Résumé
Grand train ira vite
Par Mylène Moisan, Le Soleil
21 septembre 2024 à 04h00

Le fédéral penchera-t-il vers le TGV? (François Gervais)
CHRONIQUE / Devant moi, Martin Imbleau, président-directeur général de VIA TGF, qui pilote depuis un an le projet de train entre Toronto et Québec: «Je suis venu en voiture ce matin. Ça en dit long.»
Parce qu’avec VIA Rail c’est trop long, justement, et pas fiable.
Tout le contraire de ce qu’il promet avec ce futur réseau ferroviaire. «Ce projet fait trois choses: c’est beaucoup, beaucoup plus de départs et d’arrivées, donc très, très, très fréquents, fiables. […] Et puis, ce qui est certain, c’est que ça va être un train rapide. Comment rapide? C’est ça qu’on est en train de finaliser avec le gouvernement.»
Le mystère plane toujours sur lequel, entre le train à grande fréquence, le TGF, ou le train à grande vitesse, le TGV, le gouvernement fédéral choisira.
On devrait le savoir avant Noël.
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Ce qu’on sait, c’est que le TGF est parti avec une grosse longueur d’avance, tellement qu’on l’a carrément mis dans le nom du bureau de projet. Sur le site du ministère des Transports, on voit que le gouvernement avait fait son lit. Mars 2022, «le gouvernement du Canada a publié des décrets autorisant et ordonnant à VIA Rail Canada Inc. (VIA) de constituer une filiale en propriété exclusive ayant pour mandat de développer et de mettre en œuvre le projet de train à grande fréquence.»
Ils ont compris que sans la vitesse, ça ne servait à rien.
«La vitesse, au début, on ne la mettait pas autant de l’avant parce que dans l’acronyme de notre nom, c’est très haut.» On va le changer? «Ben oui, il faut le changer. J’aurais voulu le faire avant parce que ce n’est pas intuitif. Tu sais, la fréquence, c’est nécessaire, mais c’est clairement insuffisant. Les clients veulent de la vitesse.»
M. Imbleau répète que tout est encore sur la table, mais le mot «rapidité» revient souvent. «On va annoncer qui est notre partenaire et le niveau d’ambition du projet d’ici la fin de l’année […] J’ai dit à la blague à quelqu’un cette semaine, je commence vraiment à compter les dodos, parce qu’à partir de la mi-septembre, la fin de l’année, ça vient vite.»
Martin Imbleau a pris les commandes de VIA TGF il y a un an. (Stéphane Lessard/Archives Le Nouvelliste)
Ce qu’on va savoir aussi avant Noël, c’est lequel des trois consortiums en lice sera choisi pour «codévelopper» avec VIA TGF le réseau de 1000 kilomètres de rails qui rejoindra sept villes, Québec, Trois-Rivières, Montréal, Laval, Peterborough, Ottawa et Toronto. Ces sept arrêts sont coulés dans le béton, tout comme le fait que tout sera électrique.
Ce qu’on ne saura pas encore, c’est l’estimation de la facture. «Quand le gouvernement aura décidé ce qu’il développe, on pourra commencer à regarder les ordres de grandeur, mais je ne m’avancerai pas sur une enveloppe plus précise. Si je fais ça aujourd’hui, je ne serai plus dans cette chaise-là dans 12 ou dans 18 mois, je vais m’être planté, c’est sûr et certain. C’est trop tôt encore.»
Quand? «Il faut se presser lentement.»
Il y a beaucoup de variables, mettons. «Combien de cycles inflationnistes on va avoir dans le développement de ce projet qui va transformer le pays, qui va passer au travers de cycles politiques, de cycles économiques et sociaux? C’est comme ça qu’un pays développe de grandes choses, en s’immunisant contre ces petites vagues-là, de le regarder vraiment sur le long terme.»
On parle de 10, 15 ans.
Et puis, selon un sondage fait en juillet pour VIA TGF, il semble qu’une majorité de Québécois et d’Ontariens ne seraient pas trop regardants sur la facture si c’est pour se payer la Cadillac des trains qui pourrait, supposons, relier Québec et Montréal en moins d’une heure et demie, Montréal-Toronto en un peu plus de trois heures. Sur les quelque 2000 personnes sondées, la moitié dans chaque province, presque 60% préfèrent un train plus vite et plus cher qu’un train moins cher et moins vite.
Plus de 90 % sont d’accord avec l’idée. «Ce qu’on nous dit, c’est que, si vous le faites, tabarouette, faites-le pour la peine. Faites-le le plus vite possible. Et ce qu’ils nous disent aussi, c’est que plus c’est vite, plus ils vont l’utiliser. […] Nos études nous disent qu’on va passer de quatre millions d’utilisateurs du train dans le corridor à 30 millions.»
Du lot, beaucoup de jeunes. Et qui dit jeune dit pas beaucoup d’argent. «Leurs attentes sont différentes de ma génération, à tous les égards. Dans le transport, leurs attentes, c’est un train électrique, rapide et pas cher pour se déplacer à l’université et au collège. Les étudiants de Trois-Rivières qui vont venir à l’Université Laval, que ça va leur prend une heure, une heure et dix, une heure et quart, c’est transformationnel pour eux.»
Il y a 700 000 étudiants le long du corridor, 300 000 juste au Québec.
Il faut présentement plus de trois heures pour prendre le train entre Québec et Montréal, parfois près de quatre, quand il n’y a pas de retards… (Gilles Gagné/Archives Le Soleil)
Martin Imbleau en est convaincu, nous sommes aux portes d’une révolution des transports. «Je suis persuadé, et les études sociologiques et démographiques la démontrent, c’est qu’avec la génération Z, il va y avoir une rupture comportementale. Il faut offrir aux générations qui nous suivent une véritable option de transport en commun rapide et abordable.»
Avec «un service aux standards européens».
Avec les récents – et moins récents - déboires de VIA Rail, qui fait parfois poireauter des passagers pendant des heures dans des wagons immobiles, ça fait rêver. Mais nous ne sommes pas au bout de nos peines, ce réseau approximatif est là pour rester, pour continuer à relier les villes qui sont actuellement desservies. «C’est un service complémentaire. Le mandat, c’est de maintenir les services actuels. Et tenter de les rendre meilleurs.»
Notez, tenter.
Martin Imbleau a été officiellement «le premier employé» de VIA TGF il y a un an, il y en a une centaine aujourd’hui. Il y en aura «entre 5 et 10» à Québec dans quelques semaines, avec l’ouverture prochaine d’un bureau. Il y aura donc, en plus du siège social de Montréal, trois bureaux, les deux autres étant à Toronto et à Ottawa.
Je n’ai pas su où sera le bureau de Québec, ce n’est pas faute d’avoir essayé.
Ce que j’ai su, c’est que la gare du Palais n’est pas une «figure imposée», le train pourrait s’arrêter ailleurs. «Il faut qu’on choisisse la gare en fonction de comment les Québécois vont se déplacer pour les 50 prochaines années, pas comment ils se sont déplacés dans les 50 dernières. On va prendre le temps de bien choisir la station.»
Je mets un mauve sur l’ouest de la ville.