Résumé
Supermarchés Des « prix membres » trop proéminents, selon Option consommateurs
PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE
Pour éviter que les clients aient de mauvaises surprises une fois à la caisse, Option consommateurs propose que le prix courant soit indiqué de façon plus proéminente que le prix pour les membres.
Source de « confusion » et d’iniquité à l’épicerie, les « prix membres » sont beaucoup trop proéminents sur les sacs de gruau ou les barquettes de mini-concombres par rapport au prix courant, estime Option consommateurs.
Publié à 3h14 Mis à jour à 6h00
Nathaëlle Morissette La Presse
L’association qui défend les droits des consommateurs souhaite également que la réduflation, phénomène qui fait en sorte que la grosseur d’une boîte de biscuits, par exemple, diminue, mais que son prix reste intact, soit davantage connue des clients qui sillonnent les allées des supermarchés. À l’instar de la France, les détaillants d’ici devraient clairement l’indiquer sur une affichette lorsqu’un produit subit une diminution de format ou de quantité, mais qu’il conserve son prix de vente.
C’est ce que viendra notamment plaider Option consommateurs ce mercredi à Québec à l’occasion des consultations particulières et des auditions publiques sur le projet de loi 72 intitulé Loi protégeant les consommateurs contre les pratiques commerciales abusives et offrant une meilleure transparence en matière de prix et de crédit.
Déposée il y a quelques semaines par le gouvernement de François Legault, la pièce législative vise à permettre aux consommateurs, étourdis par de nombreuses dépenses, de souffler un peu et d’être mieux informés lorsque vient le temps de laisser du pourboire au restaurant, de comparer les prix en épicerie ou encore de rembourser le prêt de leur voiture. En tout, sept mesures ont été proposées.
S’il salue l’initiative du gouvernement, Alexandre Plourde, avocat pour Option consommateurs, affirme sans détour que le projet de loi manque de « mordant ». C’est également ce qui ressort du mémoire déposé par l’organisme en prévision des consultations.
« Les prix accessibles seulement pour les membres des programmes de fidélisation sont une source de confusion pour les consommateurs, a-t-il affirmé en entrevue mardi, à la veille des audiences. Souvent, ils sont affichés de façon beaucoup plus importante que le prix régulier. [Les clients] en magasin peuvent penser que c’est un produit qui est en solde. Et dans la circulaire, on utilise des couleurs un peu pour masquer le prix régulier », observe-t-il.
Pour éviter que les clients aient de mauvaises surprises une fois à la caisse, Option consommateurs propose que le prix courant soit indiqué de façon plus proéminente que le prix pour les membres. « Ça, c’est un minimum, souligne M. Plourde. C’est sûr qu’on pourrait pousser la réflexion plus loin et se demander si on devrait interdire les prix membres. »
« Or, selon ce qui est proposé actuellement dans le projet de loi [du gouvernement], le prix membres pourra toujours être affiché en caractères plus grands que le prix régulier, pourvu que sa taille ne dépasse pas de 25 % celle du prix régulier, peut-on lire dans le mémoire d’Option consommateurs. Nous craignons donc que cette mesure ne suffise pas à mettre fin à la confusion qu’apportent ces types de prix. »
Réduflation
Qualifiant la réduflation de pratique « préjudiciable », car elle augmente le coût des aliments à l’insu des consommateurs et elle rend les comparaisons de prix plus difficiles, Option consommateurs propose que le Québec emboîte le pas à la France. « Là-bas, le détaillant alimentaire a l’obligation d’apposer une affichette à côté du produit qui a subi une réduction de quantité et qui indique aussi quel est le changement de prix par unité de mesure », explique Alexandre Plourde.
Qu’en disent les détaillants ?
Du côté de l’Association des détaillants en alimentation du Québec (ADA), également appelée à se prononcer à l’occasion des consultations, on se dit « favorable » à un projet de loi visant à mieux informer les consommateurs. Elle émet toutefois plusieurs réserves concernant les nouvelles mesures d’affichage proposées à l’épicerie. Dans son projet de loi, le gouvernement souhaite que les détaillants indiquent si un aliment est taxable ou non. On demande aussi à ce que le prix à l’unité – dans le cas d’achats groupés – soit affiché clairement. Et le gouvernement souhaite que les mêmes unités de mesure soient écrites, pour les produits de même nature, mais de marques ou de formats différents. Pour l’ADA, ces nouvelles informations qui s’ajouteraient aux étiquettes risquent de semer la confusion chez les consommateurs tout en alourdissant la tâche des épiciers.
« Actuellement, une dizaine d’informations sont présentes sur une étiquette de petit format. Chaque changement a une incidence sur la compréhension de l’ensemble de l’information par le consommateur, indique le mémoire de l’ADA. En ce sens, nous suggérons à l’Office de la protection du consommateur de consulter les détaillants en alimentation indépendants, les bannières et toutes les entreprises concernées, non seulement sur le principe, mais principalement sur l’application concrète des changements proposés. »
Les « no-show »
Par ailleurs, bien que le projet de loi ne fasse pas mention des clients défaillants qui n’honorent pas leurs réservations, communément appelés « no-show », Option consommateurs a tout de même profité de l’occasion pour prendre position dans le dossier. Les restaurateurs demandent en effet depuis longtemps qu’on leur donne les coudées franches pour imposer une amende aux clients qui leur posent un lapin. Or, l’organisme de défense des droits des consommateurs s’y oppose.
Bien qu’Option consommateurs reconnaisse que les réservations non honorées puissent causer un préjudice aux restaurateurs, pénaliser le consommateur n’est pas la solution idéale, selon l’organisme. Une demande de confirmation de présence ou de la sensibilisation comptent parmi les initiatives qui pourraient être mises en place par les propriétaires de restaurants, avance Option consommateurs. « Un consommateur peut avoir des raisons tout à fait légitimes d’annuler une réservation, telles que la maladie, un accident, ou tout autre imprévu. En modifiant la loi, nous pourrions ouvrir la porte à des pratiques inéquitables envers les consommateurs, où les commerçants auraient l’occasion de surcharger des consommateurs qui ont pourtant un motif valable de ne pas honorer une réservation », peut-on lire dans le mémoire.
Les consultations qui commencent ce mercredi se poursuivront la semaine prochaine avec l’Association pour la protection des automobilistes, l’Association Restauration Québec (ARQ), l’Union des consommateurs et l’Autorité des marchés financiers.