Les quartiers centraux des villes européennes sont souvent les vieilles villes et ont souvent des superficies considérables compte tenu de l’aire urbaine globale, et ont une valeur historique et une densité déjà bâtie qui limite le développement en grande hauteur au centre, sans toutefois limiter la haute densité (hauteur et densité sont deux choses distinctes). C’est pourquoi les développements en grande hauteur sont surtout réservés aux périphéries, que ce soit pour les centres financiers modernes ou les banlieues très peuplées, où on retrouve les typologies de tours et de barres, générées lors des explosions (et mouvements) démographiques qui ont suivi les grandes guerres et qui ont bénéficié de la modernité en architecture qui explique en partie leur forme urbaine.
L’histoire de l’urbanisme nord-américain est fortement en cause aussi, puisque la tradition urbanistique nord-américaine crée une ségrégation importante entre les usages et les classes sociales dans la ville, réparties géographiquement - essentiellement en privilégiant les populations riches et blanches, et en misant sur l’objectif de productivité. Cette manière de penser n’est pas étrangère à la chaîne de montage fordiste. L’apparition des banlieues pavillonnaires dortoirs y est intimement liée, ainsi que la concentration d’un centre commercial et financier où se trouvent les tours - une typologie historiquement liée, en Amérique du Nord, au bureau plutôt qu’au résidentiel. Il y a une tendance historique en Amérique du Nord à ne pas vouloir mélanger les choses et à voir la ville comme un groupement de grandes fonctions qui doivent demeurer séparées. Le discours a été largement abandonné depuis mais puisque les villes se sont bâties et développées comme ça, et que la machine est souvent très lente à adapter et à modifier en profondeur, les grilles de zonage pour ne nommer que cet exemple reflètent encore cet idéal d’uniformisation et de ségrégation.
Montréal, vu son âge, ses périodes de croissances historiques et sa taille, est plus diversifiée qu’une ville nord-américaine typique et sa zone de densité “élevée” est plus élargie. Le pavillonnaire commence “plus loin” du centre. Cependant, malgré ça, quand les projets de rénovation urbaine ont commencé à voir le jour dans les années 60 et que des “tours” ont commencé à être construites dans des quartiers “historiques” comme le Plateau, il y a eu rapidement une forte résistance locale puisque 1 - ça avait un impact sur la spéculation foncière et ça amenait des démolitions de bâtiments historiques et 2 - ça ne cadrait pas avec la forme urbaine du secteur. Quelques tours ont été faites, mais ça s’est arrêté assez vite. Les gâchis considérables de Milton Park et le Faubourg à Mlasse, pour ne nommer que ceux-là, ont également terni ce mouvement. La morosité économique qui a suivi dans les années 80 et 90 a mis un frein ultime à cette nouvelle approche de transformation de la ville.
Le PUM en révision, ainsi que le prochain PMAD et schéma d’aménagement urbain semblent cependant réouvrir la porte à cette idée qu’on pourrait, voire qu’on devrait, amener des “mini-tours” dans les quartiers existants, sous plusieurs conditions, même si ceux-ci sont déjà denses lorsque comparés à d’autres quartiers un peu plus éloignés - surtout basé sur l’argument de la proximité aux services et aux axes de transport structurant.
Je pense que sinon, pour ce qui est de la comparaison avec les métropoles sud-américaines, c’est la quantité de population et la souplesse beaucoup plus grande en termes de règles urbanistiques et architecturales qui fait une grosse différence. Buenos Aires compte 3.1M sur une superficie 2 fois plus petite que l’île de Montréal, et le Grand Buenos Aires compte 16M de personnes. On peut donc grosso modo dire que c’est une ville 4 fois plus peuplée que Montréal.