période 2002 à 2021). À l’échelle des grands secteurs géographiques de la région, cette hausse a été de 4,7 % à Longueuil, de 3,7 % sur l’île de Montréal, d’environ 3,5 % dans les couronnes et de 2,7 % à Laval. […] En 2021, le loyer moyen pour un logement de deux chambres sur le territoire de la CMM était de 935 $, mais atteignait 1140 $ pour les logements inoccupés, donc disponibles à la location.

Extrait du « Portrait de l’habitation dans le Grand Montréal » de la Communauté métropolitaine de Montréal

200 000

Nombre de locataires à faible revenu éprouvant des problèmes d’abordabilité du logement. Environ 8 % des ménages locataires vivent dans un logement nécessitant des réparations majeures, et 10 % vivent dans un logement surpeuplé.

3 %

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

En 2021, le loyer moyen demandé pour un logement de deux chambres disponible à la location sur le territoire de la CMM était de 1140 $.

Taux d’inoccupation des logements locatifs dans le Grand Montréal, ce qui représente le taux d’équilibre. Ce taux était de 1,5 % en 2019. Cependant, ce taux est plus faible dans la couronne nord (0,4 %), dans la couronne sud (0,9 %), dans l’agglomération de Longueuil (1,2 %) et à Laval (2,2 %) qu’à Montréal (3,6 %). Au centre-ville de Montréal, le taux d’inoccupation est beaucoup plus élevé : 7,9 %. Le taux d’inoccupation est plus faible que la moyenne pour les logements les moins chers : 2,8 % pour les loyers de 750 $ et moins, et 2,3 % pour les loyers de 750 $ à 940 $.

20 000

Nombre de logements ou chambres du Grand Montréal qui étaient annoncés, avant la pandémie, sur les principaux sites web de location à court terme (Airbnb et VRBO) plutôt que sur le marché locatif traditionnel.

Hausse des prix sur le marché de la revente pour les maisons unifamiliales, pour la période allant du 4e trimestre 2019 au 4e trimestre 2021 dans le Grand Montréal, alors que le prix des copropriétés a augmenté de 32 %. Depuis le début des années 2010, le prix de l’immobilier résidentiel a augmenté deux fois plus rapidement que le revenu des ménages.

+ 47 %

2 %

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Depuis le début des années 2010, le prix de l’immobilier résidentiel dans le Grand Montréal a augmenté deux fois plus rapidement que le revenu des ménages.

Proportion des logements en copropriété de la région détenus par des non-résidants, un phénomène qui touche principalement le centre-ville de Montréal.

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Montréal

La réglementation entourant les Airbnb ne marche pas, disent plusieurs

Photo: Josie Desmarais/Métro

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Quentin Dufranne

11 mai 2022 à 0h01 - Mis à jour 11 mai 2022 à 7h21 6 minutes de lecture

Depuis 2020, la Loi sur les établissements d’hébergement touristique exige que toute location de type Airbnb de moins de 31 jours requière une attestation de classification et un numéro d’établissement. Or à Montréal, 95% d’entre elles opéreraient illégalement sans aucune attestation.

C’est le constat que dresse le site Inside Airbnb, qui recueille et diffuse les données de la plateforme. Selon lui, il y aurait 12 570 annonces sur Airbnb à Montréal. Près de 80% sont des locations à court-terme. Pour le fondateur américain du site Inside Airbnb, Murray Cox, les conclusions sont sans appel. Face au «faible taux de conformité» la réglementation en vigueur ne marche pas.

«Tout d’abord, convertir des logements résidentiels en logements touristiques dans une ville qui a des problèmes de logement […] rend la situation encore pire, explique Murray Cox. Le problème avec les attestations montre bien que les gens ne se préoccupent pas de la loi et que la Ville n’est pas capable de faire respecter la loi.»

Sur les 12 570 annonces, 1287 sont des appartements complets qui sont fréquemment loués (plus de trois mois par année). Inside Airbnb utilise cette donnée comme indicateur que ces logements sont entièrement retirés du marché d’habitation.

De son côté, le ministère du tourisme recense 870 établissements détenant une licence à Montréal contre 15 895 au Québec.

Revenu Québec est l’entité gouvernementale responsable du contrôle du respect de cette loi. Pour l’année 2021-2022, 1330 inspections ont été effectuées à Montréal par Revenu Québec et 376 condamnations ont été faite en lien avec l’absence de licence. Les amendes peuvent aller de 2500$ à 25 000$ pour une personne reconnue coupable.

Quelles solutions pour éradiquer le problème?

Pour Murray Cox, la Ville de Montréal devrait passer par une autre phase de réglementation concernant l’hébergement touristique.

«La plupart des villes adoptent un système d’avis ou d’inscription obligatoire, mais aussi de conformité des plateformes. […] Parfois, la conformité des plateformes inclut l’obligation pour les plateformes de partager des données avec la Ville afin de faciliter l’identification des inscriptions illégales, des personnes utilisant de faux numéros d’immatriculation.»

Selon David Wachsmuth, détenteur de la tête de la Chaire de recherche en gouvernance urbaine à l’Université McGill, la réglementation Québécoise est la «meilleure de tout le pays». Le problème selon lui, est que Québec ne l’applique pas assez.

Selon lui, bien que le nombre d’inspections et d’amendes a augmenté depuis quelques années, cette approche ne peut fonctionner sans implication de la part d’Airbnb.

«Les inspections et les amendes ne marcheront jamais. […] Québec devrait demander à Airbnb de refuser de publier toute annonce qui n’a pas de numéro d’établissement. [Airbnb] peut le faire. Il le fait déjà dans pleins d’autres juridictions, mais il ne le fait pas au Québec alors que c’est une exigence de la loi. […] C’est la raison simple pourquoi personne ne respecte la loi», explique David Wachsmuth.

En ce moment, nous avons une situation où les règles semblent bonnes, mais elles ne sont pas appliquées. Donc c’est comme si elles n’existent pas vraiment. […] Pour le moment, Airbnb ignore cette loi.

David Wachsmuth

Au Canada, Airbnb a déjà accepté d’obliger la présence d’une licence pour publier une annonce. C’est le cas à Vancouver et Toronto, explique David Wachsmuth.

De son côté, la Ville de Montréal a déclaré vouloir plus d’inspections de la part de Revenu Québec.

«La Ville de Montréal réitère l’importance que Revenu Québec augmente le nombre d’inspecteurs sur le territoire de la métropole pour talonner les contrevenants, particulièrement dans un contexte de reprise des activités touristiques post-pandémie», a déclaré la Ville dans un échange avec Métro.

Pour David Wachsmuth, les municipalités devraient avoir plus de pouvoir sur le sujet.

«Il est logique que ces décisions soient locales. Le problème, c’est que les municipalités comptent sur la province pour faire ce qu’elle a dit qu’elle allait faire», explique David Wachsmuth.

Airbnb par arrondissement

En plus du règlement provincial, chaque municipalité peut interdire ou restreindre la location à court terme sur certaines zones de son territoire. À Montréal, la réglementation et la popularité d’Airbnb varient beaucoup d’un arrondissement à l’autre. Voici les arrondissements les plus affectés.

Plateau-Mont-Royal

L’arrondissement du Plateau-Mont-Royal compte un des plus importants nombres de locations Airbnb. Ce secteur abrite près de 25% des Airbnb montréalais. La réglementation en vigueur autorise la location de courte durée sur le boulevard Saint-Laurent entre la rue Sherbrooke et l’avenue Mont-Royal et sur la rue Saint-Denis entre les rues Sherbrooke et Gilford. Bien que la localisation des Airbnb est restreinte en théorie, peu d’entre eux se situent dans le zonage en vigueur. Sur les 357 logements entiers fréquemment loués à court terme, près de 80% n’ont pas le permis comme l’exige la loi.

Ville-Marie

Ce secteur comprend le plus grand nombre d’Airbnb de la métropole avec 29% des Airbnb montréalais. La réglementation en vigueur restreint la présence de Airbnb à la rue Sainte-Catherine entre les rues Saint-Mathieu et Atateken. En plus du zonage, les résidences de tourisme doivent être séparées l’une de l’autre de 150 mètres. Sur les 489 logements entiers loués fréquemment pour du court terme, seulement 10% d’entre eux respectent la loi qui impose l’obtention d’un permis. Bien que le zonage restreint la présence de Airbnb à la rue Sainte-Catherine, on les retrouve éparpillés aux quatre coins de l’arrondissement, comme dans le Vieux-Port ou dans le secteur de Guy-Concordia.

Rosemont–La-Petite-Patrie

L’arrondissement de Rosemont–La-Petite-Patrie compte quant à lui plus de 8% des Airbnb montréalais. Son règlement restreint la présence de ce type de location à la rue Saint-Hubert au nord de la rue Bellechasse et au sud de la rue Jean-Talon Est. Sur les 69 logements entiers fréquemment loués à court terme, seulement 13% possèdent un permis comme l’exige le règlement provincial.

Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension

Environ 5% des Airbnb montréalais se trouvent dans ce secteur. Les logements loués à court terme de façon fréquente sont considérés par l’arrondissement comme un hôtel-appartement. De manière générale, ce type d’établissement est interdit dans l’arrondissement à moins qu’il soit conforme aux critères du règlement relatif aux usages conditionnels et qu’il soit approuvé par la suite lors du conseil d’arrondissement. Le règlement interdit notamment la présence d’Airbnb lorsque le logement se situe au même niveau ou au-dessus d’un autre logement. De plus, la location doit tendre à préserver les deux tiers des logements existants dans l’immeuble. Pour ce secteur, 97% des Airbnb loués fréquemment à court terme ne possèdent pas de permis comme l’exige la loi.

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Corrigez-moi si je me trompe, mais en 2019, le grand Montréal avait reporté une hausse nette de plus de 60k résidents. Les projections de l’ISQ prévoient une hausse moyenne de 25k personnes. C’est moi où on sous-estime fortement la croissance démographique du grand Montréal au cours des prochaines années?

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La pénurie de logements contribue aux problèmes d’insalubrité

Au Québec, des propriétaires profiteraient de la pénurie de logements pour ne pas rénover leurs unités insalubres. Ils tirent avantage de la situation puisque de nombreux ménages à faible revenu éprouvent de grandes difficultés à se loger. Pour les victimes, les recours sont complexes et peu efficaces.


Une locataire a découvert l’état insalubre de son appartement.
PHOTO : RADIO-CANADA / VINCENT RESSÉGUIER

Vincent Rességuier
à 4 h 00

Marie (prénom fictif) a emménagé dans un appartement de Longueuil il y a trois semaines. Elle pensait avoir trouvé la perle rare, un soulagement pour cette professionnelle de la restauration dont le budget est limité. Depuis le mois d’octobre, elle cherchait à s’échapper d’un logement infesté de souris.

En apparence, son nouveau logement est plutôt en bon état, sauf que les mauvaises surprises n’ont pas tardé à se manifester.

Quelques heures après son arrivée, le système électrique a montré des défaillances. Un disjoncteur s’est avéré capricieux dès que la laveuse et la sécheuse étaient en marche. Elle a aussi découvert qu’elle allait devoir se passer d’eau chaude, ce qui était toujours le cas au moment de notre visite.

Mais la principale nuisance demeure une colonie de coquerelles. Elle nous montre des pièges dissimulés dans plusieurs pièces avec des bestioles mortes à l’intérieur.

« Je regarde les draps, les matelas, les planchers. On devient malade, obsessif. Je ne mange plus dans l’appartement. Si on se fait à manger, il y en a huit ou neuf qui sortent au-dessus du frigo. J’en vois le jour comme le soir. »

— Une citation de Marie, locataire d’un appartement à Longueuil


Les effets personnels d’une locataire sont gardés dans des sacs.
PHOTO : RADIO-CANADA / VINCENT RESSÉGUIER

C’est une situation très inconfortable pour sa fille de 15 ans, qui a de la difficulté à dormir. Celle-ci se dit choquée par l’omniprésence des coquerelles, qui se sont même faufilées jusque dans ses sacs de vêtements. Quand je les ai vues sortir de mon sac, j’étais en panique, dit-elle en se prenant la tête entre les mains pour exprimer son dégoût.

Je fais un repas, il y a une coquerelle qui descend devant ma face. Je me brosse les dents, il y a une coquerelle qui descend devant mon visage, s’indigne l’adolescente.

Marie nous raconte qu’une représentante du propriétaire des lieux lui a affirmé qu’un traitement préventif a été effectué il y a trois mois, information que nous n’avons pas pu confirmer puisque le propriétaire n’a pas répondu à notre demande d’entrevue.

Il s’agit de la société à numéro 9329-9865 Québec inc. Ses administrateurs possèdent plusieurs immeubles d’appartements dans la région, notamment l’immeuble juste à côté de celui de Marie, dont l’évaluation municipale s’élève à 7 395 000 $.

Toutefois, le problème semble être beaucoup plus ancien : c’est ce qui ressort des archives du Comité logement Rive-Sud. L’organisatrice communautaire Caroline Vohl a retrouvé la trace d’un signalement similaire à la même adresse il y a près d’un an.

« Les propriétaires savent qu’une extermination coûte extrêmement cher. Ils veulent essayer des trucs alternatifs. Souvent, ça ne fonctionne pas. Les gens se tannent, partent. Finalement, ce qui était dans un seul logement, ça devient dans un immeuble au complet. »

— Une citation de Caroline Vohl, organisatrice communautaire, Comité logement Rive-Sud

Selon Marie, le propriétaire du logement refuse pour le moment de faire appel à un exterminateur ou même de participer aux frais de décontamination. On a plutôt proposé à Marie un arrangement pour rompre son bail.

Caroline Vohl a d’ailleurs observé plusieurs cas où des propriétaires zélés n’hésitent pas à louer un logement sans faire de travaux tout en sachant qu’il comporte de nombreux défauts. Il y a d’excellents propriétaires, mais il y en a d’autres qui sont capables de relouer plus cher des logements insalubres parce qu’ils savent que les gens n’ont nulle part où aller, se désole-t-elle.

Le cas de Marie n’est pas unique. Le Comité logement Rive-Sud a reçu plusieurs signalements au cours des dernières semaines.

Les plaintes s’accumulent mais demeurent sans suite

Les plaintes de locataires auprès de la Municipalité de Longueuil sont de plus en plus nombreuses. Elles sont passées de 400 en 2015 à près de 1000 en 2019. Après un creux en 2020 en raison de la pandémie, il y en a eu 692 en 2021.

Ces démarches s’avèrent souvent inutiles, selon Caroline Vohl, puisque le délai pour obtenir une inspection peut prendre jusqu’à un an. En général, les locataires se découragent avant d’être pris en charge et quittent leur logement en mauvais état.

Pendant la campagne électorale, l’an dernier, la mairesse Catherine Fournier a promis de mettre en place des cellules d’inspecteurs spécialisés à temps complet afin d’assurer une meilleure application du code municipal de Longueuil en matière de salubrité des logements, ainsi qu’un meilleur suivi pour les locataires.

Cette promesse n’a pas encore été mise en application. Une annonce doit être faite au cours des prochaines semaines, soutient l’attachée de presse de la Ville, Camille Desrosiers-Laferrière.

En attendant, le code du logement n’est pas suffisamment appliqué, s’impatiente Caroline Vohl. Multiplier la présence d’inspecteurs ne suffira pas, dit-elle : il faudra aussi serrer la vis aux propriétaires récidivistes, qui bénéficient d’une trop grande clémence à son goût.

Un rapport d’inspection remis par la Ville s’avère pourtant être un élément fondamental pour les locataires. Il constitue par exemple un pilier lors des démarches entreprises auprès du Tribunal administratif du logement (TAL).

À cette étape également, les délais sont longs et l’attente du rapport de la Ville retarde le début du processus. Caroline Vohl constate que plusieurs choisissent de faire une croix sur un éventuel dédommagement et quittent leur logement.

Cercle vicieux pour les locataires

C’est permis par la loi d’abandonner un logement insalubre, mais il faut être très prudent, parce que ça peut se retourner contre les locataires, prévient Caroline Vohl. Sans un accord en bonne et due forme avec le propriétaire, le locataire peut être accusé d’être parti sans payer le loyer.

C’est ce qui est arrivé à Marie il y a quelques années quand elle a quitté précipitamment un logement où il y avait de graves problèmes d’humidité. Cela représente encore une tache noire dans son dossier à la Régie du logement, où il est écrit qu’elle n’a pas honoré son loyer. Elle concède que son dossier est loin d’être exemplaire après plusieurs litiges avec des propriétaires.

« Les gens me disent : ‘‘Tu as toujours des problèmes.’’ Mais non : on cherche à ne plus vivre ces problèmes. »

— Une citation de Marie, locataire d’un appartement à Longueuil

Cette mère monoparentale voudrait sortir de la spirale qui l’entraîne d’un logement insalubre à un autre. Cependant, avec des revenus limités et la pénurie de logements, elle se sent prise au piège.

J’aurais le goût de foutre le camp, dit-elle en ravalant un sanglot, mais elle pense que trouver un logement décent à prix abordable est de plus en plus difficile.

Selon un récent rapport de la Communauté métropolitaine de Montréal, 8 % des logements locatifs sont insalubres sur son territoire. Plus de 58 000 ménages locataires demeurent dans des logements de mauvaise qualité et 200 000 ménages locataires à faible revenu éprouvent des problèmes d’abordabilité du logement.

Chronique d’Allison Hanes dans la Gazette sur la transformation des immeubles à bureaux vides en résidences locatives

Allison Hanes: Could empty office towers help ease Montreal’s housing crisis?

Amid all the hand-wringing over the rising office vacancy rate downtown, Montreal may be overlooking a quicker fix to another problem.

Allison Hanes • Montreal Gazette
May 30, 2022 • 4 hours ago • 4 minute read


Downtown Montreal resident Sam He walks his dog Ruby, right, and his girlfriend’s dog Chilli in Place du Canada on Saturday, May 28, 2022. Instead of trying to turn back time and go against the changing tide in the labour force, Allison Hanes writes, Montreal should look at all the available commercial space downtown as a way to help address the growing issue of housing affordability. PHOTO BY JOHN KENNEY /Montreal Gazette

Two of the biggest challenges Montreal is facing are how to revive downtown, which was hollowed out by the COVID-19 pandemic, and how to ease a growing housing crisis, where affordability and availability are squeezing renters and buyers alike.

But what if one problem could be part of the solution to the other?

Downtown is coming back to life, with offices recalling workers, university students due back in classes in person next fall and a busy summer tourism season planned. Mayor Valérie Plante, along with civic and business leaders, rejoiced recently over a 77 per cent increase in foot traffic over this time last year and fully booked hotels for events such as the Grand Prix, the jazz fest and Osheaga.

But it has nevertheless become clear that remote and hybrid work are here to stay. Those office buildings, once filled with 300,000 workers a day, aren’t all coming back. This is a worldwide phenomenon. Even in London’s financial sector, nine of 10 bankers no longer use the office as their main workplace, according to Bloomberg News.

A recent study by the Chamber of Commerce of Metropolitan Montreal lamented that this city’s office vacancy rate could hit 21 per cent as leases end and employers reduce their real-estate footprint.

Instead of trying to turn back time and go against the changing tide in the labour force, Montreal should look at all that available commercial space as a way to help address the growing issue of housing affordability.

A perfect storm of factors has driven up costs for renters and buyers, including a supply crunch and renovictions. Meanwhile, record inflation is eating into disposable income, making higher mortgage payments and rent increases even harder to digest — especially for those already on the margins.

While governments pledge cash and city hall introduces bylaws to bolster the amount of social and affordable housing, it takes time to get financing lined up and shovels in the ground before new units can be constructed.

The focus on trying to lure back office workers — more than 270,000 of whom once commuted downtown — seems self-defeating when two-thirds of them say they would rather continue to do their jobs from home all or part of the time. Forcing the reluctant to return isn’t exactly a recipe for restoring vitality. And it overlooks opportunities to remake the central part of the city into someplace more dynamic, forward-looking and resilient.

If Montreal were to convert even a portion of its empty office space to housing, it could be a quicker fix than building new stock from scratch. There could soon be the equivalent of 11 Place Ville Marie skyscrapers sitting idle, right next to public transportation, retail stores and other amenities.

Calgary, where a third of downtown office space is vacant, is ahead of the game. It has decided to transform three empty business towers into rental housing.

In Montreal, such a plan could also correct some of the urban planning mistakes of the past. The condo boom in neighbourhoods like Griffintown and Ville-Marie occurred without proper consideration of future residents’ needs. Schools, parks, recreational facilities and community centres were left out. Families were in for a rude awakening when they had to ship their kids outside their downtown neighbourhoods because no one bothered to build any schools. Disused office space could be repurposed for these missing services.

It would also be in line with Montreal’s environmental goals. A transformation is taking shape in cities around the world to build more sustainable neighbourhoods, where everything residents need is accessible within a 15-minute walk, bike or public transit ride. This emerging model is at odds with the high proportion of commuters on whom downtown Montreal is so dependent. Whether through new construction or quicker and more cost-effective conversions of office space, the core would be less susceptible to volatility if more people lived there.

It’s also smarter economics. The ecosystem of downtown businesses catering to all those white-collar workers — from coffee shops and restaurants to dry cleaners — was hit hard by the departure of the office crowd. But other parts of Montreal have weathered pandemic lockdowns in much better shape. Scores of people suddenly working from home — and milling around during the weekday — were an important bulwark for local mom-and-pop shops. Downtown might be better off today if its main clientele were denizens rather than visitors.

Downtown will always be a destination for people to work, shop, visit, eat and be entertained. But rising office vacancies could be one way to address Montreal’s housing crunch, rather than be a problem unto itself.

Idk it always seems like a good idea, but despite vacancies skyrocketing in offices globally, I’ve actually seen very few conversion of office space to residential. It actually takes some desperation for a building owner to come to that conclusion because it turns out it’s actually not that quick or easy. Purpose built office buildings with their very wide floorplans, lack of conveniently places plumbing and internal walls are actually very difficult to repurpose. A lot of buildings actually get stripped back a lot for the process. So I’m going to assume most owners would see fit to just wait out the vacancy hoping things get back to normal, or renovate to go from class C or B to class A to attract customers.

For those interested, id look up The Hudson Bay building in downtown Winnipeg to see what happens when an old single-purpose built building is trying to be converted to something else. Sometimes it’s actually so difficult because of the floor plans and structure that even with the building being architecturally significant, it’s being evaluated at 0$ because it is undesirable and will basically never be sold unless it’s approved for demolition.

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Je pense que la reconversion vers d’autres usages institutionnels dés bureaux de catégorie C est l’option la plus rapidement faisable. Les usages semblent beaucoup plus compatibles avec la configuration des locaux qu’une reconversion vers le résidentiel.

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C’est logique, mais la demande au niveau des institutions n’est pas très forte et l’offre pourrait être trop importante. Reconvertir un édifice est un défi en soi et à moins d’avoir un caractère patrimonial qui oblige à le conserver, les autres immeubles couteraient probablement trop cher en comparaison du neuf, et encore plus sur un site très bien localisé. La rénovation prend plus de temps, est généralement très onéreuse notamment à cause des surprises souvent inattendues. Or il faut nécessairement faire du cas pas cas, tout en tenant compte de la valeur du terrain et de la densité permise sur ce même lot, car il est généralement plus rentable de tout recommencer.

Dans le quartier financier de Manhattan après le 11 septembre, il y a eu certaines conversion d’édifices à bureaux.

Durant cette période, le différentiel entre le surplus d’espaces à bureau versus la demande de logements était suffisant pour justifier ($$$$) ces conversions.
https://www.cnbc.com/2021/09/10/how-lower-manhattan-turned-into-a-24/7-community-after-9/11-attacks.html

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Grosse annonce de la Ville pour la construction de logements abordables. Il y a des partenaires privés comme Prével, Quo Vadis, Société de développement Angus

http://ville.montreal.qc.ca/portal/page?_pageid=5798,42657625&_dad=portal&_schema=PORTAL&id=34451

Montréal lance une offensive majeure pour le développement de logements abordables

1er juin 2022

Montréal, le 1er juin 2022 - S’attaquant de front à la crise de l’abordabilité, la Ville de Montréal s’allie à l’ensemble de ses partenaires immobiliers et annonce le déploiement d’un grand chantier montréalais en habitation afin d’accélérer et de faciliter le développement de logements abordables dans la métropole. Cette démarche de concertation permettra d’élaborer de nouveaux modèles de développement, d’établir de nouveaux partenariats et de proposer des solutions pour s’assurer que les ménages montréalais puissent trouver un toit répondant à leurs besoins et respectant leur capacité de payer.

Ainsi, quatre chantiers de travail thématiques, rassemblant des fonctionnaires de différents services de la Ville de Montréal ainsi que des partenaires sollicités pour leur expertise dans leurs domaines respectifs, se pencheront sur l’amélioration des leviers d’actions :

  • La stratégie foncière et immobilière de la Ville de Montréal ;
  • La fiscalité et le financement des projets ;
  • La facilitation des projets et les évolutions réglementaires ;
  • Le rôle et les mandats de la Société d’habitation et de développement de Montréal (SHDM).

L’ensemble de la démarche sera chapeauté par un comité-conseil et trois co-présidents :

  • Benoit Dorais, vice-président du comité exécutif et responsable de l’habitation ;
  • Roger Plamondon, président du Groupe Immobilier Broccolini ;
  • Édith Cyr, directrice générale de l’entreprise d’économie sociale Bâtir son quartier.

En plus des co-présidents, les organisations membres du comité-conseil sont :

  • Caisse d’économie solidaire ;
  • Fonds immobilier de solidarité FTQ ;
  • New Market Funds ;
  • Prével ;
  • SHDM ;
  • Société de développement Angus ;
  • SOLIDES ;
  • UTILE.

« Aujourd’hui, la Ville de Montréal démontre sa capacité de rassembler les acteurs de tous les horizons pour s’attaquer à l’un des enjeux sociaux les plus pressants de la métropole : le maintien de son abordabilité pour les décennies à venir. Cette offensive majeure pour le développement de logements abordables à Montréal démontre la capacité de la Ville à mobiliser les forces vives de l’écosystème économique, dans lequel le milieu de l’habitation joue un rôle central. Cette collaboration inédite nous permettra d’accélérer le développement de logements abordables et de faire de Montréal une métropole accessible et inclusive à long terme, comme l’exige avec raison la population montréalaise », a déclaré la mairesse de Montréal, Valérie Plante.

« Nous menons une bataille sans précédent pour assurer l’abordabilité de la métropole et la Ville de Montréal a besoin de la participation de l’ensemble de ses partenaires pour concrétiser l’objectif de développer 60 000 logements abordables d’ici 10 ans. Grâce à cette mobilisation, nous serons plus agiles, rapides et efficaces pour développer massivement de nouvelles unités résidentielles abordables pérennes. Nous allons sauvegarder les logements abordables existants et nous assurer d’en collectiviser suffisamment. Ce front commun permettra de dégager des solutions inédites qui permettront d’outiller, nous l’espérons, les autres municipalités qui sont aussi au front devant la crise de l’abordabilité », a expliqué Benoit Dorais, vice-président du comité exécutif et responsable de l’habitation, des stratégies et transactions immobilières, des affaires juridiques et des projets immobiliers stratégiques et maire du Sud-Ouest.

« Ce grand chantier exprime clairement l’ambition de la Ville de Montréal d’accélérer le développement de logements abordables. Grâce à l’expertise des différents acteurs et actrices sollicités, les conditions sont réunies pour mettre en place des solutions concrètes afin de répondre aux besoins des Montréalais et des Montréalaises en habitation abordable, sociale et communautaire », a souligné Édith Cyr, directrice générale de Bâtir son quartier.

« L’abordabilité est un enjeu complexe et pour y répondre, il ne faut pas rester prisonnier du modèle actuel ; il faut être capable de créer un nouveau modèle. Avec tous les partenaires du milieu de l’habitation, nous allons examiner tous les leviers à notre disposition pour améliorer l’abordabilité du logement, en nous disant que la page est blanche et que nous avons tout pour réussir », a soutenu Roger Plamondon, président du Groupe Immobilier Broccolini.

Prochaines étapes

D’ici cet automne, des projets pilotes vont débuter afin de faire émerger de nouveaux modèles de développement de logements abordables. Les premières rencontres des différents comités sont prévues pour la fin du mois de juin 2022. Un rapport d’étape des activités des comités sera publié au début de 2023.

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Un front commun pour le logement abordable s’organise à Montréal


Une manifestation réunissant des gens réclamant des logements sociaux et des logements abordables avait été organisée le 24 avril 2021 à Montréal.
PHOTO : LA PRESSE CANADIENNE / GRAHAM HUGHES

Anne Marie Lecomte
14 h 51 | Mis à jour à 15 h 48

Pour contrer la crise du logement qui frappe la métropole, la Ville de Montréal s’engage à créer 60 000 habitations abordables d’ici 10 ans, en partenariat avec les secteurs de l’immobilier et de l’économie sociale.

La Ville de Montréal, avec ses partenaires, veut avoir une meilleure prise sur le prix des logements locatifs et privés, a expliqué la mairesse Valérie Plante. Et ce, sur une longue période, je parle de 40 ans, minimum.

Avoir accès à un toit, c’est un droit fondamental, a-t-elle rappelé lors d’une conférence de presse qui réunissait notamment, mercredi, des représentants du Groupe immobilier Broccolini, du Fonds immobilier de solidarité FTQ, de la Société d’habitation et de développement de Montréal (SHDM) ou encore de la Société de développement Angus.

Les stratégies par lesquelles on développera ces 60 000 logements abordables restent à définir. D’ici la fin du mois, fonctionnaires, experts et promoteurs privés se réuniront et feront part de leurs travaux au début de 2023. Ils se pencheront sur :

  • la stratégie foncière et immobilière de la Ville de Montréal;
  • la fiscalité et le financement des projets;
  • la facilitation des projets et les évolutions réglementaires;
  • le rôle et les mandats de la SHDM.

Une chose est sûre, affirme Benoit Dorais, vice-président du comité exécutif : le marché immobilier n’est plus adapté actuellement aux besoins de la population.

« L’accès à l’habitation est de plus en plus difficile pour tout le monde, que ce soit dans le marché locatif ou dans celui de l’achat. Alors, on doit agir sur ces deux fronts. »

— Une citation de Benoit Dorais, maire de l’arrondissement montréalais du Sud-Ouest

Un premier projet pourrait voir le jour d’ici cet été en fonction des balises actuelles, a-t-il indiqué. Par la suite, diverses approches seront testées grâce à des projets pilotes.

Ne pas répéter les erreurs du passé

Mais qu’est-ce qu’un logement abordable? Difficile de répondre à cette question, dit Valérie Plante, qui déplore que cette recherche active de solutions n’ait pas été instaurée il y a 10, voire 20 ans.

Moi, quand je suis arrivée à Montréal il y a 20 ans, on disait un quatre et demi, c’est 450 $ [de loyer]. Ce n’est plus le cas, parce qu’aucun mécanisme n’a été mis en place pour assurer qu’il y ait des logements abordables, dit-elle.

La mairesse de Montréal promet de créer des logements abordables et d’établir des mécanismes de contrôle pour ne pas répéter les erreurs du passé.

Au sein de ce front commun destiné à faire sortir de terre les logements dont Montréal a besoin, il y a l’entreprise d’économie sociale Bâtir son quartier. Selon sa directrice, Edith Cyr, ce grand chantier permettra de trouver des solutions concrètes pour répondre aux besoins des Montréalais en quête d’habitation abordable, social et communautaire.

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, entourée des participants au front commun dont notamment des promoteurs immobiliers, des représentants de la SHDM et de la Société de développement Angus et des représentants du secteur de l’économie sociale.
PHOTO : RADIO-CANADA / ANNE MARIE LECOMTE
Aux yeux de Valérie Plante, Montréal est au pays, et sans doute en Amérique du nord, la ville où le logement est le plus abordable.

Mais, à l’heure où la Banque du Canada fait passer son taux directeur de 1 % à 1,5 %, et alors que le taux d’inflation au pays atteignait 6,8 % en avril, les obstacles au logement abordable sont nombreux.

Pour y remédier, la Ville s’est entretenue ces derniers mois avec des acteurs qui ont une partie de la recette : il y en a qui ont de la difficulté à boucler un projet abordable en raison des taux d’intérêt, a expliqué Benoit Dorais. […] Pour d’autres, c’est la maîtrise foncière […]; ils sont incapables d’acheter.

L’idée est de créer des maillages entre les uns et les autres, poursuit M. Dorais, responsable du dossier de l’habitation dans l’administration Plante.

« On est face à une crise actuellement, on va trouver des solutions. »

— Une citation de Benoit Dorais, maire de l’arrondissement montréalais du Sud-Ouest

En réaction à l’annonce de ce front commun, l’opposition officielle à la ville de Montréal a affirmé qu’après cing ans au pouvoir, l’administration Plante aurait dû accomplir des actions concrètes plutôt que de simplement créer des comités.

L’administration n’en est même pas encore à l’étape de définir de ce qu’est un logement abordable alors qu’elle en promet des milliers, a critiqué Aref Salem, chef de l’opposition officielle et chef d’Ensemble Montréal.

Garder les Montréalais sur l’île

La Ville de Montréal souhaite aussi garder les gens sur l’île, a renchéri la mairesse Plante, qui est aussi présidente de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM). Pour les gens qui quittent [l’île], on n’est même plus dans la première couronne [de la banlieue]. Ça va encore plus loin.

Dans le contexte où il faut lutter contre l’étalement urbain et contre les changements climatiques, les efforts déployés par Montréal pourraient inspirer d’autres municipalités. Des villes de taille moyenne comme Sherbrooke commencent à vivre de l’étalement urbain, souligne Mme Plante.

Mais à Montréal, pour qu’un projet voie le jour, des années d’efforts sont nécessaires.

À preuve, le chantier en cours dans l’arrondissement de Saint-Laurent a nécessité près d’une décennie de préparation et de travaux. Il mènera, à terme, à la création de 169 logements sociaux et abordables au sein d’un immeuble de huit étages.

À noter qu’il existe une différence entre logement social et logement abordable. En vertu du Règlement pour une métropole mixte, en vigueur depuis le 1er avril 2021 à Montréal, un logement social est un logement dont la construction est subventionnée par un programme de logement social et communautaire de la Ville de Montréal ou du gouvernement du Québec.

Les logements sociaux et communautaires sont développés par des coopératives, des organismes à but non lucratif et l’Office municipal d’habitation de Montréal.

Distinct du logement social, le logement abordable prévu au Règlement vise une diversité de ménages dont les besoins sont moins bien desservis par le marché privé. Pour réaliser ces logements, le Règlement combine un rabais sur la valeur marchande offert par le constructeur avec divers programmes de subvention en habitation qui en maintiennent à long terme le caractère abordable.

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Il faudra du courage et de la détermination pour mener à bien cette vision. Or en créant une masse critique de partenaires avec qui s’associer, on fait un pas dans la bonne direction. À noter que ce n’est pas la première fois que Montréal travaille à un programme de ce genre dans son histoire. Je pense notamment au 20,000 logements qui on connu un franc succès à l’époque.

Autre temps autres solutions, il faudra donc réinventer la chose en tentant de mettre aussi les autres gouvernements dans le coup. Cependant il faudra s’assurer que Montréal n’abandonne pas son rôle de leader dans le processus, puisqu’en tant que gouvernement de proximité, elle est la mieux placée pour faire un suivi serré à chaque étape de cet immense chantier qui s’étalera nécessairement sur plusieurs années.

Pour une fois je suis d’accord avec l’opposition. Je comprends pas qu’on soit encore au stade de comités et d’études, surtout après un mandat complet déjà passé. J’aimerais être optimiste mais c’est dur de ne pas être cynique.

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Montréal veut accélérer la construction de logements abordables

Jeanne Corriveau
20 h 48

Dans l’espoir d’accélérer la construction de logements abordables, la Ville de Montréal a réuni un comité formé de promoteurs et de représentants d’organismes œuvrant dans le domaine de l’habitation afin d’explorer de nouvelles stratégies. Ce groupe devra proposer des concepts innovants à mettre en place pour aider la Ville à atteindre son objectif de construire 60 000 logements abordables d’ici dix ans.

Le comité comprend des promoteurs, parmi lesquels Roger Plamondon, président du Groupe immobilier Broccolini, Christian Yaccarini, président de la Société de développement Angus, ainsi que des représentants d’entreprises d’économie sociale ou d’organismes comme Édith Cyr, directrice générale de Bâtir son quartier, et Nancy Shoiry, directrice générale de la Société d’habitation et de développement de Montréal (SHDM).

Une équipe tactique

La mairesse Valérie Plante confie à cette « équipe tactique » le mandat d’examiner quatre chantiers spécifiques susceptibles de donner un nouvel élan à la construction de logements abordables.

Dans les prochains mois, les membres du comité devront se pencher sur la stratégie foncière et immobilière de la Ville, examiner la fiscalité et le financement des projets, proposer de nouveaux aménagements réglementaires pour faciliter la réalisation de projets et analyser le rôle de la SHDM. La Ville souhaite tester de nouvelles formules dans le cadre de projets pilotes.

« Pour protéger l’abordabilité de la métropole et le toit des générations futures, il faut agir maintenant et avec force avant qu’il ne soit trop tard », croit la mairesse Plante.

Montréal possède plusieurs outils pour stimuler la construction de logements abordables, comme le Règlement pour une métropole mixte (aussi connu sous le nom de règlement 20-20-20) qui oblige les promoteurs à prévoir des logements sociaux, abordables et familiaux dans leurs projets immobiliers. Elle détient aussi un droit de préemption qui lui permet d’acquérir des terrains pour des projets d’habitation.

Mais la Ville estime qu’il lui faut accélérer le pas compte tenu de la crise du logement dans laquelle la métropole est plongée.

Elle souhaite aussi maintenir l’abordabilité des logements sur une période d’au moins 40 ans.

Le responsable de l’habitation au comité exécutif, Benoit Dorais, a évoqué la possibilité de recourir à des fiducies foncières et d’opter pour des assouplissements réglementaires susceptibles de faciliter la réalisation de projets.

Qu’est-ce qu’un logement abordable ?

Questionnée sur la définition du terme « logements abordables », la mairesse Plante est demeurée évasive et n’a pas voulu mentionner de montant précis. « Ce qu’on est en train de faire en ce moment, c’est il y a dix ans qu’on aurait dû le faire », a-t-elle dit.

Rappelons cependant que le Règlement pour une métropole mixte stipule qu’un logement abordable doit être proposé à un prix inférieur de 10 % à celui du marché.

Pour l’opposition à l’hôtel de ville, le temps presse. La Ville n’a pas le loisir de tergiverser compte tenu de la crise du logement qui frappe la métropole, avance le chef d’Ensemble Montréal, Aref Salem.

« Il est décevant de voir que l’administration de Projet Montréal est encore à l’étape des discussions plutôt que d’offrir un toit aux Montréalais et Montréalaises », a-t-il indiqué. « Après cinq ans au pouvoir, on se serait attendu à des actions concrètes plutôt que de simplement créer des comités. La mairesse n’arrive même pas à définir ce qu’est un logement abordable alors qu’elle en promet des milliers. À ce compte-là, tout peut être calculé comme du logement abordable pour remplir sa promesse. »

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