Cohabitat - Actualités et discussion

Le premier projet de cohabitat à Montréal se concrétise

Cohabitat Québec est un exemple et le premier cohabitat de la province. Photo: Gracieuseté – Village Urbain par Jean-Yves Fréchette

Alexis Fiocco

1 août 2022 à 13h20 - Mis à jour 1 août 2022 à 16h10 3 minutes de lecture

L’organisme à but non lucratif Village Urbain a acquis un terrain sur la rue Notre-Dame, à Lachine, pour y construire le premier complexe de logements abordables en cohabitat à Montréal.

Le concept du cohabitat, c’est de partager l’espace avec ses voisins afin de créer un sens de la communauté. «Ce sont des logements complets plus petits, pour que les superficies soient rapportées aux espaces communs», explique la chargée de projet Lucy Chen. «Dans les condos, les gens ne se parlent pas, ne se connaissent pas», ajoute-t-elle. À l’inverse, la création d’espaces communs tels qu’un jardin communautaire, une cuisine collective et des espaces de détente encourage «l’entraide et le partage».

Village Urbain vise à développer un projet qui répond à plusieurs enjeux, notamment l’isolement social, qui s’est accru pendant la pandémie. Des personnes âgées, des familles d’immigrants, de jeunes professionnels; les logements rassembleraient «plein de profils différents pour créer un milieu diversifié et inclusif», estime la chargée de projet.

Selon Mme Chen, le partage encourage aussi à «réduire nos besoins matériels individuels». Le champ des possibles est vaste, tel que mettre en commun des outils dans un atelier, s’entraider pour réparer des vélos ou partager sa voiture.

Des logements abordables

Pourquoi à Lachine? Premièrement, parce que «les terrains se faisant rares, nous sommes allés chercher un terrain plus excentré, plus abordable», explique la chargée de projet. Mais aussi parce que Lachine est en phase de transition et «cherche à améliorer son réseau de transport et sa qualité de vie en général». L’objectif de l’arrondissement de changer son image de quartier industriel «nous encourage dans notre mission», affirme-t-elle.

Au-delà du partage, l’objectif du cohabitat est de rendre le logement plus abordable à long terme. Village Urbain souhaite établir une fiducie foncière qui inclut des clauses de vente pour assurer des prix abordables à la revente. «Éventuellement, ça peut répondre à la crise du logement en rendant [les unités] plus abordables», estime la chargée de projet.

Au sein de Village Urbain, environ 30 % des logements seront loués, tandis que les autres unités seront à vendre. L’organisme tient à offrir des logements locatifs «pour favoriser la mixité sociale [avec] une population diversifiée», explique Mme Chen.

Avec seulement 40 unités prévues sur la rue Notre-Dame, «la sélection pour ce projet sera un défi». Pour ce faire, l’équipe de Village Urbain «élabore une politique de sélection basée sur une charte des valeurs. Le cohabitat, ce n’est pas pour tout le monde; c’est un milieu de vie où les gens s’impliquent beaucoup», insiste-t-elle. Des activités seront organisées à l’automne pour sensibiliser des gens à la vie en cohabitat avant les réservations d’unités, qui commenceront au début de l’année 2023.

Par ailleurs, l’organisme prévoit «répliquer [son premier projet] partout au Québec». D’après Lucy Chen, un autre projet de village urbain verra peut-être le jour à Laval dans les prochaines années.

Ouin, une espèce de “gated community”, quoi.

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C’est comme la formule coopérative, ce n’est pas pour tout le monde parce qu’il y a des conditions attachées aux avantages de la formule, dont participer aux tâches dans les espaces communs et aux services à la communauté. En fait c’est l’esprit contraire des gated communities plutôt orientées vers l’individu plutôt que le collectif.

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La différence avec la coop semble tenir plus dans l’aménagement de l’édifice (espaces communs plus grands, espaces privés plus petits), le fonctionnement semble similaire en dehors de ça, dans l’implication demandée.

Le projet en question:

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Une autre différence: au sein de Village Urbain, environ 30 % des logements seront loués, tandis que les autres unités seront à vendre.

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On parle de “sélectionner” des individus, pas simplement de faire respecter un code de vie collectif. Les gated communities de même sélectionnent des individus et ont des codes de vie. Ce sont aussi des collectivités, la différence ce sont les critères de sélection.

Il y a un petit côté club privé dans tout ça.

Les projets communautaires doivent nécessairement s’assurer que les membres qui y adhéreront partageront la philosophie du projet. Autrement on ouvrirait la porte à des conflits comme on en voit notamment souvent dans les syndicats de propriétaires de condos. Ici on recherche un profil de participants similaire à celui des coopératives, où la pensée collectiviste est un mode de vie.

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Je me demande en vertu de quoi on pourrait refuser de louer un logement à quelqu’un pour des motifs fondés sur des “valeurs”.

J’imagine un proprio de plex choisir ses locataires comme ça, en se basant sur “ses valeurs”. Oh je sais bien que ça fait mais bon, en principe c’est illégal, non?

Et que se passe-t-il si le locataire ne se comporte pas comme prévu, la communauté a le droit de l’expulser?

J’ai du mal à comprendre la différence avec n’importe quel autre arrangement de co-propriété. Ça me semble être surtout du marketing politique.

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Les coopératives sont des entités légales reconnues par les gouvernements. Tu trouveras les réponses à toutes tes questions dans les différentes pages de ce document.

Guide de l’habitation coopérative

Informations et conseils d’expert pour la création et le fonctionnement d’une coopérative au Canada.

Documents essentiels pour créer une coopérative d’habitation

Documents juridiques nécessaires pour lancer une coopérative

Processus de décisions des coopératives d’habitation

Élection des administrateurs, convocation d’assemblées, décisions et résolution des conflits.

Processus d’admission de nouveaux membres d’une coopérative

Directives et conseils sur les politiques d’adhésion et les listes d’attente des coopératives.

Obligations des membres envers la coopérative d’habitation

Droits et contrats d’occupation et autres obligations importantes des membres d’une coopérative.

Obligations de la coopérative envers ses membres

Obligations juridiques de la coopérative et processus de dépôt de plainte par un membre.

Lois applicables aux coopératives d’habitation

Lois, principes et règlements concernant les coopératives d’habitation au Canada.

Percevoir les sommes dues par un membre d’une coopérative

Gestion des arriérés et étapes à suivre par la coopérative quand un membre doit de l’argent.

Expulser le membre d’une coopérative d’habitation

Règlements, principes et procédures pour mettre fin à l’adhésion d’un membre.

Règlements provinciaux/territoriaux sur les coopératives

Règles de fonctionnement d’une coopérative d’habitation selon la province ou le territoire.

Vous vivez actuellement dans une coopérative d’habitation, vous participez à son fonctionnement ou vous avez envie de le faire? Ce guide vous permettra de vous familiariser avec les 3 principaux types de lois qui régissent la plupart des coopératives au Canada. Il vous donnera aussi un aperçu détaillé des droits et responsabilités des membres et des administrateurs des coopératives.

Qu’est-ce qu’une coopérative?

Les coopératives d’habitation se présentent sous diverses formes. Certaines sont composées de maisons en rangée ou de quelques logements dans un petit immeuble. D’autres sont de grands immeubles qui comprennent des centaines d’appartements.

Les coopératives se distinguent des logements locatifs privés puisque ce sont les résidents qui prennent les décisions sur le fonctionnement de la coopérative. Chaque membre a le droit de voter pour l’approbation du budget annuel, l’élection des administrateurs et la mise en place de politiques sur l’orientation générale de la coopérative.

Étant donné que les coopératives appartiennent aux membres et sont dirigées par eux, elles offrent de nombreux avantages :

  • Abordabilité. Les frais mensuels d’habitation sont fixés par les membres pour couvrir les coûts de fonctionnement de la coopérative.
  • Sécurité. Le droit de chaque membre d’habiter dans la coopérative est protégé tant qu’il respecte le règlement de la coopérative.
  • Communauté. Il y a un fort sentiment d’appartenance parce que les membres participent activement à tous les aspects relatifs au fonctionnement de la coopérative.
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Quelques exemples concrets : il y a cette série documentaire sur le site de TV5/Unis sur les cohabitats

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Je m’en connais pas plus qu’un autre mais je pense pas que ca soit illégal.

Selon le site de logement Québec:
Il est interdit de discriminer sur la base de la race, le sexe, la couleur, l’indentité de genre, l’orientation sexuelle, la grossesse, l’état civil, l’age, la religion, la conviction politique, la langue, etnicité, la condition sociale ou l’handicap.

Ensuite si certaines responsabilités sont explicitement dictées au moment de signer le bail et que le locataire ne respecte pas ces responsabilités, il est possible d’expulser un locataire. Il a certaines limites sur les responsabilités imposées et sur le processus d’expulsion, mais ca dépand beaucoup d’une coop à une autre. Le quatrième lien posté par acpn décrit en profondeur les conditions et les limites imposées.

C’est l’idée de sélectionner basé sur des “valeurs” qui semble hasardeux. Un test? Des impressions? La candidate a hésité avant de répondre si elle était prête à partager sa voiture sur demande? REFUSÉE.

Tout le monde peut réussir l’entrevue. Moi, individualiste?!? Voyons donc! Je suis le premier à aider mes voisins et à ramasser leur courrier lorsqu’ils sont partis. C’est très soft.

Mais une fois admis, très difficile de l’expulser. Les références ci-haut le disent, ça prend des motifs sérieux, certainement pas frivoles et qu’un juge accepterait. Ça ne peut pas juste être une question de règlements non respectés, comme de ne pas composter ses déchets de table, de refuser de participer à la corvée de ramassage de feuilles mortes (ou d’avoir été simplement absent) ou de ne pas vouloir nourrir le chat du voisin parti pour la semaine.

On peut habiller cela comme on veut ça reste un arrangement type condo avec plus de pression sociale et tout ce qui vient avec.

Et l’idée de discriminer sur des “valeurs” reste un peu épeurant.

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Pourtant ça se fait dans tous les milieux depuis toujours, pauvres ou riches. Ne dit-on pas qui s’assemblent se ressemblent? Allons-nous interdire les clubs privés pour autant ou tout autre type d’associations?

La formule coopérative existe depuis des décennies et a rendu d’immenses services à des gens qui avaient besoin de ce type de logements pour assurer leur sécurité financière et briser leur isolement, ou tout simplement parce qu’ils sont plus sensibles à la vie collective. D’ailleurs c’est cette formule qui a sauvé de la démolition les logements de Milton-Parc dans les années 70, permettant aux occupants de garantir la pérennité de leur résidence au centre-ville.

Il n’y a pas de formule parfaite, entendons-nous. C’est pour cela qu’il est bien d’avoir différentes options en accord avec ses propres priorités. Les gens plus individualistes ne seront pas attirés par ce genre de cohabitation, ce qui n’en fait pas de moins bonnes personnes pour autant. Le condos a aussi ses problèmes de gestion et de cohabitation qui peuvent en décourager plusieurs, dans ce cas la maison individuelle peut s’avérer la meilleure solution.

Quoi qu’il en soit je connais plusieurs personnes qui profitent depuis des années des avantages d’une coopérative de logements et qui ne changeraient pour rien au monde pour une autre formule d’habitation. À noter qu’une coopérative n’est pas du logement social à proprement parler. Chacun paie en fonction de son revenu, il y a donc des disparités financières qui favorisent justement la mixité sociale.

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Bien sûr la discrimination se pratique dans le quotidien mais essayer de la codifier c’est singulier.

L’usage du mot “valeur” me semble malheureux pour désigner au fond la recherche d’un “vivre ensemble” harmonieux.

“Qui se ressemble s’assemble” n’est pas un peu le rejet d’une mixité?

L’important c’est que ça marche. Quand ça marche plus c’est moins drôle malgré tout les bons principes.

Je considère avoir apporté tout l’éclairage possible sur la formule coopérative. Maintenant libre à chacun d’en tirer ses propres conclusions. Quant aux valeurs elles sont tout aussi variées qu’il y a d’individus et évoluent généralement tout au long de la vie, en fonction de nos propres expériences.

Sur ces mots bonne journée à tous, je pars pour une randonnée dans le sentier des Caps pour poursuivre mon Défi des 5 Sommets 2022 dans Charlevoix.

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Vidéo → Le cohabitat fait des petits au Québec malgré les obstacles

Le cohabitat fait des petits au Québec malgré les obstacles

Sébastien Tanguay
à Neuville
3 avril 2023
Société

Une rébellion douce s’organise lentement dans le monde de l’habitation contre la spéculation immobilière et l’atomisation des communautés. Le cohabitat repose sur un constat simple : tout le monde partage le même besoin de se loger, mais chacun le comble, bien souvent, seul de son côté. Ce modèle refuse cette fatalité et estime, au contraire, que l’union fait la force en matière d’habitation.

Dans cette « troisième voie » qui a germé au Danemark il y a 60 ans avant de rapidement essaimer en Europe, chaque ménage possède sa résidence privée, mais tous jouissent aussi d’espaces communs, qui favorisent la rencontre. Contrairement à la copropriété traditionnelle, le cohabitat encourage la collectivisation des biens et des tâches dans le but de créer des voisinages solidaires, unis autour d’un environnement auquel toute la communauté contribue de plein gré.

La loi française définit le cohabitat comme « un regroupement de ménages mutualisant ses ressources pour concevoir, réaliser et financer ensemble leur logement, au sein d’un bâtiment collectif ».

Le pionnier en la matière, baptisé Cohabitat Québec, a pris naissance dans la capitale nationale en 2013. Il regroupe aujourd’hui 42 ménages dans ce que le maire Régis Labeaume avait décrit avec enthousiasme, à l’époque, comme « la quintessence de la mixité sociale ».

Un domaine pour le prix d’un bungalow

Le deuxième cohabitat de la province voit tranquillement le jour à Neuville, un village rural situé un peu à l’ouest de Québec. Pour le moment, 10 ménages y habitent, bientôt complétés par un 11e et un 12e, attendus dans les prochains mois.

À Cohabitat Neuville, chacun est propriétaire de sa maison et d’un terrain d’à peine trois mètres qui l’entoure. Au-delà de cette petite parcelle privée commence l’espace collectif, soit un immense domaine surplombant le fleuve avec, au centre, une maison patrimoniale faisant office de salle commune avec sa grande tablée près du foyer pour les repas partagés. En prime, le terrain dispose aussi d’une forêt, d’un verger et d’une érablière commerciale, qui dégage encore les arômes sucrés du printemps dernier.

Seul, aucun ménage n’aurait pu s’offrir cette terre idyllique. Ensemble, toutefois, l’inatteignable devenait accessible : chacun a fait l’acquisition d’une partie du domaine pour 120 000 $ avant d’y bâtir sa maison. Chaque propriétaire a déboursé, en tout et pour tout, entre 300 000 $ et 400 000 $ pour s’implanter au domaine.

« Nous avons vérifié : c’est à peu près ce que ça coûte pour acheter un bungalow avec une petite cour dans la région », explique Jean Nolet, instigateur du projet avec sa conjointe, Hélène Filteau. Mettre le pied à Cohabitat Neuville, c’est un peu le poser, aussi, dans le rêve que cette travailleuse sociale de formation a longtemps caressé : vivre une vie moins consumériste, où l’entraide et la bienveillance prendraient le pas sur le chacun pour soi.

« Nous vivons dans des villes où nous connaissons à peine nos voisins, où tout le monde entend la tondeuse de tout le monde parce que tout le monde a sa propre tondeuse, déplore-t-elle. Nous, nous voulions sortir de l’individualisme pour retrouver un peu l’esprit de village qui encourageait, autrefois, la vie de communauté. »

Cohabitat Neuville compte présentement 30 personnes, soit 22 adultes et 8 enfants. Un groupe s’occupe du jardin, l’autre d’amuser les plus jeunes. Si quelqu’un préfère déneiger, un autre s’affaire plutôt à mijoter des repas pour le voisinage. Le lieu incarne la devise rendue célèbre par le romancier Alexandre Dumas : « un pour tous et tous pour un ».

La communauté se gouverne en sociocratie, un modèle où « il n’y a pas une seule personne qui dirige, explique Daniela Moisa, professeure à l’UQAR spécialisée dans les modes d’habitation alternatifs, mais où tout le monde a un rôle égal dans la prise de décision ».

Les enfants, dans cet environnement partagé, ne pourraient pas demander mieux, selon Hélène Filteau. Entre les copains qui se trouvent à la porte d’à côté, la vingtaine d’adultes qui veillent sur eux et leur immense terrain de jeu, l’ennui, poursuit-elle, trouve difficilement son chemin dans leur enfance.

Chaque propriétaire accepte aussi de se soumettre à des règles précises qui fixeront le prix de vente de sa résidence au moment de son départ. Le but : modérer la spéculation et favoriser l’ancrage à long terme au sein du groupe.

Vents contraires

Au Danemark, plus de 50 000 personnes vivent aujourd’hui en cohabitat, soit environ 1,5 % de la population. Aux États-Unis, 165 modèles du genre ont pris racine, et 140 autres sont dans les cartons. Le Québec, pour le moment, en compte seulement deux.

L’établissement de cohabitat se révèle encore complexe ici. Ce modèle d’habitation effraie les institutions bancaires : seule la caisse d’économie solidaire accepte, pour le moment, de les financer. Tout projet de cohabitat exige aussi d’amasser une somme importante pour acquérir un terrain. Dans le cas de Cohabitat Neuville, Jean Nolet et Hélène Filteau ont dû investir les économies d’une vie pour acheter le terrain dans l’espoir que d’autres ménages viendraient, à leur tour, contribuer.

« Financer un projet étrange comme celui-là, ça ne va pas de soi, explique Jean Nolet, parce que ça ne coche aucune case. » C’était d’ailleurs la croix et la bannière pour dénicher une assurance. Il l’admet lui-même : sans son carnet de contacts bien garni, il n’aurait sans doute jamais pu trouver.

Ailleurs dans le monde, explique Gabrielle Anctil, autrice de Loger à la même adresse, un ouvrage publié ce mois-ci sur les formes d’habitation collectives en émergence au Québec, les autorités dépoussièrent pourtant leur cadre réglementaire pour encourager la multiplication des cohabitats.

« Au Danemark, en Allemagne, en France ou en Belgique, par exemple, les gouvernements facilitent l’implantation de ce type de logements. Les banques perçoivent aussi les cohabitats comme un avantage, puisque les gens paient leur propriété avant même la première pelletée de terre. »

Au Québec, le gouvernement ne prévoit aucune aide pour favoriser l’émergence de ce modèle, qui répond pourtant de façon efficace à plusieurs problèmes contemporains, comme la solitude ou l’envolée des prix de l’immobilier.

« La mise en commun des ressources fait aussi économiser beaucoup d’argent, ajoute Gabrielle Anctil, elle-même résidente, depuis près de 15 ans, d’une habitation collective à Montréal. Autrefois, l’entraide faisait des miracles : maintenant, il faut payer pour l’aide aux devoirs, payer pour la garde des enfants, payer pour s’offrir un plombier, etc. La famille nucléaire qui réussit, c’est celle qui est bien nantie, celle qui peut se payer les services que la communauté offrait, autrefois, gratuitement. »

Le mouvement gagne lentement du terrain au Québec. À Frelighsburg, le Nidazo prend forme. À Montréal, la construction d’un premier cohabitat doit débuter cet été à Lachine. C’est l’organisme Village urbain qui porte le projet et, déjà, il rêve d’en constituer un autre dans la couronne nord de Montréal.

« Nous n’avons pas le choix de penser notre habitation de façon plus collective, croit Estelle Le Roux, la directrice générale de cet OBNL, dont la mission est de systématiser le cohabitat. Les municipalités ont clairement un rôle à jouer pour faciliter l’acquisition de terrain. Si nous avions un accès privilégié au foncier, ça ferait toute une différence pour nous, parce que nous ne pouvons pas concurrencer le privé à armes égales . »

L’essor du cohabitat fait toutefois face à un obstacle de taille : l’ignorance des autorités à son égard. « J’étais au sommet de l’habitation en septembre et je n’ai vu aucune présentation sur le cohabitat, souligne Daniela Moisa. C’était très parlant : la majorité des gens était des investisseurs privés, ceux-là mêmes qui perpétuent la spéculation immobilière qui touche beaucoup, beaucoup le Québec. »

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La Presse a publié un texte sur le livre de Gabrielle Anctil

Et si la colocation, c’était pour vous aussi ?


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Anaïs, Maxe et Mariane discutent de leur mode de vie avec Rose-Aimée.

ROSE-AIMÉE AUTOMNE T. MORIN
COLLABORATION SPÉCIALE
Publié le 19 mars

« Avez-vous déjà rêvé de vivre un jour avec vos ami·es, dans un immeuble où vous auriez chacun·e votre appartement ? Vous rêvez peut-être de souper ensemble une fois par semaine, d’avoir une grande cour où pourraient s’amuser les enfants que tout le monde participerait à surveiller. […] Je suis heureuse de vous l’apprendre : vous rêvez de vivre en communauté intentionnelle. »

Gabrielle Anctil sait rendre son mode de vie attirant ! Cet extrait est tiré de son essai, Loger à la même adresse, paru le 15 mars aux éditions XYZ. La journaliste y aborde les joies et défis d’habiter avec de nombreuses personnes… Mais on est loin des clichés de colocation étudiante, ici. Gabrielle et ses sept colocs partagent tout de manière équitable : l’espace, les comptes, la nourriture, les objets, comme les décisions.

Vivre en communauté intentionnelle, c’est choisir de s’entourer de gens avec qui on partage des valeurs, mais aussi des ressources. Ce mode de vie différent est un contrepoids à la précarité financière, à l’isolement, à la crise climatique et au difficile accès au logement qui caractérisent notre époque, estime Gabrielle Anctil… Plus encore, il serait agréable !


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Un souper de colocs à la Cafétéria : Gabrielle Anctil, au bout de la table, et Claudelle, qui apprécie dans ce modèle la possibilité de construire quelque chose à plusieurs

Concrètement, les huit adultes de 28 à 36 ans habitent dans cinq appartements voisins qui forment « la Cafétéria ». Chacune des unités a des airs collectifs – chambre d’amis, gym ou salle de lavage, par exemple. L’appartement au rez-de-chaussée du plex dans lequel se déploie la majorité de la Cafétéria comprend un grand salon et une cuisine commune.

C’est là que j’ai retrouvé Gabrielle et quatre de ses colocataires pour un de leurs soupers de groupe. Deux fois par semaine, deux personnes ont la tâche de nourrir toutes les autres (lunchs du lendemain inclus). La charge mentale et ménagère s’en trouve répartie sur toutes les épaules. Le rêve ! (Mais bon, devoir laver des chaudrons format XL dans un évier de taille ordinaire, ça, c’est un peu moins le rêve…)

Ce mardi-là, Maxe et Claudelle avaient préparé des bols de riz au tofu magique. J’en ai profité pour me régaler et pour tenter de comprendre à qui s’adresse ce mode de vie…


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Maxe loge à la Cafétéria depuis cinq ans et Mariane, depuis une décennie.

« Beaucoup de gens croient que ce n’est pas pour eux, mais les sacrifices que ça prend sont moins grands qu’ils le pensent », répond d’emblée Gabrielle Anctil, qui a cofondé la Cafétéria et qui y réside depuis 14 ans. « Mais c’est vrai que ça demande beaucoup d’apprentissages, surtout des apprentissages d’intelligence émotionnelle. Ça exige d’être explicite par rapport à ce que tu as envie de faire et on n’est pas toujours très bons là-dedans… »

Il faut savoir non seulement exprimer ses besoins, mais aussi se remettre en question quand on empiète sur ceux des autres.

Des fois, on se fait dire qu’on a fait quelque chose tout croche et on doit l’accepter. Ce n’est vraiment pas facile, mais c’est une compétence essentielle que tout le monde devrait développer, à mon avis.

— Gabrielle Anctil, cofondatrice de la Cafétéria et qui y réside depuis 14 ans

On devine que vivre en communauté intentionnelle exige une certaine maturité et beaucoup de flexibilité.

« On a un peu moins de droit de regard sur la déco ou sur ce qui traîne, admet Maxe, qui loge à la Cafétéria depuis cinq ans… Il y a des compromis à faire, mais ça t’apporte plus que ce que tu peux penser. Il y a tout un réseau qui se construit autour de toi ! »

Justement, est-ce qu’habiter avec autant de gens ne gruge pas l’énergie ? Anaïs, locataire depuis quatre ans, me corrige. Pour elle, vivre en communauté intentionnelle est la parfaite stratégie pour créer des relations : « Je suis très introvertie et je passe beaucoup de temps chez moi… Si je veux rencontrer des gens, le mieux, c’est que les gens soient chez moi ! »


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Gabrielle Anctil publie le livre Loger à la même adresse.

Dans Loger à la même adresse, Gabrielle Anctil cite d’ailleurs des recherches qui démontrent que ce mode de vie sied particulièrement bien aux introvertis ! En la lisant, on comprend qu’il est aussi une option intéressante pour les écoanxieux. Je la cite : « […] plus de 80 % de la population canadienne vit en ville [Statistique Canada, 2018]. Pour faire face aux problèmes de l’avenir, il faut repenser notre manière de partager cet espace restreint, sans contribuer à l’étalement urbain. »

Elle poursuit en expliquant que la Cafétéria utilise deux machines à laver pour cinq logements ; qu’il y a ici des gens qui savent à peu près tout réparer (vélo comme petits électros) ; et que la nourriture est achetée en vrac, ce qui réduit les emballages… Alors que les maisons sont toujours plus grandes, sa gang opte pour une manière de vivre qui lutte contre les défis auxquels on fait collectivement face.

Normal, donc, que l’idée fasse de plus en plus jaser… Pourtant, elle est loin d’être neuve, comme le souligne Gabrielle Anctil dans son essai. Bien avant les hippies ou les communautés religieuses, des gens se sont regroupés pour vivre selon leurs propres idéaux.

En fait, la première communauté intentionnelle connue dans le monde occidental remonterait à 525 avant notre ère ! Alors, comment expliquer qu’on associe seulement ce mode de vie aux étudiants, aujourd’hui ?

Les colocataires s’enflamment en entendant ma question. La pression de la monogamie, l’idéal de la famille nucléaire et les chemins tracés d’avance qui nous mènent directement vers le quotidien à deux sont tous cités comme coupables…

Ça prend du culot pour choisir une autre voie, mais pour le groupe, ça se révèle payant.

« Je suis habituée de vivre dans de grosses colocations, mais il y a quelque chose de plus ici, me dit Claudelle. Une volonté de vivre et de construire quelque chose ensemble. »

Parlant de l’attention qui est portée aux autres, le prix de la meilleure réplique du souper revient à Mariane, qui vit à la Cafétéria depuis une décennie : « On aime dire que c’est comme si on était en relation polyamoureuse avec tous les gens de la Cafétéria ! »

Charmant – et important –, tout ça.

Loger à la même adresse – Conjuguer nos forces face à la crise du logement, l’isolement et la pauvreté

Loger à la même adresse – Conjuguer nos forces face à la crise du logement, l’isolement et la pauvreté

Gabrielle Anctil
XYZ
192 pages

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Le potentiel coopératif comme solution à la crise du logement

Photo: Fédération de l’habitation coopérative du Québec Coopérative d’habitation Émile Nelligan

Le directeur général de la Fédération de l’habitation coopérative du Québec, Patrick Préville, n’hésite pas à s’exprimer publiquement au nom de ses membres pour mieux faire connaître l’important projet de société que propose le mouvement coopératif dans le but de transformer le secteur de l’habitation. Entretien avec un leader bienveillant qui veut faire changer les choses.

Au Québec, le secteur de l’habitation traverse à l’heure actuelle une crise sans précédent, et de plus en plus de voix réclament que des solutions innovantes soient envisagées par les pouvoirs publics, notamment en ce qui concerne l’habitation coopérative.

« Il est grand temps que le gouvernement reconnaisse que 5 % de logements communautaires au Québec, ce n’est pas suffisant, affirme Patrick Préville, directeur général de la Fédération de l’habitation coopérative du Québec (FHCQ). Pourquoi ne pas viser 20 % et favoriser l’accès à plus de logements réellement abordables et accessibles ? Si on est prêt à dépenser 7, 8 ou 10 milliards de dollars pour une infrastructure routière, il me semble qu’on pourrait aussi investir dans l’habitation coopérative et ainsi soutenir un secteur névralgique de notre économie. Je suis convaincu que le retour sur ces investissements serait à la fois rapide et très positif pour notre société. »

Il ajoute que la FHCQ, loin de baisser les bras, ne se contente pas de revendiquer un soutien gouvernemental. « Nous sommes ambitieux et en constante recherche de solutions. Ainsi, nous travaillons présentement avec le Centre de transformation du logement communautaire pour mettre sur pied un grand projet de mutualisation des actifs immobiliers de nos membres. Notre fédération, dont l’actif est d’un peu plus de 1 milliard de dollars, considère que d’importantes équités hypothécaires sont actuellement en dormance. Ces sommes pourraient financer de nouveaux projets et donner un nouvel élan au mouvement coopératif. »

Une chose est certaine : la FHCQ entend s’impliquer dans cet ambitieux chantier à fort potentiel, en partenariat avec les décideurs de tous les paliers gouvernementaux.

Un concept d’habitation qui a fait ses preuves

Le mouvement coopératif en habitation du Québec a pris naissance à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, et il a été porté par des citoyens désireux de développer des milieux de vie axés sur l’entraide et le bien commun. Malgré son énorme potentiel, ce projet de société ambitieux est malheureusement resté inachevé. C’est devant ce constat que la FHCQ ressent le besoin pressant de réactualiser le concept même de l’habitation coopérative, qui a fait ses preuves depuis plus de 50 ans, et d’en promouvoir la pertinence auprès des pouvoirs publics.

« Je n’aime pas cette expression parce qu’elle est galvaudée, mais il faut changer de paradigme en matière d’habitation, insiste Patrick Préville. Nous devons cesser de voir le logement comme un bien matériel pouvant générer des profits et le considérer plutôt comme l’accès à un milieu de vie épanouissant. Un milieu de vie qui permet à l’humain d’envisager l’avenir et d’élever ses enfants en toute sécurité, de vieillir en paix et de s’accomplir en tant qu’individu. Le laxisme des autorités publiques en matière de logement, leur incapacité à faire respecter la réglementation – comme on a pu le constater dernièrement à Montréal – font en sorte qu’il faut se poser de sérieuses questions en tant que société, et changer radicalement notre façon de voir et de faire en matière d’habitation. »

Penser le logement autrement

Pour le directeur général de la FHCQ, penser le logement autrement, c’est avant tout adopter des mesures collectives, réglementaires et légales. Selon lui, ces dernières sont essen­tielles et devraient permettre d’interdire aux propriétaires d’immeubles d’offrir des logements avec des chambres sans fenêtres, de réglementer de façon plus musclée les Airbnb de ce monde qui enlèvent des logements aux gens qui vivent dans les villes et de refuser que des spéculateurs fassent des rénovictions ou des flips dans nos quartiers urbains. Dans le contexte actuel de crise du logement, il faut se montrer rigoureusement ferme sur le droit au logement.

Un souhait : démontrer que tous les citoyens ont tout à gagner lorsqu’ils peuvent se loger à moindre coût. « Lorsqu’on paie moins cher pour se loger, on peut mettre de l’argent de côté et devenir plus solide économiquement. Cela permet de construire une société plus heureuse et plus fière qui, à l’instar des modèles suédois ou autrichiens, prend davantage soin de ses enfants, est moins endettée et jouit d’une meilleure santé mentale et physique. Si on était en mesure d’offrir plus de sécurité et de tranquillité d’esprit à l’ensemble des contribuables québécois et canadiens, c’est toute la société qui y gagnerait. Il est temps que les pouvoirs publics considèrent les subventions au logement abordable et au logement coopératif comme un investissement plutôt que comme une dépense », assure Patrick Préville.

Photo: Fédération de l’habitation coopérative du Québec Patrick Préville, directeur général de la Fédération de l’habitation coopérative du Québec.

En somme, les retombées du logement coopératif sont bien réelles. « Les coops représentent un levier économique et social important, puisqu’elles redonnent un pouvoir financier à leurs membres, favorisent la résilience des ménages grâce à un milieu de vie axé sur l’entraide et contribuent à former des citoyens plus engagés dans la collectivité », renchérit le directeur général de la FHCQ.

L’énorme potentiel de l’habitation coopérative

Le modèle coopératif répond aux besoins d’un nombre important de ménages québécois – familles, personnes seules, aînés – qui ont à cœur les valeurs collectives. Les coopératives d’habitation sont autogérées à 100 % par leurs membres et ouvertes à tous ; la propriété détenue par l’entité coopérative est un bien collectif, et chaque membre locataire assume une part des responsabilités de gestion. Les membres doivent prendre les bonnes décisions pour gérer efficacement les finances, l’entretien du bâtiment et la vie associative afin de veiller à ce que la propriété offre un milieu de vie sain à ses occupants et qu’elle puisse perdurer.

« Les habitations coopératives ne recherchent pas de simples locataires ; elles recherchent des membres actifs prêts à contribuer de manière concrète à la qualité de leur milieu de vie, précise Patrick Préville. Le développement de nouvelles coopératives d’habitation permet de renforcer le tissu social, voire le filet social, tout en constituant une solution pérenne à l’actuelle crise du logement. En fait, si les programmes de développement du gouvernement avaient considéré les habitations coopératives comme des entreprises d’économie sociale pouvant se développer et grandir, on ne compterait pas aujourd’hui 1 300 coops au Québec, mais peut-être 3 000, 5 000, voire 10 000. Nous aurions ainsi permis à ce modèle de se développer et d’atteindre tout son potentiel. »

Des actions concertées

En plus de vouloir changer la perception des décideurs publics à l’endroit des solutions coopératives en habitation, la FHCQ entend faire valoir le besoin de prioriser certains chantiers de construction liés au logement accessible et abordable. « Piloter un projet de société exige que les pouvoirs publics débloquent des sommes à la mesure de l’ampleur du problème, explique le directeur général. Présentement, ce sont vraiment des peanuts que l’on sert à un éléphant qui a drôlement faim. Les initiatives comme Accès-Logis, récemment remplacée par le Programme d’habitation abordable du Québec, ont permis de développer des milliers de logements coopératifs, mais un programme consacré aux coopératives d’habitation améliorerait grandement notre performance. Le gouvernement fédéral l’a compris et a mis sur pied un programme spécifique dédié au développement de nouvelles coopératives, assorti d’une enveloppe de 1,5 milliard de dollars. C’est la direction que, selon nous, le gouvernement du Québec devrait prendre. »

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Notre mission : représenter et défendre les intérêts des coopératives d’habitation, les accompagner et les soutenir pour relever le défi de l’autogestion démocratique, et contribuer à leur développement.

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